Visite pastorale de l'évêque de Senez, Mgr Jean Soanen
Archives départementale des Alpes-de-Haute-Provence, 2G 18, folio 418-425.
1. L’état spirituel de la paroisse est le même que dans notre dernière visite, excepté que le sr Jean-pierre Roman, vicaire, a retranché tous ses embarras d’affaires domestiques et qu’il a depuis deux ans pour secondaire le sr Pierre Coulet, prêtre d’Hyères ordonné par nous et dont on est content.Les laïques en vint-quatre hameaux ou bastides et le terroir de la Penne n’étoient cy-devant que trois cens vint communians et aujourd’huy, on nous en a assuré, trois cens soixante, qui ont fait leur devoir pascal, exceptez quelques bergers absents. Les esprits sont assez doux, mais trop négligents pour les réparations de leur église et trop ardents pour les biens de la terre, ce qui cause du tr… dans les festes, mais nous avons eu la consolation d’apprendre que les trois frères mrs de Tartonne se sont bien réunis et que les pauvres n’y soufrent point.
2. L’état extérieur de cette église sous le nom de Notre-Dame d’Entraigues est mauvais. Elle est à couvert du torrent depuis la réparation des terres du prieuré, mais l’édifice est en danger par une grande fente qui règne dans toute la voûte jusqu’à la grande porte qui menace encore plus de ruine. Le toit a des pierres trop pesantes et est d’ailleurs trop plat, ce qui cause le séjour des neiges. Le presbytère est comme en 1703. La malpropreté est un peu moindre, mais pour le reste même image de la Vierge à la porte du tabernacle, même ouverture à la voûte, même noirceur aux pilliers par les torches, pavé très mauvais, marchepied de même et tout fort obscur.
Pour vases sacrez : un calice, une patenne, un ciboire, un ostensoir, petite boite pour le saint viatique, encensoir et navette, bénitier usé, deux burettes d’étain, cruche d’étain sans bassin, une grande croix de loton pour les processions, une … pour l’autel, bonne pierre sacrée, vieux fer pour les hosties, deux chandeliers de leton, lampe et lampier à cinq branches. Pour ornemens : huit chasubles avec leurs accompagnements, la rouge de cordeillat est usée et crasseuse, la noire de camelot est déchirée par devant, comme celle de ligature rouge, celle de camelot verd est bonne, celle de cataloufe rouge est fort vieille et gâtée devant, celles de camelot violet et de camelot noir sont bonnes comme la verte de satin à fleurs. La chape de ligature est aussi bonne. Il y a trois devants d’autels, un de feuillages à plusieurs couleurs, un violet et un verd. Les linges consistent en six napes d’autel usées, six corporaux, six bourses, douse purificatoires, trois lavabos, trois aubes dont la seconde a besoin environ d’une canne de toile par le haut de même que la troisième, deux cordons et trois amits.Pour livres ; un vieux rituel, un graduel et antifonaire de Lyon, un missel de Lyon de l’an 1685 tout déchiré.
Dans la sacristie : une bonne garde-robe pour les ornemens, une armoire pour le calice mais sans serrure, un cofre, une fenestre trop petite et un tableau de la sainte Vierge.Dans la nef, les vases des saintes huiles sont trop vieux et mauvais, la voûte est fendue, le sol gâté, la pierre sur la porte est dangereuse, l’œil de bœuf trop petit et rond, la nef fort sombre. Les deux confessionaus sont en état. Le clocher a trois cloches. Le bas est un amas de saletez et sans degrés pour aller en haut.Le cimetière est assez grand autour de l’église, mais fort profané par le passage. Les murs sont à chaux et à sable, mais trop bas et point de porte qui ferme comme il faut. La croix de la place ne doit plus servir. Il n’y a nulle maison claustrale, le sr vicaire habitant dhez luy aux Sozeries Hautes.
3. L’état temporel du prieuré (…). On nous a répété que les documents de ce prieuré sont dans les protocoles de Merigon notaire de Senez et chez les notaires de Tartonne, mais on dit que les meilleurs sont dans le château du seigneur.Pour le prieuré de la Penne, les choses sont comme en 1703, excepté que le prieur d’aujourd’huy est le sr Henry-Honoré Sauteron, théologal de notre cathédrale, et que la chapelle qui devra être bâtie sous le nom de saint Gervais dans le lieu que nous désignâmes n’a été depuis ni bâtie ny pourvue de meubles et de vases sacrés et qu’il n’y a rien de fait sinon les seuls fondements un peu élevés.Pour la chepllenie de saint Jean-Baptiste, nous en avons marqué en 1703 les fonds et les défauts et le sr Larderat, qui en est titulaire encore aujourd’huy, n’ayant rien exécuté de notre sentence d’alors, le service n’est point aquitté faute d’ornements.
