Dossier d’œuvre architecture IA06000061 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage mixte dit ouvrage de Saint-Roch, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Sospel
  • Commune Sospel
  • Lieu-dit près de Sospel
  • Dénominations
    ouvrage mixte
  • Appellations
    ouvrage de Saint-Roch, du secteur fortifié des Alpes-Maritimes
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    bloc, souterrain

Intérêt stratégique

Ouvrage mixte type C.O.R.F., pilier de la position de résistance du secteur fortifié des Alpes-Maritimes.

Situé à 400 m environ au sud-ouest du centre du bourg de Sospel, dans un virage de la route D 2204 Sospel-col de Braus-Nice, il constitue d'abord l'ouvrage d'interdiction de la trouée de la Bevera et de la route Turin-Sospel-Nice. Il assure, en outre, le flanquement de son voisin l'ouvrage de l'Agaisen, à 1, 5 km au nord-est, et, avec un JM, agit à droite sur la vallée du Merlanson, en flanquant le pied du Barbonnet.

L'essentiel de ses moyens a dû, en raison des contraintes du terrain, être concentré dans un bloc actif (B4) au pied d'un contrefort étroit, orienté sud-ouest-nord-est, du Barbonnet : implanté de la sorte, il est placé assez bas pour une bonne rasance des trajectoires enfilant la Bevera, et assez haut pour ne pas être trop gêné par le masque créé par l'agglomération (fig. 1-2). On a pu en outre profiter de cette crête pour implanter, 80 m derrière le bloc actif et 40 m plus haut, un bloc observatoire (B3) ayant d'excellentes vues sur la zone d'action, tandis que le bloc d'entrée (B1) pouvait se loger à contrepente, au pied du versant nord-ouest, convenablement défilé par rapport aux directions dangereuses. Un petit bloc d'infanterie (B2) consistant en une seule cloche GFM, placé à mi-pente surveille ce versant, à mi-distance entre l'observatoire et l'entrée.

Un autre bloc identique (B6) était prévu derrière l'observatoire pour surveiller les pentes sud-est : il n'a pas été construit.

Sans parler des batteries extérieures mobiles ou de position, l'ouvrage peut être couvert par les feux de ses voisins: au nord, bloc 5 (2 canons de 75-33) et 6 (2 canons de 135 sous tourelle) du Monte Grosso, blocs 3 (2 canons de 75 sous tourelle) et 2 (2 mortiers de 75, 2 mortiers de 81 sous casemate), au sud : 4 canons de 155 sous tourelle du Barbonnet, 2 canons obusiers de 75 du bloc 3 de l'ouvrage de Castillon, ceci pour la seule artillerie.

A cette concentration auraient dû s'ajouter les 2 canons de 75/29 du bloc nord du Barbonnet et les 2 mortiers de 75/31 du bloc sud du Monte Grosso, tous deux ajournés en deuxième cycle et non construits.

Sans y être explicitement désigné, l'ouvrage se situe sur le tracé de la position de résistance conçu par la C.D.F. dans son rapport au ministre n° 25/FA du 12 février 1929 sur la nouvelle organisation défensive de la frontière du Sud-Est.

C'est la C.O.R.F., créée en 1927 pour concrétiser ce programme et en diriger l'exécution qui en fixera l'emplacement.

Chronologie des travaux

Le 1er A.P.S. est établi le 12 novembre 1929 par la Direction des travaux de fortification de Nice (lieutenant-colonel André) en vue du chiffrement du programme d'ensemble : ses grandes lignes sont très proches de ce qui sera réalisé. On prévoit, dans le bloc actif :

- à l'étage inférieur: 2 mortiers de 75 et 4 mortiers de 81

- à l'étage supérieur: 2 obusiers de 75 et 4 mitrailleuses

estimé, pour la construction seule à 7,9 MF. L'entrée est placée à la cote 409 m.

Un 2e A.P.S. (n° 756 du 25 février 1930) réduit le bloc actif à 2 canons-obusiers de 75, 1 mortier de 75, 4 mortiers de 81 et 4 mitrailleuses. Estimation ramenée, construction seule, à 7,5 MF.

