I. Situation
La chapelle Saint-Michel est située à un kilomètre au nord-ouest de l'agglomération. Elle se dresse à 1 134 mètres d'altitude sur le flanc méridional de la Montagne du Cheiron, sur une large et très longue bande de terre. A cet endroit, les terrasses de culture, qui s'étendent vers l'aval, laissent place à une pente rocheuse très abrupte, qui s'adoucit plus haut.
Vue de situation, depuis l'est.
II. Matériaux
Le matériau le plus courant est le calcaire dur, blanc-gris, issu du socle probablement sur place. Cependant on rencontre aussi un calcaire jaune plus tendre, du tuf et de la terre cuite. Le calcaire dur, blanc-gris, se présente soit en tout venant, soit équarri, soit dressé. En tout venant, il est toujours mêlé à des pierres équarries ou dressées (extérieur, élévations ouest et nord). Les pierres équarries se retrouvent : sur l'élévation extérieure de l'abside et, sur une hauteur de quatre assises au moins, à la base des extrémités orientales des murs nord et sud (petit appareil en assises régulières, aux moellons de hauteurs régulières, plus longs que hauts, assemblés sans cales), à l'extérieur, sur l'élévation nord (assises plus ou moins irrégulières de pierres de module souvent carré, assemblées avec de nombreuses cales), à l'intérieur, dans l'élévation nord, sous les arcs aveugles (moyen appareil), sur l'élévation intérieure de l'abside, où il est assemblé à joints beurrés, soulignés au fer.
Elévation nord : vue d'ensemble, depuis le nord.Elévation ouest : vue d'ensemble, depuis l'ouest (à droite le clocher tronqué).
Le parement intérieur, sur l'élévation sud de la 1ère travée, emploie des pierres beaucoup plus soigneusement équarries et de moyen appareil. Les pierres dressées sont en remploi à l'extérieur, sur l'élévation ouest. Les pierres dressées à l'aiguille sans réserve sont assemblées, sur l'élévation sud et près de l'angle sud-ouest, en moyen appareil, à joints utilisant peu de cales et avec assises à peu près régulières.
A l'intérieur, dans la nef, les pilastres, leurs bases, les doubleaux, les arcs aveugles, le parement du mur au-dessus d'eux et la voûte utilisent des pierres de ce type. Dans les zones où elles sont assemblées de façon non soignée, les joints sont beurrés et soulignés au fer. Une partie des pierres de l'encadrement de la porte est dressée au ciseau avec réserve. Le tuf a été utilisé dans la maçonnerie de l'abside : le cul-de-four, le couvrement de la fenêtre et une corniche moulurée placée au plus haut du mur extérieur. On le rencontre aussi, mélangé à d'autres matériaux, dans le parement de l'élévation extérieure ouest. La terre cuite a été utilisée pour former une frise en bâton brisé, placée au plus haut du mur extérieur de l'abside. Des fragments de tuiles ont aussi servi de cales dans la maçonnerie, à l'extérieur, sur les élévations ouest et nord. Le sol est couvert de pavés de calcaire, irréguliers.
III. Structure
La masse de l'édifice présente deux volumes en ressaut : à l'est l'abside et au sud-est un clocher tronqué.
Plan [de la chapelle Saint-Michel]. Coupe AB [de la chapelle Saint-Michel]. Coupe CD [de la chapelle Saint-Michel].
La chapelle Saint-Michel est une église orientée, à nef unique de deux travées voûtées en berceau brisé sur doubleaux. L'abside est en cul-de-four. Le berceau de la nef retombe sur un cordon ; les doubleaux retombent sur des impostes sans retour sur les faces latérales. Cordon et impostes sont en quart-de-rond. Un clocher, accolé contre le mur méridional de la nef à son extrémité orientale, est aujourd'hui tronqué. Des arcs formerets qui divisent le vaisseau en deux travées sont apposés à l'intérieur des élévations latérales de la nef. Ces arcs sont brisés avec joint de faîte. Ils émergent, ainsi que les doubleaux, d'une haute et large base. Les doubleaux, les arcs formerets et les deux rouleaux du couvrement de la porte sont à extrados non concentrique, plus aigu que l'intrados.
Intérieur : vue générale, depuis l'ouest. Intérieur, deuxième travée, détail de l'élévation nord : l'arc formeret supportant la voûte de la nef, vu depuis le sud. Intérieur : vue générale, depuis l'est. Intérieur, détail de l'élévation nord : la laison nef-abside, vue depuis le sud-est.
III.1. Elévations
III.1.a. Elévation sud de la nef, partie ouest
C'est au centre de cette élévation qu'est percée la porte, dans la première travée. Elle est couverte d'un arc à ressauts formés de deux rouleaux et son embrasure, droite, est sous arc segmentaire.Elévation ouestLe pignon de la nef est percé dans sa partie haute d'un jour cruciforme et, plus bas, de deux rangées de cinq trous de boulin.
Elévation sud, détail : la porte, vue depuis le sud.
