Dossier d’œuvre architecture IA06000065 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage mixte dit ouvrage du Barbonnet, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Sospel
  • Commune Sospel
  • Lieu-dit près de Sospel
  • Dénominations
    ouvrage mixte
  • Appellations
    ouvrage du Barbonnet, du secteur fortifié des Alpes-Maritimes
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    bloc, souterrain

Intérêt stratégique

Ouvrage mixte, type C.O.R.F., pilier d'ossature de la position de résistance de la région fortifiée des Alpes-Maritimes, entre l'Authion et la mer.

Chargée, en 1925, de concevoir la réorganisation d'ensemble du système défensif des frontières puis, par décret du 28 mars 1928, plus spécialement celle de la frontière du Sud-Est, la Commission de défense des frontières (C.D.F.) présidée par le général Guillaumat, remet au ministre P. Painlevé, le 12 février 1929, le rapport contenant ses propositions.

Le tracé de la position de résistance qu'elle propose passe par le fort du Barbonnet construit de 1883 à 1886, ce qui est logique puisque le tracé de la frontière franco-italienne n'a pas varié depuis 1860. La commission propose, donc, de le «réorganiser », plutôt que de construire de toutes pièces un ouvrage neuf. Le fort a d'ailleurs fait l'objet, en 1928-29, de quelques travaux de renforcement de ses deux vieilles tourelles - en fait reprise partielle de travaux prévus en 1912 et interrompus par la guerre de 1914 - ceci dans le cadre d'un « programme réduit de défense de Nice » adopté le 31 août 1927 pour répondre à l'attitude provocante et aux revendications de Mussolini.

La « Commission d'organisation des régions fortifiées» (C.O.R.F.) créée en 1927 sous la présidence du général inspecteur général du génie, doit assurer, en tant que maître d'œuvre, la réalisation du nouveau système.

Télévue du fort et de l'ouvrage moderne prise du sud-ouest de la région du col du Farghet. A gauche, le bloc d'entrée, à droite, la casemate d'artillerie..Télévue du fort et de l'ouvrage moderne prise du sud-ouest de la région du col du Farghet. A gauche, le bloc d'entrée, à droite, la casemate d'artillerie..

Projet et chronologie des travaux

Un premier avant-projet, prescrit par note 25/FA du 12 février 1929 est établi le 10 novembre 1929 par la direction des travaux de fortification de Nice (lieutenant-colonel André). En fait, plutôt que de « réorganiser » le fort stricto sensu, ce projet prévoit le creusement, en dessous, d'un réseau de galeries en Y desservies, à l'arrière (ouest) par une entrée bétonnée et conduisant au nord à une grosse casemate en béton abritant 2 mortiers de 75 tirant au nord-nord-est, vers l'Agaisen, et 2 mitrailleuses orientées vers l'est. A hauteur de l'entrée, on trouve, à contrepente, des emplacements à ciel ouvert pour des mortiers de 81 et des lance-grenades. Des puits avec monte-charges doivent relier les tourelles du fort à ces galeries.

La dépense est estimée à 6.755.000 F. Après un chiffrement hâtif de l'ensemble du dispositif proposé en novembre 1929, le nouveau ministre de la guerre André Maginot - dont l'opinion publique donnera le nom au nouveau système - fait voter la loi-programme du 14 janvier 1930 accordant 2.900 millions de crédits à la fortification, dont 204 millions seulement étaient réservés à la frontière du Sud-Est, pour une estimation initiale de plus de 700 millions.

Avec une somme aussi modique, mieux valait ne rien entreprendre, mais une intervention du maréchal Pétain permit de la porter à 362 MF : s'ensuivit alors, pendant l'année 1930, une longue réflexion sur le découpage de la réalisation en deux urgences, avec ou non intervention de la main-d’œuvre militaire, et en janvier 1931, le programme était enfin arrêté, avec, en première urgence et à exécuter par entreprise, l'ouvrage du Barbonnet.

Un deuxième avant-projet a été présenté en octobre 1931 : en fait, la conception de l'ouvrage a été bouleversée et priorité donnée au « flanquement sud » vers l'ouvrage voisin de Castillon, en feux croisés.

Après rééquilibrage avec les ouvrages voisins (Agaisen au nord, Castillon au sud) le nouvel ouvrage prévoit, en premier cycle :

- un bloc d'entrée avec casernement et galeries souterraines (B1)

- un bloc casemate de flanquement sud avec 2 canons-obusiers de 75 et 2 mortiers de 81 mm (B2)

- les puits de jonction avec les tourelles du vieux fort.

Sont ajournés en deuxième cycle :

- le bloc de flanquement nord (symétrique, à gauche, du BI, et de constitution identique)

- un bloc d'infanterie sud, avec 2 JM flanquant les pentes à droite et à gauche, cloche observatoire au profit de B2 et FM frontal

- un bloc pour cloche GFM isolée battant les pentes arrière (ouest) du piton.

Ces choix sont fixés par la D.M. n° 2081-2/4 S du 23 mai 1932 - correspondant au projet technique du 23 août 1932 : la dépense est alors estimée à 9, 7 MF, dont 7, 3 de construction, 0, 984 de cuirassements, 1,012 de munitions et divers.

Les travaux commencent, mais très vite le percement des galeries dans un terrain instable et hétéroclite se heurte à de sérieuses difficultés. Des éboulements considérables se produisent (dont un de 200 m3) obligeant à des travaux supplémentaires, donc des dépenses imprévues.

Il en résulte même des atteintes sérieuses aux maçonneries du vieux fort, 40 m plus haut, et on en arrive à renoncer aux puits de jonction avec les tourelles de 155.

Officiellement la construction se déroule entre le 27 novembre et le 1er février 1935.

Après percement et revêtement des galeries, coulée des deux blocs, les cuirassements sont mis en place, et les équipements progressivement mis en place.

Au 1er janvier 1937, l'essentiel est à peu près opérationnel, mais de nombreux aménagements restent à faire (protection contre les gaz, contre l'incendie, mobilier des PC, ateliers, chambres à douilles etc.) dont la plus grande partie sera réglée avant 1940. La dépense prévisionnelle est estimée, fin 1936, à 10, 85 MF.

Comme le stipule une plaque apposée au revers de la façade du bloc d'entrée, la direction du chantier a été assurée, de 1932 à 1934, par le capitaine Burdevron, de la chefferie de fortification de Nice.

Au 1er janvier 1937, la composition théorique de l'équipage de guerre est fixée à 8 officiers, 29 sous-officiers et 275 hommes de rang, dont 119 fantassins, 120 artilleurs et 36 sapeurs du génie (y compris les servants des tourelles de 155 du vieux fort). L'infanterie relève du 95e bataillon alpin de forteresse (40e demi-brigade) et l'artillerie du 158e régiment d'artillerie de position (10e batterie du 158e RAP (VIe groupe) pour les mortiers de 81 mm, 12e batterie du 158e RAP pour les c.o. de 75/29 (bloc 2) et 11e batterie du 157e RAP pour les tourelles de 155 du vieux fort).

Mis en ordre de combat à la mobilisation de 1939, l'ouvrage, commandé par le capitaine Imbault, remplit sa mission à partir de l'entrée en guerre, le 10 juin 1940, de l'Italie. Du 11 au 25 juin, le bloc actif (B2) tirera 558 coups de 75 (aucun de 81 mm) sur les infiltrations italiennes entre Pierre Pointue et Castillon. Le 22 juin, l'éclatement d'un tube de 75/29 de casemate tue deux servants, les canonniers Boutigny et Lloret : une plaque, apposée dans la cour du vieux fort, rappelle depuis peu leur souvenir.

Evacué à partir du 25 juin en exécution des clauses de l'armistice, l'ouvrage semble avoir traversé l'occupation sans dommages particuliers. Repris en charge par le service du génie après la Libération, il est remis en état dans le cadre du « secteur de défense des Alpes », puis, après 1964, déclassé en domaine privé et, enfin, concédé à l'association «Edelweiss-Armée des Alpes» qui en assure la conservation et la promotion touristique.