Le 14 janvier 1930, la « loi Maginot» accorde 2.900 MF de crédits aux «nouvelles fortifications» dont 202 seulement pour le Sud-Est: c'est notoirement insuffisant pour faire quoi que ce soit de sérieux. Une intervention du maréchal Pétain permet de porter l'allocation à 362 MF (sur une estimation globale de 700) et, après en avoir soumis les propositions d'emploi à l'approbation ministérielle le 24 décembre 1930 (n° 434/FA) la C.O.R.F. peut arrêter le programme définitif le 31 janvier 1931 (n° 45/FA). L'ouvrage de Saint-Roch sera exécuté par entreprise civile au titre de la première urgence.

Les études progressent : premier projet technique n° 2393 du 2 juin 1930 : le bloc d'entrée est remonté à la cote 423 - d'où remaniement du profil en long de la galerie.

Deux variantes sont proposées pour le bloc actif, dont l'une avec 2 canons obusiers de 75, 1 mortier de 75, 4 mortiers de 81, 4 mitrailleuses. Le plan de la seconde manque, mais doit sans doute correspondre à la solution réduite adoptée (1 canon obusier de 75,4 mortiers de 81 et des mitrailleuses).

Nouveau projet technique remanié (n° 7) le 10 janvier 1931. L'estimation de la dépense est alors arrêtée à 10, 763 MF dont 7, 533 de construction et 3, 23 de cuirassements, armement et munitions.

Le plan d'implantation est finalement approuvé par DM 714 2/4 S du 25 février 1931 alors que le premier marché a été passé en novembre 1930 et que les travaux ont commencé le 17 novembre 1930.

Le chef de chantier est le capitaine Courrière, avec comme adjoint technique civil Gabriel Coste, jeune ingénieur des arts et métiers, qui auront également à construire l'ouvrage de l'Agaisen.

Les plans d'implantation des blocs seront respectivement approuvés le 23 mai 1931 (n° 1772 2/4 S) et le 2 novembre 1931 (3734 2/4 S).

Les travaux de construction se dérouleront en 1931, 32 et 33, contrariés parfois par la découverte, lors du percement des galeries, d'un banc d'anhydrite, ou le travail dans des zones d'éboulis inconsistants. En 1934, on procèdera à la mise en place des cuirassements, des équipements puis de l'armement (treuil électrique du plan incliné : essais le 31 octobre 1935).

Vue prise au sud-est depuis la D 2566 par dessus la vallée du Merlanson. Le bloc 4 vu d'avant droite.Vue prise au sud-est depuis la D 2566 par dessus la vallée du Merlanson. Le bloc 4 vu d'avant droite.A la date du 1er janvier 1937, l'ouvrage est à peu près en ordre de combat, mais il reste de nombreux détails et aménagements divers à réaliser, dont une partie seulement s'exécutera avant la guerre. En 1937-38, après consultation de la marine à Toulon, on établira un tube acoustique de 15 cm de diamètre entre le bloc observatoire et le bloc actif, sur 180 m de long, avec 25 coudes : cas unique dans la fortification Maginot (prix 160.000 F). La réception définitive de la centrale électrique est prononcée le 22 avril 1937.

La dépense totale est estimée, à cette époque, à 12.669.000 F.

La composition théorique de la garnison est de 4 officiers, 22 sous-officiers, 188 gradés et hommes de rang dont 142 fantassins du 95e bataillon alpin de forteresse (40e demi-brigade), 17 artilleurs du 6e groupe du 158e RAP (10e batterie), et 29 sapeurs. L'ouvrage fait partie du secteur fortifié des Alpes-Maritimes, sous-secteur de Sospel, quartier de Braus. Il est, bien entendu, intégré au réseau téléphonique enterré de forteresse, doté de la radio et de possibilités de liaisons par télégraphie optique avec ses voisins. Par contre, comme tous les ouvrages du Sud-Est, il ne sera raccordé au réseau électrique que par poste d'abonné du temps de paix non protégé.

Fin août 1939, au déclenchement des mesures d'alerte, les réservistes rejoignent les unités de formation constituées, l'ouvrage est mis sur pied de guerre. Mais l'Italie ne bouge pas et la période d'attente qui durera jusqu'au 10 juin 1940 est mise à profit pour rôder le système et effectuer des travaux de renforcement (réseaux de barbelés, aménagement des dessus) et perfectionner l'instruction.

