De la cathédrale Notre-Dame-de-la-Seds à la chapelle du séminaire.
Le lieu de la Seds est situé en rive droite du Var, à environ un kilomètre en aval d'Entrevaux. Les vestiges de l'édifice de culte, ancienne cathédrale du diocèse de Glandèves se trouve dans le parc du centre hospitalier communal d'Entrevaux (Référence IA04002050).
Le site de la Seds correspond à la cité antique de Glanate. Selon toute vraisemblance il existait un édifice paléochrétien au centre de la cité au haut Moyen Age, l’évêché de Glandèves aurait en effet été fondé au 5e siècle. Selon J. Thirion, ce premier édifice est reconstruit au 11e siècle, et une nouvelle construction intervient à la fin du 12e siècle, c'est sans doute les vestiges de ce dernier édifice qui subsistent aujourd'hui. On ne peut en effet observer aujourd'hui qu'une abside en cul-de-four précédée d'une travée de choeur et l'amorce de la première travée de la nef.
Pour restituer, au moins dans un état tardif, l’état de cette première cathédrale nous disposons d’un dessin de 1592. L’église y est figurée en élévation : elle présente une nef unique, fortifiée de quatre échauguettes aux angles avec un clocher effilé à l’est.Détail du dessin de 1592 (?).
Le statut de cathédrale va être transféré au début du 17e siècle à la nouvelle cathédrale construite dans le village d’Entrevaux, à l’abri des murailles. Lors du premier prix-fait passé pour l’édification de cette dernière, le maçon reçoit l’autorisation d’utiliser les pierres de Notre-Dame-de-la-Seds. La tradition voudrait que la cathédrale primitive, utilisée comme carrière de pierres, ait été dès lors partiellement démolie. Cela semble cependant peu probable.
Le domaine de la Seds n’est en effet pas laissé à l’abandon corrélativement à la translation de la cathédrale, bien au contraire. En 1654, l’évêque Jean-Dominique Ithier y fait construire un palais épiscopal, « une maison de campagne, ornée d’une magnifique galerie et environnée d’un superbe parc » selon la France pontificale. Et l’ancienne cathédrale reste entretenue comme en témoignent des prix faits de travaux réalisés au cours du 17e siècle.
Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille. Détail de la feuille 194-6 : la cathédrale Notre-Dame de la Seds et l'évêché.La carte d’état-major levée par Bourcet de la Saigne donne un état de l’édifice entre 1764 et 1776 et en précise le plan : la nef se termine par une abside semi-circulaire, le clocher semble cependant avoir disparu. La cathédrale est au centre d’un quadrilatère fermé à l’est et au sud par des bâtiments (dont le palais construit en 1654) et au nord par un mur de clôture ; l’ensemble est placé dans une clôture polygonale dont subsiste aujourd’hui un portail muré. Sur la carte l’ensemble est nommé : « Palais Episcopal Séminaire ».
En fait, la destruction partielle de la cathédrale est liée à la construction du second séminaire. En 1775 en effet, Mgr Henri Hachette des Portes décide la création d’un nouveau séminaire diocésain près du palais épiscopal : ce séminaire est probablement érigé à l'emplacement de l'ancienne cathédrale de Notre-Dame dont le chœur a alors pu être utilisé comme chapelle et intégré dans le nouvel édifice.
Les procès-verbaux d’estimation des biens du clergé saisis à la Révolution nous sont particulièrement précieux : afin d’en déterminer la valeur, une liste détaillée, voire descriptive, est dressée des différentes possessions confisquées. Ainsi en 1791, il est question du « cy-devant palais épiscopal, battiments y contigus et le séminaire », le séminaire comprend bien une chapelle, et est également mentionée la célèbre galerie couverte reliant le palais à la chapelle (sans doute ce qui reste de la cathédrale) .
Sur le cadastre napoléonien de 1816, seuls subsistent deux bâtiments : une partie du palais de 1654 (toujours visible aujourd’hui), et l’abside de l’ancienne cathédrale (puis chapelle du séminaire) prolongée par un « bâtiment ruiné » comme indiqué dans les états de section, qui correspond aux vestiges du séminaire.
Les vestiges architecturaux
Vue générale depuis le sud.Ce que l’on peut voir aujourd’hui dans le parc de la Seds correspondant au chœur et à l’amorce de la première travée de la nef de la première cathédrale de l’évêché de Glandèves. L’édifice est construit en petit et moyen appareil de pierre de taille, y compris la voûte. Les sept premières assises sont en pierre de taille de grès, le reste en calcaire. Une rupture nette dans l'appareil est visible à l'extérieur : seule la partie inférieure, assisée en moyen appareil, et flanquée de colonnes adossées, pourrait être médiévale. On ne peut que souligner le soin dans la réalisation de ces colonnes engagées sur dosseret scandant le chevet et reposant sur un soubassement en chanfrein renversé surmonté de moulures. A l’ouest, un mur a été érigé à la période moderne afin de fermer la cathédrale mutilée : il se dresse à l’intersection du chœur et du départ de la première travée de la nef.
D’après les mesures prises récemment et par extrapolation, on peut déduire que la nef mesurait plus de 10 m de large. L'édifice de la fin du 12e siècle, orienté, présentait un plan à nef unique terminé par une abside semi-circulaire. Cette cathédrale est pour Jacques Thirion une construction d’ampleur et de qualité, témoignage de l’importance de la cité épiscopale au Moyen Age : « la cathédrale de Glandèves est un jalon méconnu mais important de l’architecture romane dans le sud-est ».
Détail, choeur : décor peint.Le chœur est constitué d’une abside voûtée en cul-de-four précédée d’une travée voûté en berceau. Une corniche en quart de rond court à la naissance de la voûte et s'appuie, à l’intersection de la nef et du chœur, sur des chapiteaux tronconiques à feuilles d’eau. Ces mêmes chapiteaux reçoivent l’arc doubleau et couronnent des colonnes adossées. Les murs sud et nord possèdent une ouverture rectangulaire aujourd’hui murée, sur la façade extérieure méridionale, la trace de cette ouverture est bien lisible. De même, la baie axiale, visiblement murée de l’extérieur, est aujourd’hui remplacée dans le chœur par une niche ; de part et d’autre se trouvent deux baies en plein cintre.
Les murs intérieurs reçoivent un enduit avec décor peint, très lacunaire, entourant la niche axiale et la surmontant. Il s’agit d’un décor architecturé en trompe-l’œil, peint faux-marbre dont les motifs ornementaux d’enroulement de feuilles d’acanthes et de cartouches rocailles pourraient permettre de proposer une datation à la deuxième moitié du 18e siècle. Ce décor pourrait ainsi être contemporain de la construction du séminaire et de l’aménagement des vestiges de la cathédrale en chapelle à partir de 1775.
Conservateur du patrimoine en poste au Service régional de l'Inventaire à la DRAC de Poitiers de 2002 à 2005, puis au Service de l'Inventaire de la DRAC d'Aix-en-Provence. En poste au Service de l'Inventaire et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d'azur depuis 2008.