Dossier d’œuvre architecture IA83002046 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort de la Colle Noire
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Carqueiranne
  • Lieu-dit Colle Noire (La)

HISTORIQUE ET TYPOLOGIE GÉNÉRALE

Le général Raymond-Adolphe Séré de Rivières, commandant du génie, dirige à partir de l’année 1873 le Comité de Défense créé l’année précédente pour programmer la réorganisation défensives des frontières de la France, tant terrestres que maritimes. Ce grand ingénieur du génie impose alors, par une instruction du 9 mai 1874, une nouvelle typologie des forts et batteries détachés à distance des places fortes, armés de canons permettant des tirs à longue portée (6-9km). La commission de révision de l’armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon détermine un programme de septembre 1872 à mai 1873 concernant notamment la mise aux normes des batteries de côte. La réalisation de ce programme, différée de plusieurs années, appliquera les normes du « système Séré de Rivières ».

Parallèlement, la défense terrestre éloignée de la place de Toulon fait l’objet d’un rapport rédigé en mars 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, qui renouvelle complètement un précédent projet général de camp retranché antérieur à la guerre de 1870 (mai 1867). Le rapport Le Masson préconise d’occuper solidement les points principaux d’où (l’ennemi) pourrait opérer un bombardement, faisant en sorte d’élargir le rayon d’investissement, d’isoler et de rendre bien plus difficiles les attaques par l’est et par l’ouest… Le comité des fortifications propose en avril 1873, reprenant une partie de ses conclusions antérieures d’un an, de renforcer les défenses du Mont Faron, et d’occuper les hauteurs autours de Toulon jusqu’à 6 km de distance (portée normale des canons de gros calibre de cette génération), dont celles du secteur Est : Mont Coudon, Thouars et La Colle-Noire. L’occupation des deux premiers sites est prévue dès 1872, tandis que celle de la Colle-Noire n’est proposée qu’en 1873, pour augmenter la longueur de la ligne d’investissement de Toulon, en croisant ses feux avec le fort Est du Coudon. 1

Un nouveau plan de défense de la rade de Toulon, actualisant et adaptant les propositions de la commission de 1873 sur les batteries de côte, est approuvé le 4 avril 1877. Il prévoit l’abandon de six batteries, l’adaptation de cinq et la création ex nihilo de neuf autres. Ce programme est mis en œuvre à partir de l’année 1878, de même que celui de la défense terrestre par les trois forts du secteur Est. 2

Si le décret d’expropriation des terrains de la Colle Noire remonte en partie au 9 octobre 1877, il a fallu plus de dix ans pour que le génie puisse disposer entièrement du site. La construction du fort de La Colle Noire n’en a pas moins été conduite avant l’aboutissement des acquisitions, de 1878 à 1881 ; elle a été suivie de perfectionnements : réorganisation des escarpes de 1883 à 1885, construction d’une citerne sous un saillant (angle 7) en 1888, construction d’un magasin à poudres extérieur en caverne, sous l’esplanade d’entrée du fort, en 1888-1889. L’ensemble de ces campagnes a représenté une dépense de 989736 francs. 3 Il s’agit d’un fort type Séré de Rivières de plan heptagonal irrégulier fossoyé avec front de tête, gorge et flancs, portant deux batteries, la principale au nord-est, l’autre au sud, et abritant un vaste casernement sur cour du côté gorge, à l’ouest. De vastes souterrains voûtés à l’épreuve comportent aussi d’importantes casemates de casernement. Le fossé est défendu par deux caponnières doubles (front de tête nord-est et nord) et trois caponnières simples dont deux petites (front sud) dites « ailerons ». Cet état réalisé diffère un peu du projet initial, qui comportait trois caponnières doubles, dont une à l’angle sud-est, véritable bastionnet casematé attenant au front de gorge (à l’emplacement de la grande caponnière simple), et une seule caponnière-aileron, flanquant le front sud en sens inverse des deux réalisées. 4

Le fort comporte trois citernes dont une de 290.000 litres.

