Composition d'ensemble
Petit ouvrage à plan dessinant un polygone irrégulier de 80 m de long x 40 m de large, dont le grand axe est orienté nord-nord-ouest - sud-sud-est, et qui couronne la butte rocheuse dominant le village. Historique : voir le dossier ensemble fortifié de Saint-Vincent-les-Forts.
Le village et le fort vus du sud.
Le fort vu du nord-est.
Front sud-est (1-2). A droite, le demi-bastion 1, à gauche, demi-bastion 2.
Il est constitué par une enceinte à escarpe en maçonnerie, dite "enveloppe", d'une dizaine de mètres de haut, prolongeant l'escarpement du rocher retaillé à cet effet.
Seul le front sud-est (1-2) à deux petits demi-bastions à flancs très courts (3,5 m) et casematés, est précédé d'un fossé taillé dans le roc en travers de l'arête rocheuse. Le front sud-ouest comporte un petit bastion (n° 3) dans le flanc gauche duquel s'ouvre l'entrée de l'ouvrage ; le front nord-est est une simple courtine, et l'un et l'autre convergent sur le front nord-ouest, extrémité du fort, qui s'inscrit dans un plan hexagonal.
Cette escarpe est couronnée, sans cordon de magistrale, d'un parapet en pierre, d'épaisseur variant d'l m, au nord, est et ouest à 2 m - face à la direction d'attaque probable - au sud-est. Ce parapet est échancré d'embrasures à canon, et cantonné de trois échauguettes (détruites) aux saillants sud (2), nord (5) et nord-ouest, ces deux dernières encadrant la courtine d'extrémité du fort.
La muraille est construite en maçonnerie de moellons assez grossière, en très mauvais état. Seuls la plongée surmontant le parapet - et légèrement débordante -, les encadrements d'embrasures, les chaînes d'angle sont réalisés en pierre de taille soigneusement dressée. Les culs-de-lampes des échauguettes, à plan pentagonal, sont sculptés à trois étages de moulure en doucine et talon portant un boudin sur lequel reposait le corps de l'édicule, dont les débris gisent parfois au pied de l'escarpe.
A l'origine, l'entrée était constituée par une porte, à pont-levis, percée au milieu de la courtine 1-2 : un court tronçon de passage traversait le rempart et débouchait sur le terre-plein intérieur de l'ouvrage, alors plus bas que le niveau actuel.
Cette entrée, vue de très loin au sud-est, a été supprimée en 1882-83 et reportée au sud-ouest, à la base du flanc gauche du bastion 3 en un point mieux défilé, et la route d'accès montant du village prolongée en conséquence.
L'entrée.
Front nord. Ouvrage avancé de la porte de secours. Vue plongeante prise du parapet de la courtine 4-5.
L'entrée actuelle, sans fossé ni pont mobile est constituée par un portail en plein-cintre, en pierres de taille, surmonté d'une corniche en talon renversé. Au-dessus de la baie une plaque de marbre blanc (identique à celle des forts de Colmars-les-Alpes) porte gravée l'inscription "Fort Joubert" et au-dessous "St Vincent".
La baie, fermée par une porte à deux vantaux pivotants en tôle d'acier, donne accès à un tronçon de galerie ascendante voûtée de 15 m de long abritant un escalier débouchant à air libre dans le fort, près de la face ouest du bâtiment A.
Il existe une seconde issue, dite, par tradition, "porte de secours" dans le front nord-est, en fait une simple poterne protégée par une sorte de barbacane rectangulaire accolée au pied de l'escarpe du fort.
Bâtiments intérieurs
(locaux non visités en raison de l'absence du propriétaire)
Au centre, le bâtiment A : c'est l'ancienne "redoute à mâchicoulis" voulue par Vauban en 1692 et réalisée par Richerand.
Bâtiment A. Face sud après l'enlèvement des terrassements.
Bâtiment A. Face ouest.
C'est un bâtiment carré, de 15, 6 m de côté, dont seules les faces nord et ouest sont dégagées, les deux autres ayant été terrassées en 1882-83, après interposition d'une galerie-enveloppe sur laquelle se raccorde la descente au coffre du bastion 1.
Le bâtiment a conservé son rez-de-chaussée, et la moitié du premier étage, avec sortie au-dessus sous petit abri voûté, constituant le point haut du fort, à 1341,80 m portant le paratonnerre.
Devant la façade nord, et simplement séparé par un étroit passage en tranchée, se trouve le groupement des bâtiments C (citerne voûtée de 60 m3, et B (ancien logement du commandant du fort, avec un four à pain supprimé depuis) les deux également terrassés et portant, à la superstructure, deux épaulements pour pièces de petit calibre. De là, un passage conduit à la poterne de secours.
Derrière le parapet de la courtine 2-3 et touchant au bâtiment A, le bâtiment D, adjonction de 1882 et regroupant deux petites casemates accolées, les latrines de siège, et le départ de la descente au coffre du bastion 2.
Cet ensemble de locaux est assez mal commode et le manque de cohérence résulte de l'obligation de remployer des dispositions anciennes et de se loger dans une emprise trop exiguë. De plus, pour essayer de rénover l'étanchéité des voûtes des casemates, on entreprit en 1939-40 de dégager, avec la main-d’œuvre d'une unité de discipline, la couverture protectrice de terre, dont on voit la coulée le long de la courtine 1-2. Il semble que, lors de cette opération, restée d'ailleurs inachevée, on ait sectionné les câbles de mise à la terre du paratonnerre : de ce fait, la foudre, toujours attirée par le paratonnerre, et dont les effets néfastes sont déjà signalés dans les rapports du début du XIXe siècle, a frappé l'ouvrage à de multiples reprises et causé de nombreux dégâts tels dislocation des lits de pierre de la plongée et des embrasures, destruction des échauguettes et de l'abri de sortie sur les dessus. L'eau s'infiltrant dans les impacts, le gel a amplifié les effets de dislocation des maçonneries.
D'où un processus, en continuelle accélération, de dégradation d'un édifice déjà en mauvais état depuis longtemps : dislocation du couronnement du parapet et des embrasures, parement effondré de la face ouest du bâtiment A, nombreuses brèches dans l'escarpe de l'enceinte, destruction des trois échauguettes etc.
- Montant des travaux exécutés en 1882-83 : 55.000, 01 F.
Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.
Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.
Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)
Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)
La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)