L'Italie nous déclare la guerre le 10 juin 1940 mais ne déclenchera son offensive que le 20. Paradoxalement, l'ouvrage ne tirera pas un coup de canon lors des combats, l'offensive s'étant déroulée en haute Roya (Fontan) d'une part, et entre le Grammondo et la mer d'autre part.

Evacué en exécution des conditions de l'Armistice du 25 juin, l'ouvrage sera d'abord laissé en gardiennage, puis occupé par les Italiens en novembre 1942 après le débarquement allié en Afrique du Nord, puis par les Allemands à partir du 9 septembre 1943, après « l'armistice Badoglio ». Le détail des dégâts subis n'est pas connu (prélèvements, sabotages) mais l'ouvrage est repris en octobre 1944 par les alliés. Repris en compte par le service du génie, il est remis en état dans les années 50, dans le cadre du concept du « secteur de défense des Alpes ». Il semblerait, selon certains témoignages, que le canon obusier de 75/29 du bloc ait été remplacé par une pièce du même modèle récupérée dans une casemate de Corse. On envisage même, en 1956, d'entailler la visière du bloc 4 pour augmenter la portée du canon obusier de 75 limitée par construction à 5000 m. Mais contrairement au Cap Martin, les travaux ne seront pas retenus.

C'est en 1964 que la fortification est abandonnée et le sort des ouvrages mis en question. Déclassé, l'ouvrage de Saint-Roch sera aliéné au profit de la ville de Sospel qui envisage de le convertir en réservoir d'eau. Mais l'idée est abandonnée et l'ouvrage est concédé à une association qui en assure l'entretien et la promotion touristique. Mais, entre-temps, le canon de 75 avait été cédé à une autre association et transporté dans le Nord-Est: il n'a toujours pas été remplacé aujourd'hui (septembre 1994).

Analyse architecturale

L'ouvrage est traité en protection n° 3.

Par un tronçon de route militaire à deux lacets, greffée sur la D 2204 près du cimetière de Sospel et qui, en suivant un ravin où coule un ruisseau, aboutit au bloc d'entrée de l'ouvrage (B1). Celui-ci donne accès, de plain-pied, après deux coudes destinés à éviter l'enfilade, à la galerie principale qui, en alignement droit sur 250 m, aboutit au bloc 4, en tête d'ouvrage.

Infrastructure souterraine

Cette galerie comporte une couverture verticale moyenne d'une trentaine de mètres : pour lui conserver cette protection, la partie située sous la pente du mouvement de terrain comporte un plan incliné descendant de 39 m de longueur horizontale et une vingtaine de mètres de dénivelée. De la galerie inférieure, un puits de 12, 50 m remonte au bloc 4, sous le massif de celui-ci.

Sur cette galerie sont greffés, en arêtes de poisson, à l'arrière : les locaux techniques (cuisine, centrale électrique, réservoirs d'eau) au centre, la salle de neutralisation, le casernement et l'antenne d'accès au bloc 2, et au deuxième tiers du parcours, la salle de neutralisation du bloc 4 et l'antenne d'accès au bloc 3. Tous les locaux souterrains sont voûtés en berceau ou en anse de panier.

Cuisine. Vue générale.Cuisine. Vue générale.En partant de la première porte blindée, en fond de hall du bloc d'entrée, et en pénétrant dans l'ouvrage, on rencontre d'abord, à gauche, la cuisine avec un fourneau de cuisson Arthur Martin 300 rationnaires, muni de brûleurs à fioul et surmonté d'une hotte d'aspiration. Le local renferme, en outre, les bacs à plonge et éviers, un bac aux déchets, une chaudière « Idéal » au charbon (alimentant une batterie de chauffe sur la ventilation). En fond de local et isolé par une cloison, la citerne à fioul. Un guichet de distribution des plats s'ouvre sur la galerie.

En face, un tronçon de galerie en cul-de-sac sert de garage aux wagonnets.

Plus loin, à droite, un grand alvéole abrite la centrale électrique, dite « usine » (20 x 4 m) avec, en file, 3 groupes électrogènes avec moteurs diesel S.M.I.M. 2 SER 19, 2 cylindres de 50 Cv. 600 tm n° 542-543-544 accouplés avec des alternateurs « Ateliers d'Orléans » 210 V. 119 Amp. 43 KVA. 50 périodes. Cos : 0, 7. n° 137.860, 137.883 et 137.939.