III.1.b. Elévation nord
Un mur aveugle présente une rangée de sept trous de boulin.
III.1.c. Elévations est, sud et ouest du clocher
Le clocher était à l'état de ruine avant les travaux de 1980. Son état actuel résulte pour beaucoup de cette restauration. Actuellement son élévation sud est un mur pignon et son élévation ouest est percée d'une haute fente d'éclairage.
La nef et le clocher tronqué : vue d'ensemble, depuis le sud-ouest.Intérieur du clocher, vue prise vers le haut (le sud-est à droite).
III.1.d. Chevet
Vue d'ensemble, depuis le sud-est.Le chevet, vue d'ensemble depuis l'est.
L'abside est plus étroite et plus basse que la nef. Le mur est couronné d'une frise en bâton brisé, surmontée d'une corniche moulurée. La frise et la corniche ont été restaurées récemment sur le modèle ancien. Une fente d'éclairage. ébrasée vers l'intérieur, est percée dans l'axe de l'abside : une autre fente, du côté sud, a été visiblement percée après coup.Une rangée de trous d'échafaudage est située au niveau de l'appui des fentes déclairage.
III.2. Couvertures
La couverture est constituée de tuiles creuses.
III.3. Distribution intérieure
Les deux travées de la nef sont séparées par une base de maçonnerie formant un banc du côté est et laissant un passage au milieu ; elle a été restaurée en respectant le modèle ancien . Une visite pastorale nous apprend qu'elle servait de support à une grille de bois On accède de la nef au choeur en gravissant deux marches qui occupent toute la largeur de l'édifice.
La porte du clocher qui ouvre l'élévation sud de la deuxième travée, est un étroit passage sous arc segmentaire, côté nef, et en plein cintre très maladroit, côté clocher ; son embrasure, droite, est dépourvue de feuillure.
1980 : Travaux de restauration touchant essentiellement la toiture et les parties de murs qui avaient perdu leur parement.
IV. Conclusion
Malgré une première mention tardive (1312) de ce bâtiment dans les sources historique la présence d'un petit appareil en assises régulières, assemblé sans cales, sur l'abside et à la base des extrémités orientales des murs nord et sud, permettent d'en situer l'érection au plus tard vers la fin du 11e ou le début du 12e siècle. Le clocher-tour accolé à l'extrémité de l'un des murs latéraux de la nef, du côté de l'abside, nous signale qu'il appartient au premier réseau paroissiale. On connaît d'ailleurs le nom du territoire dont l'église Saint-Michel était la paroisse ; il est mentionné à plusieurs reprises sous diverses orthographes à partir de 1312 : Lagnes. Le souvenir de ce toponyme est conservé dans le nom d'un quartier situé sur la pente du Cheiron, en contrebas de l'église Saint-Michel : L'Agnos. Mais ce territoire s'étendait certainement autrefois largement au-delà ; il est probablement à mettre en rapport avec l'importante agglomération antique située au lieu-dit l'Autreville, à 1 kilomètre au sud-ouest de l'église Saint-Michel.
A proximité de l'église, à environ une trentaine de mètre au nord-ouest, une croix d'une quinzaine de centimètres de hauteur a été incisée dans la roche. Il pourrait s'agir d'une borne délimitant un espace d'asile autour de l'édifice, garantissant une zone de protection pour les populations résidant à proximité. La matérialisation de cet espace par une croix sur un rocher a déjà été observée dans des configurations similaires, notamment à proximité de l'église de la Madone-des-Prés à Levens1. Au 11e siècle, l'existence d'espace circonscrit autour d'édifices assurant un rôle central dans des zones rurales de peuplement est attesté. Cela confirmerait le statut de la communauté de Lagnes regroupée autour de cette église.
Croix gravée dans la roche au nord-ouest de l'église Saint-Michel. Vue prise du sud.Croix gravée dans la roche au nord-ouest de l'église Saint-Michel.
La tradition que rapportent les évêques, selon laquelle cette église aurait appartenu aux Templiers semble ne reposer sur rien d’autre que l'allure ancienne de l'édifice et le fait que l'on ait oublié son origine. En effet, il n'est mentionné ni dans la liste des biens saisis à cet ordre en 1308, ni dans la liste des biens des Hospitaliers dressée en 1338. La nef du premier bâtiment, dont l'épaisseur des murs latéraux ne devaient pas excéder une soixantaine de centimètres, était probablement couverte en charpente. Durant le 13e siècle, cette charpente a été remplacée par la voûte que nous voyons aujourd'hui. Pour la supporter il a fallu épaissir les murs. Mais en ramenant les poussées de la voûte vers de solides bases, par des pilastres et des arcs formerets accolés à l'ancien mur, on a pu économiser de la place. Ces larges bases de maçonnerie ont cependant rétréci le passage au point que l'arc triomphal se trouve devenu sensiblement plus large que le dernier doubleau de la nef, disposition surprenante pour un bâtiment de cette époque. Durant la même campagne de travaux, la porte a été reconstruite ainsi que tout le mur sud de la première travée.