Dossier d’œuvre architecture IA83003167 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort du Pipaudon
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Évenos
  • Lieu-dit fort du Pipaudon
  • Cadastre 2021 A08 1631
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    Pipaudon
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

HISTORIQUE ET TYPOLOGIE GENERALE

Le contexte stratégique fin XIXe siècle

Au mois de mai 1867, le comité des fortifications avait défini un projet général de vaste camp retranché autour de la place forte de Toulon contribuant à mettre ses établissements maritimes à l'abri d'un bombardement. Ce programme de défense terrestre prévoyait d'occuper les hauteurs du nord-est, du Cap Brun au Faron, et celle de l'ouest : Bau de Quatre Aures, Chartreuse, Six-Fours. Sa réalisation avait été lancée avec la redoute de La Croix-Faron, conçue en 1870 et réalisée à l’échelle d’un fort à partir de 1872. Cette même année, une instruction du 30 mai instituait une commission mixte de révision de l'armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon, pour la mise aux normes des batteries de côte.

La défense terrestre éloignée de la place de Toulon fit l’objet d’un rapport rédigé en mars 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, renouvelant complètement le précédent projet général de camp retranché de mai 1867, en intégrant les enseignements tirés, entre temps, de la guerre de 1870 qui avait révélé les faiblesses de l'artillerie française. Le rapport Le Masson préconisait d’occuper solidement les points principaux d’où (l’ennemi) pourrait opérer un bombardement, faisant en sorte d’élargir le rayon d’investissement, d’isoler et de rendre bien plus difficiles les attaques par l’est et par l’ouest… Dès le mois suivant, le comité des fortifications proposait de renforcer les défenses du Mont Faron, et d’occuper les hauteurs autour de Toulon, avec un espacement d’un ouvrage à l’autre pouvant aller jusqu’à 6 km (portée normale des canons de gros calibre de cette génération), soit, du nord à l'ouest, Mont Caume, Cap Gros, Croupatier, Gros Cerveau et Six-Fours et, dans le secteur nord-Est, à partir de la redoute en construction à La Croix-Faron : Mont Coudon, Thouars et La Colle-Noire. La ceinture des ouvrages de défense terrestre ainsi définie couvrait d’est en ouest une amplitude de plus de 30 km.

Toujours en 1873, à l’échelle nationale, le Comité de Défense créé l’année précédente pour programmer la réorganisation défensive des frontières terrestres et maritimes de la France était placé sous la direction du général Raymond-Adolphe Séré de Rivières, commandant et grand ingénieur du génie. On lui doit une instruction datée du 9 mai 1874, fondatrice d’une nouvelle typologie de forts et batteries détachés à distance des places fortes, armés de canons permettant des tirs à longue portée (6-9km).

Un nouveau plan de défense de la rade de Toulon approuvé le 4 avril 1877 et révisé le 27 aout, était mis en œuvre à partir de l’année 1878, en appliquant les normes du « système Séré de Rivières », pour les batteries de côte et pour une partie des ouvrages de la défense terrestre, complétant les forts déjà réalisés ou en cours d'achèvement de la Croix-Faron et de Six-Fours. Ces réalisations terrestres concernaient le secteur est, avec les forts du Coudon et de la Colle Noire, l'occupation de la hauteur intermédiaire de Thouars par un troisième fort étant finalement abandonnée. On notera que dans les deux cas, le programme comportait un fort et un ouvrage d'appui voisin fermé et resserré qualifié de "fortin", construit dans un second temps mais avant achèvement du fort.

S’agissant du secteur ouest, la décision d’implantation et la réalisation du programme avaient connu une première étape plus précoce par la construction du fort de Six-Fours, programmée en 1874 et réalisée de 1875 à 1880. Dans le cas de Six-Fours, le projet du fort fut complété de celui d’un ouvrage annexe d’appoint qui n’est pas un fortin mais une batterie de côte ouverte dite du Claffard.

Comme celle de Six-Fours, les positions du massif du Cerveau et du Mont Caume, avaient été choisies dès le programme Le Masson de 1873, dans le second cas pour un fort, et confirmée en 1877, ces deux sites étant désormais voués à accueillir chacun deux ouvrages d’artillerie distincts, aucun n’ayant le statut de fort. En revanche, le projet d'occupation intermédiaire par un fort de la hauteur dite du Cap Gros, au sud/sud-ouest du Mont Caume, fut progressivement abandonné pour lui préférer une position plus éloignée à l'ouest nord-ouest, où n'était d'abord projeté qu'un fortin, la hauteur du Pipaudon (corruption du toponyme Pic Baudon), près du village d'Evenos, position permettant de battre les gorges d'Ollioules et la plaine du Beausset, passage de la grande route de Paris à Toulon via Marseille. En l’occurrence ce projet de fort n'était pas complété d’un ouvrage annexe, fortin ou batterie.

La construction du fort du Pipaudon, passant après celle des ouvrages du Mont-Caume et du Cerveau fut conduite de 1890 à 1894 pour un coût de 376.000 francs, principalement par l’entreprise C. Marillier . Le chantier commença sous la direction du capitaine du génie Honoré Pierrugues, chef du génie de Toulon de 1887 à 1891, responsable des plans des ouvrages Est et Ouest du Cerveau, par la mise en place de la route stratégique d'accès au site et par le déroctage d'une partie des contours des ouvrages de l'enceinte à revêtir, ainsi que de la rampe souterraine en caverne, et par des terrassements en remblais qui permirent à court terme d'aménager deux postions de batterie provisoire mobile, l’une sur le sommet, l’autre sur un coude de la route stratégique, formant un épaulement ou cavalier.

Fort du Pipaudon. Etat des lieux [plan du site après les premiers travaux de déroctage]. 23 mai 1893.Fort du Pipaudon. Etat des lieux [plan du site après les premiers travaux de déroctage]. 23 mai 1893. En 1893, après une période d'interruption ou de ralentissement, le chantier de construction reprit activement, avec des plans de projet plus formels approuvés en 1892, sous la responsabilité d'un capitaine du génie suppléant, puis du chef de bataillon Buisson, nouveau chef du génie de Toulon, le capitaine du génie Jules Perret assurant les fonctions de chef de chantier pour le suivi de cette construction complexe du fait de son adaptation à une éminence rocheuse irrégulière. Certains aménagements évoluèrent dans leur conception au cours du chantier, notamment la forme des deux abris de combat de la batterie du fort, dont le dessin de projet en février 1894, conforme à l'état réalisé, diffère de celui de novembre 1893.

Un fort adaptant la typologie "Séré de Rivières"

Le Pipaudon est le dernier fort et, plus largement, le dernier ouvrage construit au sein du programme de défense terrestre de la place forte de Toulon, selon les principes du "système Séré de Rivières". Il témoigne d'une volonté d'adaptation à un site très contraignant des principales caractéristiques du plan-type des forts et batteries fermées de ce système, tels que l’enceinte retranchée fossoyée de plan pentagonal avec front de tête en chevron, double caponnière en tête, et les casernements casematés à l'épreuve des bombes comportant une façade à grandes arcades structurantes. On trouve cette même recherche de conformité typologique contrariée dans sa géométrie par une topographie défavorable, aux forts de la Colle-Noire et de Six-Fours. De fait, l'enceinte principale du fort du Pipaudon adopte le plan pentagonal-type sur toute la moitié droite de l'ouvrage, mais cette géométrie idéale est amputée d'un bon tiers de son développement du côté gauche par la limite du socle rocheux, plus abrupt et en falaise du côté nord-ouest et procurant de ce fait un retranchement naturel, irrégulier mais efficace. L'angle de droite du front de tête comporte un demi bastion flanquant le front latéral droit, lequel est terminé par un autre ouvrage flanquant, arrondi en orillon, à l'angle obtus qu'il forme avec le front de gorge. Ce dernier est précédé d'une petite enceinte basse dite "avancée" en forme d'ouvrage à cornes portant la rampe d'accès à la porte du fort sur une terrasse haute, et une terrasse basse sous cette rampe. La porte du fort est ménagée dans un renfoncement triangulaire du mur de gorge, dans un pan de mur biais adapté à l'axe de la rampe d'accès qui pénètre dans le fort obliquement, en galerie souterraine.[Plan des "dessus" du fort du Pipaudon et de l'avancée dans l'état réalisé.], vers 1900.[Plan des "dessus" du fort du Pipaudon et de l'avancée dans l'état réalisé.], vers 1900.

