Dossier d’œuvre architecture IA05000146 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
position dite ligne des Gondrans
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Hautes-Alpes - Briançon
  • Commune Montgenèvre
  • Lieu-dit le Gondran
  • Dénominations
    position
  • Appellations
    ligne du Gondran puis des Gondrans, de l'ensemble fortifié du Briançonnais
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    bloc, édifice logistique, abri, batterie, blockhaus, cour, casemate

Intérêt stratégique et chronologie des travaux

Les origines

Suite à un premier projet de Vauban relatif au Montgenèvre (1692) l'ingénieur Richerand reprend l'étude et, dans un projet daté de Grenoble le 17 décembre 1693 propose, entre autres points, la construction d'une redoute sur un sommet des Gondrans (B ou C) prolongée, à droite et à gauche, par une ligne de retranchements tenaillés, ceci pour surveiller et défendre le col, et couvrir les approches du Montgenèvre, face au sud-ouest. Le plan type de redoute proposé est, en fait, une sorte de corps de garde défensif, préfigurant nettement, avec deux siècles d'avance, les blockhaus de montagne des années 1890.

Le projet reste sans suite, mais montre bien néanmoins que dès cette époque on avait parfaitement compris l'importance d'un itinéraire secondaire, certes, mais permettant par I'Infernet et les prés des sources de la Durance de relier Briançon au Montgenèvre sans passer par la Vachette et le cheminement traditionnel.

1870-1918

L'occupation permanente du plateau de Gondran est préconisée, dès 1873, par le Comité de Défense lors de la réunion consacrée à la modernisation de Briançon. Etudié sur ordre du 23 décembre 1873, le projet, déclaré d'utilité publique le 2 mai 1874, est approuvé par le ministre le 20 avril 1875 et les travaux, adjugés le 4 novembre 1875, commencent en juin 1876 (en même temps que I'Infernet) et s'achèvent en octobre 1881.

A l'époque, il ne s'agissait que de réaliser, pour des troupes de campagne, une sorte « d'ossature du champ de bataille », pour occuper un plateau moyennement ondulé, orienté nord-sud, que traverse, au « col du Gondran », un sentier venant du Mont Genèvre et par où un adversaire pouvait menacer Briançon. Position, en quelque sorte, d'avant poste à 2 km en avant du fort de l'Infernet matérialisant la position de résistance.

Aussi, sur un front de 1700 m de développement, établit-on, à l'époque, 4 retranchements d'infanterie (ouvrages A-B-C-D), 9 batteries d'artillerie pour 27 pièces de 95 mm (plus 5 emplacements supplémentaires et 4 magasins à munitions protégés). L'ensemble est desservi par le nouveau réseau de routes militaires, des ressources en eau sont aménagées, mais aucune casemate d'habitation n'est construite, puisque la position, à caractère semi permanent, ne doit être occupée qu'en cas de tension par des troupes de campagne. Des baraques démontables sont cependant prévues.

Mais à partir de la crise de l'obus torpille (1885), et compte tenu de l'évolution de la puissance de l'artillerie, d'une part, des rapports avec l'Italie d'autre part, la doctrine de défense va évoluer sensiblement dans le sens du renforcement progressif des Gondrans en position principale de résistance, tandis que l'Infernet, adossé au vide et non susceptible d'extension, passe peu à peu au rôle d'ouvrage de deuxième ligne, ou de soutien.

Ouvrage C du Gondran. 1893. Détail.Ouvrage C du Gondran. 1893. Détail.De simples retranchements, les quatre ouvrages vont se transformer en ouvrages d'infanterie et véritables point d'appui : l'ouvrage C reçoit une caserne casematée, à gorge pseudo bastionnée, de 1887 à 1891, l'ouvrage D un blockhaus-réduit casematé à deux étages de 1886 à 1889 renforcé ensuite d'une grille défensive, puis le réseau routier est doublé d'un téléphérique venant de l'Infernet. Les tranchées abris se multiplient, tandis qu'à contrepente s'édifient de nombreuses baraques en « dur » pour le logement des hommes et des bêtes, les cuisines, les latrines, le tout destiné à une occupation permanente par des troupes de montagne (14 baraques en maçonnerie pour 62 hommes chacune, 3 «pavillons» d'officiers, 2 cuisines et une citerne, plus, en bois, 4 baraques pour la troupe, une écurie pour 12 chevaux, une cuisine, un atelier, un dépôt de charbon, le tout alimenté par 6 fontaines, dont certaines avec lavoir et abreuvoir (état en 1906).

