Dossier d’œuvre architecture IA00049859 | Réalisé par
  • inventaire topographique
route du Lautaret dite petite route de Grenoble à Briançon
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grave (La)
  • Commune La Grave
  • Dénominations
    route
  • Appellations
    route du Lautaret, petite route de Grenoble à Briançon
  • Parties constituantes non étudiées
    tunnel, pont, auberge, hospice, oratoire

HISTORIQUE

A. Situation

Entre Grenoble et Briançon, deux trajets sont possibles : ce qu'on appelait sous l'ancien régime la "grande route" ou "route d'Espagne en Italie" par la Mateysine et le Gapençais, et la "petite route" ou route du Lautaret qui emprunte les vallées de la Romanche et de la Guisane.

Il y a de Grenoble à Briançon 115 kilomètres par l'Oisans, 192 par le Gapençais. La route de Gap est donc plus longue, mais plus aisée, et la "petite route" n'était souvent utilisée que comme raccourci en cas d'urgence. Ainsi en 1790 le Conseil Général de l'Isère délibère que les trains d'artillerie prendront la "grande route" et que les troupes ordinaires qui, "dans un cas de besoin pressant, peuvent se rendre à Briançon en deux journées" "prendront la petite" 1.

Un certain nombre de passages critiques rendent en effet la circulation difficile sur cette voie qui est pourtant la plus courte et la plus directe. Le col du Lautaret ne semble pas avoir été un obstacle déterminant. Malgré les récits dramatiques de voyageurs perdus, l'histoire semble montrer que "la neige y est plus encombrante que périlleuse" (Allix, p. 620). Le verrou glaciaire situé entre Le Villar-d'Arène et La Grave était par contre beaucoup plus difficile à franchir. La route, taillée dans le schiste, surplombait le lit de la Romanche. La roche était friable et glissante ; les éboulements fréquents. La moindre pluie pouvait entraîner gens et mulets dans le torrent. Plus loin la célèbre avalanche des Fréaux pouvait arrêter le voyageur. Mais le véritable obstaclè était le Mont-de-Lans, en aval du canton de La Grave. A la fin de l'ancien régime on pouvait aller en charrette, des deux côtés, jusqu'au pied du mont, mais il fallait le franchir à pied ou à dos de mulet (Allix, p. 621).

Le passage du verrou du Villar-d'Arêne. L'ancienne route et le tunnel.Le passage du verrou du Villar-d'Arêne. L'ancienne route et le tunnel.

B. La construction de la route

Pour le pouvoir extérieur à la région la route de l'Oisans n'a longtemps eu d'autre finalité que la guerre et la politique : Briançon commande plusieurs passages vers l'Italie et en particulier le plus important des cols transalpins dauphinois, le Montgenèvre. Les dauphins, puis le roi y improvisaient de rapides travaux pour les besoins de transports de guerre, et l'abandonnaient aussitôt pendant de longues périodes. Ce n'est qu'avec le plan routier de Colbert que les Intendants ont commencé à la considérer comme un moyen de circulation utile à l'économie du pays. Différents plans d'aménagements se sont succédé, interrompus par la Révolution puis les changements politiques de la première moitié du XIXe siècle. Des travaux commencent en 1804, s'arrêtent, sont repris de 1833 à 1846. La route se construit des deux côtés à la fois, à partir de Briançon et à partir de Grenoble. Lorsque la crise de 1846 interrompt de nouveau les travaux seul le tronçon qui traverse le canton de La Grave n'a pas été aménagé.

Il faudra attendre le Second Empire pour que la route soit achevée : en 1856 on ouvre à la circulation les deux tunnels des ardoisières ; en 1859 sont achevées les longues rampes qui raccourcissent et facilitent l'accès au col du Lautaret ; en 1863 s'ouvre sur le col le "Refuge Napoléon" ; dans les années qui suivent le pont en bois du Maurian est remplacé par un pont en pierre. La route du Lautaret qui n'était jusque là qu'une suite de mauvais chemins ruraux dont le tracé changeait sans cesse et qui passait constamment d'une rive à l'autre est devenue une route carrossable de 8 mètres de large. Les incidences sur la région ont été considérables.

C. Le trafic sur la route

Si mauvaise qu'ait été la route elle a toujours donné lieu à un petit trafic. Dès le XIIIe siècle l'Oisans est une route postale. A l'époque delphinale, la route "de Suse à Lyon par le Daulphiné et pour Oysents" était une grande voie commerciale muletière. Au XVIe siècle tous les convois de marchandises entre Lyon et Briançon, deux des plus grandes foires du royaume, passent par là. A la fin du XVIIe siècle, les archives de l'hôpital de La Grave indiquent qu'il y passait 10 à 12 voyageurs par mois. Mais ce trafic était avant tout local ou étroitement régional.

