Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.
- inventaire topographique
- (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Dossier non géolocalisé
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Aires d'étudesPays Asses, Verdon, Vaïre, Var
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Adresse
- Commune : Braux
Situation
La commune de Braux occupe la moyenne vallée du Coulomp (affluent du Var), dont le cours traverse tout son territoire du nord au sud avant de s’infléchir vers l’est après son confluent avec la Vaïre. La rive occidentale, versant presque vertical de la barre des Grès d’Annot, n’est pas exploitable. Mais au dessus de l’autre rive s’étend un long plateau que protègent, à l’est, les crêtes du Clot Martin (1522 m), du Balmont (1353 m) et de la Barre (1299 m). Montueux et forestier dans sa partie nord (pitons du Castel, 1337 m, et du Rocher des Meules, 1407 m), le plateau dégage à sa pointe sud quelques zones cultivées entrecoupées de bois. Le sous-sol, formé de grès siliceux naturellement délités, fournit en abondance un matériau de construction de qualité, mais des sols arables minces et secs.
Ce handicap agricole trouve sa compensation dans la culture généralisée du châtaignier, qui couvre la majeure partie du territoire. L’inclinaison des pentes vers l’ouest et le sud et la protection des barres montagneuses assurent en outre un avantage climatique qui a permis aux habitants de cultiver quelques clos de vigne autour du village, à plus de 900 m d’altitude.
Hormis son agriculture, Braux n’a pas d’autre ressource. Les reliefs qui l’environnent l’isolent presque complètement. Une seule route carrossable, la D 111, branchée au sud sur la N 202, relie la commune à ses voisines, Annot (10 km, à l’ouest) et Saint-Benoît (13 km, à l’est).
Le territoire
Implanté au milieu du plateau, le village rassemble la majeure partie des habitats, mais un semis dense de fermes et d’entrepôts agricoles, isolés ou regroupés en écarts, couvre toute la zone cultivable et une partie de la châtaigneraie.
Terrasses agricoles au quartier du Revêt.La multiplicité des constructions tient pour une part à l’éclatement des exploitations en parcelles très dispersées, mais aussi aux facilités d’approvisionnement et de mise en œuvre des matériaux. Pas besoin ici de carrière. Le grès affleure partout, en plaques dont il est aisé de détacher, sans taille, les moellons et les lauses nécessaires. Les liants, chaux, plâtre et argile, en revanche, manquent, mais les constructeurs ont su, sinon s’en passer, du moins l’utiliser avec parcimonie pour monter leurs maçonneries en pierres plates empilées, calées avec quelques poignées de terre ou de mortier très pauvre.
Cette façon de faire, qui a perduré jusque vers le milieu du XXe siècle, a plusieurs conséquences. Les murs ainsi réalisés sont très difficiles, sinon impossibles à repercer et l’on note effectivement peu de remaniements des ouvertures.
Ils sont, en contrepartie, faciles à démonter pour en récupérer et réutiliser les composants, opération fréquemment pratiquée si l’on en juge par la comparaison des plans d’édifices fournis par les cadastres de 1831 et de 1982. Il faut donc considérer avec prudence les nombreuses dates gravées sur les moellons, dont les dates s’échelonnent du XVIe au milieu du XXe siècle. Beaucoup d’entre eux ont visiblement été déplacés et ne datent que les pierres qui les portent. Autre corollaire, les voûtes sont rares et réservées à de petits espaces.
On s’étonnera peut-être davantage de ne trouver à Braux aucune voûte en encorbellement, alors que le grès local se serait parfaitement prêté à cette technique. Les cadastres de 1633 et 1707 mentionnent une série de bâtiments – la plupart dans la campagne, mais un aux portes du village – appelés chal, variante locale du provençal casal qui a désigné successivement une habitation paysanne rudimentaire (par opposition à l’ostal ou maison, qui comportait plusieurs étages), puis une ruine. L’utilisation simultanée dans les mêmes cadastres du mot casal au sens de « bâtiment ruiné » suggère que le mot chal recouvrait une autre réalité : peut-être une cabane en pierre sèche, semblable à celle qui a été étudiée dans la commune voisine de Castellet-lès-Sausses, peut-être une construction analogue aux bories de la Provence calcaire ? La prolifération, au XVIIe siècle et probablement dès la Bas Moyen-âge, des entrepôts agricoles expliquerait à la fois l’abandon et la disparition (par récupération des matériaux) de ce type d’édifice, trop exigu pour répondre aux besoins des agriculteurs. Pour couvrir les bâtiments, la forêt environnante fournissait par ailleurs en abondance du bois d’œuvre, châtaignier, chêne, pin et même quelques pièces de mélèze sur les confins nord du territoire communal. Les matériaux de couverture provenaient des mêmes sources. Il reste encore quelques exemplaires et de très nombreux vestiges de toits en lauses, remplacées dans la 1ère moitié du XXe siècle (à partir de l’arrivée du chemin de fer) par des tuiles plates mécaniques. Les hauts pignons découverts de la plupart des bâtiments ruraux et des témoignages écrits et oraux attestent l’emploi du chaume, qui a cédé la place aux mêmes tuiles plates mécaniques.
