Dossier d’œuvre architecture IA06002432 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage mixte de Roquebrune-Cornillat, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Roquebrune-Cap-Martin
  • Lieu-dit le Cornillat
  • Dénominations
    ouvrage mixte
  • Appellations
    du secteur fortifié des Alpes-Maritimes
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Intérêt stratégique

L’ouvrage dit de Roquebrune ou de Roquebrune-Cornillat (nom du lieu-dit) est l’un des dix gros ouvrages mixtes (d’artillerie et d’infanterie) du Secteur fortifié des Alpes-Maritimes (S.F.A.M.) jalonnant la « Position de résistance » mise en place entre 1930 et 1935 dans le cadre d’une loi-programme par la Commission d’organisation des régions fortifiées (C.O.R.F.) sur une zone nord-sud longue de 22 km et distante de 5-8 km de la frontière italienne.

La construction de l’ouvrage a été conduite de 1930 à 1933, sur un budget total de 20 291 000 Francs. Sa capacité d’accueil de personnel est de 346 hommes.

L’armement de l’ouvrage se compose alors de 4 mortiers Brandt de 81mm modèle 1932 de casemate (tir courbe pointé à 45°), 4 canons-mortiers de 75 mm modèle 1931 de casemate, action frontale inclinable (tir tendu à parabolique -3° à + 39° ; matériel exclusivement réservé aux Alpes), 3 jumelages de mitrailleuses Reibel utilisés sous cloches JM appropriées, modèle 1930 (1,39m de diamètre, 25 cm d’épaisseur) et 11 fusils mitrailleurs (armes automatiques) utilisés entre autres sous des cloches GFM modèle 1929 (1,20 m de diamètre, 22 cm d’épaisseur)

L’équipement logistique comporte : 3 groupes électrogènes diesel Alsthom de 90 v.

En juin 1940, l’avancée des troupes italiennes comportant l’attaque de l’ouvrage du Cap Martin fut contrecarrée entre autres par les tirs de l’ouvrage de Roquebrune. Le 23 juin, ses 4 mortiers de 81 ont tiré 770 grenades, et ses canons-mortiers de 75 ont tiré 599 bombes.

Dans l’état actuel des lieux, l’ouvrage est utilisé par la ville de Roquebrune après une longue période d’abandon durant laquelle il eut à subir des actes de vandalisme.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

L’ouvrage de Roquebrune occupe, à la cote d’altitude 344m, le sommet tabulaire d’un petit éperon arrondi détaché du versant est de la croupe qui sépare la baie de Menton de la baie de Roquebrune. Cet éperon est dégagé sur ses flancs nord, est et sud, donnant des vues vers Sainte-Agnès et vers tout le littoral de Monaco à la frontière italienne. Il est dominé à l’est /sud-est, du côté de son accès par une dérivation de la route montant de Roquebrune à Gorbio, et éloigné de plus de 2km du village de Roquebrune.Bloc 4 (d'infanterie), détail de cloche GFM regardant vers la baie de Menton.Bloc 4 (d'infanterie), détail de cloche GFM regardant vers la baie de Menton.

Plan , distribution spatiale, circulations et issues, structure et aménagements.

L’ouvrage de Roquebrune présente des ressemblances avec celui de Sainte-Agnès dans son économie générale, par l’échelle du développement de son réseau de galeries et casemates, et par le fait qu’il comporte quatre blocs, dont un bloc d’entrée, deux gros blocs d’artillerie tirant dans des directions opposées nord et sud et un petit bloc d’infanterie vers l’est / sud-est.

Néanmoins, la topographie du site est très différente, et l’ouvrage n’est creusé en caverne que très superficiellement sous le sommet de l’éperon ; de ce fait, le dessus des blocs émergeant des flancs de cet éperon règne presque au niveau de ce sommet, et il n’y a pas de différences de niveau d’un bloc à l’autre. Dans ces conditions, et en considérant le fait que les blocs d’artillerie de cet ouvrage sont moins complexes (moins d’étages) que ceux de Sainte-Agnès, le coût plus élevé du chantier s’explique peut-être par une consommation beaucoup plus importante de béton armé, les galeries et casemates ayant été plutôt construites que forées en tunnel dans une roche dure, d’où un bétonnage massif du sommet.

Bloc 1.

C’est le bloc d’entrée, précédé d’une vaste esplanade d’accès battue par les tirs d’infanterie des cloches qui le surmontaient. La façade (Restes de peinture de camouflage) est flanquée à gauche d’un gros saillant à pans aux angles arrondis qui est l’infrastructure d’une cloche GFM (guetteur fusil mitrailleur) et à droite d’un saillant semi cylindrique plus petit, support d’une cloche LG (lance-grenades). Les cloches sont actuellement enfouies dans la végétation. Le dispositif d’entrée mixte munitions et hommes (EMH) classique dans le Sud-Est, comporte une entrée munition à pont-levis pour camions, couplée avec une entrée à personnel indépendante en chicane, type EH 1930 (Fig. 3).

Le pont-levis est en bon état de fonctionnement. Une grosse visière reliant la façade au saillant de gauche couvre la porte des munitions. Ces deux portes, précédées d’un fossé-diamant sont flanquées de part et d’autre par deux créneaux à trémie pour fusil mitrailleur percés dans les saillants latéraux. L’entrée des hommes, à porte blindée et passerelle amovible, dessert après une chicane crénelée à droite formant sas avec seconde porte (Fig. 5), les locaux de garde, dont un poste téléphonique (les potences en fer de l’antenne sont en place en façade) et au-delà le créneau de flanquement et le puits de la cloche LG. Façade du bloc d'entrée 1, détail des deux portes, des munitions (pont-levis) et des hommes en position fermée..Façade du bloc d'entrée 1, détail des deux portes, des munitions (pont-levis) et des hommes en position fermée..

Le hall de déchargement pour camions, après le pont-levis, est le point de départ élargi de la galerie de distribution majeure de l’ouvrage, et de la voie ferrée de 60 (système Decauville) pour wagonnets de transport du matériel, des munitions ou des réservoirs de liquides apportés par les camions. Ce hall d’entrée se réoriente à gauche, flanquée par des créneaux (Fig. 4) depuis le couloir d’accès des hommes, parallèle. Après une grande porte blindée qui ferme le hall, la galerie, rejointe par l’entrée des hommes, redevient rectiligne et reste large sur plusieurs mètres pour servir de garage aux wagonnets. Un rameau de couloir dessert à gauche le puits de la cloche GFM du bloc, en mauvais état mais ayant conservé son échelle fixe, sa plate-forme mobile (bloquée), les chaînes de transmission et le mécanisme de réglage en hauteur de cette plate-forme, et, au centre, le tuyau de descente des douilles utilisées (Fig. 4).

A l’issue du garage à wagonnets, la galerie principale, après un sas étanche, dessert à droite la salle de neutralisation des gaz de combat, équipée de ses batteries de filtres à air desservant un réseau complexe de gaines qui collectait à travers tout l’ouvrage l’air gazé produit par les hommes, les machines en fonctionnement et les armes en action, et redistribuant l’air puisé à l’extérieur et dépollué dans les filtres, par l’intermédiaire de vannes et de ventilateurs.

A gauche, comme à Sainte-Agnès, on trouve la cuisine du casernement (déteriorée) et l’ usine de l’ouvrage, soit la centrale électrique, fermée de portes-grilles, équipée de trois puissants moteurs ou groupes diesel Alsthom 90cv, 4 cylindres. Ces moteurs et leurs accessoires périphériques: tableaux, boites de dérivation, transformateurs, sont actuellement en très mauvais état (Fig. 5 et 6). Ces salles sont complétées d’alvéoles pour les réserves à gazole, à huile, et à liquide de refroidissement des groupes électrogènes.

Presque en face de l’usine, la galerie d’accès au bloc d’artillerie 2 (sud) se branche à angle droit sur la galerie principale. Dans le même secteur, on remarque sur la paroi gauche de la galerie, près d’un tableau à fusibles électrique, une plaque d’orientation donnant la direction des blocs 1, 3 et 4 (Fig. 9)

Au-delà de cet embranchement, la galerie principale s’infléchit en angle obtus à droite pour desservir le casernement et, à son extrémité, le bloc d’infanterie 4 (est) ; immédiatement après son coude à droite, la galerie distribue aussi à gauche en angle obtus le rameau desservant le bloc d’artillerie 3. La voie ferrée se courbe deux fois pour aborder cette bifurcation.

Le casernement est organisé selon une trame orthogonale de quatre à cinq travées longitudinales de casemates de part et d’autre de la galerie, parallèlement à son axe, distribuées successivement par trois couloirs transversaux (Un seul du côté gauche) permettant un compartimentage en plusieurs sous-espaces ou cellules, plus nombreuses à gauche de la galerie qu’à droite. Outre les dortoirs des soldats et des sous-officiers et leurs accessoires (lavabos collectifs, latrines) ces espaces de vie comportent une infirmerie, un mess, un local téléphone et les PC (postes de commandement) et bureaux de renseignements d’artillerie d’infanterie et d’ouvrage.

Bloc 2

Les tirs de flanquement de ce bloc, répartis sur deux niveaux actifs, sont orientés au sud-ouest, en direction de l’ouvrage du Cap Martin. L’accès au bloc, indirect, passe par un rameau qui se branche à angle droit à droite de la galerie secondaire qui n’est pas seulement vouée à la desserte de ce bloc ; cette galerie distribue aussi divers locaux techniques ou de réserves, et des locaux logistiques liés au service du bloc (postes de commandement, réserves de munitions). Le niveau 2 actif du bloc est de plain pied, le niveau 1 actif est desservi par une cage d’escalier à volées droites dans une cage carrée.

Le niveau 2 abrite deux casemates de flanquement cuirassées pour canons-mortiers de 75mm, sous lesquelles sont disposés les casemates pour deux mortiers de 81 (tirs paraboliques d’axe fixe) du niveau de soubassement, défilées par le fossé diamant qui borde la façade extérieure (Fig. 10). Les casemates des pièces de 75, aux parois et plafonds blindées de planches d’acier conservent en bon état l’embrasure, avec son cadre en fer, sa plaque de blindage épaisse de 10 cm et un système de glissière avec contrepoids permettant d’ouvrir ou de fermer un volet blindé à guillotine obturant l’embrasure (système que permettait les pièces de 75 sans pivot fixe, qui pouvaient être reculées) (Fig. 10).

On remarque aussi des trous de prise d’air directe et des cheminées de récupération d’air pur pour le système de ventilation, qui comporte une unité de neutralisation spécifique au bloc, avec filtres à air en bon état (Fig. 10) au niveau 1 (soubassement) dans un local latéral aux casemates à mortiers. Ces casemates cuirassées à mortier de 81 sont également bien conservées, leur embrasure inclinée comporte aussi une glissière pour un volet d’obturation. Leur plafond est traversé par la gaine-toboggan de récupération des douilles utilisées des pièces de 75 de l’étage au-dessus (Fig. 13).

La galerie d’accès au bloc aborde les casemates de 75 du niveau 2 par le flanc droit ; son extrémité dessert à gauche la porte vers ces casemates et se prolonge dans l’axe, gravissant 5 marches, pour desservir la cloche JM (jumelage de mitrailleuses) en laissant à droite une armoire-ratelier d’armes (Fig. 14). Les aménagements et mécanismes du puits de cette cloche, dont la plaque mobile, la tablette, la colonne d’évacuation des douilles, dont bien conservés (Fig. 15).

A l’extérieur, la cloche JM type se distingue, à la différence des cloches GFM (guetteur fusil mitrailleur) ou LG (lance grenades), par ce qu’elle est noyée (encaissée) dans le béton, n’ayant qu’une seule direction de tir. Des deux cloches GFM qui encadrent cette cloche JM (Fig. 15), seule celle de l’est fait partie intégrante du bloc, desservie par un puits logé dans un gros saillant semi-cylindrique qui termine la façade (Fig. 17) ; l’autre cloche et son puits sont hors du volume du bloc, desservis par une branche de couloir partant de la galerie de distribution secondaire immédiatement en amont du couloir d’accès au bloc. Façade du bloc 2, embrasures à canon de 75, cloches JM (à gauche) et GFM (à droite).Façade du bloc 2, embrasures à canon de 75, cloches JM (à gauche) et GFM (à droite).

La disposition « en épi » ou en crémaillère propres aux casemates de flanquement anime la façade extérieure de ressauts en festons ; les embrasures pour le canon-mortier de 75 y sont couvertes par des visières de forme inhabituelle, en contre-plongée. La contre-plongée caractérise aussi, très classiquement, la forme des embrasures de mortier de 81 encaissées dans le fossé –diamant sous les embrasures de 75 (Fig. 18).

Bloc 3

Ce bloc (nord) est apparemment plus puissant que le bloc 2, puisqu’il comporte au niveau 2 (rez-de-chaussée) quatre casemates actives en épi au lieu de deux, ce qui donne lieu en façade à une série de quatre ressauts ou festons en crémaillère (Fig. 19), sans compter le saillant cylindrique de l’extrémité nord, hébergeant la cloche GFM. Il faut noter cependant que seules les deux casemates médianes sont d’artillerie, selon la même superposition mortiers de 81 et canons –mortiers de 75 (Fig. 20). On notera la forme des visières de ces deux travées, évasées vers le haut, un peu différentes de celles du bloc 2. Le reste des dispositions et aménagements de principe est semblable à ce qui a été décrit au bloc 2 : même distribution verticale, mêmes saillants d’extrémité desservant des cloches, même mêmes deux embrasures à trémie pour mortiers de 81 en soubassement, défilées par un profond fossé-diamant (on remarque des bouches de prise d’air direct pour ces casemates), etc.

Au chapitre des différences et nuances, la 1e casemate nord du niveau 2 est une casemate d’infanterie qui dessert un créneau à trémie pour JM (jumelage de mitrailleuses), flanquée sous la même visière par un créneau pour FM (Fig. 21); la 4e casemate dessert un créneau à trémie pour FM, prévue pour pouvoir être transformée en observatoire d’artillerie en remplaçant l’arme par un bloc jumelle appropriée. C’est une des rares embrasures adaptables de ce type réalisées dans les ouvrages Maginot des Alpes (Les autres se trouvent au bloc 3 du Monte Grosso et au bloc 4 de l’Agaisen), qui épargnait la mise en place spécifique d’une cloche GFM (guetteur fusil mitrailleur) On notera que le bloc est de fait pourvu d’une seule cloche GMF (Fig. 22), alors que le bloc 2 en dessert deux ; il est aussi pourvu à l’extrémité sud, d’une cloche d’un autre type, qui, à la différence du bloc 2 n’est pas une cloche JM, mais une cloche LG (lance-grenades).

Bloc 4

C’est un petit bloc observatoire tourné vers la mer, pourvu d’une casemate d’infanterie à créneau unique pour FM (fusil mitrailleur) sous visière (Fig. 23) ; il dessert surtout une cloche GFM qui domine le littoral vers Menton (Fig. 24) et une cloche JM (jumelage de mitrailleuses), analogue à celle du bloc 2, soit monodirectionnelle et noyée (encaissée) dans le béton (Fig. 25). Du fait de la petite taille du bloc, ces deux cloches sont très rapprochées l’une de l’autre.

L’ouvrage de Roquebrune-Cornillat est l’un des dix gros ouvrages mixtes (d’artillerie et d’infanterie) du Secteur fortifié des Alpes-Maritimes (S.F.A.M.) jalonnant la « Position de résistance » mise en place entre 1930 et 1935 dans le cadre d’une loi-programme par la Commission d’organisation des régions fortifiées (C.O.R.F.) sur une zone nord-sud longue de 22 km et distante de 5-8 km de la frontière italienne. Il a été construit entre 1930 et 1933.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • GARIGLIO, Dario, MINOLA, Mauro. Le fortezze delle Alpi occidentali [Les forteresses des Alpes occidentales]. Cuneo : L'Arcière, 1995.

    vol. II, Dal Monginevro al Mare. p. 280-282.
  • MARY, J.-Y. La ligne Maginot, ce qu’elle était et ce qu’il en reste. – Paris : Sercap, 1985.

  • PANICACCI, J.L. La ligne Maginot dans les Alpes-Maritimes. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes. Paris : Association Vauban, 2004, p. 97-107.

  • PANICACCI, J.L. La bataille pour Menton (10-25 juin 1940). Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995, p. 215-220.

  • SPIRAL, P. La ligne Maginot de l’Est et des Alpes, 1939-1945. Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995, p. 199-214.

  • TRUTTMANN, Philippe. La muraille de France ou la ligne Maginot. – Thionville : édition Gérard Klopp, 1988, 627 p.

Date d'enquête 2005 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers