I. Contexte de l'enquête
Le repérage
Ce dossier concerne les entrepôts agricoles de la commune de Castellane (anciennes communes de Castellane, Castillon, Chasteuil, Eoulx, Robion, Taloire, Taulanne et Villars-Brandis).
Le terme "entrepôt agricole" correspond aux édifices destinés à stocker des denrées agricoles (foin notamment) ou de l'outillage (remise). Souvent, ils comprennent également une partie destinée au bétail (étable, bergerie, écurie…) ou à l'homme (logis saisonnier).
Ne sont pas concernées ici les dépendances des fermes (voir dossier collectif fermes).
Les conditions de l'enquête
Le repérage des entrepôts agricoles sur la commune de Castellane a été effectué pendant l'été 2007. Le recensement s'est fait à partir du cadastre le plus récent disponible, édition mise à jour pour 1983. Le plan cadastral dit "napoléonien", levé en 1834 et 1835, a servi de point de repère et de comparaison pour les bâtiments antérieurs à cette date.
Toutes les constructions portées sur le cadastre actuel ont été vues, au moins de l'extérieur.
Le repérage a été effectué à l'aide d'une grille de description morphologique propre aux entrepôts agricoles et décrivant :
- la ou les fonction(s) visible(s) du bâtiment, niveaux par niveaux,
- la mitoyenneté,
- les accès,
- les matériaux principaux et secondaires et leur mise en œuvre,
- la forme du toit, la nature de la charpente, de la couverture et de l'avant-toit,
- le nombre d'étages visibles,
- la description des élévations et des baies,
- les aménagements intérieurs (cloisons notamment…)
- les inscriptions historiques : dates portées, inscriptions…
Cette grille de repérage a donné lieu à l'alimentation d'une base de données destinée à faire un traitement statistique et cartographique.
Le repérage est toujours confronté à la question de l'état du bâti. Ainsi, ont été repérés les bâtiments ayant subi quelques modifications de détail n'affectant pas leur lecture architecturale. Les bâtiments ruinés mais dont le parti pris architectural d'origine restait lisible ont également été repérés. En revanche, les bâtiments ayant subi des transformations majeures rendant illisibles leurs caractères architecturaux n'ont pas été retenus. Les bâtiments non retenus sont principalement ceux qui ont été très remaniés à une période récente, selon des normes de construction, des matériaux et un vocabulaire architectural très éloignés de ceux de l'architecture locale : élévations entièrement repercées de grandes ouvertures rectangulaires masquant les baies anciennes, utilisation de matériaux récents rendant illisible le parti d'origine, restructuration intérieure totale ou profonde…
II. Caractères morphologiques
168 entrepôts agricoles ont été repérés.
Implantation et composition d'ensemble
Il existe des entrepôts agricoles agglomérés à d'autres constructions et des entrepôts agricoles isolés.
Il faut garder à l'esprit que la majorité des maisons de village comporte une ou plusieurs parties agricoles. Cependant, on trouve souvent un quartier d'entrepôts agricoles à l'entrée des villages et des écarts, regroupé en îlots de bâtiments mitoyens. Dans les villages, on trouve également quelques autres entrepôts agricoles dispersés dans les îlots de maisons. Ces bâtiments sont généralement des blocs en hauteur de deux à quatre niveaux, souvent adossés à la pente. Les accès sont majoritairement aménagés dans les murs gouttereaux et les toits sont à un pan ou à longs pans.Plan de la Palud, entrepôt isolé. Parcelle E5 1375.De nombreux entrepôts agricoles isolés sont dispersés dans les zones agricoles. Dans les zones de culture en terrasse, ces bâtiments sont le plus souvent adossés à la pente. Ce sont des blocs en hauteurs qui comportent de un à trois niveaux. Les accès se font généralement par les murs gouttereaux, le toit est plus souvent à un pan. Cependant, il existe une variante (qui est surtout répandue dans les zones viticoles ou maraîchères autours de Castellane : Angles, le Serre, la Lagne, Plan de la Palud, Plan des Listes…) où la façade principale est en pignon et le toit est à longs pans.
Matériaux et mise en œuvre
Aco de Brun. Mise en oeuvre de moellons avec enduit à inclusions.Les bâtiments sont construits en moellons calcaires non ou peu équarris, avec un usage local du tuf ou du grès (à Taulanne et à Sionne). Les moellons sont liés entre eux par un mortier de gypse et de sable, parfois complété de chaux. Les angles sont renforcés par des moellons plus gros, mieux équarris, rarement par des chaînes en pierre de taille. Les enduits anciens à la chaux conservés sont principalement à pierre-vue ou rustiques ; la variante à façade-pignon possède parfois un enduit lissé avec décors peints de faux encadrements. Un bon nombre de bâtiments isolés présentent des élévations non enduites. Quelques entrepôts du sud-est de la commune possèdent des enduits à inclusions (petites pierres ajoutées dans les joints frais de la maçonnerie).