4. Pour les chapelles ou confréries qui sont dans l’église, la confrérie du Saint Sacrement au maître-autel tient le premier lieu et celle-là fournit l’huile et la cire et l’encent nécessaire pour cet autel. Vient ensuite du côté de l’Evangile la chapelle de mr de Tartonne, qui est toujours bien indécente et sans le rideau ordonné pour la cacher. Celle du Rosaire avec confrérie suit du même costé. Elle entretient la lampe, ses meubles marqués en 1703 subsistent aujourd’huy et depuis ce tems ils ont fourni une chasuble noire neuve, une aube et un amit. Nous y ajoutons seulement que son mur n’est point lisse, qu’elle est trop chargée de terrain, qu’il y faut un canal par dehors et que son toict est trop enfoncé dans quelques endroits. Du côté de l’Epitre se trouve la petite nef des chapelles qui s’est écroulée depuis peu de tems et a été un peu réparée dans son plancher supérieur, mais le sol est toujours gâté et fort inégal. La chapelle ou autel de saint Michel n’a rien ajouté depuis 1703 qu’une vitre avec fil d’archal et un beau devant d’autel de cuir doré, mais le marchepied est mauvais, point de pierre sacrée ny d’aube ny de missel ny de chasuble. La confrérie ou autel de sainte Barbe est comme en 1703 et n’a ajouté qu’une vitre et fil d’archal, le marchepied très mauvais et le pavé encore plus. La confrérie ou autel du Purgatoire est comme en 1703 et on n’a point exécuté notre sentence d’alors sur la deffense d’employer les questes en cire avant les réparations ordonnées.
Il y a deux chapelles hors de l’église paroissiale. La 1ère est celle de saint Pancrace aux Sozeries Hautes. Outre le détail marqué en 1703, on nous a produit l’original, que nous avons mis dans nos archives sauf extrait sur le consentement de notre prédécesseur du 13 may 1680 au bâtiment de la chapelle , du verbal de bénédiction un an aprez et un extrait par Fabre notaire du testament de Catherine Arnaud, veuve de Guillaume Roman, du 30 avril 1682, laquelle lègue à lad. Chapelle une terre au quartier de Coteil Marin, terroir de Clumanc, pour les réparations et deux messes annuelles le jour de saint Pancrace et de la Transfiguration. Les habitans de Thoron ne nous ont point présenté requête sur l’entretien de Sainte-Anne, ce qu’il faut qu’ils fassent incessament.(…)
2. Pour les réparations du sanctuaire, nous ordonnons que la fente de la voûte sera bouchée, le pavé mieux maloné, le marchepied racomodé, le bas des pilliers blanchi ; défendons d’éteindre les torches contre le pavé ou les murs du sanctuaire, faute de quoy nous serions forcé d’interdire le maître-autel ; enjoignons encore que les chasubles de camelot noir, de ligature rouge, de cordeillat et de cataloufe de même couleur seront réparées par devant, qu’il sera acheté deux napes neuves, un tapis pour l’autel, un autre violet au tems de la Passion pour le tableau, qu’il sera acheté une aube neuve, que de l’aube la plus gâtée on tachera de racomoder l’autre et du restant on fera des lavabos et des essuimains, que le vieux missel sera interdit pour l’autel et qu’il en sera mis un neuf, qu’il y aura une clochette pour l’élévation, que dans la sacristie il sera mis une serrure et clef à l’armoire du calice, un bassin d’étain à la petite fontaine et que la fenestre sera aggrandie avec vitre et fil d’archal pour pouvoir éclairer par poitié la sacristie et le maître-autel ; toutes lesquelles réparations seront faites à nos dépens et à ceux du sr prieur de Tartonne par moitié dans quatre mois de la signification des présentes, passé lequel tems nous permettons au promoteur de sairir le tiers de notre dîme et de celle du sr prieur jusqu’à la perfection des choses ordonnées.Pour la communauté, comme nous avons vu avec douleur que les srs consuls n’ont rien exécuté de nos sentences précédentes de visite, nous renouvellons celle de 1703 comme la plus détaillée et en la confirmant plus fortement à cause du besoin plus pressant. Nous ordonnons que la voûte de la nef sera réparée, que le pavé sera égalé partout, que