Braux dans les textes anciens
La châtaigneraie au quartier du Clot de Milou.La première mention écrite de Braux se trouve dans une charte du cartulaire de l’abbaye de Lérins datée de 1147 dont l’un des témoins, sans doute seigneur ou châtelain du lieu, se nomme G. de Bravio . L’habitat est sans doute beaucoup plus ancien, car il perpétue un nom de type prélatin . Nous n’en savons pas plus avant l’enquête sur les droits comtaux réalisée en 1252 à la demande de Charles Ier d’Anjou. La liste des localités du diocèse de Glandèves dressée en 1232/1244 omet en effet ce village, alors qu’elle cite tous ses voisins . En 1252, le comte de Provence tient ici, comme presque partout, la haute seigneurie et perçoit les redevances habituelles, albergue, cavalcade et questes . A titre plus particulier, il possède un pré et une vigne qui faisaient partie des biens confisqués à Féraud Trimon, coseigneur pour 1/8e de Saint-Benoît. Le sobriquet donné à l’un des tenanciers, Castagna, prouve que le châtaignier poussait déjà sur ces hautes terres . Cette confiscation paraît avoir servi de prélude à l’appropriation complète des seigneuries de Saint-Benoît et de Braux par le comte de Provence, appropriation dont la date et le processus nous échappent mais dont nous constatons le résultat par les privilèges confirmés en 1352 et 1361 à Saint-Benoît seul et en 1402 aux deux localités . La dernière confirmation, outre la promesse du maintien dans le domaine royal, reconnaît aux habitants l’égalité de tous devant l’impôt, le droit de construire des moulins, la gestion de la police municipale, l’amnistie des crimes et délits du passé et la cession « de ce qui a été pris sous les murailles du lieu (Saint-Benoît et/ou Braux ?) pour la réparation des dites murailles ».
Derrière la collusion d’intérêts des deux communautés voisines, on entrevoit le rattachement de la seconde à la première depuis au moins le début du XIIIe siècle – ce qui expliquerait l’omission de Braux dans la liste de 1232/1244 –, sinon une origine commune – Saint-Benoît, écart de Braux promu durant cette période au rang de chef-lieu ? –. Les deux paroisses coexistaient en 1376, mais en 1351 seule apparaît celle de Saint-Benoît , ce qui daterait la renaissance de Braux au plus tard du 3e quart du XIVe siècle. La séparation définitive aurait eu lieu dans le courant du XVIe siècle seulement. Bien que la confirmation de 1402 mentionne les deux communautés, les procès-verbaux d’affouagement de 1263 (80 feux, environ 430 habitants), 1315 (155 feux, environ 830 habitants) et 1471 (61 feux, environ 330 habitants) les comptent ensemble , sans qu’il soit possible de distinguer ce qui revient respectivement à l’une et à l’autre. L’hypothèse ainsi posée d’un abandon, puis d’une recréation du village de Braux rendrait compte à la fois du déplacement de l’habitat de la hauteur appelée le Castel (1337 m d’altitude, à environ 1300 m au nord du village) vers le site actuel et du changement de vocable de la paroisse, primitivement dédiée à saint Chaffre. Présent dans la toponymie locale en 1633 (Adrech de St-Aufred), 1707 (Adrech de St-Teofret) et 1832 (Croix de St-Theoffret) au pied même du Castel, ce saint auvergnat du VIIIe siècle a patronné quelques rares églises des Alpes du sud (notamment à Saint-Chaffrey, près de Briançon) antérieures au XIIIe siècle. Son culte a été remis en faveur à Braux dans la seconde moitié du XVIIe siècle et son nom utilisé comme nom de baptême au XVIIIe siècle.
Après avoir conquis ou reconquis son autonomie, Braux a continué à se développer. Le premier cadastre conservé, rédigé en 1633, recense 180 propriétaires, dont 63 résident dans des localités voisines (Saint-Benoît, Annot, le Fugeret, Ubraye, Entrevaux, Daluis) et 2 ont émigré vers la côte varoise (Toulon, Hyères). Parmi les habitants, 73 possèdent une, rarement deux maisons, les autres habitent chez des parents (10 cas avérés) ou des employeurs. Le village regroupe tout l’habitat, on ne trouve en dehors que des granges (entrepôts agricoles) et le moulin. Il n’y a ni château, ni presbytère, ni maison commune. Les exploitations agricoles, comme presque partout en Provence, ont une structure éclatée en petites parcelles peu spécialisées.
Les jardins potagers à l'entrée du village.Jardins, chènevières, vignes et prés tiennent ici peu de place, mais les arbres fruitiers (châtaigniers surtout, mais aussi cerisiers, pommiers, poiriers, pruniers et sorbiers) partout présents, ne laissent aux céréales et aux légumes secs que des clairières sur les sols les moins pentus. L’importance des cultures fruitières apparaît dans le statut même des propriétés, qui sépare souvent l’arbre du sol qui le porte. Beaucoup d’habitants possèdent en effet des arbres (et même des portions d’arbres) plantés sur des terrains qui ne leur appartiennent pas et cette pratique paraît avoir perduré au moins jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Par rapport aux données de 1633, les chiffres fournis par l’affouagement de 1698 ne marquent qu’une très légère progression : 78 maisons et 78 familles, confirmés par le cadastre de 1707, qui enregistre 82 propriétaires habitants, dont 4 n’ont pas de maison. Les 58 propriétaires étrangers viennent en majorité d’Annot et de Saint-Benoît, du Fugeret, de Sausses et d’Entrevaux.
Le prieur n’est plus considéré comme un forain, probablement parce que sa maison sert de logement au curé. Si la physionomie du village reste à peu de choses près inchangées depuis 1633, la campagne s’est remplie. A côté des granges, dont le nombre a beaucoup progressé (191), on y voit 2 « bastides » (fermes) possédées par des notables d’Annot (le notaire Verdollin et le sieur André). En 1728, les commissaires affouageurs comptent encore 82 maisons, mais seulement 62 familles, et en 1765 61 maisons et 376 habitants (6,16 par maison), ce qui paraît indiquer une tendance au regroupement familial plutôt qu’un déclin démographique.
A partir du début du XIXe siècle, les recensements montrent une hausse constante de la population jusqu’en 1851, où elle culmine à 578 habitants. Au cadastre de 1831, le village est resté le même avec 81 maisons et une douzaine d’entrepôts agricoles. Mais le nombre des fermes monte à 34 et celui des entrepôts agricoles à 238, complétés par 53 fours à pain (non compris celui du village) et 119 aires à battre. Plus de 57% des édifices ruraux sont isolés, 42% sont regroupés en 38 hameaux dont les plus importants ne comptent pas plus de 15 unités et dont 12 seulement sont habités, les autres composés exclusivement d’entrepôts agricoles. En 1859, la construction du canal d’irrigation qui traverse la commune du nord au sud relance la production de la châtaigne, à laquelle le chemin de fer offre un demi-siècle plus tard de nouveaux débouchés. Ces atouts contribuent sans doute à atténuer et retarder l’exode rural, mais ne l’empêchent pas. Braux compte encore 457 habitants en 1901, mais 248 en 1962, 118 en 1999.
- (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
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Documents d'archives
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Commune de Braux. Fragments de cadastre, 1633, 1654, 1717. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : E DEP
Bibliographie
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ACHARD, Claude-François. Description historique, géographique et topographique des villes, bourgs, villages et hameaux de la Provence ancienne et moderne, du Comté-Venaissin, de la principauté d'Orange, du comté de Nice etc. Aix-en-Provence : Pierre-Joseph Calmen, 1788, 2 vol.
T.1, p. 358 -
FERAUD, Jean-Joseph-Maxime. Histoire, géographie et statistique du département des Basses-Alpes. Digne : Vial, 1861, 744 p.
p. 505 -
BARATIER, Edouard. La démographie provençale du XIIIe au XVIe siècle. Paris : S.E.V.P.E.N. , 1961, 255 p.
p. 186-187
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.
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