Les encadrements de baies (portes et fenêtres) sont soit bruts de maçonnerie, soit en maçonnerie lissée au mortier de gypse (rosé) et portant feuillure. Le linteau en bois. Les baies sont généralement occultées par des contrevents en bois plein à trois planches horizontalités, plus rarement par des contrevents à persiennes.
Les pièces possèdent généralement des planchers rustiques sur solives. Le sol de certains grands fenils est parfois constitué d'une chape de mortier chaux ou de gypse posé sur ce même plancher rustique. Le sol du premier niveau est souvent en terre battue. Quelques cas de couvrements voûtés ont été relevés, il s'agit de voûtes en berceau segmentaire, en berceau plein-cintre ou en voûte d'arêtes. Les murs ne sont pas enduits ou reçoivent un enduit rustique.
Les cloisons intérieures sont rares, elles sont réalisées principalement en maçonnerie légère et pans de bois. Les matériaux de cette maçonnerie légère peuvent être divers : petites pierres, lauzes sur chant, briques pleines ou creuses, blocs de béton de chaux moulés, tressage de cannes de Provence fendues, etc.
Les baies fenières sont aménagées indifféremment sur l'élévation principale, sur une autre élévation ou sur plusieurs élévations à la fois.
Dans le cas d'entrepôt agricole à logis saisonnier, le sol de la pièce d'habitation est en carreaux de terre cuite ou en tomettes hexagonales. Les murs et les cloisons (parfois le plafond) reçoivent un enduit lisse. Une cheminée est souvent adossée (ou à demi-engagé) à un mur, elle est parfois flanquée d'un placard mural. Une fenêtre à châssis vitré est percée dans un mur.
Structure, élévation, distribution
Le Clauvas, parcelle 168A2 394. Entrepôt en étage de soubassement à toit à un seul pan.Les entrepôts agricoles ont de un à quatre niveaux d'élévation. La plupart possèdent un à deux niveaux (respectivement 31,5 % et 43,5 % du corpus), 24 % possèdent trois niveaux et quelques bâtiments de village possèdent quatre niveaux.
Du fait de la pente, la présence d'un ou deux étages de soubassement est très fréquente (5 % avec deux étages de soubassement, 63 % avec un étage de soubassement, 32 % sans étage de soubassement). Si les trois-quarts des entrepôts comportent un rez-de-chaussée, un comble ou un étage carré, en plus de l'étage de soubassement, il faut néanmoins noter qu'un quart possède uniquement un étage de soubassement.
Couverture
Sur l'actuelle commune de Castellane, les entrepôts agricoles se partagent deux formes de toit, à parts presque égales : toit à un pan (48,2 % du corpus) et toit à longs pans (51,8 %). Cependant, cette parité est à nuancer selon les secteurs. Ainsi, sur les anciennes communes de Taloire et de Robion, la proportion de toit à un pan dépasse 75 %. En revanche, sur les anciennes communes de Castellane et d'Eoulx, c'est la forme à longs pans qui prédomine.
Escoulaou-est, parcelle B277. Charpente à ferme.Dans la plupart des bâtiments visités, et quelle que soit la forme du toit, les charpentes sont à pannes (panne faîtière et pannes intermédiaires, pas de panne sablière). Quelques grands bâtiments couverts d'un toit à longs pans possèdent une charpente à fermes avec entraits et poinçons.
Le traitement des avants-toits et de la saillie de rive des pignons est réalisé avec différentes techniques. Cependant, il faut rappeler que plus d'un tiers des entrepôts agricoles du corpus possède un avant-toit non significatif du fait d'une modernisation de la toiture. La dispersion statistique des techniques doit donc être comprise à titre indicatif.
Pour les avants-toits, la technique la plus simple (mais aussi la plus rare) concerne de touts petits bâtiments isolés, il s'agit du simple débord des tuiles au-dessus du mur gouttereau. La technique la plus répandue (45 % du corpus) est de faire dépasser les chevrons de toiture afin de créer une avancée de toiture. Le traitement en génoise est également présent, avec un rang (11 %) ou deux rangs (5 %) de génoises maçonnées.
Dans la majorité des cas, il n'existe pas de saillie de rive des pignons, les tuiles creuses en rive étant maçonnées sur le faîte du mur. Lorsqu'une saillie de rive de la toiture est présente (25 % du corpus), il s'agit le plus souvent d'un débord en charpente légère réalisé par la volige de couverture. On rencontre occasionnellement un traitement des rives réalisé par un (ou exceptionnellement deux) rang de génoise.
La couverture traditionnelle est la tuile creuse, parfois remplacée par de la tuile plate mécanique ou des matériaux modernes (ciment-amiante, tôle ondulée).
Typologie
1 – ENTREPOTS AGRICOLES UNIFONCTIONNELS Aco de Brun, entrpôt de type 1.2, parcelle 078C3 437.
1.1 – Entrepôt agricole uni-fonctionnel : fenil (0 % du corpus) - (0 repéré ; 0 sélectionné) - un ou deux niveaux ; fonction unique de fenil - sous-type hangar : structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
1.2 – Entrepôt agricole uni-fonctionnel : remise ou étable (31 % du corpus) -(51 repérés ; 9 sélectionnés ) - un ou deux niveaux ; fonction unique de remise ou d'étable - sous-type hangar : structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
2 – ENTREPOTS AGRICOLES MULTIFONCTIONNELS Robion, entrepôt de type 2.1, parcelle 168A2 360.
2.1 – Entrepôt agricole multi-fonctionnel : fenil sur étable (46 % du corpus) - (77 repérés ; 12 sélectionnés) - deux niveaux ou plus ; fonction double : étable + fenil
2.2 – Entrepôt agricole multi-fonctionnel : polyvalent avec fenil (14 % du corpus) - (24 repérés ; 5 sélectionnés) - deux niveaux ou plus ; fonctions multiples + fenil - sous-type hangar : possibilité d'un seul niveau ; structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
2.3 – Entrepôt agricole multi-fonctionnel : polyvalent sans fenil (9 % du corpus) - (16 repérés ; 5 sélectionnés) - un à plusieurs niveaux ; fonctions multiples + absence de fenil - sous-type hangar : possibilité d'un seul niveau ; structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
Interprétation de la classification
Les données statistiques sur l'actuelle commune de Castellane reflètent la diversité des terroirs des différentes communes qui ont été rattachées à Castellane au cours du 20e siècle.
La catégorie la mieux représentée (46 % du corpus) est celle concernant les entrepôts qui comprennent un fenil au-dessus d'une étable. La disposition "fenil sur étable" facilite le nourrissage du bétail en stabulation pendant l'hiver par l'aménagement fréquent de trappes (ou "abat-foin") dans le plancher entre le fenil et les râteliers de l'étable.
14 % d'entrepôts comprennent une ou des parties à fonctions multiples (destinées aux animaux, aux outils, aux machines, à un logis saisonnier…), situées sous un fenil. La présence d'un logis saisonnier à été repérée à de nombreuses reprises sur le territoire étudié.
Au total, 60 % des entrepôts agricoles du corpus comportent un fenil.
A contrario, les 40 % du corpus restant ne comprennent pas du tout de fenil et se partagent ainsi : 9 % de bâtiments à fonctions multiples et 31% de bâtiment à fonction unique, destinés au bétail et/ou au remisage des outils et des machines. A noter : l'absence totale de type 1.1 sur la commune.
Cependant, il faut nuancer ces statistiques par une répartition spatiale tenant compte des anciens découpages communaux.
anciennes communes | 1.1 fenil seul | 1.2 remise ou étable | 2.1 fenil sur étable | 2.2 polyvalent avec fenil | 2.3 polyvalent sans fenil
| totaux |
Castillon | 0 | 2 | 2 | 1 | 5 | |
Chasteuil | 0 | 1 | 4 | 5 | ||
Eoulx | 0 | 3 | 7 | 1 | 11 | |
Robion | 0 | 4 | 9 | 13 | ||
Taloire | 0 | 1 | 5 | 1 | 7 | |
Taulanne | 0 | 2 | 5 | 7 | ||
Villars-Brandis | 0 | 3 | 9 | 2 | 14 | |
Sous total hors Castellane | 0 | 16 | 41 | 2 | 3 | 62 |
Castellane | 0 | 35 | 36 | 24 | 13 | 108 |
totaux | 0 | 51 | 77 | 26 | 16 | 170 |
Le premier constat est celui d’une présence très nettement plus importante de ce type d’édifice sur le terroir de l’ancienne commune de Castellane : 108 individus repérés, pour 62 répartis sur le territoire des 7 autres communes.
Si le type 1.1 est absent de la totalité du territoire, on peut constater pour les autres types une disparité dans la répartition spatiale entre le terroir de l’ancienne Castellane et ceux des autres anciennes communes. Ainsi les entrepôts polyvalents (types 2.2 et 2.3) sont soit inconnus, soit représentés par un maximum de 2 individus hors de l’ancienne commune de Castellane.
Par ailleurs, à Castellane, les types 1.2 (unifonctionnel remise ou étable) et 2.1 (multifonctionnel fenil sur étable) constituent 2 groupes numériquement équivalents, alors que dans le reste de la commune c’est le type fenil sur étable qui est très largement majoritaire.
La répartition globale des types est donc plus variée et plus équilibrée sur l’ancienne commune de Castellane.