L'enceinte principale, ou enceinte haute, enveloppe le haut de l'éminence rocheuse, purgé de ses grosses irrégularités et aménagé pour recevoir une batterie de plan en chevron de 7 plates-formes d'artilleries défilées à la gorge par le sommet de l'éminence naturelle aménagée, et latéralement par des traverses et deux magasins de combat à l'extrémité droite de chaque aile. L'aile gauche permet des tirs en direction du nord-ouest, soit vers la plaine du Beausset, celle de droite vers le nord-est, notamment vers le Mont Caume. Un état projeté de 1893 comportait 4 plates-formes sur les deux ailes, celle de droite terminée par un magasin de combat important, mais dans l’état réalisé en 1894, le magasin, plus petit que prévu, occupe la place de la dernière traverse projetée et l'aile droite n'a que 3 plates-formes défilées; au-delà du magasin de combat, un emplacement porté sur les plans parait toutefois correspondre à une 4e plate-forme, permettant des tirs vers le nord-ouest. Différentes d'une branche à l'autre par la forme des traverses, ces plates-formes étaient simples, autrement dit conçues pour n’accueillir chacune qu’un canon. Cependant, l'artillerie attribuée en principe au fort du Pipaudon, d'après la légende d'un plan datant de 1895 ou 1900, comptait 14 pièces, soit 6 canons de 120mm, 6 de 95mm et 2 mortiers de 15 cm, armement complété de 4 canons à balles (de 13mm) . Il existait dans le fort, d'après les plans d'exécution de 1893, 4 autres plates-formes d'artillerie moins organisées, non traversées, du côté ouest, soit vers l'entrée des gorges d'Ollioules et vers le massif du Cerveau; un abri de combat fut construit à leur service sur l'angle nord-ouest du fort, au-dessus du fossé nord, prolongé par un gros parapet garde-corps rectiligne au-dessus du revêtement du front de tête, jusqu'au dessus de la caponnière. Il était également possible de disposer des canons sur les terrasses supérieures du front latéral est et de ses ouvrages saillants d'angle, sur la terrasse basse de l'avancée du front de gorge, organisée avec des parapets d'artillerie face au sud/sud-ouest (vers Six-Fours), et enfin, à l'extérieur du fort, sur le "cavalier" du tournant de la route d'accès, également pourvu d'un parapet d'artillerie permettant des tirs de batterie mobile vers l'est et le sud-est (vers le village d'Evenos, le Croupatier, le vallon du Destel). Quand aux canons à balles, ils étaient réservés à la double caponnière.

[Fort du Pipaudon. Plan d'état intermédiaire de projet pour la batterie.], 1893.[Fort du Pipaudon. Plan d'état intermédiaire de projet pour la batterie.], 1893. Plateformes d'artillerie. [Fort du Pipaudon. Plan du projet définitif de la batterie, de ses plates-formes et traverses et de ses deux magasins de combat.],1894.Plateformes d'artillerie. [Fort du Pipaudon. Plan du projet définitif de la batterie, de ses plates-formes et traverses et de ses deux magasins de combat.],1894.

L'une des particularités du fort du Pipaudon, due aux contraintes d'un site de sommet rocheux assez compact, est l'absence de cour intérieure desservant le casernement. De ce fait, les deux ailes de casernement casematé à niveau unique, adossées au front de gorge et au front latéral droit, sont traitées en majeure partie en souterrains-caverne, leur emprise et volume obtenus par déroctage. Elles sont desservies, passée la porte du fort, par une galerie partant à droite de la partie intérieure de la rampe d'accès, elle-même entièrement creusée dans le roc et traitée en souterrain-caverne, rectiligne d'abord, puis formant une courbe à gauche pour déboucher sur les "dessus" du fort. Les façades des casernements se trouvent par conséquent reportées à l'extérieur, dans les courtines, sous de grandes arcades structurantes caractéristiques de l'architecture Séré de Rivières, au-dessus du fossé est et de la rampe d'accès à ciel ouvert; ces façades sont percées des fenêtres donnant jour aux casemates, mais n'ont -logiquement-aucune porte de sortie directe vers l'extérieur. La même disposition est reproduite, à plus petite échelle, dans les "dessous" de l'avancée en contrebas du front de gorge, avec façade dans la courtine et les flancs des demi-bastions. Ces casemates de l'avancée n'ont aucune communication souterraine avec celles de l'enceinte haute du fort, mais ont leur accès par la terrasse de l'avancée.

Plan dessous. [Fort du Pipaudon. Plan des "dessous" ou souterrains du fort et de l'avancée, état réalisé] vers 1900.Plan dessous. [Fort du Pipaudon. Plan des "dessous" ou souterrains du fort et de l'avancée, état réalisé] vers 1900. Elévation de l'avancée de gorge. [Fort du Pipaudon. Elévation de la façade des casemates de l'avancée dans la courtine de son revêtement.], 3 septembre 1893.Elévation de l'avancée de gorge. [Fort du Pipaudon. Elévation de la façade des casemates de l'avancée dans la courtine de son revêtement.], 3 septembre 1893.

Il résulte de ces contraintes un développement très important des locaux et galeries en souterrain-caverne du fort, complétés par une branche nord partant de la courbe de la rampe en caverne pour desservir la caponnière double du front de tête du fort, en desservant au passage, par une galerie secondaire perpendiculaire, les trois classiques magasins-caverne : à poudres, à projectiles, atelier de chargement.

Le logement des troupes était assuré par les 4 casemates du front de gorge, d'une capacité de 16 hommes en temps de paix, et par 3 sur 4 de celles du front latéral Est, d'une capacité de 10 hommes, dont une réservée aux sous-officiers, soit un total général de 94 hommes . La 4e casemate de l'est était affectée à la cuisine. La boulangerie, les magasins à bois, à vivres et aux farines occupaient de petites casemates aveugles à l'arrière de celles du front de gorge, à gauche de la galerie de distribution. Le logement pour deux officiers et le corps de garde étaient installés dans deux casemates situées à gauche de la porte d'entrée, avec chacune une façade sous arcade (crénelée dans le cas du corps de garde) dans le revêtement du front de gorge. Les 3 casemates de courtine de l'avancée étaient affectées à l'infirmerie, avec une capacité de 4 malades chacune (blessés ou fiévreux), les deux casemates de flanc de part et d'autre servant de tisanerie et de lampisterie, percées de créneaux pour la défense rapprochée. Ces casemates sont ventilées par des évents communiquant à des gaînes horizontales sur les reins des voûtes, elles-mêmes reliées à des cheminées d'aérage débouchant en façade dans des ouvertures circulaires. Une première citerne de 121,8 m3 était installée à l'arrière des casemates de l'avancée, une autre de 183m3 creusée dans le roc à gauche de la rampe en caverne , avent le début de sa courbe, voisinant avec une niche pour la pompe.

[Fort du Pipaudon. Plan et coupes du projet pour l'avancée], 1893.[Fort du Pipaudon. Plan et coupes du projet pour l'avancée], 1893.

La double caponnière ,pour la défense du fossé du front de tête se compose principalement d'une grande casemate desservant les deux flancs actifs prenant en enfilade le fossé principal du front de tête, pourvus chacun de deux embrasures pour le canon à balles, et deux petites galeries latérales desservant des créneaux dans le revêtement, en retour d'équerre des flancs, pour contrôler le fossé contournant la tête de la caponnière. Les 3 magasins en caverne, complétés d'un petit atelier d'amorçage, sont organisés selon les normes appliquées dans tous les ouvrages contemporains, logés chacun dans une casemate latérale à leur galerie de desserte, avec, pour le magasin à poudre un sas en chicane, et pour tous, un créneau de lampe pour l'éclairage du local. Les deux magasins de combat de la batterie, en forme de coupole bétonnée à l'extérieur, sont connectés aux souterrains-caverne, le premier (entre les deux branches de la batterie) par un monte-charge aboutissant dans la galerie de distribution des magasins-caverne, côté magasin aux projectiles et ateliers de chargement et d'amorçage, le second (à l'extrémité de la branche droite) par un escalier descendant aux casemates de casernement de la courtine Est du fort.