Le casernement abrite une garnison ordinaire en temps de paix de 94 hommes dont trois officiers et 10 sous-officiers, mais sa capacité d’accueil maximum en temps de guerre est de 253 hommes dont 5 officiers et 24 sous officiers dans les locaux sur cour, à laquelle on doit ajouter 320 hommes dont 10 officiers et 16 sous officiers dans les locaux en caverne.5

L’armement de la batterie du fort (d’après un PV du 18 avril 1901), qui est une batterie de bombardement (tir tendu plongeant ou tir parabolique) se compose de 4 canons en acier rayé de 155 mm long système de Bange, modèle 1877, de 4 mortiers de 220 mm et de 2 canons revolver type Hotchkiss. L’artillerie lourde est organisée en sections réparties en éventail sur un massif central, permettant des tirs du nord au sud en passant par l’est.

Autour de 1883 ont été établies, au sud-ouest et en aval du fort, sur des terrains acquis dès 1878, plus proches du fortin voisin de la Gavaresse que du sommet de La Colle Noire, deux petites batteries annexes ouvertes. L’une dite du Nord, est conçue pour 4 canons de 155mm tirant plein nord, l’autre dite du Sud, pour 4 canons de 120mm tirant vers l’est/nord-est 6. Deux nouvelles petites batteries intermédiaires sont édifiées dans le premier et dans le quatrième et avant dernier lacet de la route du fort, après acquisition des terrains en 1897-1898. La première, cotée IK, est munie de quatre canons de 155 mm, la seconde, cotée GH de 3 mortiers de 220mm, les deux batteries tirant vers l’est/nord-est comme la batterie annexe du Sud. Les quatre batteries annexes ou intermédiaires sont chacune associées à un petit magasin à projectiles en caverne, légèrement extérieur, construit seulement en 1907.7

En novembre 1929, un compte-rendu mentionne les lignes téléphoniques qui passent ou aboutissent à la Colle-Noire ; parmi ces dernières, certaines relient le logement du gardien de batterie (qui abrite le poste de commandement) au fort, à la batterie de la Gavaresse et à celle de la Bayarde. Le fort est aussi relié au central militaire.8

Le lieutenant-colonel Payonne, chef du génie de Toulon propose en novembre 1939 une campagne d’assainissement d’une partie des locaux souterrains, avec toits en tôle sous les voûtes, humides.9

Par convention du 10 juillet 1930, actualisée le 20 juin 1933, le département de la Guerre concède la majeure partie des locaux du fort de la Colle Noire à titre temporaire à la Marine.

Utilisé pour le stockage de munitions depuis le 3 décembre 1944. Le chef d’escadron Léandri, commandant du parc d’artillerie annexe de Toulon, obtient de conserver pour le service de l’artillerie quelques locaux du fort, dont le magasin à poudres extérieur, le corps de garde et la cuisine.10

Le fort a été en grande partie détruit par une explosion survenue dans le dépôt de munitions le samedi 17 aout 1946. Les éléments détruits tout ou partie sont : les bâtiments de casernement du fort (n°1 à 34), la citerne souterraine, les saillants 1, 2 et 6, les magasin-abri n° 4bis et 5bis. 11 Le gardien civil du fort, logé provisoirement au Pradet, fut mis en demeure réintégrer la maisonnette servant de logement de gardien en mars 1947 compte tenu du danger des lieux imposant une surveillance permanente. Plus de mille tonnes de munitions sont encore en place dans le fort en ruines.

Une seconde explosion survenue le dimanche 7 aout 1949 acheva la ruine du fort, par la suite abandonné.

DESCRIPTION

Site et implantation générale

Le fort de la Colle-Noire est le plus oriental et le plus distant au sein de la ceinture Séré de Rivière de la place forte de Toulon. Il occupe le sommet du massif de la Colle Noire, aménagé en une large plate-forme, l’altitude de ses ouvrages oscillant entre 273m (fond du fossé) et 295m d’altitude (cavalier de la batterie).