En tête, on trouve le petit groupe auxiliaire CLM LH 62, 8 CV. 1000 tm, avec génératrice c.c. 110 V et compresseur Luchaire de chargement des bouteilles de lancement des groupes principaux. Au sol, 2 électropompes de circulation d'eau montées après 1945. En plafond, monorail de manœuvre porté par arceaux métalliques, avec palan. Aux murs, réservoirs journaliers à gazole, bouteilles de lancement, tableaux de couplage et de départ.

Tout le matériel est d'origine et en bon état: une démonstration de fonctionnement d'un groupe a été faite lors de la visite de l'ouvrage (septembre 94).

Centrale éléctrique. Vue générale prise de l'entrée. En avant, à gauche, groupe CLM auxiliaire.Centrale éléctrique. Vue générale prise de l'entrée. En avant, à gauche, groupe CLM auxiliaire.Deux alvéoles indépendants, perpendiculaires au précédent abritent l'un les réservoirs à gazole et huile (4 réservoirs de 6000 l de carburant, 2 de 830 1 d'huile) protégés par les portes coupe-feu règlementaires, l'autre les 3 réservoirs d'eau de refroidissement de 36, 75 m3.

En cas de marche continue des groupes, l'eau de refroidissement peut être dirigée sur une batterie de chauffe montée sur la ventilation de la caserne, et sur un aérorefroidisseur F. Fouché de 75.000 cal/h. avec moteur de 5 CV., ventilateur de 12.000 m3/h d'air et 7 m3/h de débit d'eau (l'engin est logé sous le bloc d'entrée).

Aussitôt après l'usine, la galerie fait un coude de 45° à gauche et se trouve barrée par la deuxième porte blindée roulante, à 2 vantaux s'effaçant latéralement dans des niches du massif d'appui. Elle est accolée à un blockhaus de défense intérieure avec créneau FM de casemate.

Cette deuxième porte est au départ du grand alignement de la galerie avec à proximité les magasins à viande et aux vivres de réserve et, un peu plus loin, à gauche, les réservoirs d'eau potable de l'ouvrage (alimentation en eau assurée par l'extérieur à partir d'une source captée dans le tunnel V.F. du col de Braus) et, à droite, surélevés par rapport au sol de la galerie, les réservoirs d'eau journaliers, en charge par rapport aux divers postes de puisage.

Caserne. Chambre de troupe. Vue générale prise d'enfilade, avec à droite, les lits de casemate modèle 1876.Caserne. Chambre de troupe. Vue générale prise d'enfilade, avec à droite, les lits de casemate modèle 1876.30 m plus loin, on aborde le casernement, avec 16 alvéoles répartis, en vis à vis, de chaque côté de la galerie et séparés selon la règle du « tant plein que vide ». Les locaux comportent en particulier 4 chambres totalisant 96 places couchées (dont 84 de troupe et 12 sous-officiers), les chambres d'officiers et le mess, les PC d'ouvrage et d'artillerie d'ouvrage, l'infirmerie et les latrines. Les chambres sont, en partie, équipées de lits de casemate modèle 1876.

Au centre, on trouve la salle de neutralisation de l'ouvrage avec une seule batterie de 8 filtres standard en file et soufflage avec batterie de chauffe. L'installation présente la singularité de comporter, sur les tubulures d'entrée et de sortie de chaque filtre, un obturateur à tirette permettant d'isoler chaque filtre sans arrêter l'ensemble.

L'air gazé est aspiré à l'extérieur par une prise ménagée dans la paroi du bloc 2 (cloche isolée) situé à la verticale 12 m au-dessus. La galerie d'accès à ce bloc, fermée en tête par un sas à deux portes étanches non blindées, part du fond de la salle de neutralisation.

Entre les alvéoles des chambres de troupe, la galerie s'élargit pour dégager l'espace nécessaire à l'installation, adossés aux piédroits, dans auges en faïence constituant les lavabos munis de robinets en cuivre montés sur tuyau horizontal en acier. Les parois sont revêtues de carrelage blanc.