les pierres qui menacent ruine à l’entrée seront mieux affermies, qu’il sera mis un verrouil à la porte pour la mieux fermer, que la fenestre d’en haut sera aggrandie de la moitié avec la vitre et fil d’archal, que le toit de la nef et des chapelles sera réparé, qu’il y aura des crémières neuves et placées dans une armoire qui ferme à clef prez des fonts baptismaux, que le cimetière sera rehaussé partout à la hateur de six pans et bien fermé par des portes avec une claye sur la terre afin que les bestes n’y puissent entrer quand il est ouvert, que le corps de la nef sera deffendu au plus tôt contre le torrent, que les immondices du clocher seront ostées et qu’il sera fait des degrez de bois pour monter avec moins de danger. Et attendu la négligence de la communauté sur les sud. réparations, ordonnées la plus part depuis 1703 sans exécution, nous ordonnons que si tous les articles cy-dessus dont elle est chargée ne sont pas achevés dans sept mois de la signification des présentes, ladite église sera et demeurera interdite, que son cimetière, comme luy estant contigu, le sera aussi, que le service paroissial sera fait dans la chapelle de saint Jean-Baptiste et que les corps des morts seront portez au cimetière régulier le plus proche.
(…) Pour le prieuré de la Penne, nous ordonnons au sr prieur Henry-Honoré Sauteron, notre théologal, de presser les srs Jean et Joseph Bonnet ou leurs enfans, en qualité d’héritiers de feu mre Bonnet, prieur de la Penne, d’exécuter la convention passée entre eux et le sr Raynard, dernier prieur, par laquelle, comme il appert de notre dernière visite, lesd. Héritiers se sont engagés à construire une nouvelle chapelle et à la meubler.Pour la chapellenie de saint Jean-Baptiste, nous renouvellons et confirmons notre sentence de 1703 en tous ses chefs, excepté celuy de l’interdit, que nous levons si le service peroissial est trasporté dans lad. Chapelle et non autrement.
Pour les quatre chapelles et autels qui sont dans l’église, comme nous n’avons pas été édifié d’en voir la plus part dépourvue des meubles nécessaires quoyqu’ordonnez, nous défendons au srs vicaire et secondaire de dire la messe à aucun autel de confrérie s’il n’est pourvu dans six mois d’un crucifix convenable, de deux chandeliers de leton ou de bois propre, de trois napes, d’une pierre sacrée, d’un devant d’autel au moins de camelot et d’un bon marchepied, lesquels meubles demeureront toujours à chaque autel, et défendons d’employer les relicats des comptes ou des questes en cire ou en huile avant l’achet des meubles susdits. Et pour en faciliter davantage l’aquisition et la conservation, nous ordonnons que tous les marguillers de Tartonne, comme ceux de plusieurs de nos paroisses, remettront tout le produit de leurs fondations, questes et rentes entre les mains de ceux du Rosaire, que ceux-cy fourniront à chaque chapelle les six meubles particuliers cy-dessus et auront encore pour toutes ensemble d’autres meubles communs, savoir une demie dousaine de bonnes napes pour changer, trois chasubles, l’une blanche et rouge, l’autre violette, l’autre noire, un missel, une aube avec amit et cordon, un te igitur et la cire nécessaire et que ces meubles communs seront prestez à chaque chapelle quand on y dira la messe ou en d’autres besoins.
Pour la chapelle de saint Pancrace aux Sozeries Hautes, (…) nous ordonnons au sr vicaire d’aquitter fidellement les deux messes le jour de saint Pancrace et de la Transfiguration et de veiller sur le canal autour de la chapelle et sur les ornemens.Pour la chapelle de sainte Anne au hameau de Thoron, si les habitans ne nous produisent dans trois mois de la signification des présentes un acte par lequel ils se chargent d’une petite rente annuelle de cinq livres pour l’entretien et service de lad. Chapelle, nous ordonnons passé led. Temps la démolition dud. Autel conformément aux saints canons qui veulent que les autels soient dottez ou qu’ils soient détruits.
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.