L’implantation des positions de tir dans la batterie du fort, développée en éventail, permet en principe une ouverture des angles de tir à plus 180°, depuis le nord/nord-ouest, pour les tirs croisés vers le fort Est de Coudon, jusqu’au sud (position de tir secondaire vers le littoral), le secteur couvert en priorité étant l’est et le nord-est, soit la plaine de la Crau en direction d’Hyères. Chemin d'accès, ruines de la maison du gardien civil du fort.Chemin d'accès, ruines de la maison du gardien civil du fort.

Le chemin d’accès au fort, en lacets, l’aborde par le sud/sud-ouest, après avoir desservi quelques centaines de mètres en aval le fortin ou batterie de côte de la Gavaresse. Avant la bifurcation, le chemin d’accès commun à ces deux ouvrages monte d’ouest en est, depuis la route littorale aux abords du village du Pradet. Ce chemin d’accès au fort et au fortin dessert secondairement les batteries annexes, la batterie nord (alt. 165m) en aval de la bifurcation, la batterie sud (alt. 235m) et la batterie IK (alt. 215m) au sud et au nord-est de la bifurcation, et enfin la batterie GH (alt. 260m) à mi-chemin entre la bifurcation et le fort. La maison du gardien civil du fort, en ruines depuis son abandon dans les années 1950, est bâtie dans l’avant dernier lacet, au-dessus de la batterie GH. De là, une branche de chemin partant à gauche avant le dernier lacet dessert le magasin en caverne de 1889 (alt. 270m) ménagé immédiatement sous l’esplanade qui précède le front de gorge du fort.

Les batteries annexes, sommaires, sont très dégradées et difficiles d’accès, du fait de la végétation de garrigue envahissante, à l’exception de la batterie sud, occupée, dénaturée et en partie détruite par une maison récente qui en a réutilisé comme cave le petit magasin à munition de 1907.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Le plan du fort est plus compliqué que le modèle-type pentagonal de base Séré de Rivières, tout en en conservant les principes essentiels, soit une batterie en arc de cercle dont les sections d’artillerie sont séparées par des traverses, une enceinte défilée par un profond fossé, avec front d’attaque saillant formé de deux faces ou pans réunis en angle obtus (c. 150°), donnant la direction centrale et majeure des tirs, deux flancs plus ou moins parallèles et un front de gorge avec entrée au centre. Ce front de gorge (formé de deux pans rentrants et bastionné dans le modèle-type) est défilé et dominé par le massif ou cavalier de la batterie, qui abrite à son revers les casernements casematés plus ou moins enterrés, avec façades sur cour intérieure dans laquelle débouche la porte du fort. Le modèle-type idéal Séré de Rivière comporte aussi une double caponnière défendant le fossé dans l’axe et au saillant du front, et deux caponnières simples aux extrémités de ce front, pour flanquer les fossés des flancs.

L’enceinte de fort de la Colle-Noire, fortement développée en profondeur, est un heptagone asymétrique dont le front d’attaque nord-est présente toutefois une configuration proche de celle du modèle-type, avec ses faces de même longueur, réunies par un angle saillant d’environ 150°, sa double caponnière d’axe, et la simple caponnière de l’angle Est reliant ce front au flanc sud-est du fort. De plus, ce long flanc droit est perpendiculaire à la base du triangle dont les deux faces du front d’attaque forment les autres côtés. Long flanc droit (sud-est) et fossé du fort, vu de l'angle est flanqué d'un aileron.Long flanc droit (sud-est) et fossé du fort, vu de l'angle est flanqué d'un aileron.

Le flanc opposé de l’enceinte, ou flanc gauche, regardant le nord-ouest, rompt complètement la symétrie possible : l’angle nord est plus ouvert que l’angle est, et il est dépourvu de caponnière ; en outre, ce côté du fort reprend la configuration de principe du front d’attaque, avec deux pans, inégaux, et double caponnière sur l’angle obtus saillant. Le flanc sud-est de l’enceinte, beaucoup plus long que celui du nord-ouest, est principalement formé d’un long pan, mais comporte un second pan rentrant aux 4/5emes de son développement. L’angle obtus qui réunit ces deux pans était épaulé d’une simple caponnière ou aileron destinée à flanquer le second pan. Le front de gorge était en retour d’angle aigu de ce second pan, et flanqué d’une caponnière simple, ou demi-bastionnet formant caponnière, sur cet angle. Ce front de gorge était formé d’un seul pan aligné selon un axe très biais par rapport au front d’attaque, et joignait le flanc gauche du fort (nord-ouest) en angle obtus, sans organe de flanquement.