Une trentaine de mètres plus loin on trouve, à droite, deux alvéoles :

Salle de neutralisation. Vue prise depuis la galerie centrale. A droite, la batterie de filtres. En haut, au centre, bouche de soufflage et batterie chauffante. Au fond, à gauche, porte du sas de la galerie du bloc 2.Salle de neutralisation. Vue prise depuis la galerie centrale. A droite, la batterie de filtres. En haut, au centre, bouche de soufflage et batterie chauffante. Au fond, à gauche, porte du sas de la galerie du bloc 2.

- L'un renferme la salle de neutralisation du bloc 4 située, ainsi, hors de l'enceinte du bloc lui-même (autre originalité) et puisant l'air gazé par une prise ménagée dans le massif du bloc 3,30 m au-dessus.

L'installation est constituée par une batterie de 8 filtres disposés en L (5 et 3) derrière une grille métallique de protection. Le reste de l'espace disponible est aménagé en garage pour wagonnets, avec voie de 0, 60 dans le radier et plaque tournante de raccordement dans la galerie principale.

- L'autre est désigné comme «magasin aux grenades empennées et fusées », en fait les projectiles de 50 mm destinés à la cloche lance-grenades du bloc 3, dont l'armement n'était pas livré en 1940.

De là, l'air filtré est conduit sous voûte de la galerie principale, par une grosse conduite en tôle galvanisée, parallèle au tube acoustique venant de l'observatoire.

Ces deux locaux sont longés, en fond, par la galerie d'accès au puits montant au bloc 3 (observatoire).

Galerie principale. Plan incliné. Partie supérieure vue de bas en haut. A gauche, le chariot monte-wagonnet au poste haut.Galerie principale. Plan incliné. Partie supérieure vue de bas en haut. A gauche, le chariot monte-wagonnet au poste haut.

Quelques mètres plus loin se trouve le palier supérieur du plan incliné (39 m de longueur horizontale, environ 25 m de dénivelée). La galerie est alors divisée en deux : d'un côté les escaliers pour le personnel avec niches de croisement, à côté, le chemin de roulement d'un monte-wagonnet, type Sud-Est, mû par un treuil électrique, doublé d'une marche à bras, logé dans une niche latérale sur le palier supérieur (fig. 9 à 12). L'appareil, fabriqué par la marque « Applevage » en 1935 a été installé en 1935 (réception avec pénalités de retard) et fonctionne bien actuellement après rénovation, par l'association, de l'armoire électrique de commande.

Du pied du plan incliné, la galerie se termine en cul-de-sac 30 m plus loin, tandis qu'un embranchement à droite pénètre dans l'enceinte du bloc 4.

L'ouvrage est, bien entendu, intégré aux réseaux téléphoniques protégés et radiotélégraphiques de forteresse. Il est en outre relié par optique et O.T.C.F. à ses voisins.

Les blocs

Ils consistent en quatre monolithes en béton armé traités en protection n° 3, avec réduction d'épaisseur des murs non exposés aux coups.

Bloc 1. Vue générale.Bloc 1. Vue générale.Bloc 1 : bloc d'entrée mixte, type Sud-Est. La façade rectiligne, orientée au nord-ouest, est précédée d'un fossé diamant et surmontée d'une visière prolongeant la dalle avec, scellés dans la tranche, les 4 potelets-supports de l'antenne radio. Cette façade est encadrée, à gauche (vu de l'extérieur) d'un prolongement en aile du mur extérieur et, à droite, d'un avant-corps à plan trapézoïdal abritant la caponnière de flanquement de la façade et une cloche GFM« A» GM à 5 créneaux (1 N. 1 S. 3 E.). La visière s'appuie, à chaque extrémité, sur ces éléments.

De gauche à droite, on remarque trois ouvertures :

- La porte d'entrée du matériel, baie rectangulaire (l. 2, 60 x h. 3,00) munie d'un pont-levis à bascule en dessous «Moissant, Laurent et Savey » (marché SMF du 26 septembre 1932) franchissant, baissé, le fossé diamant et obturant, relevé, le passage, tout en laissant pénétrer l'air par les perforations du tablier.

- La poterne à personnel, desservie par une passerelle amovible, fermée en façade par une porte-grille type 9, doublée de tôle, pivotant vers l'intérieur, prise en enfilade par un créneau de FM de défense intérieure et servie, après un coude à droite à 90° du passage, d'une porte blindée étanche type 4 quater pivotant vers l'extérieur.

- Un créneau de FM (type RB) battant la p1ateforme extérieure du bloc, un lance-grenades de fossé et la gaine d'un périscope horizontal.

Accessoirement, on note, sortant du bloc, des tubulures d'évacuation des gaz brûlés de la centrale et de l'air vicié des cuisines. Adossé à l'avant-corps de droite, le bâtiment du transformateur électrique alimentant l'ouvrage, l'alimentation protégée par l'arrière n'ayant pas été réalisée.

L'entrée des matériels donne accès, dans le bloc, à un hall de déchargement protégé par un camion bâché, hall pris en enfilade par un créneau FM et doté, sur le côté, d'une voie ferrée de 0,60, destinée à recevoir, sur wagonnets type Sud-Est poussés à bras, le matériel transbordé du camion de ravitaillement et le conduire jusqu'au bloc 4.

Ce hall se prolonge, en fond, après un coude de 30° à gauche, par le départ de la galerie principale de l'ouvrage, fermée à son origine par une porte blindée roulante type CM, à deux vantaux s'effaçant latéralement dans les niches du massif d'appui (l. : 2, 00 m).

L'entrée du personnel donne accès à un groupe de locaux situé à droite et composé du local radio, du corps de garde, des créneaux FM, de la cloche GFM et, en sous-sol, de l' aérorefroidisseur. Ces locaux sont desservis par un couloir débouchant, par une porte étanche non blindée, dans la galerie principale derrière la première porte blindée roulante afin de constituer, dans le bloc, une enceinte étanche permettant la ventilation en surpression.

Celle-ci, enfin, est doublée par une porte étanche non blindée, constituant un sas.

Il convient de stipuler que le créneau FM de caponnière de défense de façade est installé sous niche blindée. On y remarque, au-dessus, le logement réservé au scellement d'un monorail pour canon AC de 25 mm dont l'emploi dans le créneau avait été envisagé par la CORF dans ce créneau, pour battre la plateforme, en 1933, avant la coulée du bloc. Ce projet fut abandonné, mais le scellement du monorail conservé à toutes fins utiles.

Le bloc représente une fouille de 4500 m3, et un gros-œuvre de 1400 m3 de béton spécial armé.

La jonction entre le monolithe du bloc et la galerie souterraine se situe au niveau de la porte étanche, et est protégée par une arcature en béton recouvrant l'arrière du bloc, elle-même surmontée par un massif de béton cyclopéen réglé en glacis.

Le bloc 2 (non visité)

Au sommet d'un puits de 11, 85 m, ce monolithe de 250 m3 a été réalisé dans une fouille à ciel ouvert de 600 m3 remblayée, ensuite, en rocaille. Le bloc renferme une cloche GFM « A » G.M., à 5 créneaux (1 N. 3 S. 1 Ex.) assurant à la fois la mission de défense de la pente entre le Blet le B3 et celle de cloche conjuguée avec la cloche observatoire du B3.

Dans la paroi nord-ouest est ménagée la prise d'air gazé de la salle de neutralisation d'air de l'ouvrage.

Bloc 3

Bloc 3. Dessus. A gauche, la cloche lance-grenades. A droite, cloche observatoire V.D.P. Derrière, à gauche, l'Agaisen.Bloc 3. Dessus. A gauche, la cloche lance-grenades. A droite, cloche observatoire V.D.P. Derrière, à gauche, l'Agaisen.Relié à l'infrastructure souterraine par un puits de 30 m, ce monolithe de 800 m3 de béton a nécessité une fouille de 900 m3 rocaillée ultérieurement. Placé en crête, il constitue l'observatoire de l'ouvrage et renferme : une cloche observatoire V.D.P. axée sur la trouée de la Bevéra, et une cloche lance-grenades destinée à battre les dessus de l'ouvrage en tir vertical avec un mortier de 50 mm qui n'était pas livré en 1940.

Au nord-ouest, dans un élément de la paroi protégé par une visière s'ouvre, protégée par un persiennage en acier, la prise d'air gazée de la salle de neutralisation du bloc 4, située en dessous.

On sait que la cloche observatoire (conjuguée avec la GFM du bloc 2) est reliée au bloc 4 par un long tube acoustique en cuivre doublant la liaison téléphonique.

Bloc 4

Bloc actif (B4). Façade principale. Vue avant droite.Bloc actif (B4). Façade principale. Vue avant droite.Dénommé également «bloc actif », cet organe est le plus important de l'ouvrage et, en fait, sa raison d'être. C'est un monolithe de 2700 m3 de béton armé coulé dans une fouille de 6000 m3 entaillée dans le pied de la crête abritant l'ouvrage, au niveau de l'ancienne RN 204.

Il s'agit d'un bloc à armement concentré, dont le plan complexe a été imposé par des contraintes topographiques et tactiques.

Ses deux niveaux sont reliés aux galeries souterraines par un puits rectangulaire de 11 m de haut avec escalier à volées droites tournant autour de la cage d'un monte-charge électromécanique à munitions.

Grossièrement le plan dessine un triangle dont la base rectiligne serait adossée au terrain et sert de fond à deux ailes dissymétriques et décrochées à orientations divergentes séparées par un avant-corps médian à forte saillie assurant le défilement de l'aile gauche.

L'aile droite faisant face à la trouée de la Bevera groupe l'armement d'interdiction à mission d'action frontale : particulièrement exposée aux coups, sa façade est surépaissie et portée de 2, 75 à 4,5 m par endroits.

Bloc actif (B 4). Etage inférieur. Pièce de mortier de 81 mm modèle 32 de la casemate de droite.Bloc actif (B 4). Etage inférieur. Pièce de mortier de 81 mm modèle 32 de la casemate de droite.A l'étage inférieur, on trouve à droite, débouchant dans le fossé diamant et défilés par la contrescarpe de 2, 75 m d'épaisseur, 2 mortiers de 81 mm battant la trouée entre Castes Ruines et le bas du Perus, avec 45° de champ de tir et directrices parallèles ; à gauche, deux autres mortiers de 81 mm, à directrices convergentes, battant l'intervalle avec l'Agaisen de la sortie ouest de Sospel, et jusqu'au Pérus.

Dans le flanc droit de l'orillon central s'ouvre, dans le fossé diamant, une issue de secours à couloir coudé à angle droit battu par un créneau FM de défense intérieure et fermé, de l'intérieur vers l'extérieur, par une porte blindée étanche type 11, précédée d'une porte-grille 8 bis (baie de 0, 70 x 0, 90).

Bloc actif (B4). Etage supérieur. Aile gauche. Vue intérieure de la chambre de tir du JM 1 de casemate. Au premier plan, à droite, goulotte lance-grenades.Bloc actif (B4). Etage supérieur. Aile gauche. Vue intérieure de la chambre de tir du JM 1 de casemate. Au premier plan, à droite, goulotte lance-grenades.A l'étage supérieur, on trouve, de gauche à droite :

- 1 JM (JM 1) de casemate, flanquant vers l'Agaisen, et complété par un tube optique, une goulotte lance-grenades et un périscope horizontal

- Au centre du bloc: une cloche JM (JM 2) orientée à 16 grades à droite du précédent (transformation prévue en cloche d'arme mixte; aucune suite donnée).

- Dans l'orillon: une cloche JM (JM 3) tirant du Grazian, à gauche, sur 50 g. à droite (transformation prévue en cloche d'arme mixte; aucune suite donnée).

- Un canon obusier de 75 M 29 (affût n° 28, tube n° 2, cette pièce aurait été récupérée après 1945 dans une des trois casemates d'artillerie de Corse pour remplacer celle d'origine) sous caisson d'embrasure n° 4 (voir plan SMF n° 1430 du 22 juillet 1931) à champ de tir limité, en direction, à 23° et, en hauteur, de – 5°25' à + 7°15, avec portée réduite à 5000 m. La pièce (enlevée après 1970) battait la trouée entre la gare de Sospel et la caserne Mireur. L'embrasure est protégée extérieurement par une visière abaissée soutenue à droite par une console de renfort. Elle est encadrée de gaines périscopiques et d'une goulotte à grenades.

Dans l'angle d'épaule, une troisième cloche JM (JM 4) à directrice identique au JM 3.

Dans le flanc droit, dans une embrasure tunnel un JM (JM 5) sous trémie n° 2 flanquant à droite du Barbonnet à la chapelle Saint-Pancrace. L'arme est associée à une goulotte lance-grenades et une gaine périscopique.

Enfin, l'orillon central comporte, dans chaque flanc, un créneau FM RB sous casemate flanquant les façades des deux ailes, à droite et à gauche. Celui de droite, exposé aux directions dangereuses, est placé sous niche blindée.

On notera - autre singularité - que le canon obusier de 75 est placé au-dessus du merlon séparant, à l'étage inférieur, les 2 mortiers de 81 mm. On sait, par ailleurs, qu'on avait envisagé au début de placer 2 canons obusiers de 75 face à la trouée, ce qui impliquait d'allonger l'aile droite d'environ 2,50 m à droite.

On peut s'étonner, également, de ne pas trouver dans ce bloc de cloche GFM de défense des dessus.

En récapitulant, on constate que ce bloc regroupe :

- 1 canon obusier de 75

- 4 mortiers de 81 mm

- 5 jumelages de mitrailleuses, dont 3 sous cloche et 2 sous casemate

- 2 FM sous casemate.

Compte tenu de la proximité immédiate d'une route importante, 2 des 3 cloches JM avaient été retenues pour être transformées en cloches d'arme mixte (DM 23510/EMA du 20 janvier 1938). L'arme, comprenant un canon antichar de 25 mm mle 34 raccourci, était prête, mais les travaux de transformation commençaient à peine dans le Nord-Est en 1940.

Bloc 4. Détail de la grille défensive bordant la D 2204.Bloc 4. Détail de la grille défensive bordant la D 2204.Le bloc, bordé à courte distance par la route D 2204, est protégé, le long de celle-ci, par une grille défensive dont le sommet est réglé pour rester en dessous de l'angle de tir négatif minimum des créneaux des différentes armes. De plus, pour les protéger des vues indiscrètes de la route, les créneaux étaient masqués en temps de paix par des panneaux métalliques amovibles, actuellement déposés. De plus les parements de béton sont enduits au mortier rustique teinté rougeâtre pour s'adapter au terrain alentour.

Conclusion

Ouvrage bien conçu et remarquable exemple d'adaptation aux contraintes du terrain, des différentes missions et, bien entendu, financières. Etat général très bon grâce à un entretien soigné par l'association affectataire (présence d'appareils déshumidificateurs). On notera comme points d'intérêt particuliers: l'architecture du bloc 4, à armement multiple et concentré, et l'organisation de la ventilation gazée, prenant l'air dans les blocs les plus hauts - donc au-dessus des nappes stagnantes – et loin du bloc d'entrée, où l'on risquait, dans certaines conditions, des interférences avec les évacuations d'air vicié ou brûlé.

L'ouvrage constitue l'interdiction de la Bevera et de la route Turin - Sospel - Nice. Il assure le flanquement de l'ouvrage de l'Agaisen. Il figure sur le tracé de 1929 défini par le Comité de Défense des Frontières. Il est exécuté à partir de 1931 jusqu'en 1933. En 1934, le cuirassement, les équipements et l'armement sont mis en place.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle

L'ouvrage consiste en une infrastructure de galeries sous roc sur laquelle se greffent quatre blocs. Les galeries desservent des locaux renfermant des moyens logistiques : casernement, cuisine et centrale électrique, magasins et réservoirs. Les locaux souterrains sont tous voûtés en berceau plein-cintre ou en anse de panier. Les blocs sont monolithiques et en béton armé. L'un sert de d'entrée et se trouve de plain-pied avec la galerie souterraine. Le bloc observatoire est doté de deux cloches cuirassées. Un autre bloc est élevé sur deux niveaux, reliés par un puits avec escalier tournant autour de la cage d'un monte-charge. Deux cloches sont scellées sur la dalle supérieure de ce bloc.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Étages
    sous-sol, 1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte en berceau plein-cintre
    • voûte en berceau en anse-de-panier
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour en maçonnerie
  • Typologies
    cloche cuirassée
  • Statut de la propriété
    propriété publique
Date d'enquête 1994 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
Articulation des dossiers