Croquis d'exécution n°35. Caponnière centrale. Détail des créneaux et revêtements. [Fort du Pipaudon. Plan d'exécution pour la double caponnière du front de tête (nord)], 1893.Croquis d'exécution n°35. Caponnière centrale. Détail des créneaux et revêtements. [Fort du Pipaudon. Plan d'exécution pour la double caponnière du front de tête (nord)], 1893. Gaines d'éclairage des créneaux d'artillerie. [fort du Pipaudon. Plans et coupe du souterrain-caverne des magasins (à poudre, à munitions..) avec sas et créneaux à lampe.], 31 mars 1894.Gaines d'éclairage des créneaux d'artillerie. [fort du Pipaudon. Plans et coupe du souterrain-caverne des magasins (à poudre, à munitions..) avec sas et créneaux à lampe.], 31 mars 1894. Plateformes d'artillerie. Coupes suivant AAB. [Fort du Pipaudon. Coupes et profils du projet des plates-formes et du magasin de combat central (avec monte-charge) de la batterie.], 20 janvier 1894.Plateformes d'artillerie. Coupes suivant AAB. [Fort du Pipaudon. Coupes et profils du projet des plates-formes et du magasin de combat central (avec monte-charge) de la batterie.], 20 janvier 1894. Plateformes d'artillerie. Coupes suivant PQR. [Fort du Pipaudon. Coupe du projet définitif de l'abri de combat Est de la batterie et de son accès aux souterrains.], 24 février 1894.Plateformes d'artillerie. Coupes suivant PQR. [Fort du Pipaudon. Coupe du projet définitif de l'abri de combat Est de la batterie et de son accès aux souterrains.], 24 février 1894.

Le dernier élément aménagé du fort, en juin -juillet 1894, d'après les plans d'exécution, est un système de barrage interne de l'entrée du fort, à l'arrière de l'arcade d'entrée de la porte, qui ne comporte ni pont-levis ni vantaux : il s'agit d'un système de porte métallique coulissante fermant l'entrée de la rampe intérieure et des galeries, précédée d'un pont roulant latéralement sur rails, à partir d'un petit local technique sur fosse ménagé à gauche du passage, derrière un mur crénelé. La façade de la porte du fort n'a été réalisé qu'après mars 1894, date du dessin d'exécution la concernant : ce dessin montre le millésime 1893 affiché au-dessus de la porte, qui a été réalisé, commémorant non la date d'achèvement du chantier, mais la celle de sa reprise.

Logement du pont roulant. [Fort du Pipaudon. Plan et coupes du dispositif du pont roulant à l'entrée de la rampe casematée en caverne, derrière la porte du fort.], 2 juin 1894.Logement du pont roulant. [Fort du Pipaudon. Plan et coupes du dispositif du pont roulant à l'entrée de la rampe casematée en caverne, derrière la porte du fort.], 2 juin 1894. [Fort du Pipaudon. Projet de la porte du fort, élévation.] 1893.[Fort du Pipaudon. Projet de la porte du fort, élévation.] 1893.

Une première porte, ou avant porte, existait alors, interceptant la partie à ciel ouvert de la rampe, au raccord du bastion gauche (ouest) de l'avancée et de l'angle saillant arrondi du front de gorge, par une coupure ou fosse avec pont amovible. Elle permettait de retrancher l'avancée et de l'inclure dans le périmètre clos et défendu du fort.

Le XXe siècle

Devenu obsolète au plan défensif dans l'entre-deux guerres, le fort du Pipaudon resta entretenu par le département de la Guerre, mais ne fait pas partie des ouvrages anciens importants réutilisés à la veille de la seconde guerre mondiale pour y installer une batterie de D.C.A., à la différence des forts de la Croix-Faron, de Six-Fours ou de Cépet.

Lors de la seconde occupation allemande, le fort est occupé à partir de septembre 1943 par une garnison de 61 marins et aviateurs allemands, sous la direction d'un major et de trois officiers. Lors des opérations de la libération de Toulon, en aout 1944, le 3e régiment de spahis algériens de de reconnaissance et un escadron de tanks destroyer du 7e franco-alliées approchant de Toulon prennent brièvement position le 21 aout à Saint-Anne d'Evenos face au fort du Pipaudon, et tirent en direction du fort pour couvrir leur acheminement vers les Pomets. La réplique ne vient pas du Pipaudon, dont la garnison négocie sa reddition et évacue le fort le 22 aout. Cette occupation allemande n'a pas occasionné d'installations défensives dans le fort.

En 1954, pendant la "Guerre froide", le capitaine de frégate Barois, commandant la D.C.A. de la IIIe région maritime, demanda au commandant du secteur de défense maritime de Toulon de pouvoir mettre en œuvre sur le fort du Pipaudon, celui de la Croix Faron, et sur l'ouvrage ouest du Mont-Caume les équipement nécessaires à la mise en place d'une batterie semi-mobile de D.C.A. de 90mm soit pistes d'accès, radars conduite de tirs et groupe électrogènes. A la suite, seuls les aménagements du Mont Caume furent réalisés, le projet du Pipaudon semble avoir été abandonné, peut-être après un début d'exécution, la branche gauche de la batterie montrant un remaniement évoquant l'aménagement d'un abri de remorque-radar pour batterie de D.C.A.

DESCRIPTION

Site et implantation générale

Le fort occupe la partie supérieure d'une éminence rocheuse isolée mais faiblement dominante du côté nord, soit du côté du front de tête, culminant à 406m d'altitude, en co-visibilité proche (450m à vol d'oiseau) du village castral médiéval perché d'Evenos (alt. max. 361m), et dominant à l'ouest l'agglomération de Sainte-Anne d'Evenos, en fond de vallée de la Reppe (alt. 137m), à la transition entre la plaine du Beausset (au nord) et les gorges d'Ollioules (au sud). Le chemin militaire d'accès est assez court, partant de l'entrée du village d'Evenos (alt. 333m); il monte au fort en décrivant deux lacets, la courbe du second étant incluse dans la gorge d'un cavalier d'artillerie extérieur au fort, de plan pentagonal, dont les profils constitués de remblais (pierre et terre) sont aujourd'hui dégradés.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre.

[Fort du Pipaudon. Vue aérienne depuis le sud-est.] 1964.[Fort du Pipaudon. Vue aérienne depuis le sud-est.] 1964. La forme générale et le plan du fort sont relativement compacts, composé de deux sous-ensembles attenants, hiérarchisés et étagés : l'enceinte du fort proprement dit et l'avancée renfermant la dernière partie à ciel ouvert de la rampe d'accès (Fig. 14). On a vu plus haut les principales caractéristiques du plan, inspirés du plan-type pentagonal des ouvrages Séré de Rivières : front de tête au nord à deux pans en chevron, bordé d'un fossé étroit avec double caponnière à l'angle obtus médian, front latéral droit de plan oblique rentrant, également fossoyé, encadré de deux organes flanquants : demi-bastion au nord-est, saillant avec front arrondi au sud-ouest, et front de gorge, au sud. Ce front de gorge est deux fois moins développé que le front de tête, car arrêté à l'ouest par le rebord vertical de l'escarpement naturel qui définit un front latéral ouest irrégulier, amputant le plan-type "idéal" d'un tiers de son développement théorique. La porte du fort est nichée dans un renfoncement triangulaire du front de gorge, aux deux-tiers de sa longueur, et précédée d'une rampe sur mur de soutènement prolongeant le chemin d'accès au fort (Fig. 15). L'avancée sud, en forme d'ouvrage à cornes à deux larges demi-bastions encadrant une courte courtine, fondée au point le plus bas du site (alt. 370m) intègre cette rampe et borde l'ensemble du front de gorge, sa terrasse (alt.382, 45m) régnant 9m en contrebas du seuil de la porte du fort (alt. 391, 45m). Excepté sur le front ouest adapté aux contours irréguliers du rocher, l'enceinte est continue et forme un revêtement relativement élevé au sud et à l'est (10m en moyenne) accusant un fruit et portant terrassements en partie supérieure. Le front de tête et son fossé occupant un secteur haut du terrain naturel (alt moyenne 392m dans le fossé), le revêtement maçonné et la double caponnière défilés par ce fossé n'ont qu'une très faible élévation (moins de 4m). Le revêtement discontinu du front ouest, vertical (sans fruit), de hauteur variable selon le niveau de son ancrage au rocher, est jalonné d'arcades de décharge, certaines jumelées, tantôt à la base, tantôt près de l'arase, franchissant les anfractuosité du front rocheux naturel.Vue générale depuis le sud : front de gorge, porte du fort, front latéral ouest et "avancée"Vue générale depuis le sud : front de gorge, porte du fort, front latéral ouest et "avancée"