En 1888, un projet de construction de batteries cavernes aux ouvrages C et D est écarté sur avis défavorable de la section technique du génie : le fusil 1886 suffira amplement!

En 1900-1901 on construit, en béton spécial, 4 abris à munitions (doc. 3) (A.B.C.D.) puis, en 1907, en béton armé, les abris de combat n° 2-4-5-6-7, en 1908 les n°1-3-8 et 9 (doc. 4), en 1913 les n° 10-12-13. L'ouvrage A est agrandi en 1908 et 1909, doté d'un abri de combat et entouré d'un réseau de fils de fer barbelés et l'ouvrage C de même en 1910-11 (abri adossé au soubassement de la caserne).

Simultanément, les batteries d'artillerie ont été augmentées et remaniées : en 1914, la position est devenue très solide. Elle bénéficie, en outre, du puissant appui des 4 canons de 95 mm de côte de la casemate bétonnée, construite au Janus vers 1900 et tirant en flanquement à son profit. Hormis l'absence de cuirassements (observations et tourelles à éclipse pour mitrailleuses) elle soutient avantageusement la comparaison avec les intervalles des grandes places de l'est, mais n'est pas mise à l'épreuve entre 1914 et 1918.

On sait enfin que par les organisations de campagne prévues au point 2232, le dispositif se raccordait de manière discontinue avec le barrage des Aittes et la position des Rebans.

Période 1918-1940

Après les désarmements de 1915, puis une longue période de léthargie consécutive à L’armistice de 1918, la réorganisation de la défense de la frontière des Alpes revient au premier plan des préoccupations en 1926.

Contrairement à ses premières propositions de 1926 (rapport au ministre du 6 novembre 1926 ; la Commission y faisait passer la position de résistance de Janus au Chenaillet ; le Chenaillet fut abandonné en raison de sa position trop aventurée sur la frontière), la « Commission de défense des frontières », dans son rapport détaillé du 12 février 1929, consacré à la frontière du sud-est, assigne à la position de résistance du sous-secteur centre du Briançonnais, le tracé Janus-Gondran C - point 2232.

Conformément à ces prévisions, le colonel Loriferne, directeur du génie à Briançon et chef de la délégation locale de la CORF, adresse à Paris, le 9 novembre 1929, les avant-projets des ouvrages à construire ou à transformer.

Pour le Gondran C, il était prévu (sous-dossier n°VI), sur l'emprise de l'ancien ouvrage :

- une infrastructure souterraine (galeries de communication, caserne, usine, magasins etc.)

- un bloc d'entrée arrière

- trois blocs-casemates pour mitrailleuses et mortiers de 81 tirant, le premier en flanquement du Janus, le second en action frontale vers le Chenaillet, le troisième en flanquement de l'ouvrage du point 2232 (soit 6 mortiers et 6 mitrailleuses)

- en tête: une tourelle pour 2 mortiers de 75, avec observatoire et cloche FM (action frontale)

- aux angles d'épaule, 2 blocs avec cloche FM isolée (défense rapprochée) le tout entouré d'un réseau barbelé.

Mais, avant exécution, les études complémentaires amènent à remanier l'organisation de la position de résistance : les projets d'ouvrages modernes du Gondran C et du point 2232 sont abandonnés, au profit d'un ouvrage d'infanterie à créer de toutes pièces en avant du Gondran C, et qui, par extension de la désignation d'avant 1914, prendra le nom de « Gondran E ». L'ouvrage n'apparaît pas dans les propositions de la note 434/F.A du 24.12.1930 du général Belhague, président de la C.O.R.F. en réponse à l'approbation ministérielle et à l'attribution au front des Alpes d'un crédit réduit à 362 millions.

Mis en chantier en 1933 et construit avec participation de la main-d'oeuvre militaire, l'ouvrage d'infanterie du Gondran E comporte effectivement :

- une infrastructure souterraine (caserne, infirmerie, usine, magasins à vivres et mnuitions etc.).