Une pièce de 75/29 du bloc 2 a été prélevée en 1970 et transportée dans un musée militaire. Elle a été remplacée en 1991 par un matériel identique prélevée à l'ouvrage du Monte Grosso.

Analyse architecturale

L'ouvrage, tel qu'il existe, n'est donc en fait que la première tranche (« premier cycle ») d'un ensemble plus vaste, dont plus de la moitié a été ajournée en raison de l'insuffisance des crédits.

Implanté sous les pentes et le saillant sud-ouest du fort, avec entrée dans l'avant dernier lacet de sa route d'accès, il est constitué d'une infrastructure de galeries et locaux souterrains, reliant deux blocs, dont une entrée (B1) et un bloc actif (B2) distant de 170 m en ligne droite, et traités en protection n° 3.

Bloc 1

Bloc 1. Vue générale.Bloc 1. Vue générale.Bloc d'entrée mixte, type sud-est, à ravitaillement par camion, enterré sur deux côtés (est et sud) ; sa construction a représenté 2500 m3 de terrassements et 2200 m3 de béton armé. Il s'inscrit dans un rectangle de 25 x 15 m.

La façade principale, orientée au nord-nord-est, est précédée d'un fossé diamant et bordée, à l'est, par un orillon abritant la caponnière de FM de flanquement. Elle est surmontée par une visière prolongeant la dalle.

La paroi (ouest), non terrassée et dominant la pente, a son épaisseur réduite à 1, 50 m, n'étant pas exposée aux coups.

De la dalle, renforcée en partie par un massif taluté en béton cyclopéen, émerge une cloche GFM type «A» grand modèle, à 5 créneaux (2 ex., 1 N., 2 S.) encastrée dans une protubérance arrière du massif du bloc. Cette cloche assure la surveillance et la défense des dessus et des abords du bloc. Elle est posée sur un cuvelage renforcé.

Vu de l'extérieur, le plan de façade, rectiligne, présente de gauche à droite les ouvertures suivantes :

- un créneau FM prenant la route en enfilade

- la porte d'entrée des hommes, avec passerelle amovible franchissant le fossé diamant

Bloc 1. Entrée des matériels, pont-levis relevé.Bloc 1. Entrée des matériels, pont-levis relevé.- la porte d'entrée des matériels, avec pont-levis à bascule en dessous « Moissant, Laurent et Savey » (marché SMF du 26 septembre 1932 - portant sur 18 ponts - prix unitaire moyen : 22.000 F + transport) franchissant le fossé diamant et, en position relevée, obturant la baie tout en laissant pénétrer l'air par les perforations de la tôle du plancher.

L'entrée du matériel (l. : 2, 60) donne accès à un hall de 3, 50 m de large et d'un peu plus de 11 m de long, destiné à abriter un camion de ravitaillement et à en décharger le contenu sur les wagonnets roulant sur une voie de 0, 60 scellée dans le radier le long du piédroit gauche.

En fond de hall on trouve un blockhaus de défense intérieure avec créneau de FM prenant le local en enfilade, et, à gauche, après un coude de 45°, l'entrée de la galerie souterraine fermée par une première porte blindée étanche roulante à deux vantaux, s'effaçant latéralement dans des logements ménagés dans le massif d'appui. Ainsi placée, la porte n'est pas visible de l'extérieur. Elle est, en outre, flanquée par le second créneau FM du blockhaus de défense intérieure.

L'entrée des hommes est fermée par une porte-grille pivotante type 9 quater. Le couloir d'entrée, pris d'enfilade par un créneau FM de défense intérieure, fait un coude de 90° à gauche avant d'aborder une porte blindée pivotante étanche type 4 quater ouvrant vers l'extérieur.

Devant la porte blindée, le radier du couloir est percé d'une ouverture carrée, couverte d'une grille, constituant la prise d'air de l'aérorefroidisseur de l'usine installé en sous-sol du bloc.

Cette porte donne accès à un petit groupe de locaux : corps de garde, station radio, créneau de FM frontal, caponnière de défense de façade et leurs approvisionnements en cartouche. Ces locaux sont desservis par un couloir longeant le mur est du bloc et débouchant dans la galerie principale, derrière la première porte blindée roulante, par une issue fermée par porte étanche non blindée. En face, de l'autre côté de la galerie, une issue analogue donnant accès au blockhaus de défense intérieure, évoqué plus haut, qui abrite, en outre, le pied du puits de la cloche GFM, et un troisième créneau de FM percé dans la paroi ouest du bloc et battant, à revers, la pente du terrain extérieur. A côté de ce créneau est située la cheminée d'évacuation d'air vicié de l'ouvrage.

En façade et dans le mur ouest, on trouve, pour surveiller et battre les angles morts, 5 gaines pour « périscope horizontal» (ou « périscope de fossé ») et 3 « lance-grenades de fossé », avec réserve de 300 grenades prévue dans le blockhaus de défense intérieure.

Locaux souterrains : ceux-ci commencent, en fait, au niveau de la première porte blindée roulante et à ce niveau, l'épaisseur du massif bétonné du bloc diminue graduellement jusqu'à ce que la protection soit assurée par l'épaisseur du terrain naturel, soit 13 m environ après la porte. Ces 13 m constituent un second hall, de 3, 60 m de large, où la voie ferrée est doublée à droite d'une voie de garage. Au-delà, le hall se poursuit par la galerie de circulation principale de l'ouvrage, la galerie, construite selon les procédés traditionnels, est voûtée, alors que les locaux du bloc, protégés par une dalle sont à plafond plat.

Cette galerie, large de 2, 50 m, se prolonge en alignement droit sur une quarantaine de mètres, coupée, à 5 m, par une porte étanche non blindée constituant un sas avec la précédente.

Salle de neutralisation.Salle de neutralisation.Sur cet alignement s'embranchent, à gauche, les locaux disposés en A fractionné par des cloisons, de la salle de neutralisation d'ouvrage, et de la centrale électrique et, en face et à droite, la cuisine.

La salle de neutralisation, logée dans un alvéole de 4 x 16 m, regroupe 2 batteries de 7 filtres, montées en parallèles le long des parois avec encore stockés sur place 7 filtres de rechange. L'air filtré est refoulé dans l'ouvrage par une batterie de chauffe traversée par l'eau de refroidissement des moteurs de la centrale.

L'air gazé vient par carneau dans le sol de la galerie depuis la prise d'air du bloc d'entrée.

Centrale électrique. Vue avant droite d'un groupe.Centrale électrique. Vue avant droite d'un groupe.La centrale électrique comprend la salle des groupes, alvéole parallèle à la précédente, de 4 x 24 m. Celle-ci abrite, actuellement, disposés en ligne, 2 groupes électrogènes SMIM 6 SR19 6 cylindres 150 cv n° 555 (génie n° 17) et 574 (n° 22) avec alternateurs SW 210 V. 114 KVA 316 A type 8.10.25 n° 8099 et 8195 (cos : 0,7). L'emplacement d'un troisième groupe est disponible (en cas de construction des blocs de deuxième cycle). Les parois sont occupées par les tableaux de contrôle, de couplage et de départ, ainsi que les réservoirs à gazole journaliers et les bouteilles de lancement à air comprimé. La salle est isolée de la galerie principale par une cloison construite après la guerre.

En outre, au lieu du groupe auxiliaire de centrale, on trouve un petit groupe CLM 1 Pl 65, type de casemate, pouvant assurer par un circuit particulier l'éclairage de l'ouvrage sans lancer un groupe principal. Ce groupe a été installé après guerre à l'emplacement du 3e SMIM.

Les citernes à eau de refroidissement et les citernes à gazole occupent deux alvéoles perpendiculaires isolés par cloisons de la salle des machines et de la salle de neutralisation. Le local des citernes à gazole a son entrée protégée par les dispositifs règlementaires : porte coupe-feu automatique et porte étanche extérieure.

Cuisine.Cuisine.La cuisine est située de l'autre côté de la galerie de circulation, dans un alvéole voûté de 4 x 7, 20 m situé dans le prolongement de la salle des groupes. On y trouve : une série de bacs et éviers le long du piédroit, un fourneau de cuisson Arthur Martin 240 rations à 3 feux transformés au fioul (les portes des foyers à charbon sont déposées dans le magasin) avec hotte d'aspiration des buées, le bac à déchets et le guichet de distribution donnant sur la galerie principale.

En fond du local, et perpendiculaires à celui-ci, on trouve quelques magasins annexes (vivres et citerne à fioul).

Au bout de l'alignement droit de la zone technique usine-cuisine-ventilation, la galerie principale tourne de 25° à droite, au niveau d'une seconde porte blindée roulante destinée à la défense intérieure.

On pénètre alors dans la zone de casernement, constituée par 3 galeries de 4 m de large environ et de longueurs différentes, reliées par 3 « écoutes » ou couloirs de circulation, le tout à droite de la galerie principale. Ces galeries sont parallèles entre elles et à la galerie principale, et séparées l'une de l'autre par un massif de terrain naturel d'au moins 5 m d'épaisseur (règle du « tant plein que vide »).

Les deux premières, longues respectivement de 65 et 80 m, sont divisées par cloisons transversales en chambres de troupe, de sous-officiers et officiers, infirmerie, P.C., central téléphonique etc. (fig. 12) conformément aux notices techniques de la S.T.G.

La troisième abrite les citernes à eau métalliques de l'ouvrage.

Les «écoutes» sont fermées par des portes étanches permettant l'isolement de l'ensemble par rapport à la galerie principale, afin de réaliser la ventilation par brassage dans les meilleures conditions.

A gauche de la galerie principale on trouve deux alvéoles abritant les latrines à fossé chimique Asepta, tandis qu'un élargissement de la galerie abrite les lavabos de la troupe habillés de carrelage. Ce tronçon de galerie de 90 m de long tourne ensuite de 60° à droite environ pour pénétrer dans les locaux souterrains du bloc 2. Avant ce virage, l'alignement droit se prolonge par un court tronçon en cul-de-sac, amorce de la galerie de jonction avec le bloc d'infanterie ajourné en deuxième cycle.

L'infrastructure souterraine représente 282 m de galeries ayant nécessité 2900 m3 de déblais et 1150 m3 de maçonnerie et 5300 m3 de déblais de locaux souterrains ayant nécessité la construction de 1800 m3 de maçonnerie.

Le bon état actuel des parois et des voûtes ne permet pas de se rendre compte des travaux supplémentaires et renforcements entraînés par les difficultés du terrain et les éboulements survenus pendant les travaux.

Bloc 2

Bloc 2. Vue générale.Bloc 2. Vue générale.La galerie principale de l'ouvrage, dotée depuis l'entrée d'une voie ferrée de 0, 60, débouche dans les locaux souterrains du bloc 2, seul bloc actif de l'ouvrage réalisé en premier cycle comme casemate d'artillerie flanquant, à droite, l'ouvrage voisin de Castillon.

La galerie d'accès, coupée par une porte blindée pivotante type 10 de défense intérieure et un sas pour la ventilation, se termine au pied du puits du bloc, devant la porte du monte-charge. Près du sas, un alvéole abrite le ventilateur « air pur » du bloc.

Elle est coupée, à angle droit, par un tronçon de galerie desservant, à gauche, les deux magasins à munitions M2 correspondant aux deux types de matériels du bloc (canons obusiers de 75/29 et mortiers de 81 mm) avec leurs accessoires.

