Dossier d’œuvre architecture IA84001084 | Réalisé par
Bonan Aurélie (Contributeur)
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

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Sauze Elisabeth (Contributeur)
Sauze Elisabeth

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.

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  • opération ponctuelle
Quartier juif dit juiverie ou carrière
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pernes-les-Fontaines - Pernes-les-Fontaines
  • Hydrographies Nesque
  • Commune Pernes-les-Fontaines
  • Adresse place de la Juiverie , rue de la Juiverie
  • Cadastre 1814 S  ; 2020 AX

La présence juive médiévale à Pernes

Plan de la ville de Pernes, 1816.Plan de la ville de Pernes, 1816.Détail du plan de la ville de Pernes de 1816 : la juiverie.Détail du plan de la ville de Pernes de 1816 : la juiverie.

Au domaine agricole romain (villa Paternis) situé au nord de la rivière de la Nesque, succède aux 11e ou 12e siècle, le castrum de Pernes localisé au sud de cette même rivière sur une petite éminence rocheuse. Sous la domination des comtes de Toulouse, siège de sénéchaussée, Pernes devient capitale du territoire pontifical du Comtat Venaissin, entre 1274 et 1320. Les comtes permettant aux Juifs l'accès à la propriété, il est probable que leur présence sur ce territoire soit antérieure au 14e siècle.

Selon Édouard Baratier, vers 1300, vingt "feux" juifs figurent parmi les registres d'imposition. En 1322, à l'instar des synagogues voisines, la synagogue de Pernes est détruite lors de l'expulsion des juifs décidée par Jean XXII. Entre 1370 et 1390, la ville se dote d'une nouvelle enceinte qui intègre notamment l'ancien faubourg appelé Bourg-Merdeux (zone inondable ou marécageuse) et qui sera intégré à la future juiverie.

Au milieu du 15e siècle, la multiplication des manifestations anti-juives dans tout le Comtat Venaissin amenent les autorités à prendre certaines mesures dans le double but de maintenir l'ordre public et d'assurer la sécurité des Juifs.

En 1460, le conseil municipal de Pernes demande ainsi leur expulsion : "quod nulli judei audeant in presenti loco Paternarum mancionem facere nec habitare ad evitandum pericula et scandalia que evenire possunt". A cette demande réitérée en 1475 et 1478, le recteur du Comtat oppose refus sur refus. Les agressions seraient au départ le fait d'étrangers des régions voisines, journaliers venus pour les vendanges et les moissons, habituer chez eux à pourchasser les Juifs. A Pernes, le recteur ordonne en 1484 - mesure impopulaire - de ne plus accueillir ces travailleurs étrangers "quia non intendit onus defensionis ipsorum judeorum assumere".

Les Juifs de Pernes vivent pêle-mêle avec les chrétiens principalement dans la Rue Droite, tel Astruc Jossé de Stella qui reconnaît en 1467 tenir de Bernard Boutin une maison sise in carreira Recta, confrontant les maisons des frères Reboul et celle d'Antoine Vincent.

La charte de 1504 et la localisation de la juiverie dans la rue Catte (actuelle rue de la Juiverie)

Charte de mise en juiverie du 16 avril 1504.Charte de mise en juiverie du 16 avril 1504.

Alors que des quartiers juifs sont organisés dès 1453 et 1461 à Cavaillon et Carpentras, il faut attendre 1504 pour la création de celui de Pernes. En vertu de la transaction rédigée le 16 avril par le notaire Elzéar Raphelis, les Juifs doivent abandonner tous les biens immeubles qu'ils possédent "tam in magna carriera Recta quam in alio loco et se transferre ad quamdam carrieram vocatam Carrieram Catam." Ils s'engagent à ne pas en dépasser les limites (hormis pour le commerce de gros) et à n'accueillir aucun Juif étranger. Il leur était en outre interdit de percer des fenêtres donnant sur la Rue Droite. La transaction prévoyait enfin la construction d'un mur de clôture, avec une grande porte, "in parte inferiori ejusdem carrerie". Cette prescription n'aurait pas été appliquée, si l'on en croit J.-J. Giberti, qui assure que la juiverie était ouverte, en cela conforté par la lecture des cadastres anciens qui précisent l'établissement de chrétiens dans la partie ouest de la rue.

L'implantation de la juiverie rue Catte pourrait avoir été dictée par la présence dans cette rue de la synagogue aussi bien que par la situation périphérique et le caractère secondaire de la rue choisie. Quelques actes, tirés du livre terrier des R. Pères Augustins de Pernes (3 H 6, Archives départementales de Vaucluse) illustrent bien l'exode des Juifs vers la rue Catte : en 1518, Israël Cassin reconnaît une maison avec cour tenue auparavant par Antoine et Jacques Bellerot ; en 1549, Ben Astruc de Bezes détient une maison que possédait en 1497 Pierre Plantet de Monteux. Le même livre-terrier cite encore Milon d'Estèle, possesseur vers 1517 d'une maison avec jardin, au même titre qu'Isaac Abraham de Milhaud et David de Bèzes ou Béziers.

Quelques mentions éparses dans les documents permettent de comprendre l'organisation de la juiverie de Pernes et de connaître certains de ses équipements. On sait qu'à sa tête se trouvait un seul bailon ou administrateur, chargé de la direction de la communauté. Celle-ci était cependant soumise au règlement général de l'Universalité qui siégeait à Carpentras.

En 1503, les revenus de Laroque de Pernes étaient adjugés à Antoine de Ripens (autrefois Lion de Cassin, Juif). En 1511, il recevait les produits du port de Sainte-Cécile et de Val de Buire moyennant 950 florins et 10 gros de redevance annuelle. A partir de 1555, les Juifs de Pernes n'apparaissent plus comme exacteurs. En 1530, la maison d'Antoine de Ripens est achetée par la communauté des Juifs de Pernes devant notaire. Sise dans la rue Catte, revendue en 1575, il est possible que celle-ci fit office de synagogue. En 1549, Jesselon de Stella, bailon de la carrière de Pernes, Astruc Jacob et Horam Cassin, bailons de l'aumône, donnent à prix-fait à maître Jean Salhan menuisier d'Avignon, un parquet de bois de noyer de 7 pans de long et 6 et demi de large pour 130 florins, vraisemblablement pour la synagogue. S'il est attesté que la communauté disposait bien d'une synagogue en 1557, les indices trop imprécis ne permettent pas de la localiser avec certitude d'autant plus qu'aucun signe particulier ne devait la signaler. Au 18e siècle, l'historien J.-J. Giberti affirme avoir obtenu, par voie de substitution, une maison qui aboutit à la rue Catte et dans laquelle aurait été la synagogue :"J'en fis abattre une partie (...) mais il reste encore des traces de l'ancien édifice". En 1972, Hugues-Jean de Dianoux évoquait un "fragment d'immeuble qui peut avoir appartenu à la synagogue" mais ne le situait pas. D'après l'étude archéologique documentée par le Service départemental de Vaucluse, elle aurait été située au nord de la place de la Juiverie.

La place de la Juiverie en cours de fouilles, vue depuis le nord (2018).La place de la Juiverie en cours de fouilles, vue depuis le nord (2018).Plan de masse et de situation de la juiverie d'après le cadastre de Pernes-les-Fontaines, 1814 (section S). Echelle d'origine 1/1250.Plan de masse et de situation de la juiverie d'après le cadastre de Pernes-les-Fontaines, 1814 (section S). Echelle d'origine 1/1250.

La place de la Juiverie en cours de fouilles et l'hôtel de Cheylus, vus depuis l'est.La place de la Juiverie en cours de fouilles et l'hôtel de Cheylus, vus depuis l'est.L'hôtel d'Anjou.L'hôtel d'Anjou.

Parmi les vestiges, l'hôtel d'Anjou, place de la Juiverie, possède une porte d'entrée aux piédroits arrondis et au couvrement en anse-de-panier fortement mouluré, caractéristique du début du 16e siècle. Au sous-sol, une cave immergée, presque totalement dissimulée par un remblai de terre, a pu être examinée : à ce jour, l'identification d'un bain rituel est abandonnée. Par contre, deux autres bains privés, l'un sur la place de la Juiverie (Référence du dossier : IA84001090), l'autre creusé dans le sous-sol de l'hôtel de Cheylus (Référence du dossier : IA84001083) ont été découverts et forment un ensemble remarquable.

En dépit des mesures d'isolement de 1504, les rapports entres Juifs et chrétiens restèrent mauvais tout au long du 16e siècle. L'historien J.-J. Giberti rapporte des "irrévérences et des scandales" commis à l'égard du Saint-Sacrement lorsqu'on le portait aux malades "en passant devant la carrière qui n'était pas fermée".

Par ailleurs, la communauté possédait son propre cimetière, bethsahaïm. En 1527, le vice-trésorier de la Chambre apostolique de Carpentras valide le don aux Juifs de Pernes par Dulcia, veuve d'Astruc de Bezes, d'un terrain d'environ 3 éminées soient 2 560 mètres carrés (mesure de Carpentras), au quartier non localisé à ce jour de la Condamine. Les prospections sur le terrain, sur la base de ces indications et du témoignage de J.-J. Giberti, qui affirme que la nécropole se trouvait au lieu-dit la Grand Font, sont restés sans résultat.

L'effectif sans doute réduit de la population juive expliquerait l'absence de boucherie casher. En 1503, Bernard Romanet, boucher de Pernes, donne quittance à la communauté juive et à son bailon Jossé de Stella de 6 florins, reste de la somme à lui due pro sagatione animalium par lui faite l'année précédente. Une clause des statuts municipaux interdit en outre aux commis des boucheries publiques et aux mazeliers juifs d'égorger des animaux à l'intérieur de la ville ou à l'abattoir, sous peine d'une amende de 25 sols et de la confiscation de la bête.

L'expulsion de 1569-1570

La bulle Hebraeorum gens publiée le 26 février 1569 décrète l'expulsion des Juifs des territoires soumis à la domination temporelle du Saint-Siège dans un délai de trois mois. L'exécution fut entreprise aussitôt : dès le 4 avril, le cardinal d'Armagnac, légat d'Avignon, fait publier le décret. Son impact sur la communauté est immédiat. Des actes notariés d'avril 1569 à août 1570 et les reconnaissances du livre-terrier des Pères Augustins les montrent alors occupés à vendre les maisons, logements, étables, granges et cours qu'ils détenaient. Ainsi en 1570, le cordonnier Antoine Chapellan prend à cens la maison qui appartenait à Ben Astruc de Bezes ; François de Vincens, seigneur de Savoillans, fait de même pour la maison et cour auparavant détenues par Israël Cassin ; en 1571, Claude Bacular acquiert la maison avec cour de David de Bezes, au Plan des Meuniers ; en 1583, Jean Amiel achète celle d'Abraham de Milhaud. Le cadastre de 1585 consacre l'achèvement du processus : désormais, il n'y a plus aucun juif propriétaire à Pernes et les maisons de la rue Catte sont accaparées par quelques grandes familles locales, qui ont profité des circonstances pour acquérir à bas prix d'importants ensembles fonciers.

En 1624, les Juifs du Comtat sont restreints à un habitat groupé au sein des villes d'Avignon, L'Isle-de-Venisse (L'Isle-sur-la-Sorgue), Cavaillon et Carpentras. Cependant, un assouplissement dû aux épidémies de peste leur permit de s'extraire momentanément de ces carrières. Dans le climat de Contre-Réforme, en 1617 et 1634, la municipalité pernoise réitère l'interdiction faite aux Juifs de résider dans la ville.

La charte du 16 avril 1504, signée par la municipalité de la ville et les représentants de la communauté juive, instaure dans une zone d'occupation ancienne, rue Catte, un quartier juif, ses limites et son règlement. La résidence y était obligatoire mais certains Juifs sont restés propriétaires d'entrepôts liés à leur commerce en dehors de la zone ainsi délimitée.

  • Période(s)
    • Principale : 16e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1504, daté par source

Le quartier juif de Pernes-les-Fontaines était localisé dans la moitié est de la ville, occupant une superficie d'environ 3 500 mètres carrés. Desservie par la rue de la Juiverie et la rue Raspail, l'actuelle place de la Juiverie comporte une aire de stationnement réduite par l'aménagement touristique des vestiges archéologiques juifs. La carrière juive incluait la zone de l'actuel jardin du Bourg-Merdeux. En sous-sol du site coule la Nesque.

  • Murs
    • pierre enduit partiel
    • bois
  • État de conservation
    vestiges
  • Statut de la propriété
    propriété privée
    propriété de la commune

Vestiges archéologiques remarquables.

  • Livre terrier des R. Pères Augustins de Pernes. 1549-1575. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 3 H 6.

    Fol. 22, 35, 102, 130

Documents d'archives

  • Délibérations du conseil municipal de la commune de Pernes, 1460. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : BB 44.

    Fol. 19
  • Titres de Gantelme IV et de ses fils. 15e siècle. Bibliothèque municipale, Avignon : ms 4111.

    Reconnaissance d'une maison à Pernes par Astruc Jossé de Stella, 20 novembre 1467, fol. 16
  • Délibérations du conseil municipal de la commune de Pernes, 1475. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : BB 56.

    Fol. 8
  • Délibérations du conseil de la ville de Pernes, 1478. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : BB 58.

    Fol. 6
  • Délibérations du conseil municipal de la commune de Pernes, 1484. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : BB 62.

    Fol. 5, 18 juin
  • Charte du 16 avril 1504 portant sur l'organisation de la carrière juive. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : FF 27.

  • Licence accordée aux Juifs par la municipalité de Pernes pour l'établissement d'un cimetière. 1527. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 1 B 95.

    Fol. 3v°-5
  • Cadastre de la commune de Pernes, 1585. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : CC 15/1.

  • Délibérations du conseil municipal de la commune de Pernes, 1617. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : BB 142.

    Fol. 347
  • Délibérations du conseil municipal de la commune de Pernes, 1634. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : BB 143.

    Fol. 84

Bibliographie

  • ANCHEL, Robert. Les juifs de France. Paris : J.-B. Janin, 1946.

    p. 46-57
  • ANZIANI, Roselyne. La juiverie de Pernes. Dans : Echo des carrières, numéro spécial, n° 56, juin 2009.

  • BARATIER, Edouard, DUBY, Georges, HILDESHEIMER, Ernest. Atlas historique : Provence, Comtat Venaissin, Principauté de Monaco, Principauté d'Orange, Comté de Nice. Paris : Armand Colin, 1969

    carte 97
  • BARO, Guilhem. Les découvertes archéologiques de la place de la Juiverie à Pernes. Dans : Journée d'Histoire du Comtat, Etudes comtadines, Mazan, mars 2018, p. 34-59.

    p. 59
  • DELPAL, Bernard. Juifs et chrétiens à Avignon et dans le Comtat Venaissin du Grand schisme d'Occident au milieu du 16e siècle (1378-1557). Mémoire de maîtrise d'Histoire. Nanterre : 1968.

    p. 82-83, 106
  • DIANOUX, Hugues-Jean de. Cimetières juifs et soin pour les défunts en Avignon et dans le Comtat Venaissin. Dans : Archives juives, n° 1, 1970-1971, p. 1-8, 20-23.

    p. 8
  • DIANOUX, Hugues-Jean de. Histoire des Juifs en France. Le sud-est. Dans : Histoire des Juifs en France, dir. Bernard Blumenkranz, Toulouse : Privat, 1972.

    p. 206
  • DUBLED, Henri. Carpentras, capitale du Comtat Venaissin. Marseille : Jeanne Laffite éditeur, 1975.

    p.42
  • GIBERTI, Jean-Julien, GIRAUD, Hubert. Histoire de la ville de Pernes de Giberti publiée d'après le manuscrit de la bibliothèque de Carpentras, avec une introduction et des notes par Hubert Giraud. 1748. Marseille : Laffite Reprints, 1978, 694 p.

    p. 365-366
  • MOULINAS, René. Les Juifs du pape en France : les communautés d'Avignon et du Comtat Venaissin aux XVIIe et XVIIIe siècles. Toulouse : Privat, 1981.

    p. 28, 40
  • MOSSE, A. Histoire des Juifs d'Avignon et du Comtat Venaissin. Paris : 1934

    p.94

Documents figurés

  • Plan cadastral de la commune de Pernes-les-Fontaines. / Dessin à l'encre sur papier par Alliaud, Bachet, Brunet et Vache, géomètres du cadastre, 1813-1814. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 3 P 2-088/1 à 3 P 2-088/31.

    3 P 2-088/31
  • Plan de la ville de Pernes, 1816. Archives communales, Pernes-les-Fontaines : CC 15/2-7.

Date d'enquête 2018 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Bonan Aurélie
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

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Sauze Elisabeth
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Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.

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