La porte du fort, munie d’un pont-levis franchissant le fossé, était ménagée au milieu de ce front de gorge. Le fossé, étroit, à contrescarpe revêtue contournant les caponnières en arrondissant ses angles rentrants, conformément aux normes-type, faisait le tour complet de l’enceinte. Le front d’attaque comporte en outre un étroit chemin couvert qui s’étend au premier pan du flanc gauche, avec un glacis peu développé.

Les dissymétries constatées dans le plan de l’enceinte se retrouvaient, en plus accusé, dans la distribution intérieure. La batterie, organisée classiquement sur un vaste cavalier ou massif de terre, affectait un plan grossièrement en fer-à-cheval avec trois grandes sections d’artilleries ou positions de tir, deux dans l’axe (front nord-est) une dans la branche gauche (nord-ouest), délimitées par des traverses, les trois grosses traverses centrales étant des traverses-abri avec façade dont celle d’axe communiquant aux souterrains. Ces traverses-abri sont elles-même traversées latéralement par une communication en forme de couloir-escalier étroit assurant une circulation continue, de type chemin couvert, sur la crête du parapet de la batterie, chemin reliant les traverses entre elles. La branche droite de la batterie comportait deux sections plus petites au revers desquelles une grosse traverse s’avançant obliquement vers le centre de la batterie faisait office de parados pour défiler la cour des casernements implantée en arrière de la batterie, mais décentrée à gauche par rapport à l’axe et à la porte du front de gorge. Ce décentrement des casernements et de leur cour de plan pentagonal presque trapézoïdal s’expliquait par la présence à droite d’un fort épaulement de terre avec plate-forme d’artillerie, au-dessus du second pan court du flanc droit et de l’angle sud de l’enceinte, épaulement qui prolongeait la branche droite de la batterie. Façade d'entrée d'une des traverses-abri de la batterie.Façade d'entrée d'une des traverses-abri de la batterie.

Les communications internes à ciel ouvert, passée la porte du fort (alt. 283m), s’effectuaient par des rampes roulables : immédiatement à gauche en entrant, une rampe longeant la face intérieure du mur du front de gorge descendait dans la cour du casernement (alt. 278-279m), un peu moins basse que le fond des fossés. A droite et en face, un chemin passant sur le toit-terrasse de l’aile droite des casernements (alt. C. 286m) desservait au passage une rampe courbe montant sur la position de tir ou plate-forme de l’épaulement, puis se continuait sur le toit terrasse de l’aile de fond du casernement pour accéder à une autre rampe courbe, montant à la batterie en contournant la traverse-parados centrale.

Un étroit chemin de ronde partant de la porte du fort faisait partiellement le tour de l’enceinte en passant sur des arcades formant niches crénelées au revers de la courtine de gorge (comme à la batterie de la Bayarde) et contournant les terres escarpées de l’épaulement et du bout des branches de la batterie. Ce chemin de ronde bordé d’un parapet garde-corps à tablette de couronnement desservait une terrasse en saillie au-dessus du demi-bastionnet de l’angle sud, mais ne circulait pas autour du front d’attaque. L’élévation des deux doubles caponnières, celle du front d’attaque (nord-est), et celle du flanc gauche (nord-ouest) était équivalente à celle des courtines ou revêtements du fort, avec continuité de la tablette sur leur contour. Ces doubles caponnières de plan pentagonal ne peuvent pour autant être considérées comme des bastionnets, car elles ne comportaient pas de terrasse de défense, mais étaient couvertes d’une sorte de cavalier passif contribuant à la mise à l’épreuve des bombes des casemates basses.

Les souterrains, très étendus et complexes, voûtés à l’épreuve sur un seul niveau, régnaient de plain-pied avec la cour intérieure sous la totalité du fort. On y accédait à partir des ailes de casernement qui en formaient le premier habillage avec façades sur cour. L’aile droite des casernes, dont la façade formait deux pans rentrants, comportait huit casemates, les trois premières plus basses et moins profondes. L’aile principale, en fond de cour, en retour d’angle droit, comportait cinq grandes casemates de logement des troupes haut voûtées (6 à 7m sous voûtes) donc susceptibles d’être recoupées en deux niveaux de dortoirs, cette partition étant classiquement affichée en façade. Une petite aile gauche abritait trois casemates inégales, et à l’arrière, de petits coffres de défense dont les créneaux traversaient le mur d’enceinte pour battre le fossé dans le secteur de l’angle ouest de l’enceinte.

De l’angle de la cour reliant la petite aile de gauche à l’aile principale, partait un couloir-corridor qui se retournait à angle droit pour distribuer par l’arrière les casemates de cette aile principale puis se branchait dans une grande galerie perpendiculaire parallèle au flanc droit du fort, qui desservait l’aile droite du casernement. Le couloir initial se ramifiait par ailleurs en plusieurs branches de galeries reliant les différents souterrains, casemates passives ou actives.

La grande galerie rectiligne de la partie droite distribuait à la fois les casemates de l’aile droite du casernement et, en double profondeur, d’autres casemates aveugles (Fig. 6) affectées à des locaux techniques : dépôt de projectiles chargés, dépôt des gargousses, ateliers de chargement des projectiles et des gargousses, dépôt de poudre de consommation. L’extrémité sud-ouest de cette grande galerie desservait les casemates défensives du demi-bastion sud-ouest et celle de l’aileron ou simple caponnière sud, située à proximité, une petite branche intermédiaire entre ces deux organes desservant au passage une sorte de niche à mur de fond crénelé ou « coffre » dans le revêtement du petit pan du flanc droit de l’enceinte.

Un coffre crénelé analogue était aménagé aussi plus loin dans le long pan du même flanc droit, flanquant une poterne que desservait une branche perpendiculaire plongeante de la grande galerie. Cette branche passant entre des casemates aveugles est en partie conservée, de même que l’emplacement défoncé de la poterne et du coffre auquel elle aboutissait, quoiqu’un murage ait remplacé l’arcade de la poterne et le mur crénelé de ce coffre, arrachés ; sa cheminée de ventilation reste visible du dehors dans l’arrachement. Branche de galerie souterraine de la partie droite du fort desservant un coffre.Branche de galerie souterraine de la partie droite du fort desservant un coffre.

Au raccord entre les deux ailes du casernement, à l’intérieur, la grande galerie du flanc droit du fort distribuait en outre à gauche un petit escalier montant sur la batterie. La partie médiane de cette grande galerie desservait encore à droite un vaste magasin à poudres souterrain long de 14m, avec étroit couloir d’isolement.

L’extrémité nord-est de cette galerie aboutissait dans l’axe, directement, mais en descendant quelques marches, à la caponnière double du front d’attaque, et, desservait secondairement, l’aileron ou caponnière simple de l’angle est.

La caponnière double, bien conservée, comporte deux casemates symétriques à mur de fond crénelé tant dans les flancs que dans les faces, complétées par deux coffres latéraux, également à mur de fond crénelé, dans les départs des courtines attenantes. Les créneaux de ces casemates et coffres sont de deux natures : large créneau de pied (jet de grenades) sous un grand arc segmentaire unique de type mâchicoulis en partie inférieure, et créneaux de fusillade groupés par trois au-dessus de l’arc de mâchicoulis. Certains de ces créneaux sont de simples fentes ébrasées vers l’intérieur, d’autres des baies horizontales couvertes d’un arc segmentaire ; les trois créneaux du flanc gauche de la caponnière sont de ce dernier type intermédiaire entre le créneau classique et le créneau de pied.

L’aileron de l’angle oriental, également bien conservé, nettement plus bas que le revêtement d’escarpe des courtines, et adossé au long flanc droit du fort, abrite une casemate unique dont le volume longitudinal voûté en berceau (ouvert sur un espace plus vaste perpendiculaire formant vestibule) traverse le flanc pour former une grande arcade de tête, refermée par un mur diaphragme lui aussi équipé d’un créneau de pied surmonté de deux créneaux de fusillade et en abritant deux autres. La face de cet aileron, plus longue, est également traversée par une niche en berceau perpendiculaire au volume principal et plus basse sous voûte, qui forme aussi dans le parement une arcade de tête refermée par un mur crénelé. Aileron ou caponnière simple de l'angle oriental, flanc et face.Aileron ou caponnière simple de l'angle oriental, flanc et face.

La galerie majeure des souterrains grossièrement parallèle au flanc gauche du fort, desservait à son départ, à gauche, des casemates sans jours affectées notamment à la boulangerie (four) puis, en face du départ du couloir-corridor de l’aile principale du casernement, une branche de galerie partant obliquement vers la double caponnière nord/nord-ouest. Cette double caponnière, détruite en 1946, comportait les mêmes caractéristiques que celle du front d’attaque, avec en plus une petite tourelle circulaire (puits ?) dans l’axe. De plus, les deux casemates symétriques y étaient décloisonnées en un volume unique avec pilier central.

La galerie principale du flanc gauche se continuait dans son axe pour desservir d’abord, à gauche, un escalier montant vers le chemin de ronde à ciel ouvert du fort, puis, à droite, une casemate-couloir parallèle aux flancs du fort d’où partaient perpendiculairement une série de trois vastes et longues casemates transversales parallèles confinant toutes à la grande galerie du flanc droit. Ces grandes casemates avec façades d’entrée aux deux bouts constituaient l’essentiel du casernement souterrain du fort. Une trémie verticale ou cheminée monte-charge reliait directement la grande casemate la plus proche du front d’attaque avec l’abri voûté de la traverse d’axe de la batterie.

Trois citernes étaient creusées en soubassement : la plus grande, de trois travées, sous la partie centrale du casernement principal (aile de fond de cour), une autre sous l’angle ouest du fort et de la cour intérieure, et une autre, petite, dite de la poudrière.

Un magasin aux munitions d’infanterie, ménagé au nord des souterrains, communiquait à la fois avec la double caponnière nord-ouest et avec la grande casemate souterraine nord-est.

A l’extérieur de l’enceinte, devant la porte et le front de gorge du fort, s’étend une importante esplanade dans laquelle aboutit le chemin d’accès, en partie organisée au-dessus du vaste magasin à poudres extérieur en caverne aménagé dans l’escarpement naturel en 1889.

Dans l’état actuel du fort, les souterrains sont conservés mais en grande partie inaccessibles depuis les explosions destructrices de 1946 et 1949. Ces explosions ont détruit la moitié ouest et nord-ouest du fort, faisant disparaître la totalité du front de gorge, de sa porte et de son fossé, le demi-bastionnet sud/ sud-ouest, la majeure partie du flanc gauche avec sa caponnière double, la cour intérieure, la quasi-totalité du casernement, réduit aux arrachements très ruinés de l’aile droite, ou plutôt de son couloir –corridor de distribution, avec accès aux casemates des locaux techniques en double profondeur (ex-magasins à munitions et poudres et leurs ateliers de chargement), plus ou moins éventrées, et au couloir-galerie qui descend vers la poterne et l’un des « coffres » défensifs du flanc droit du fort. Ce coffre est lui-même défoncé (mur de fond crénelé arraché) et condamné par un murage d’après 1947. L’aileron sud est ruiné et en partie enseveli sous les éboulis. Les trois grandes traverses-abri de la batterie sont conservées, mais en mauvais état, leurs terres étant éboulées.

Ruines des casemates aveugles de la partie droite du fort.Ruines des casemates aveugles de la partie droite du fort. Long flanc droit (sud-est) du fort, et aileron de l'angle oriental.Long flanc droit (sud-est) du fort, et aileron de l'angle oriental.

La contrescarpe du fossé, est dans l’ensemble, bien conservée devant le front d’attaque et le long flanc droit, échancrée en arrondi pour contourner la double caponnière d’axe et l’aileron de l’angle oriental.

Structure et mise en œuvre

Les parements courants d’escarpe de l’enceinte de la batterie et de ses ouvrages flanquants, double caponnière et ailerons, sont de très bonne qualité de mise en œuvre, en moyen appareil de pierre de taille de grès rouge à bossage sans liseré, mais en partie greffés irrégulièrement sur le roc naturel affleurant et retaillé en cuvelage et en caverne. A cet égard, on notera le cas de la double caponnière du front d’attaque, qui est à peu près complètement un ouvrage troglodytique, soit taillée en réserve dans la masse rocheuse ;Face droite de la double caponnière d'axe, taillée dans le roc.Face droite de la double caponnière d'axe, taillée dans le roc. seuls, les murs-diaphragme crénelés fermant le fond des casemates et des coffres de défense actives sont bâtis en maçonnerie avec parements appareillés, ce parement n’apparaissent par ailleurs qu’en partie haute de cette caponnière, pour en achever l’élévation et faire raccord avec la tablette de couvrement. Cette tablette, légèrement inclinée au dehors, et en pierre dure blanche impeccablement taillée et bouchardée. Elle n’est pas nivelée à une horizontale constante, mais au contraire légèrement plongeante par endroits, notamment sur les flancs de la caponnière double et la face droite du front d’attaque, l’élévation du revêtement se réduisant à mesure que ce front approche de l’angle avec le flanc droit du fort, et remontant ensuite. La pierre dure lisse est également employée pour les grands arcs segmentaires des créneaux de pied et les petits arcs de couvrement des créneaux en bouche horizontale, dans les murs-diaphragme crénelés. Les créneaux de fusillade en simple fente sont directement encadrés par les pierres à bossages du parement courant.

Le soin apporté à la mise en œuvre des parements est manifeste dans la construction de l’aileron ou petite caponnière simple de l’angle est de l’enceinte, flanquant l’alignement du flanc droit du fort : les deux arcades de tête du voûtement de la casemate, apparentes dans la face et le flanc où elles encadrent les deux murs-diaphragme crénelés sont impeccablement montés en pierre de taille dure bouchardée, avec alternance 1 sur 2 d’assises et de claveaux long et court. L’angle entre face et flanc est traité avec le même soin, accusant en partie basse un fruit dans lequel l’arête est abattue. La tablette de couvrement de la face, la plus basse de cet aileron, reçoit la pente unique du toit en maçonnerie de mortier hydrofuge qui est structuré à brisis et terrasson sur les reins de la voûte de la casemate. Cette tablette, plate et non inclinée, est donc creusée d’un caniveau d’écoulement des eaux pluviales. Un retour de tablette (dégradé) soulignait le pignon du flanc profilé en brisis et terrasson. Tous les angles libres encore apparents du revêtement du fort sont chaînés de grand appareil de pierre de taille lisse bouchardée ou striée. Détail des créneaux du flanc de l'aileron ou caponnière simple de l'angle oriental.Détail des créneaux du flanc de l'aileron ou caponnière simple de l'angle oriental.

Les parements du revêtement de contrescarpe est beaucoup moins soigné, monté en petit ou moyen appareil sommairement calibré et assisé présentant par endroit, du fait des assises sinueuses à joints mince, l’apparence de murs en pierre sèche en opus incertum propre à l’architecture traditionnelle provençale pour les murs de terrasse. Les angles saillants n’en sont pas moins chaînés en pierre de taille.

La ruine permet d’observer la structure des casemates en double profondeur du secteur sud des souterrains ; ces casemates aveugles avaient pour vocation la manipulation des poudres et des munitions, ce qui justifie certaines précautions constructives, notamment liées à la ventilation et à la résistance mécanique aux explosions: on remarque au fond de ces casemates un « double fond », soit la présence d’un étroit couloir technique d’isolement, avec mur diaphragme intermédiaire percé d’une fenêtre haute, couloir non destiné à la circulation mais à amortir l’impact d’éventuelles explosions, comme dans un magasin à poudres normatif. De même, la tête des gros murs de refend séparant les travées et portant les voûtes en berceau surbaissé des casemates offrent une disposition typique pour assurer la ventilation: la masse des maçonneries à la retombée des voûtes, est déchargée à l’écoinçon, à la rencontre des reins des deux berceaux voisins sur la tête de ces murs, par une sorte de vide technique en canal voûté en pierre (berceau surbaissé) avec revêtement superficiel de briques posées à plat à l’intrados. Dans ce canal débouchent de petites cheminées carrées verticales réservées dans des chaînes creuses en briques rythmant les parois d’une au moins des casemates ; d’autres cheminées montaient de la voûte du canal ver l’air au niveau de la batterie. Par ailleurs, la mise en œuvre des maçonneries de ces casemates, voûtes comprises est sommairement réalisée en bocage de petits moellons de tout-venant, les parements étant enduits. Détail d'un canal de ventilation voûté à l'écoinçon des voutes des casemates.Détail d'un canal de ventilation voûté à l'écoinçon des voutes des casemates. Détail ruines voûte et paroi d'une casemate aveugle.Détail ruines voûte et paroi d'une casemate aveugle.

La partie postérieure du couloir galerie qui desservait le « coffre » crénelé du flanc droit du fort est creusée à même le roc naturel comme une galerie de mine, la partie antérieure seule, plus haut voûtée, étant maçonnée.

On note l’emploi de la brique dans le voutement de certaines portions de galeries, comme l’extrémité sud de la longue galerie parallèle au flanc droit du fort, qui plongeait vers les casemates actives du demi-bastionnet de l’angle sud. Les parois de cette partie de galerie sont également taillées dans le roc.

La construction des parties maçonnées des trois traverses-abri de la batterie est moins soignée que celle des revêtements de l’enceinte : les façades en forme de mur-pignon donnant sur l’aire centrale de la batterie sont parementées en opus incertum polygonal, délimité par une tablette à deux rampants, et percées d’une porte d’accès à l’abri casematée formant une large arcade extradossée à longs claveaux d’aspect néo-médiéval.

Détail voûte de l'extrémité sud-ouest de la grande galerie de la partie droite.Détail voûte de l'extrémité sud-ouest de la grande galerie de la partie droite.

1B. Cros, Citadelles d’Azur, Aix en Provence, 1998, p. 120-1212B. Cros, Citadelles d’Azur, Aix en Provence, 1998, p. 1283Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130.4Toulon, Service historique de la défense antenne marine (SHM), plan du projet du fort en 18805Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130.6Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130, plan de 1899.7Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130, plans projet 1907.8Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130 ; correspondance.9Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130, plan et devis.10Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130, plans et correspondance.11Vincennes, SHD, Toulon, 6V4130, correspondance.

Le fort de la Colle Noire fait partie du programme d'organisation de la défense des frontières par le général Séré de Rivières, commandant du Génie, à partir de 1873. Il impose une nouvelle typologie de forts et batteries détachés à distance des places-fortes, armés de canons à longue portée (6-9 km). Le fort de la Colle Noire est une de ces batteries de côte nouvellement construites entre 1883 et 1885. Quelques perfectionnements lui sont apportés jusqu'en 1889. Le fort est en grande partie détruit par 2 explosions dans les dépôts de munitions, l'une le 17 août 1947, l'autre le 7 août 1949.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle

Documents d'archives

  • Fort de la Colle Noire. / Dessin à la plume, sd [vers 1900]. Service Historique de la Défense, Vincennes : 6 V 4130.

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    P. 120-120 ; 128.

Documents figurés

  • [Plan du projet du fort de la Colle Noire]. Dessin, 1880. Service Historique de la Défense, Toulon.

  • [Plan du fort de la Colle Noire]. / Dessin, 1899. Service Historique de la Défense, Vincennes : 6 V 4130.

  • [Projet fort de la Colle Noire]. / Dessin, 1907. Service Historique de la Défense, Vincennes : 6 V 4130.

Date d'enquête 2007 ; Date(s) de rédaction 2016
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Dossier d’ensemble