- quatre blocs dont :

-- bloc 1 : entrée. 1 FM de défense d'entrée. 1 créneau pour jumelage de mitrailleuses. 1 cloche GFM (défense des dessus et flanquement vers la cote 2232)

-- bloc 2 : casemate réduite pour mitrailleuse Hotchkiss de campagne remplaçant un bloc pour J.M. ajourné par mesure d'économie

-- bloc 3 : une cloche observatoire cuirassée (cloche « Digoin» de récupération en remplacement de la cloche GFM refusée par le ministre en 1935 par économie). Le bloc 2 a été effectivement coulé pour une cloche GFM, quand celle-ci fut refusée et qu'on envisagea alors de la remplacer par un observatoire cuirassé type d'avant 1914. Mais les cinq exemplaires déposés au parc de Digoin venaient d'être mis à la disposition de la 6e région militaire, pour ses propres organisations d'intervalle. Aussi dut-on se rabattre sur des cloches à récupérer dans les mines des forts de Maubeuge, qu'on était en train de démolir pour construire, à la place, des ouvrages CORF modernes. On jeta d'abord le dévolu sur l'observatoire de l'ouvrage d'Heronfontaine mais, pour des raisons de limite négative de l'angle d'observation en hauteur, on en vint à préférer celui du fort de Boussois qui dut, d'ailleurs, être retouché en usine avant son réemploi au Gondran (voir à ce sujet les DM 4058-2/4 S du 21.5.35 - 1223 2/4 S du 7.4.36 et 3450-2/45 du 1.5.36). Ce problème particulier est particulièrement symptomatique des difficultés financières qu'eurent à affronter les constructeurs du nouveau système fortifié, et de l'acharnement louable qu'ils mirent à essayer de les résoudre.

-- bloc 4 : cheminée d'évacuation des gaz.

Après achèvement, un projet complémentaire fut étudié, entre 1939 et 40, de construction d'un cinquième bloc, doté d'une cloche d'arme mixte, en contrebas du bloc 3 : rien ne fut exécuté.

C'est dans cet état que l'ensemble des ouvrages participèrent aux combats de juin 1940 et subirent le feu de l'artillerie italienne : à noter que les ouvrages bétonnés entre 1900 et 1914 étaient encore largement à l'épreuve en 1940.

Analyse architecturale

Les ouvrages

Ouvrage A

Plateau du Gondran. Vue d'ensemble du versant ouest, prise du sud. A droite, le mamelon de l'ouvrage A. Au fond la crête de Château Jouan, la route et l'ouvrage du Janus.Plateau du Gondran. Vue d'ensemble du versant ouest, prise du sud. A droite, le mamelon de l'ouvrage A. Au fond la crête de Château Jouan, la route et l'ouvrage du Janus.Constitué essentiellement par une tranchée dessinant un redan, et comportant, à l'arrière et en bordure de la route, un abri de combat pour personnel assis, comportant quatre pièces de 10 m x 3,60 m, séparées de piédroits d'1 m percés d'un passage, disposées en alignement droit. Dalle d'1,30 m et mur de fond d' 1,10 m en béton armé, le reste en maçonnerie de moellons, sauf les linteaux en béton non armé. Chaque pièce est entourée de bancs adossés aux parois, avec une rangée de bancs centrale; accès par portes extérieures protégées par des pare-éclats ou «masques» en tôle d'acier de 6 mm

A côté de l'abri de combat, abri à munitions A, en béton spécial non armé (murs et plafonds d'1 m) divisé intérieurement par des refends en maçonnerie en un vestibule et deux chambres à munitions de 3,50 x 5,25 m. L'abri est enterré, sauf la façade arrière percée de deux portes en plein-cintre.

Tranchée de combat et abris sont reliés par les boyaux de communication.

Le réseau de fil de fer périphérique a pratiquement disparu.

Ouvrage B

Simple épaulement d'infanterie à plan en redan aplati.

Ouvrage C

Ouvrage C de Gondran, vu de face.Ouvrage C de Gondran, vu de face.Ouvrage à plan dessinant une lunette à front aplati, dont la face gauche comporte un redan terminé à gauche par un tambour circulaire.

Profil sans fossé, en glacis, dont le pied est bordé par une grille défensive constituant l'obstacle.

Situées à l'arrière, les casemates-logements sont disposées en U renversé autour d'un terre-plein surélevé, formant cour centrale - et dont le mur de soutènement arrière constitue le mm de gorge de l'ouvrage. Elles sont construites en maçonnerie recouverte de terre, et murs de fond terrassés selon les normes antérieures à la crise de l'obus torpille. Le corps central (bâtiment A) est divisé par cinq refends transversaux en six travées de casemates-logements de troupe (288 places) donnant à l'ouest sm la cour centrale et à l'est sur un couloir de fond servant à la fois d'isolement des terres et de circulation. Chaque casemate est couverte d'une voûte surbaissée soulignée, en façade, par un arc en pierres de taille appareillées surmontant les baies (une porte centrale encadrée de deux fenêtres, pour chaque casemate). Les deux ailes, formant avant-corps, sont dégagées sm trois côtés et, saillant sur le mm de gorge, sont en plus tracées en demi-bastion pour faciliter le flanquement du front de gorge.

Ouvrage C : cour centrale vue du haut de la casemate B. A gauche, les façade des casemates A avec, au fond, la casemate C et l'entrée de l'ouvrage. A droite, le terre-plein bas du front de gorge, avec la façade arrière et le pare-éclats de l'abri de combat.Ouvrage C : cour centrale vue du haut de la casemate B. A gauche, les façade des casemates A avec, au fond, la casemate C et l'entrée de l'ouvrage. A droite, le terre-plein bas du front de gorge, avec la façade arrière et le pare-éclats de l'abri de combat.

Celle de droite (bâtiment C), est traversée par la porte de l'ouvrage, ouvrant dans la façade sud et précédée d'un tronçon de fossé. La porte elle-même comporte une façade monumentale classique: baie en arc segmentaire à claveaux extradossés en gradins et clé en pointe de diamant, s'ouvrant entre deux pilastres toscans portant un entablement à corniche soulignée de denticules.

Le passage intérieur, en voûtains sur profilés, sépare deux groupes de locaux annexes (poste de police, latrines, cuisine etc.). Portail à deux vantaux pleins en tôle d'acier percés de créneaux de fusillade, le vantail droit comporte un portillon à personnel.

De part et d'autre de la porte, créneaux de fusillade à ébrasement extérieur gradiné en trémie.

Cette façade est flanquée, à droite, par une tourelle d'encoignure en quart-de-rond, munie de deux créneaux en archère et un créneau de pied, dans l'angle rentrant avec le mm intérieur du masque couvrant l’avant-cour d'entrée.

L'aile gauche, symétrique (bâtiment B) abrite essentiellement des chambres pour cinq officiers et des magasins. Façade nord percée des mêmes créneaux et flanquée par la même tourelle que son homologue sud. Sous les locaux se trouve la citerne de l'ouvrage.

Sous la cour centrale, abri de combat en béton de 35 x 7 m recouvert d'une dalle en béton armé d'1,30 m. Cet ouvrage (analogue à celui du Gondran A) a été ajouté en 1910 pour remplacer les casemates d'origine surclassées par les nouveaux projectiles. Son implantation sous la cour centrale, avec façade arrière dans le front de gorge a permis de le loger à défilement, au plus près des positions à défendre, sans augmenter le relief ni l'emprise de l'ouvrage.

Sans communications directes avec l'étage supérieur, l'accès se fait par six portes dans la façade arrière, portes protégées par des pare-éclats crénelés, en tôle d'acier.

Arasées à peu près à la même époque (pour diminuer le relief et la visibilité), les superstructures de l'ouvrage sont constituées par un parapet d'infanterie périphérique avec, au centre, un abri-traverse D (ancien magasin aux munitions, en maçonnerie, de la batterie primitive de 1881) et à l'arrière droit, un autre petit abri, débouché supérieur de l'escalier montant des casemates-logements, sous galerie en plein-cintre.

Sur les dessus du bâtiment A, on remarque deux entonnoirs produits, en 1940, par des projectiles de mortiers italiens de gros calibre (de l'ordre de 210 à 240 mm). L'un, tombé à peu près au milieu d'une voûte, l'a perforée, formant un cône d'éboulis dans la casemate en dessous. L'autre ayant frappé à l'aplomb ou à ras d'un piédroit, n'a pu traverser la masse couvrante.

Les maçonneries apparentes sont en pierres de taille appareillées en opus incertum, Tablettes de couronnement, encadrements de baies, chaînes horizontales à bandeaux en pierres de taille dressées, harpées pour les chaînes d'angle.

Dans l'avant cour d'entrée, au sol, étoile en maçonnerie figurant l'insigne de la section d'éclaireurs skieurs du 2e bataillon du 15ge régiment d'infanterie alpine, qui occupait l'ouvrage en 1939. Dans les casemates, peintures murales et vestiges d'un fourneau de cuisine.

Ouvrage E

Ouvrage E. Ensemble de l'ouvrage vu de l'avant (nord-est). A mi pente du versant gauche bloc 3 (observatoire cuirasse). En dessous du rocher sommital, dans une tâche d'ombre, façade du bloc 2 dominant la coulée des déblais provenant du creusement des galeries.Ouvrage E. Ensemble de l'ouvrage vu de l'avant (nord-est). A mi pente du versant gauche bloc 3 (observatoire cuirasse). En dessous du rocher sommital, dans une tâche d'ombre, façade du bloc 2 dominant la coulée des déblais provenant du creusement des galeries.

Il s'agit là d'un ouvrage de conception CORF, venu s'ajouter, entre 1933 et 1938, aux quatre ouvrages de la génération antérieure, le tracé de la position de résistance n'ayant pas varié sensiblement d'un système à l'autre.

Les missions assignées à l'ouvrage étaient les suivantes :

- donner des feux d'infanterie sur les prés des Gondran, surveiller et interdire les cheminements montant du Mont Genèvre par le bassin des sources de la Durance (mission confiée à un fusil mitrailleur sous cloche GFM du bloc 2)

- flanquement de la face sud-est du Janus (jumelage de mitrailleuses du bloc 2, ou JM2) - flanquement de la position de résistance vers le point 2232 (J.M. 1).

L'organisation de l'ouvrage est, en fait, un compromis entre la création du minimum d'organes nécessaires à l'accomplissement de ces missions et des contraintes financières très serrées résultant de l'insuffisance des crédits initiaux, aggravée de la priorité relative donnée aux organisations plus méridionales (Larche - Restefond - Alpes- Maritimes) au détriment de celles du nord des Alpes, Briançonnais compris.

L'ouvrage existant est constitué :

Ouvrage E. Galeries souterraines : chambre de troupe (local 20) avec la literie.Ouvrage E. Galeries souterraines : chambre de troupe (local 20) avec la literie.- D'une infrastructure souterraine, constituée d'une galerie principale sud-ouest-nord- est rectiligne d'environ 100 m de long (galerie d'issue de secours de 30 m incluse) s'élargissant sur 20 m pour former casernement (ch. 20) pour 40 hommes couchés (fig. 11). Sur cette galerie se greffent des alvéoles en dérivation abritant l'usine, le PC, les magasins, la cuisine, la citerne, les réservoirs etc. et les tronçons menant aux différents blocs.

L'usine consiste en un groupe électrogène C.L.M. 1 PJ 65/1000 T.M. avec alternateur triphasé 5 KVA 115/200 V et cuve d'eau de refroidissement de 30001.

Ouvrage E. Usine. Groupe électrogène CLM 1 PJ 65. Au fond, le réservoir d'eau de refroidissement.Ouvrage E. Usine. Groupe électrogène CLM 1 PJ 65. Au fond, le réservoir d'eau de refroidissement.L'alimentation en eau est assurée par une source captée alimentant un bassin de 12 m3 (local 17) et de là la citerne de 9500 1(conduite posée après la guerre) du local 16. Réservoir journalier de 1200 l.

Chauffage central traditionnel à eau chaude (chaudière Idéal Standard au local 13), 4 radiateurs tubulaires et 20 à ailettes répartis dans les locaux.

Ventilation (air pur seulement) par ventilateur à bras.

Cuisine : déséquipée pendant l'occupation, entre 40 et 45.

Protection des galeries : de 10 à 13 m de roc naturel.

- De 4 blocs, dont 3 actifs :

Ouvrage E. Bloc 1. Flanc droit. Sous la visière, le créneau de jumelage de mitrailleuses flanquant vers le point 2232. Au-dessus, la cloche de GFM..Ouvrage E. Bloc 1. Flanc droit. Sous la visière, le créneau de jumelage de mitrailleuses flanquant vers le point 2232. Au-dessus, la cloche de GFM..

- Bloc 1, le plus en arrière, regroupant la fonction « entrée d'ouvrage », casemate de mitrailleuses flanquant à droite, surveillance et défense des superstructures. C'est essentiellement un cube de béton armé à deux niveaux affecté aux angles sud et est de deux protubérances formant orillons. Sa protection a fait l'objet d'âpres discussions, en raison de la modicité des crédits, et est finalement réalisé en type 2 pour la dalle (ép. 2, 25 m), 1 m pour le mur arrière (sud-ouest), L, 80 m pour le mur de la casemate J.M, l , 75 m pour les murs nord-est et nord-ouest (exposés aux coups) par ailleurs rocaillés et terrassés. Le bloc est doté d'une cloche cuirassée de GFM type 1929 petit modèle. Un piédroit axial divise, à chaque niveau, le bloc en deux parties :

- Au rez-de-chaussée : entrée (1/1) dans l'orillon, vestibule et caponnière de FM de défense d'entrée (4/1) et cage d'escalier vers les dessous (5/1). Chambre de tir du J.M (2/1). Cloche GFM (53/1) logée dans le massif de l'orillon est qui, de plus, protège le créneau JM contre les coups d'écharpe. Défense rapprochée assurée, en plus, par deux goulottes lance-grenades. Créneau JM, équipé d'une trémie type 3 (champ de tir en direction de 45° en hauteur de - 30° à + 15°) et protégé, à l'extérieur, par une visière oblique et un fossé diamant (fig. 16).

- Au sous-sol: local TSF (6/1) et ventilateur (7/1).

A l'origine, la communication verticale avec les dessous devait être assurée par un puits avec cage d'escalier et monte-charge central. Par raison d'économie ces dispositions furent réduites, le monte-charge supprimé, la cage d'escalier maintenue entre rez-de-chaussée et sous-sol, d'où une galerie ascendante conduit aux locaux souterrains de l'ouvrage.

Ouvrage E. Bloc 2. Façade et créneau de mitrailleuse. Vue extérieure.Ouvrage E. Bloc 2. Façade et créneau de mitrailleuse. Vue extérieure.- Bloc 2 : dans le projet d'origine, ce bloc devait être constitué par une casemate frontale pour jumelage de mitrailleuses. L'insuffisance des crédits a conduit à l'ajourner, puis à le remplacer in extremis par un simple masque en béton armé d' 1, 30 m avec visière, formant le débouché nord-est de la galerie de l'ouvrage, et doté d'une simple trémie type « sud-est» pour une mitrailleuse de 8 mm de campagne modèle 1914 ; il s'agit donc plus d'un poste de tir que d'un véritable bloc.

- Bloc 3 : dans le projet d'origine, il devait consister en un simple massif bétonné avec cloche de guetteur fusilier mitrailleur isolée, assurant la surveillance et le tir. Le massif bétonné a bien été réalisé et le puits de la cloche GFM réservé, mais le cuirassement prévu ayant été refusé par le ministre en 1935, on fut réduit à le remplacer par une cloche observatoire type d'avant 1914 récupérée au fort de Boussoir, à Maubeuge. Solution de fortune qui permettait d'assurer le service de l'observation et de la surveillance, mais excluait toute action de feu, puisque l'organe ne peut, raison de son faible diamètre et de l'exiguïté des trois créneaux, recevoir d'armement (fig. 22).

La cloche est encastrée dans le bloc bétonné (protection frontale et latérale: 2, 50 m) qui affleure la surface du sol, seille la partie supérieure (env. 80 cm) émerge, avec les créneaux.

Jonction avec les dessous par puits avec échelle métallique et galerie de circulation.

Ouvrage E. Bloc 3 (observatoire). Vue rapprochée de la cloche observatoire, type d'avant 1914, remplaçant la cloche GFM prévue à l'origine, puis refusée, d'où le remplissage en béton compensant la différence de diamètre des deux cuirassements.Ouvrage E. Bloc 3 (observatoire). Vue rapprochée de la cloche observatoire, type d'avant 1914, remplaçant la cloche GFM prévue à l'origine, puis refusée, d'où le remplissage en béton compensant la différence de diamètre des deux cuirassements.

- Bloc 4 : pour mémoire: puits et cheminée d'évacuation des gaz viciés. partie supérieure prise, sans protection verticale, dans un bloc de béton avec rocaillage.

- Bloc 5 (bloc non construit) : organe complémentaire projeté en 1939-40 pour suppléer à la faiblesse des feux frontaux de l'ouvrage. li se serait agi d'un bloc en béton enterré, avec une chambre (1/5) d'où devait émerger une cloche d'arme mixte type 1934 petit modèle (projet détaillé d'avri1 1940).

Jonction par galerie de plain-pied et tracé en baïonnette, prolongeant le couloir d'accès au bloc 3.

- Organisations d'intervalle (tranchées abris et batteries d'artillerie)

Batteries ; généralement constituées de positions de pièces, simples ou doubles, séparées par des traverses pare-éclats, en terre, n'émergeant pas de la crête. Certaines ont reçu tardivement des abris légers en béton pour munitions et servants.

On trouve également, à contrepente, des abris à munitions à dalle en béton armé, divisés en deux soutes.

Plateau du Gondran. Batterie (modernisée) et baraque d'officier n° 2, à contrepente du sommet des Anges, vue prise derrière l'ouvrage C vers le nord-ouest.Plateau du Gondran. Batterie (modernisée) et baraque d'officier n° 2, à contrepente du sommet des Anges, vue prise derrière l'ouvrage C vers le nord-ouest.- Baraques et divers

Généralement constitués - à l'instar de tons les casernements de montagne de l'époque - par des bâtiments rectangulaires allongés en maçonnerie, couverts d'un toit en bâtière, à couverture en tôle ondulée galvanisée sur charpente en bois. Entrée en pignons. Les chalets de troupe (25 x 6, 50 m hors tout) ont une capacité nominale de deux sous-officiers et 60 soldats et ne comportent pas de cloisonnement, contrairement aux chalets pour officiers, plus petits. Le petit atlas donne (avant 1939) : 14 baraques de troupe, 1 pour sous-officiers, 3 pour officiers, 4 cuisines, une citerne de 100 m3, des abreuvoirs, des lavoirs, des latrines etc., le tout complété par 9 baraques en bois aujourd'hui disparues.

La baraque 1, modernisée et agrandie, est devenue chalet de montagne du 159e RIA. Le reste, abandonné est le plus souvent en mauvais et très mauvais état.

Ouvrage dit « point 2232 »

Généralités – situation

L'arête montagneuse ouest-est, Infernet-sommet des Anges, qui sépare, en fait la vallée de la Durance de celle de la Cerveyrette, s'abaisse à l'est de la crête du Gondran et, au niveau du mamelon rocheux abritant l'ouvrage du Gondran E, s'épanouit en Y, une branche obliquant au nord-est pour se raccorder au Chenaillet, l'autre obliquant au sud-est pour s'arrêter, en balcon, au-dessus de la vallée de la Cerveyrette au niveau du défilé des Aittes.

Le sommet de ce contrefort, coté autrefois 2232 (aujourd'hui 2227 selon la carte IGN) voit bien, en enfilade, la vallée de la Cerveyrette vers le Bourget et les sentiers qui en partent pour remonter au Gondran. D'un point de vue topographique et militaire, c'est la meilleure position intermédiaire entre la crête sommitale du Gondran et le barrage des Aittes en fond de vallée.

Historique

Aussi, lors de la dernière phase d'extension des défenses avancées de Briançon avant 1914 y a t-on établi en 1898-99 un point d'appui d'infanterie, en fortification de campagne (terre et réseau de barbelés) relié à la position du Bois des Bancs et à Cervières par un sentier aménagé, et soutenu, en arrière, par les batteries de la crête du Gondran C-D. L'organisation a reçu, en 1900-1901, un petit abri voûté.

En 1929, lors des études de réorganisation de la frontière du sud-est, la C.D.F. préconise d'y établir un ouvrage intermédiaire entre le Gondran C (à moderniser) et l'ouvrage prévu aux Aittes. L'avant projet correspondant, établi par la direction du génie de Briançon, est adressé à la CORF le 9 novembre 1929 : il prévoit 6 blocs greffés sur une infrastructure souterraine et totalisant 4 mortiers de 75, 4 mortiers de 81, 4 mitrailleuses, 2 lance-grenades, 2 cloches F.M et un observatoire mais, compte tenu de la faiblesse des crédits alloués, l'ouvrage n'est pas retenu dans le programme du 24 décembre 1930 (434 FIA) et, en fait, rien ne s'y fera.

Etat actuel : limité aux vestiges de l'organisation de campagne de 1898-1901 : les levées de terre et tranchées abris sont visibles, ainsi que l'abri central. Le site est bien dégagé, le réseau barbelé n'existe plus.

Conclusion

Exemple original et rare - surtout à l'époque de la création - de front organisé en fortification dispersée, alliant sur le même site les organes de combat en crête et, à contrepente, des bâtiments-vie de temps de paix disséminés, également, en une sorte d'habitat dispersé, d'ailleurs de style très proche de l'habitat rural de montagne.

Le renforcement progressif des ouvrages d'ossature a engendré des monuments d'intérêt architectural certain (Gondran C et D), dernières constructions en maçonnerie à cheval sur la crise de l'obus torpille, avant le basculement dans le béton spécial, puis le béton armé également représentés. Enfin, la génération suivante s'ajoute à ce véritable musée technologique, avec le Gondran E, malgré les réductions presque dramatiques dues à l'insuffisance budgétaire.

Le bombardement par l'artillerie lourde italienne de juin 1940 est venu donner la sanction historique à ce qui n'aurait pu être que curiosité technique : malgré son abandon, l'ensemble de l'organisation, routes, fontaines, baraques, ouvrages, admirablement intégrés au paysage du haut plateau, constitue un capital actuellement inemployé, mais toujours disponible.

A l'origine, une étude pour la fortification du plateau du Gondran avait été réalisée par Vauban, puis par l'ingénieur Richerand. L'occupation du Gondran est préconisée, dès 1873, par le comité de Défense. Les travaux commencent en juin 1876 et s'achèvent en octobre 1881. On établit quatre retranchements d'infanterie et neuf batteries d'artillerie. La crise de l'obus-torpille (1885) oblige l'amélioration des lignes défensives. Les quatre ouvrages sont transformés en ouvrages d'infanterie. L'ouvrage appelé C reçoit une caserne casematée de 1887 à 1891. Avant 1914, le plateau est équipé en abris et en batteries d'artillerie. Dès 1926, on recommence des projets de défense. L'ouvrage d'infanterie du Gondran E est construit entre 1933 et 1938. L'ouvrage dit point 2232, préconisé en 1929, n'a pas été réalisé.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
    • Principale : 1ère moitié 20e siècle
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Le Prestre de Vauban Sébastien
      Le Prestre de Vauban Sébastien

      Ingénieur, architecte militaire, urbaniste, ingénieur hydraulicien et essayiste français. Nommé maréchal de France par Louis XIV. Expert en poliorcétique (c'est-à-dire en l'art d'organiser l'attaque ou la défense lors du siège d'une ville, d'un lieu ou d'une place forte), il a conçu ou amélioré une centaine de places fortes.

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    • Auteur :
      Creuzet de Richerand Guy
      Creuzet de Richerand Guy

      Ingénieur militaire, ingénieur en chef de la place de Sarrelouis de 1683 à 1692. Directeur des fortifications du Dauphiné en 1690, il dirige le renforcement des fortifications décidé à la suite de l'invasion savoyarde de 1692, à Saint-Vincent-les-Forts, Seyne et Colmars. Construit le fort Saint-Vincent, le fort Joubert et la tour dite Vauban à Saint-Vincent-les-Forts, la citadelle à Seyne, les forts de France et de Savoie à Colmars, réalise d'importants travaux au château de Guillaumes.

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L'ensemble se présente sous la forme d'édifices fortifiés, de batteries d'infanterie et de baraquements, le tout dispersé. Les baraques sont des bâtiments rectangulaires en maçonnerie couverts d'un toit en bâtière, à couverture en tôle ondulée galvanisée. Parmi les organes de combat, l'ouvrage appelé C est constitué d'un corps central comprenant six casemates de logement couvertes d'une voûte surbaissée entouré de part et d'autre d'ailes formant avant-corps. Un abri de combat en béton recouvert d'une dalle de béton est implanté sous la cour centrale. L'ouvrage D est un blockhaus. L'ouvrage dit E est constitué d'une infrastructure souterraine, composée d'une galerie principale sur laquelle se greffent des salles occupant diverses fonctions, reliée à l'extérieur par quatre blocs bétonnés. Le bloc affecté à l'entrée est établi sur deux niveaux.

  • Murs
    • pierre moellon
    • béton béton armé
  • Toits
    tôle ondulée, béton en couverture
  • Étages
    en rez-de-chaussée, sous-sol
  • Couvrements
    • roche en couvrement
    • voûte en berceau segmentaire
  • Couvertures
    • toit en bâtière
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Ouvrage C du Gondran. / Dessin, 1893. Service historique de la Défense, Vincennes : Fonds du Génie, grand atlas, T 336, feuille 54.

  • Plan terrier. Ligne du Gondran. / Dessin, 1895. Service historique de la Défense, Vincennes : Atlas des bâtiments militaires, feuille 10.

  • Ligne de défense du Gondran. Abris à munitions A, B, C. Citerne A. / Dessin, 1902. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 336, feuille 53.

  • Ligne du Gondran. Abris de remparts dans les tranchées. / Dessin, 1912. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 336, feuille 53.

  • Ligne du Gondran. Ouvrage A. / Dessin, 1912. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 336, feuille 53.

Date d'enquête 1986 ; Date(s) de rédaction 1996
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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Articulation des dossiers
Parties constituantes