Au-dessus du front de gorge et de la courtine du front latéral Est, saillant d'angle compris, le terrassement massé sur les reins des voûtes des casemates de casernement est plan ou faiblement incliné (aujourd'hui revêtu d'une dalle de ciment), et simplement bordé d'un muret garde-corps au-dessus de la tablette de pierre dure qui couronne le revêtement et comporte des segments rampants rattrapent des différences de niveau (Fig. 16), notamment entre le mur accueillant la porte du fort, surhaussé du reste du revêtement de gorge. Sur la courtine du front latéral Est, on observe une série de goulottes d'évacuation d'eaux pluviale sous la tablette. Sur les autres fronts du fort, le revêtement, garni ou non d'une tablette d'arase (absente au front ouest, présente sur l'avancée) est surmonté de façon discontinue d'épaulements ou parapets en terre épais et hauts, profilés en glacis, destinés à couvrir et défiler les différentes plates-formes d'artillerie du fort, notamment sur le front ouest, sur le tiers ouest du front de tête, sur le demi-bastion nord-est et sur l'avancée sud. Ces profils de terre sont aujourd'hui largement dégradés et déstructurés, à l'exception de ceux de l'avancée, plutôt mieux conservés, y compris le muret de genouillère en pierre sèche délimitant parapet et terrasse (Fig. 17). La batterie proprement dite, dont le plan en chevron était arrondi en tête par la forme du parapet en remblais, forme une sorte de gros cavalier sur les "dessus" du fort (plates-formes aux cotes d'altitude 401m à 406m), le relief naturel du sommet conservé et aménagé pour former masse couvrante à la gorge des plates-formes de tir, étant compris dans ce cavalier de plan subcirculaire. L'aile droite de la batterie surplombait directement la courtine de droite du front de tête : là encore les profils de terre du parapet ont "fondu" et ne sont plus reconnaissables.Revêtement du front de gorge avec cordon rampant dans le rentrant de la porte du fort, vu des "dessus"Revêtement du front de gorge avec cordon rampant dans le rentrant de la porte du fort, vu des "dessus" terrasse supérieure de l'avancée sous la rampe d'accès extérieure, vues du haut du front de gorgeterrasse supérieure de l'avancée sous la rampe d'accès extérieure, vues du haut du front de gorge

Les revêtements de l'enceinte et de l'avancée sont mis en œuvre à l'économie, avec parements en simple blocage de gros moellons plus ou moins calibrés mais non assisés. La pierre de taille est pratiquement absente, hormis les tablettes et quelques éléments décoratifs des encadrements de baies. Quelques rares parties de parement ordinaire (flanc du bastion nord-est) sont recoupés par l'affleurement de portions de roc naturel non ravalé.

L'avant-porte du fort et sa coupure ont disparu sans laisser de traces de l'état d'origine, remplacés par une grille ouvrante délimitée par trois piliers de construction récente. A la suite, la rampe d'accès, en pente assez accusée, est élargie à gauche selon un tracé courbe pour prendre plus d'ampleur et procurer du recul à l'approche de la porte du fort. Bordée à gauche de son mur de soutènement incurvé, cette rampe d'accès distribue de ce même côté deux branches secondaires opposées descendantes longeant ce mur pour desservir l'avancée. La première branche, que l'on trouve peu après avoir franchi l'avant-porte, est une rampe qui donne accès à la terrasse de l'avancée, la seconde est un escalier partant des abords de la porte du fort par une courte première volée traversant le mur, et se prolongeant après un repos en retour d'angle droit par trois volées successives séparées par deux repos la dernière devenant souterraine pour desservir les casemates de l'avancée (Fig. 18).

Escalier descendant aux souterrains casematés de l'avancée, sous la rampe d'accèsEscalier descendant aux souterrains casematés de l'avancée, sous la rampe d'accès

Le côté droit de la rampe principale d'accès au fort longe le revêtement du front de gorge dans sa partie qui abrite les casemates du casernement, matérialisées dans ce revêtement par quatre arcades couvertes d'un arc surbaissé (Fig. 19). Ces arcades correspondent à la coupe des casemates, refermées par un mur de remplage vertical formant façade des casernements, bâti non au nu extérieur du revêtement, mais en fort retrait (3,20m de recul entre le pied du revêtement et le mur de remplage), en sorte que ces façade sont profondément nichées sous les arcades (Fig. 20), sans doute pour les mettre relativement à l'abri de tirs ennemis. Dans l'état actuel, les deux premières niches abritent toujours la façade d'origine des casemates correspondantes, percée de deux fenêtres, mais les deux suivantes ont été refermées au nu du revêtement par un remplage formant deux jambages en blocage encadrant une large porte de garage à deux vantaux métalliques, remaniement pouvant dater de la seconde guerre mondiale ou de l'après-guerre. L'encadrement des grandes arcades forme un chambranle dont les claveaux de l'arc extradossé et les piédroits sont mis en œuvre en moellons équarris et calibrés (alternance deux pierre/ une pierre) à joints gras. Trois bloc de taille à bossage rustique soulignent la clef et es sommiers de l'arc. Revêtement du front de gorge avec arcades des façades des 4 casemates de casernementRevêtement du front de gorge avec arcades des façades des 4 casemates de casernement Revêtement du front de gorge, détail d'une travée de casemate de casernement avec façade rentranteRevêtement du front de gorge, détail d'une travée de casemate de casernement avec façade rentrante

La porte du fort (Fig. 21) forme une grande arcade en plein-cintre de même ampleur que le premier segment de couloir voûté en berceau qui lui fait suite (4m de largeur), cette arcade n'ayant jamais comporté de vantaux. Son arc extradossé est entièrement composé de claveaux en pierre de taille à bossage rustique à ciselure, ceux de la clef et des sommiers plus grands et saillants tant à l'extrados qu'à l'intrados. Un autre gros bloc à bossage souligne la base du piédroit, sur une assise inférieure refaite en béton. Au-dessus de l'extrados de l'arc, les piédroits sont prolongés par une sorte de dosseret de même largeur encadrant la partie supérieure de la façade de la porte du fort, verticale et en léger relief sur le nu du revêtement. Cette facade comporte un registre intermédiaire encadrant un large cartouche portant l'inscription "Fort du Pipaudon 1893" gravée dans un enduit lisse évoquant une dalle marbrière, avec encadrement en briques combiné aux angles avec une boutisse carrée rustique. De part et d'autre de ce cartouche, quatre autre boutisses plus grandes, également carrées, font saillie sur la façade. Au-dessus, le niveau de la tablette du revêtement est traité sur cette façade de la porte comme un bandeau ou corniche à modillons, portant un surcroît d'élévation murale de la hauteur du muret garde-corps surmontant le revêtement, surcroit lui-même couronnée par une corniche à modillon identique formant tablette. Le décor architectural est complété de deux blocs allongés symétriques saillant sur le parement du surcroît. Le traitement des piédroits et dosserets d'encadrement de cette façade, en simples moellons grossièrement équarris avec joints gras tirés au fer semble pauvre et médiocre, compte-tenu du dessin général de cette façade de porte monumentale. Le dessin d'exécution de 1894 laisse penser que ces éléments devaient être réalisés en pierre de taille à bossages et que cette intention n'a pas été réalisée pour des raisons économiques.

Porte du fort avec frontispice millésimé 1893Porte du fort avec frontispice millésimé 1893

Une semblable révision à la baisse de la qualité de finition de la mise en œuvre explique aussi la médiocrité de l'aspect général de l'encadrement, arc compris, des quatre arcades du revêtement du front de gorge correspondant aux casemates de casernement : cet encadrement, excepté les trois gros claveaux à bossage réalisés, était prévu en pierres de taille lisses, voire en enduit à faux joints imitant la pierre de taille.

A gauche de la porte, la suite du revêtement du front de gorge comporte deux autres arcades du même type, moins amples que celles des façades du casernement, mais correspondant aussi à des casemates aménagées au revers du revêtement (Fig. 22). La première, dans le mur latéral gauche du renfoncement triangulaire qui accueille la porte du fort, dans le même mur que cette porte, correspond à la casemate du corps de garde : le mur de remplage percé de trois créneaux de flanquement biaisés qui refermait cette arcade au nu du revêtement est aujourd'hui remplacé par une maçonnerie de la fin du XXe siècle percée d'une grande fenêtre, éclairant la loge du gardien du fort. La deuxième arcade, plus large, dans la suite du revêtement entre angle saillant obtus et retour d'angle rentrant aigu, correspond à la casemate du logement d'officier; sa façade est aussi remaniée. Pour ces deux arcades qui comportent aussi trois grosses pierres à bossage aux sommiers et à la clef de l'arc, on note le même défaut de finition du reste de l'encadrement ; plus encore, l'angle obtus entre les deux pans de mur de cette partie du front de gorge est souligné d'un chaînage en relief évoquant la forme d'un appareillage en pierre de taille à assises alternée larges et étroites, mais le parement apparent reste en moellonage grossier, sans la finition sans doute projetée en enduit imitant la pierre de taille. Ce même chaînage est reproduit aux autres angles saillants obtus du front de gorge et du front latéral droit.Détail du front de gorge vu de la rampe extérieure, porte du fort entre les revêtements des souterrains casematésDétail du front de gorge vu de la rampe extérieure, porte du fort entre les revêtements des souterrains casematés

La partie intérieure de la rampe de distribution du fort, creusée en caverne et revêtue de maçonnerie formant une voûte en berceau rampante, s'ouvre par le premier segment droit qui prolonge immédiatement l'arcade d'entrée de la porte. A la suite, des piédroits marquent l'entrée du sas de plan carré qui comportait une fosse peu profonde au-dessus de laquelle coulissait latéralement sur rails le pont-roulant formant sol, manœuvré depuis un local fermé et crénelé ménagé du côté gauche, à l'entrée des courtes galeries secondaires desservant les casemates du corps de garde et du logement d'officier. Cette partie des aménagements défensifs et casemates en caverne a été fortement remanié vers la fin du XXe siècle au profit de la loge du gardien , en sorte qu'il ne reste plus trace du pont roulant et de la porte coulissante d'origine qui faisait suite.