Le puits rectangulaire, d'une hauteur de 18, 92 m, représente 735 m3 de terrassement et 260 de maçonnerie. Il renferme un escalier à volées droites et paliers de repos, en béton armé, tournant autour de la cage du monte-charge électrique de 2500 kg à machinerie en bas.

Le bloc proprement dit, traité en protection 3, est encastré dans le terrain et rocaillé dans la moitié nord-est de son périmètre (fig. 16). Avec ses deux niveaux, il totalise 2450 m3 de béton pour une fouille de 3000 m3. Situé au pied du perré du saillant sud-ouest du vieux fort, il est orienté au sud-est, avec directrice fichant légèrement à droite (2,5°) du bloc D de l'ouvrage de Castillon, et champ de tir de 25 grades à droite et 25 à gauche, s'étendant de la Baisse de Pierre Pointue au col de Segra.

Le plan est assez complexe et dérive directement du schéma de principe de la casemate de Bourges1 d'avant 1914, dont il n'est qu'une version améliorée.

A l'avant gauche, un orillon assure le défilement de deux chambres de tir décrochées en échelons refusés et d'un arrière-corps. Les façades des chambres de tir sont protégées, au-dessus, par des visières en quart-de-rond prolongeant la dalle, et précédées d'un fossé diamant en deux tronçons (avec passage de communication) de 4 m de profondeur, avec contrescarpe de 2 m d'épaisseur.

Pour des raisons évidentes, le plan intérieur est identique aux deux étages.

Bloc 2. Etage inférieur. Chambre de tir et pièce de 81 mm de gauche. Au plafond, gaines de ventilation et transrouleur à douilles d'un 75 mm.Bloc 2. Etage inférieur. Chambre de tir et pièce de 81 mm de gauche. Au plafond, gaines de ventilation et transrouleur à douilles d'un 75 mm.A l'étage inférieur, on trouve essentiellement, au centre, face au palier du monte-charge les chambres de tir des 2 mortiers de 81 mm modèle 32 (à gauche pièce n° 92, à droite, n° 76) timbrés « Tarbes 1934 ». (Les culasses des pièces ont été retirées par le service du matériel vers 1970, ainsi que la plupart des têtes des goulottes lance-grenades, réformées et vraisemblablement détruites par la suite). Autour, un certain nombre de locaux annexes (magasin M3, niches aux charges et aux fusées, chambre à douilles des 75).

Dans l'orillon avant-gauche, on trouve la sortie de secours débouchant dans le fossé diamant. Cette issue est fermée par une porte blindée type Il bis A précédée, en façade, par une porte-grille 8 bis A.

Dans la face arrière de l'arrière-corps débouche la prise d'air gazé du bloc.

A l'étage supérieur, on trouve, au centre, l'ensemble constituée par les chambres de tir des 2 canons-obusiers de 75 M 29, exactement superposés aux mortiers de 81 mm et avec des champs de tir identiques: on réalise, donc, au moins sur 3500 m, la superposition des armes à tir tendu et de celles à tir courbe imposée par les formes tourmentées du terrain.

Bloc 2. Etage supérieur. Canon obusier de 75 M 29. Vue arrière gauche.Bloc 2. Etage supérieur. Canon obusier de 75 M 29. Vue arrière gauche.Les deux pièces sont en place : à droite le n° 27, à gauche le n° 26, portant gravée l'inscription « Bourges 1932 ». Le fait que les numéros se suivent est une pure coïncidence, voulue à l'origine, mais qui a été bouleversée par la suite, raison de nombreux mouvements. Ainsi, la pièce détruite par explosion en juin 1940 a été remplacée par le tube de rechange. Des pièces ont été ensuite enlevées par les Italiens ou mises hors de service en 1944-45 par les Allemands et remplacées par ce qui put être récupéré, après guerre, dans les ouvrages du Nord-Est où en envisageait de monter, vers 1954, du matériel de 105 étudié par l'arsenal de Tarbes. Au bloc 2 du Barbonnet - appelé à l'origine « Batterie L » - la pièce de gauche (affût n° 25 – tube42, que le numéro désigne comme un tube de rechange) a été enlevée en 1970 et a été remplacée vers 1990 par une pièce analogue (n? 26) enlevée au bloc 3 du Monte Grosso (« Batterie M »).

Autour, en niches ou le long des parois, on trouve les accessoires des pièces, la ventilation gazée du bloc. Dans l'orillon, sont logés :

- une caponnière avec créneau FM de flanquement

- le pied du puits d'une cloche GFM « A » GM à cuvelage renforcé, et à 5 créneaux (3 N et 2 S) émergeant de la dalle pour la surveillance et la défense des dessus et des abords. Cette cloche est en plus appropriée à la mission d'observatoire auxiliaire, et était dotée d'un périscope J2 et d'un bloc jumelle D (x 8).

A l'arrière du bloc, on trouve une cloche lance-grenades (non armée en 1940, comme toutes ses semblables, l'étude du mortier de 50 mm n'étant pas terminée) destinée à battre les abords en tir vertical.

Dans le blockhaus d'arrière corps, on trouve :

- deux créneaux FM de casemate, inclinés, battant à revers la contrepente, combinés avec des gaines pour périscopes horizontaux et des « lance-grenades de fossé » pour surveiller et battre le pied de la paroi

- deux gaines pour liaison optique avec d'une part le Mont Ours, d'autre part l'ouvrage de Castillon.

Dans la paroi droite de la chambre de tir de gauche d'une part, de l'orillon d'autre part, on trouve respectivement 2 et 1 ensembles gaine de périscope-lance-grenades de fossé de défense du fossé diamant.

Enfin, on notera la présence, dans la tranche de la dalle de l'arrière-corps, des supports métalliques de l'antenne (disparue) d'un des postes radio de l'ouvrage, et l'antenne parabolique d'un système de retransmission récemment installé, et utilisant le bloc comme support.

Conclusion

Ouvrage tronqué, donc, puisque réduit aux organes du premier cycle d'un ensemble plus grand mais sain, complet et en bon état.

Ni les deux blocs, ni l'infrastructure souterraine ne présentent d'originalité qu'on ne rencontre dans la plupart des ouvrages du secteur fortifié des Alpes-Maritimes.

L'intérêt tient à sa proximité du fort voisin du Barbonnet et donc de constituer avec celui-ci un bon exemple de cohabitation, sur un même site, de deux générations successives d'architecture militaire.

Le classement du fort entraînerait, ipso facto, la protection de l'ouvrage « moderne » ce qui serait souhaitable.

1La casemate de Bourges est inventée par le Commandant du Génie Laurent en 1885, elle sera expérimentée et adoptée à Bourges en 1899. Son emplacement se situe dans les flancs des ouvrages pour être dissimulée aux yeux de l’ennemi, assurant le rôle de flanquement pour défendre les abords de l’ouvrage et des intervalles.

En 1929, la Commission de Défense des Frontières propose la réorganisation du fort du Barbonnet, construit de 1883 à 1886. L'avant-projet est dressé par la Direction des Travaux de Nice. Le type d'ouvrage proposé est celui défini par la Commission d'Organisation des Régions Frontalières. La construction se déroule de 1932 à 1935. En 1937, l'ouvrage est presque opérationnel. Il remplit sa mission durant les combats de 1940. Il est déclassé en 1964.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle

L'ouvrage est constitué d'une infrastructure de galeries et de locaux souterraine, reliant deux blocs, dont une entrée et un bloc actif. La galerie souterraine, de plain-pied avec l'entrée, est voûtée en berceau cintré. Elle dessert des locaux renfermant des moyens logistiques : salle de neutralisation, centrale electrique, cuisine, casernement, citernes. Le bloc actif est élevé sur deux niveaux. Les deux blocs, en béton armé, sont munis d'une cloche cuirassée.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Étages
    sous-sol, 1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Typologies
    cloche cuirassée
  • Statut de la propriété
    propriété privée
Date d'enquête 1994 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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