Sous le Second Empire, la route à peu près achevée donne lieu à un trafic intense de messagerie et de roulage dont l'échelle et le rayonnement n'ont plus de commune mesure avec ce qui existait précédemment. Les colporteurs piétons et les caravanes muletières font place à un roulage très important. B. Amouretti (thèse ,1980, chapitre IV) distingue le "grand roulage" du "roulage ordinaire", sur de courtes distances, qui ne nécessite que de faibles capitaux. Ce dernier est surtout le fait de voituriers locaux qui font transporter dans des carrioles attelées à quatre chevaux céréales, ardoises, plombagine, tissus ou fûts de bière ou de vin. Le "grand roulage" qui se développe à la même période est le fait de grands entrepreneurs grenoblois ou lyonnais qui utilisent leurs propres voitures, lourds chariots à quatre roues tirés par sept chevaux, et concerne en particulier les produits miniers. A La Grave et au Villar, des dépositaires, aubergistes et cafetiers, fournissent des attelages frais, hébergent les voituriers et les voyageurs, entreposent les marchandises. Des auberges se créent ou se transforment. Les voituriers locaux aménagent leur demeure pour pouvoir y entreposer carrioles et traîneaux que l'on aperçoit parfois encore dans les anciennes remises. De nouvelles activités se développent dans tous les villages du canton. L'élevage des chevaux etdes mulets prend de l'importance ; les forges se multiplient ; les industries locales (minières, textiles, ou liées à l'élevage ) connaissent un véritable essor.

La construction de la voie ferrée du Haut-Dauphiné, Grenoble-Veynes-Gap-Briançon, sur le trajet de la "grande route" a peu à peu ralenti ce grand trafic qui s'est éteint quand le rail a atteint en 1885 son terminus actuel de Sainte-Catherine de Briançon. La région de La Grave a renoncé à toute circulation hivernale. Ses deux usines, la fromagerie du Villar-d'Arène et le bocardage du Grand Clot s'arrêtent pendant la mauvaise saison. Les registres des deux hôtels du col du Lautaret attestent en hiver le passage d'un piéton par semaine. Seul le service postal a continué à fonctionner régulièrement.

L'effet d'entraînement créé par l'aménagement de la route du Lautaret n'a donc été qu'un feu de paille. De 1885 aux années 1950 la région est retombée dans sa léthargie. Mais, depuis une trentaine d'années, la route du Lautaret est devenue un itinéraire touristique extrêmement fréquenté aussi bien l'été que l'hiver, puisqu'elle donne accès aux deux grandes stations de ski de La Grave et Serre-Chevalier.

1A.D. Isère, L. 63, p. 44-47.
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • ALBERT, A. Essai descriptif sur l'Oisans. Grenoble : Editions Maisonville, 1854.

  • ALLIX, André. L'Oisans au Moyen-Age. Etude de géographie historique en haute montagne d'après des textes inédits. Paris, 1929.

  • ALLIX, André. L'Oisans. Etude géographique. Paris, 1929.

  • ALLIX, André. Le trafic en Dauphiné à la fin du Moyen-Age. Dans Revue de Géographie Alpine, 1923.

  • ALLIX, André, ROBERT-MULLER, C. Les colporteurs de l'Oisans. Grenoble, 1929.

  • AMOURETTI, Bernard. De Briançon au Bourg d'Oisans. Les hommes et la route au XIXe siècle. Aix-en-Provence : Edisud, 1984.

  • AMOURETTI, Bernard. Une famille de notables de village dans l'Oisans, de 1790 à 1930 : les Bois du Villar-d'Arène. Dans Le Monde Alpin et Rhodanien, 1976, 3-4.

    P. 149-172.
  • BESSON, Elisabeth. Les colporteurs de l'Oisans au XIXe siècle. Témoignages et documents. Dans Le Monde Alpin et Rhodanien, 1975, 1-2.

    P. 7 à 55.
  • BLANCHARD, Raoul. Les routes des Alpes occidentales à l'époque napoléonienne. Grenoble, 1920.

  • PAILLAS, Honoré. Souvenirs des Alpes. Le Lautaret. Lyon, 1853.

  • ROUSSET, P.-L. Au pays de la Meije. Grenoble : Didier-Richard, 1977.

  • ROUSSILLON, J.-H. Guide du voyageur dans l'Oisans. Grenoble : Maisonville, 1854.

  • VAUGHAN, Miss D. M. La route du Lautaret. Recueil des travaux de l'Institut de Géographie Alpine. Grenoble, 1913.

Documents figurés

  • Le Dauphiné. Le tunnel du Villard-d'Arène. [Entrée est.] Carte postale ancienne.

  • Dauphiné. Service d'automobiles du Bourg d'Oisans au Lautaret. Le Villar-d'Arène. Rivière (photographe). Carte postale ancienne. Papeterie des Alpes, Eug. Robert, Grenoble.

  • Dauphiné. Le Lautaret. Entrée du tunnel du Galibier (2656m) [Le tunnel (des ardoisières ?) entrée est. (Contrairement à ce qu'affirme la légende, il ne s'agit pas du tunnel du Galibier)]. Carte postale ancienne. E.R.

  • La Meije (3987m). Vue prise de la Grave. [Le bourg de La Grave au temps des voitures à chevaux.] Carte postale ancienne.

Date d'enquête 1986 ; Date(s) de rédaction 1987
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