Immédiatement après le sas, s'ouvre à droite la galerie de distribution des casemates de casernement, commençant par une volée d'escalier descendant d'une dizaine de marches, le sol des casemates, nivelé à l'horizontale, étant à la fois plus bas que le seuil de la porte du fort, et plus haut que la majeure partie de la rampe d'accès extérieure, entre avant-porte et porte. Cette galerie en corridor desservant successivement, du côté droit, les quatre casemates du front de gorge puis, après un coude en angle obtus, les quatre du front latéral droit, est voûtée en berceau et recoupée par le voûtement perpendiculaire des casemates, à la fois plus hautes et plus larges, créant une pénétration (Fig. 23). La partie casernement des trois premières casemates du front de gorge et de la seconde du front latéral droit est prolongée à gauche de la galerie, en continuité de largeur et hauteur sous voûtes, par les casemates sans jour direct qui étaient dévolues, pour les trois premières à la boulangerie (avec four au fond) et aux magasins aux farines et aux vivres.

Galerie de distribution des casemates de casernement du front de gorgeGalerie de distribution des casemates de casernement du front de gorge

Les casemates de casernement du front de gorge, larges de 5,50m sont profondes de 12m entre galerie et mur de façade (Fig. 24). Leur voûte est en berceau légèrement surbaissé adouci en anse de panier, les deux fenêtres du mur de façade sont espacées d'un trumeau de même largeur qu'elles. Parois et voûtes des huit casemates sont revêtues d'un enduit couvrant chaulé; leur entrée était refermée sur la galerie par une cloison légère en bois et plâtre avec porte et fenêtre donnant un second jour, celles existant dans l'état actuel, remaniées (suppression de l'appui et de la menuiserie de la fenêtre) pouvant remonter aux aménagements d'origine. Les casemates du front latéral, de même profondeur que celles du front de gorge, s'en différencient par leur moindre largeur : 4m, par leur voûtement en berceau pratiquement plein-cintre, et par l'étroite contiguïté des deux fenêtres de leur mur de façade, surmontées d'un évent au ras de l'intrados de la voûte (Fig. 25).

Intérieur d'une casemate de casernement du front de gorgeIntérieur d'une casemate de casernement du front de gorge intérieur d'une casemate de casernement du front latéral estintérieur d'une casemate de casernement du front latéral est

A l'extérieur, ce mur de façade surplombant le fossé du front latéral est bâti dans les arcades au nu du revêtement (Fig. 26) et non en retrait, à la différence de ce que l'on observe au front de gorge. L'arc surbaissé des fenêtres comporte des claveaux à bossages à la clef et au sommiers, la mise en œuvre se distinguant par ailleurs par l'emploi d'un appareil polygonal exclusivement sur le registre de l'allège de ces fenêtres, le reste étant en opus incertum négligé (Fig. 27). Les arcades structurantes encadrant ces façades de casemates présentent les mêmes caractéristiques de mise en œuvre que celles déjà décrites pour les arcades du front de gorge.

Revêtement du front latéral Est avec façade des casemates de casernementRevêtement du front latéral Est avec façade des casemates de casernementRevêtement du front latéral Est avec façade des casemates de casernement et flanc du saillant S-ERevêtement du front latéral Est avec façade des casemates de casernement et flanc du saillant S-E

Le front latéral droit (Est), à la différence du front de gorge, est encadré de deux flancs symétriques, l'un appartenant au demi-bastion nord-est, l'autre au saillant arrondi sud-est. Au niveau des casernements, ces flancs sont équipés chacun d'une petite casemate active crénelée, desservie par deux branches de galeries murales, l'une (flanc nord), deux fois coudée, partant de l'extrémité nord de la galerie de distribution, l'autre (flanc sud) partant de la quatrième casemate du front de gorge (Fig. 28). Ces deux flancs actifs sont traités au-dehors, comme les autres casemates, avec une arcade structurante abritant un mur de remplage percé de deux créneaux encadrés en brique, avec toujours l'appareil polygonal au niveau de l'allège. Bien conservée au flanc nord (Fig. 29), ce mur de remplage crénelé a été défoncé au flanc sud, remplacé par une large fenêtre à grille.

intérieur de la petite casemate de flanquement à gauche (sud-est) du front latéral Estintérieur de la petite casemate de flanquement à gauche (sud-est) du front latéral Est Front latéral Est, revêtement, détail du flanc casematé crénelé du demi-bastion nord-estFront latéral Est, revêtement, détail du flanc casematé crénelé du demi-bastion nord-est

Les casemates de l'avancée, à l'extérieur et en contrebas du front de gorge, sont aussi encadrées par deux flancs casematés actifs de bastions. La conception des souterrains casematés de cette avancée, plus réduits et plus rigoureusement symétriques, apporte quelques perfectionnements par rapport à ceux des casernements du fort. Les trois casemates de l'infirmerie, de même largeur (4m) que celles de l'aile latérale Est, mais moins profondes, sont voûtées en berceau (Fig. 30), mais leur galerie de distribution arrière, perpendiculaire est couverte d'un demi-berceau boutant aussi haute qu'elles à la clef (Fig. 31). Le mur de remplage ou de façade n'est percé que d'une fenêtre centrale surmontée d'un évent sous la voûte, et encadrée de deux créneaux (Fig. 32). A l'extérieur les trois arcades structurantes animant la majeure partie de l'élévation de la courtine sont encadrées avec soin en pierre de taille appareillée, sans discontinuité entre les piédroits et l'arc plein-cintre extradossé, dont la clef est en léger relief en pointe de diamant. L'arc surbaissé de la fenêtre du mur de remplage est aussi en pierre de taille avec clef saillante, la fente extérieure des créneaux encadrée en briques. La brique se retrouve plus haut sur le mur de revêtement, à l'encadrement des oculi de ventilation ménagés dans les écoinçons de chaque côté des arcades. La tablette formant corniche à modillons couronnant le revêtement, identique à celle de la façade de la porte du fort, achève de montrer que le traitement de façade de cette avancée casematée a fait l'objet d'un plus grand soin, en termes de finition, que celui des fronts de gorge et latéral droit du fort.

Intérieur d'une des casemates (infirmerie) de l'avancéeIntérieur d'une des casemates (infirmerie) de l'avancée galerie de distribution des casemates (infirmerie) de l'avancéegalerie de distribution des casemates (infirmerie) de l'avancée Revêtement de la courtine de l'avancée, détail de la façade sous arcade d'une casemateRevêtement de la courtine de l'avancée, détail de la façade sous arcade d'une casemate

Les autres souterrains casematés ou en caverne du fort, dans la partie nord, sont desservis depuis la rampe souterraine, par une galerie secondaire se branchant à droite de sa partie postérieure qui s'infléchit en courbe tournant à gauche d'un demi-cercle. Dans cette partie de son développement, les parois et la voûte en berceau segmentaire de la rampe sont revêtus d'une maçonnerie de blocage de moellons calibrés. La maçonnerie des parois est fondée sur le roc brut laissé affleurant et saillant en soubassement (Fig. 33). La galerie nord des souterrains, longue et parfaitement rectiligne jusqu'à la caponnière double à laquelle elle aboutit, est revêtue d'une maçonnerie de blocage et voûtée en berceau surbaissé (Fig. 34). Elle est traversée, au tiers de son développement, par la galerie perpendiculaire qui dessert les magasins en caverne, à gauche, en cul de sac, le magasin à poudres, à droite, successivement le magasin à munitions et l'atelier de chargement, ce dernier complété en vis à vis par un petit atelier d'amorçage. Cette branche droite d'accès aux magasins caverne comporte une niche murale desservant la trémie du monte-charge aboutissant au-dessus dans le magasin de combat médian de la batterie. Les trois magasins /ateliers, voûtés en berceau segmentaire et parementés en blocage comme les galeries de distribution (Fig. 35) conservent l'essentiel de leurs dispositions d'origine, dont le sas avec entrée en chicane du magasin à poudres et le créneau à lampe ménagé dans mur de fermeture du magasin à munitions pour éclairer la salle (lampe à huile), à côté de la porte, avec son encadrement cimenté et ébrasé conservant la feuillure de la vitres et l'évent d'évacuation des fumées vers la galerie (Fig. 36).

Rampe d'accès intérieure en caverne, vue de la partie médianeRampe d'accès intérieure en caverne, vue de la partie médianegalerie caverne nord d'accès à la double caponnièregalerie caverne nord d'accès à la double caponnière Souterrains-caverne : intérieur du magasin aux projectilesSouterrains-caverne : intérieur du magasin aux projectiles Souterrains-caverne : détail du créneau à lampe et de la porte du magasin aux projectilesSouterrains-caverne : détail du créneau à lampe et de la porte du magasin aux projectiles

La double caponnière, de plan extérieur pentagonal légèrement asymétrique, est bien conservée intérieurement . Elle se compose principalement d'une grande casemate de défense active, couverte d'une voûte en berceau très surbaissé, dont le plan en chevron reproduit celui du front de tête du fort (Fig. 37). La galerie nord des souterrains débouche dans l'axe de cette casemate, au droit de l'angle obtus, qui est aveugle, de même que les deux faces de la caponnière, formant bouclier au nord de la casemate, obtenue en conservant et détourant une masse de rocher lors du creusement du fossé nord par déroctage, cette masse étant revêtue d'un parement maçonné. Seuls les flancs de la casemate, à ses deux extrémités, sont actifs, par la présence de deux embrasures ménagées dans le mur de chaque flanc, adaptées au canon à balles de 13mm. Il s'agit de fenêtres de tir rectangulaires, ébrasées vers l'extérieur, pouvant être occultées par un volet intérieur en fer. Les volets actuellement en place ne sont pas d'origine, pas plus que les grilles scellée dans l'encadrement cimenté après coup des fenêtres. De même, l'une des deux fenêtres de tir de chaque flanc a été condamnée pour installer à sa place, au moyen d'une saignée dans l'épaisseur du mur, un équipement mécanique sur pied actuellement disparu. Ces remaniements datent probablement de la seconde guerre mondiale ou du milieu du XXe siècle. Les petites casemates latérales crénelées qui assuraient la défense rapproché du fossé de la caponnière, par le tir au fusil perpendiculaire aux flancs, sont également conservées.

Intérieur de la double caponnière, galerie d'accès et branche gauche de la casemate activeIntérieur de la double caponnière, galerie d'accès et branche gauche de la casemate active

Après avoir décrit un tournant demi-annulaire à gauche, la rampe d'accès souterraine casematée débouche sur les "dessus" du fort, à ciel ouvert, entourée d'affleurements du rocher brut et végétalisé, sous une large arcade dont le couvrement en berceau très surbaissé est renforcé d'une voûte en béton armé banché (Fig. 38). Ce débouché forme une petite place d'armes (alt. 395, 60m) qui dessert, immédiatement en face et par un chemin de ronde partant à droite , les anciennes plates-formes d'artillerie sommaires et irrégulières du front ouest, jusqu'à l'abri de combat bâti sur l'angle nord-ouest de l'enceinte. Il s'agit d'une construction en maçonnerie de pierre et béton, simple casemate voûtée en berceau surbaissé ouverte sur un côté, semi enterré, enveloppé dans un bloc de forme extérieure cintrée avec finition au ciment lissé.

Issue supérieure de la galerie-rampe d'accès en caverne sur les "dessus" du fortIssue supérieure de la galerie-rampe d'accès en caverne sur les "dessus" du fort

Depuis la place d'armes au sortir de la rampe casematée, un chemin montant à gauche prolonge la courbe de la rampe, passant au-dessus de la porte du fort et tournant autour du sommet de l'éminence et du "cavalier" pour desservir les plates-formes d'artillerie de la batterie. La construction de ces plates-formes , la forme de leurs traverses et des deux magasins de combat associés, objet de plusieurs variantes successives en cours de chantier, ont prit dans l'état final un caractère hybride, représentatif de l'évolution de ce type d'organe dans les années 1890, intermédiaires entre une conception immédiatement antérieure, représentée aux ouvrages du Mont Caume et du Cerveau, et celle des magasins de combat entièrement en béton postérieurs à 1901. Cette conception intermédiaire, employant le béton armé épais pour des abris voûtés en berceau, et simultanément des maçonneries traditionnelles et des profils de remblai et terre, se trouve à la même époque (1892-1894) à la batterie de côte de Saint-Elme, sur la presqu'île de Saint-Mandrier.

Sur la branche droite de la batterie du Pipaudon, les plates-formes d'artillerie sont de plan rectangulaire, séparées par des traverses de même largeur qu'elles (Fig. 39). Le remblai formant la masse et les profils des traverses est dégradé. Sur la branche gauche, remaniée au cours du XXe siècle, les traverses sont dès l'origine plus étroites et les plates-formes d'artillerie de plan évasé à l'entrée. L'ensemble de la batterie se caractérise par le système des galeries casematées étroites rectilignes, munies de petites niches à munition et à lampes, qui relient entre elles les plates-formes, en passant dans les traverses à leur raccord au mur de fond des plates-formes (Fig. 40). Ce système est appliqué dans les années 1887-1890 pour les ouvrages et batteries du Mont Caume et du Cerveau, en maçonnerie traditionnelle, mais au fort du Pipaudon, ces galeries casematées transversales sont entièrement réalisées en voûte de béton armé en berceau, cette mise en œuvre s'étendant au mur de fond des plates-formes, revêtant l'affleurement rocheux. Le reste des revêtement et le remplissages des traverses, bâtis de façon traditionnelle, s'appuie directement sur ces "tunnels" de béton, donnant très visiblement l'apparence d'une mise en œuvre mixte (Fig. 41). Les marches compensant la différence de niveau entre la branche gauche, plus haute, et la branche droite, sont en pierre dure appareillée.

Abri de combat, traverse et plate-forme d'artillerie de la branche droite de la batterieAbri de combat, traverse et plate-forme d'artillerie de la branche droite de la batterie galeries casematées bétonnées reliant entre elles les plates-forme d'artillerie de la batteriegaleries casematées bétonnées reliant entre elles les plates-forme d'artillerie de la batterie Détail d'une traverse de la branche gauche de la batterie avec galerie casematéeDétail d'une traverse de la branche gauche de la batterie avec galerie casematée

Deux des quatre plates-formes de la branche gauche de la batterie ont été remaniées vers le milieu du XXe siècle, l'une par défoncement, pour ouvrir un passage vers ce qui semble correspondre à un abri de remorque-radar de D.C.A., dont restent les trois murs en pierre, sans toit, l'autre par comblement. Les deux magasins de combat sont des casemates monobloc en béton armé (de qualité médiocre) de forme oblongue, à l'intérieur voûtées en berceau surbaissé (Fig. 42), à l'extérieur à couvrement bombé en berceau plein-cintre terminé en demi-coupole (Fig. 43), l'ensemble enduit au ciment lissé, y compris la dalle de sol. Le magasin de la branche droite est un peu plus large et aplati sur le dessus. La porte d'entrée, simple voûte cintrée sans feuillure de porte est percée au centre du front en demi-coupole, et la communication avec les souterrains, monte-charge vertical ou escalier, passe par une trémie ménagée dans la dalle de sol. Intérieur de l'abri de combat central de la batterie, avec trappe du monte-chargeIntérieur de l'abri de combat central de la batterie, avec trappe du monte-charge Magasin de combat bétonné entre les deux branches de la batterieMagasin de combat bétonné entre les deux branches de la batterie

L'occupation des hauteurs du massif du Cerveau, du Mont-Caume et du Cap Gros (au sud/sud-ouest du Mont-Caume, par des ouvrages comportant une batterie d'artillerie était intégrée au programme de défense terrestre éloignée de la place de Toulon défini en mars 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, et soutenu dans le principe par le comité des fortifications. Ce dernier proposait de renforcer les défenses du Mont Faron et d’occuper les hauteurs autour de Toulon, sur une amplitude de plus de 30 km d’est en ouest avec un espacement d’un ouvrage à l’autre pouvant aller jusqu’à 6 km (portée normale des canons de gros calibre de cette génération). L'objectif était d’occuper solidement les points principaux d’où l’ennemi pourrait opérer un bombardement. Les ouvrages projetés bénéficièrent très vite des normes redéfinies à l'échelle nationale par le général Raymond-Adolphe Séré de Rivières dans une instruction datée du 9 mai 1874, fondatrice d’une nouvelle typologie de forts et batteries détachés à distance des places fortes, armés de canons permettant des tirs à longue portée (6-9km).

Les positions définies dans le programme Le Masson furent confirmées en 1877, excepté celle du Cap Gros, abandonné au profit d'une position plus éloignée à l'ouest nord-ouest, où n'était d'abord projeté qu'un fortin, la hauteur du Pipaudon (corruption du toponyme Pic Baudon), près du village d'Evenos, permettant de battre les gorges d'Ollioules et la plaine du Beausset, passage de la grande route de Paris à Toulon via Marseille.

La construction du fort du Pipaudon, passant après celle des ouvrages du Mont-Caume et du Cerveau fut conduite de 1890 à 1894 pour un coût de 376.000 francs, principalement par l’entreprise C. Marillier. Le chantier commença sous la direction du capitaine du génie Honoré Pierrugues, chef du génie de Toulon de 1887 à 1891, responsable des plans des ouvrages Est et Ouest du Cerveau, par la mise en place de la route stratégique d'accès au site et par le déroctage d'une partie des contours des ouvrages de l'enceinte à revêtir, ainsi que de la rampe souterraine en caverne, et par des terrassements en remblais qui permirent à court terme d'aménager deux positions de batterie provisoire mobile, l’une sur le sommet, l’autre sur un coude de la route stratégique, formant un épaulement ou cavalier. Le chantier de construction reprit activement en 1893, avec des plans de projet plus formels, sous la responsabilité d'un capitaine du génie suppléant, puis du chef de bataillon Buisson, nouveau chef du génie de Toulon, le capitaine du génie Jules Perret assurant les fonctions de chef de chantier pour le suivi de cette construction complexe du fait de son adaptation à une éminence rocheuse irrégulière.

Le Pipaudon est le dernier ouvrage construit au sein du programme de défense terrestre de la place forte de Toulon, selon les principes du "système Séré de Rivières". Il témoigne d'une volonté d'adaptation à un site très contraignant des principales caractéristiques du plan-type des forts et batteries fermées de ce système, tels que l’enceinte retranchée fossoyée de plan pentagonal avec front de tête en chevron, double caponnière en tête, et les casernements casematés à l'épreuve des bombes comportant une façade à grandes arcades structurantes. Contrariée dans sa géométrie par une topographie défavorable, la conformité au plan pentagonal-type, présente sur toute la moitié droite de l'ouvrage, est amputée d'un bon tiers de son développement du côté gauche par la limite du socle rocheux, plus abrupt et en falaise du côté nord-ouest et procurant de ce fait un retranchement naturel, irrégulier mais efficace.

Le front de gorge et d'entrée de l'enceinte principale est précédé d'une petite enceinte basse dite "avancée" en forme d'ouvrage à cornes portant la rampe d'accès à la porte du fort sur une terrasse haute, et une terrasse basse sous cette rampe. Les "dessus" du fort étaient aménagés pour recevoir en tête une batterie de plan en chevron de 7 plates-formes d'artilleries défilées à la gorge par le sommet de l'éminence naturelle aménagée, et latéralement par des traverses et deux magasins de combat à l'extrémité droite de chaque aile. L'état réalisé en 1894 diffère quelque peu du projet, notamment pour les magasins de combat. L'artillerie attribuée en principe au fort du Pipaudon, d'après la légende d'un plan datant de 1895 ou 1900, comptait 14 pièces, soit 6 canons de 120mm, 6 de 95mm et 2 mortiers de 15 cm, armement complété de 4 canons à balles (de 13mm) ; ces pièces n'étaient pas toutes sur la batterie principale, d'autres plates-formes étant disposées à l'ouest du fort, face aux gorges d'Ollioules, les terrasses du front est et celle de l'avancée du front de gorge, organisée avec des parapets d'artillerie face au sud/sud-ouest étaient destinées à être armées. L'extérieur du fort, sur le "cavalier" du tournant de la route d'accès, était pourvu d'un parapet d'artillerie permettant des tirs de batterie mobile vers l'est et le sud-est (vers Evenos, le Croupatier, le vallon du Destel). Quand aux canons à balles, ils étaient réservés à la double caponnière.

Le logement des troupes était assuré par des casemates semi-enterrées -faute de cour intérieure- prenant jour dans les revêtements du front de gorge et du front est, soit 7 casemates une 8e servant de cuisine, d'une capacité totale de 94 hommes. Le logement pour deux officiers et le corps de garde étaient installés dans deux casemates situées à gauche de la porte d'entrée, dans le revêtement du front de gorge. Les 5 casemates de l'avancée étaient affectées à l'infirmerie, avec une capacité de 4 malades chacune (blessés ou fiévreux), à la tisanerie et à la lampisterie. Deux citernes étaient ménagées, l'une à l'arrière des casemates de l'avancée, une autre l'autre dans le roc à gauche dans la montée de la rampe en caverne du fort.

Le travaux s'achevèrent en juin -juillet 1894, par la mise en place d'un système de barrage interne de l'entrée du fort, à l'arrière de l'arcade d'entrée de la porte (millésimée 1893), qui ne comporte ni pont-levis ni vantaux : soit une porte métallique coulissante fermant l'entrée de la rampe intérieure et des galeries, précédée d'un pont roulant latéralement sur rails.

Devenu obsolète au plan défensif dans l'entre-deux guerres, le fort du Pipaudon resta entretenu par le département de la Guerre, sans réaffectation particulière. Il fut occupé de septembre 1943 à août 1944 par une garnison de 61 marins et aviateurs allemands, sous la direction d'un major et de trois officiers. En 1954, pendant la "Guerre froide", le capitaine commandant la D.C.A. de la IIIe région maritime, demanda l'établissement d'une batterie semi-mobile de D.C.A. de 90mm sur le fort du Pipaudon, sur celui de la Croix Faron, et sur l'ouvrage ouest du Mont-Caume. Seul ce dernier fut aménagé en conséquence, le projet du Pipaudon ayant été abandonné.

Le fort occupe la partie supérieure d'une éminence rocheuse isolée mais faiblement dominante du côté nord, soit du côté du front de tête, culminant à 406m d'altitude, en co-visibilité proche (450m à vol d'oiseau) du village castral médiéval perché d'Evenos et dominant à l'ouest l'agglomération de Sainte-Anne d'Evenos, en fond de vallée de la Reppe (alt. 137m), à la transition entre la plaine du Beausset (au nord) et les gorges d'Ollioules (au sud).

Le fort est relativement compact, composé de deux sous-ensembles attenants, hiérarchisés et étagés : l'enceinte du fort proprement dit et l'avancée renfermant la dernière partie à ciel ouvert de la rampe d'accès. Les caractéristiques communes au plan-type pentagonal des ouvrages Séré de Rivières sont le front de tête au nord à deux pans en chevron, bordé d'un fossé étroit avec double caponnière à l'angle obtus médian, le front latéral droit de plan oblique rentrant, également fossoyé, encadré de deux organes flanquants : demi-bastion au nord-est, saillant avec front arrondi au sud-ouest, et le front de gorge, au sud. Toutefois, ce front de gorge est deux fois moins développé que le front de tête, car arrêté à l'ouest par le rebord vertical de l'escarpement naturel qui définit un front latéral ouest irrégulier, amputant le plan-type "idéal" d'un tiers de son développement théorique. La porte du fort est nichée dans un renfoncement triangulaire du front de gorge, aux deux-tiers de sa longueur, et précédée d'une rampe sur mur de soutènement prolongeant le chemin d'accès.

L'avancée sud, en forme d'ouvrage à cornes à deux larges demi-bastions encadrant une courte courtine, fondée au point le plus bas du site (alt. 370m) intègre cette rampe et borde l'ensemble du front de gorge, sa terrasse régnant 9m en contrebas du seuil de la porte du fort (alt. 391, 45m). Excepté sur le front ouest adapté aux contours irréguliers du rocher, l'enceinte est continue et forme un revêtement relativement élevé au sud et à l'est (10m en moyenne) accusant un fruit et portant terrassements en partie supérieure. Le front de tête, son fossé et la double caponnière défilés par ce fossé n'ont qu'une très faible élévation (moins de 4m).

La batterie du fort, dont le plan en chevron était arrondi en tête par la forme du parapet en remblais, forme une sorte de gros cavalier sur les "dessus" (plates-formes aux cotes d'altitude 401m à 406m), le relief naturel du sommet conservé et aménagé pour former masse couvrante à la gorge des plates-formes de tir, étant compris dans ce cavalier de plan subcirculaire. L'aile droite de la batterie surplombait directement la courtine de droite du front de tête ; les profils de terre du parapet ont "fondu" et ne sont plus reconnaissables; les abris de combat en coupole bétonnée sont bien conservés.

La rampe d'accès extérieure, en pente assez accusée, est élargie à gauche selon un tracé courbe pour procurer du recul à l'approche de la porte du fort. Elle distribue à gauche deux branches secondaires opposées descendantes, rampe et escalier, desservant l'avancée, terrasse et casemates. La porte du fort forme une façade monumentale inscrivant une grande arcade en plein-cintre de même ampleur que le premier segment de couloir voûté en berceau qui lui fait suite. L'arc extradossé est clavé en pierre de taille à bossage rustique à ciselure. Au-dessus de l'arc, les piédroits encadrent la partie supérieure de la façade, où s'inscrit un large cartouche portant l'inscription "Fort du Pipaudon 1893" gravée dans un enduit lisse évoquant une dalle marbrière, le tout surmonté d'une corniche à modillons formant tablette. Le décor architectural est complété de deux blocs allongés symétriques saillant sur le parement du surcroît. Le traitement des piédroits et dosserets de cette façade, en simples moellons grossièrement équarris avec joints gras tirés au fer semble pauvre et médiocre, compte-tenu du dessin général. Les revêtements de l'enceinte et de l'avancée sont mis en œuvre à l'économie, avec parements en simple blocage de gros moellons plus ou moins calibrés mais non assisés. La pierre de taille est pratiquement absente, hormis les tablettes et quelques éléments décoratifs des encadrements de baies.

L'une des particularités du fort du Pipaudon, due aux contraintes d'un site de sommet rocheux assez compact, est l'absence de cour intérieure desservant le casernement. De ce fait, les deux ailes de casernement casematé à niveau unique, adossées au front de gorge et au front latéral droit, sont traitées en majeure partie en souterrains-caverne. Voûtées en berceau légèrement surbaissé, elles sont desservies, passée la porte du fort, par une galerie partant à droite de la partie intérieure de la rampe d'accès, cette dernière entièrement creusée dans le roc et traitée en souterrain-caverne, rectiligne d'abord, puis formant une courbe à gauche pour déboucher sur les "dessus" du fort. Les façades des casernements se trouvent par conséquent reportées à l'extérieur, dans les courtines, sous de grandes arcades structurantes caractéristiques de l'architecture Séré de Rivières, au-dessus du fossé est et de la rampe d'accès à ciel ouvert ; ces façades, réalisées sans luxe, sont percées des fenêtres donnant jour aux casemates, mais n'ont -logiquement-aucune porte de sortie directe vers l'extérieur. La même disposition est reproduite à gauche de la porte pour le logement d'officier et le corps de garde, et, à plus petite échelle, dans les "dessous" de l'avancée en contrebas du front de gorge, avec façade dans la courtine et les flancs des demi-bastions. Ces casemates de l'avancée n'ont aucune communication souterraine avec celles de l'enceinte haute du fort. Les deux flancs qui encadrent le front Est casematé de l'enceinte haute, l'un appartenant au demi-bastion nord-est, l'autre au saillant arrondi sud-est, sont percés de créneaux de fusillade desservis chacun par une petite casemate active, et donnent lieu également à une façade encadrée d'une arcade structurante.

Il résulte des contraintes topographiques un développement très important des locaux et galeries en souterrain-caverne du fort, complétés par une branche nord partant de la courbe de la rampe en caverne pour desservir la caponnière double du front de tête du fort, en desservant au passage, par une galerie secondaire perpendiculaire, les trois classiques magasins-caverne : à poudres, à projectiles, atelier de chargement, complétés d'un petit atelier d'amorçage, logés chacun dans une casemate latérale à leur galerie de desserte, avec créneau de lampe pour l'éclairage du local.

Les deux magasins de combat de la batterie, en forme de coupole bétonnée à l'extérieur, sont connectés aux souterrains-caverne, le premier (entre les deux branches de la batterie) par un monte-charge aboutissant dans la galerie de distribution des magasins-caverne.

La double caponnière défendant le fossé du front de tête se compose d'une grande casemate desservant les deux flancs actifs prenant en enfilade le fossé principal du front de tête, pourvus chacun de deux embrasures pour le canon à balles, et deux petites galeries latérales desservant des créneaux dans le revêtement.

  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Typologies
  • État de conservation
    désaffecté
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

Documents figurés

  • Fort du Pipaudon. Etat des lieux [plan du site après les premiers travaux de déroctage]. Dessin à la plume, sn, 23 mai 1893. Service Historique de la Défense, Toulon :3B 02.

  • Elévation de l'avancée de gorge. [Fort du Pipaudon. Elévation de la façade des casemates de l'avancée dans la courtine de son revêtement.] / Dessin plume et encre, signé par A. Buisson chef de bataillon, chef du Génie, le capitaine chef de chantier Perret, l'entrepreneur Marillier, 3 septembre 1893. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • [Fort du Pipaudon. Plan d'état intermédiaire de projet pour la batterie.] / Dessin plume et encre, sn, [1893]. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • [Fort du Pipaudon. Plan et coupes du projet pour l'avancée] / Dessin aquarellé, signé par A. Buisson chef de bataillon, chef du Génie, le capitaine chef de chantier Perret, l'entrepreneur Marillier, 22 juillet 1893. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Croquis d'exécution n°35. Caponnière centrale. Détail des créneaux et revêtements. [Fort du Pipaudon. Plan d'exécution pour la double caponnière du front de tête (nord)]. / Dessin, plume, encre et aquarelle, [1893]. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • [Fort du Pipaudon. Projet de la porte du fort, élévation.] / Dessin plume et encre, sn, [1893]. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Plateformes d'artillerie. Coupes suivant AAB. [Fort du Pipaudon. Coupes et profils du projet des plates-formes et du magasin de combat central (avec monte-charge) de la batterie.] / Dessin, plume et encre, signé par A. Buisson chef de bataillon, chef du Génie, le capitaine chef de chantier Perret, l'entrepreneur Marillier, 20 janvier 1894. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Plateformes d'artillerie. Coupes suivant PQR. [Fort du Pipaudon. Coupe du projet définitif de l'abri de combat Est de la batterie et de son accès aux souterrains.] / Dessin, plume et encre, signé par A. Buisson chef de bataillon, chef du Génie, le capitaine chef de chantier Perret, l'entrepreneur Marillier, 24 février 1894. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Gaines d'éclairage des créneaux d'artillerie. [fort du Pipaudon. Plans et coupe du souterrain-caverne des magasins (à poudre, à munitions..) avec sas et créneaux à lampe.] / Dessin, plume et encre, signé par A. Buisson chef de bataillon, chef du Génie, le capitaine chef de chantier Perret, l'entrepreneur Marillier, 31 mars 1894. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Logement du pont roulant. [Fort du Pipaudon. Plan et coupes du dispositif du pont roulant à l'entrée de la rampe casematée en caverne, derrière la porte du fort.] / Dessin, plume et encre, signé par A. Buisson chef de bataillon, chef du Génie, l'entrepreneur Marillier, 2 juin 1894. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Plateformes d'artillerie. [Fort du Pipaudon. Plan du projet définitif de la batterie, de ses plates-formes et traverses et de ses deux magasins de combat.] / Dessin, plume et encre, signé par le capitaine chef du chantier Perret et l'entrepreneur Marillier, [1894]. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • [Plan des "dessus" du fort du Pipaudon et de l'avancée dans l'état réalisé.] / Dessin aquarellé, sn, [vers 1900]. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • Plan dessous. [Fort du Pipaudon. Plan des "dessous" ou souterrains du fort et de l'avancée, état réalisé] / Dessin aquarellé, ns, [vers 1900]. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

  • [Fort du Pipaudon. Vue aérienne depuis le sud-est.] / Photographie noir et blanc, Institut Géographique National, 1964. Service Historique de la Défense, Toulon : 3B 02.

Date d'enquête 2018 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble