Dossier d’œuvre architecture IA05000126 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort de l'Infernet
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Hautes-Alpes - Briançon
  • Commune Briançon
  • Lieu-dit Fort de l'Infernet
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort de l'Infernet
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    mur défensif, corps de garde, édifice logistique, poudrière, caserne, batterie, cour, enceinte, casemate

Intérêt stratégique, chronologie du site

Selon certains auteurs1, et en l'absence de plan de situation probant, il semble que le sommet de l'Infernet ait été occupé, dès 1709, par un petit ouvrage en fortification passagère, dans le cadre général de la mise en état de défense du Briançonnais par Berwick, lors de la guerre de succession d'Espagne.

Si elle était confirmée, l'existence de cette organisation serait tout à fait logique (le fait qu'il s'agit d'un simple ouvrage de campagne, exécuté par main-d’œuvre militaire, pourrait fort bien expliquer qu'il n'ait pas été pris en compte par les ingénieurs du roi et par conséquent, qu'il n'en existât pas de plan), le sommet de l'Infernet (2377 m) est le plus occidental des maillons de la chaîne Infernet-Ombilic-Sommet des Anges-Janus. Il domine Briançon, les vallées qui y convergent et les replats qu'on organisait à l'époque. Il surveille les vallées de la Durance et de la Cerveyrette et permet de contrôler le cheminement venant du Mont Genèvre par le col de Gondran.

On sait qu'un « bâtiment» y était projeté en 1729 (Archives du Génie de Briançon, dessin (plan et coupe) au trait) - donc pendant l'époque des grands travaux de d'Asfeld - puis une redoute (tour à mâchicoulis) (Archives du Génie de Briançon, élévation, plan et coupe au lavis, date au crayon : 1732).

En 1746 - en pleine guerre de succession d'Autriche - l'ingénieur Heuriance attire l'attention sur la nécessité de fortifier la position et, l'année suivante, Desbordes de la Maulnerie date du 29 septembre 1747 (le combat de l'Assiette est du 19 juillet) une carte des sentiers conduisant à l'Infernet, avec indication des temps de marche correspondant. La carte indique une redoute tenaillée, avec baraque, sur le sommet de l'Infernet, les sentiers pour troupes à pied et pour « bêtes de charge» reliant la position aux ouvrages extérieurs de Briançon et, en avant, un sentier « qu'on a aménagé pour le transport des matériaux » (entre l'Infernet, le piton de la « couchette» et au-delà) « qu'on a détruit» (pour éviter que l'ennemi ne l'utilise). La coupe des retranchements qui est jointe représente un mur maçonné, avec banquette d'infanterie, mais sans fossé.

Briançon. 1751. Pour servir au projet général. F° 1. [plan de situation du fort de l'Infernet]. Détail, rabat plié.Briançon. 1751. Pour servir au projet général. F° 1. [plan de situation du fort de l'Infernet]. Détail, rabat plié.En 1751, Bourcet va plus loin et conçoit le projet d'un fort étoilé, un second sur le plateau de la Seyte, ce dernier relié au fort Dauphin par une ligne de retranchements tenaillés : rien n'est exécuté.

Les choses restent en l'état jusqu'à la veille de la Révolution : en 1784, on envisage la reconstruction de la redoute sommitale selon un tracé plus régulier et mieux adapté, sans succès. Puis, en 1792, projet de construction d'une nouvelle baraque, d'une citerne et d'un magasin à poudre ; en 1800, autre projet d'aménagement de « coffres à bascule» pour battre les pentes très raides du terrain alentour : sans succès. Plus trace d'activité, pratiquement, jusqu'en 1873.

A ce moment, en effet, le « comité de défense» est amené à repenser complètement le système de défense des frontières, en fonction de la nouvelle frontière issue du traité de Francfort, et de la crise technique dite « de l'artillerie rayée» (système Seré de Rivières). Pour Briançon, le comité recommande « de construire une forte redoute sur le sommet de l'Infernet ».

L'ouvrage, étudié le 23 décembre 1873 sous l'autorité du colonel Cosseron de Villenoisy (qui succèdera, en 1880, au général Seré de Rivières comme directeur du Génie au Ministère de la Guerre), alors directeur du Génie à Grenoble, est décrété d'utilité publique le 2 mai 1874.

Le projet, approuvé par le ministre le 20 avril 1875 a été inclus dans la loi de financement du 17 juillet 1874, adjugé le 4 novembre 1875, mis en exécution en juin 1876, achevé en septembre 1878. Prix de l'ouvrage terminé (1880) : 1.139.500 F. Le chef de chantier était le capitaine du Génie Stafforello.

L'ouvrage est aussitôt armé (plan d'armement approuvé le 26 juillet 1879) de 5 pièces de 155 mm (155 L modèle 1877, obus de 40 kg, portée maxima 8300 m) et 7 de 138 (138 mm, obus de 23 kg, portée maxima : 7700 m) (ancien canon de 16 rayé et transformé à cillasse), plus 4 mortiers-bouche en bronze (2 de 22 cm - 2 de 15 cm) (mortier de 22 cm modèle 1839 : bombe de 23 kg, portée 2000 m ; mortier de 15 cm: bombe de 7,5 kg, portée 500 m) pour battre les pentes. Garnison : 8 officiers, 10 sous-officiers, 192 soldats. Le fort est couvert, en avant, par les retranchements d'infanterie de la Cochette et de l'Ombilic, puis (1881) par les ouvrages de la ligne du Gondran et complété par les 6 pièces de la batterie annexe de la Seyte. il peut, en outre, être appuyé par le tir de son voisin, le fort de la Croix de Bretagne, et réciproquement. Un tremblement de terre cause quelques désordres aux constructions en 1884.

La crise de l'obus torpille (1885) n'amène aucun renforcement de l'ouvrage : l'effort est mis sur les Gondran et l'extension de la ligne de défense au Janus. Toutefois, en 1891, on établit, le long de la route d'accès, derrière le fort et à contrepente, un magasin à poudre sous roc, à forte protection (« magasin des rampes de l'Infernet »), en tant que magasin du secteur est de la place. A la même époque, le fort est rattaché au réseau de téléphériques de la place.

Enfin, la « Commission de défense des frontières », dans son rapport du 12 février 1929, préconise le remaniement de I'Infernet, et la construction, sur son site même, d'un ouvrage d'artillerie à tourelles destiné à soutenir la position de résistance Janus-Gondran-Les-Aittes : la modicité des crédits ne permettra pas de donner suite à cette proposition, et c'est dans son état d'origine qu'il subsiste encore aujourd'hui.

Analyse architecturale

Fort proprement dit

Vue aérienne : l'entrée, les casemates K, le magasin à poudre K, la façade de la caserne casematée, le terre plein central.Vue aérienne : l'entrée, les casemates K, le magasin à poudre K, la façade de la caserne casematée, le terre plein central.

Compte tenu de l’exiguïté du piton escarpé sur lequel il est implanté, l'ouvrage échappe aux schémas géométriques généraux de la « fortification polygonale simplifiée », tout en respectant les critères techniques définis par l'instruction du 9 mai 1874.

Dans ses grandes lignes, il correspond à un fort « à crête unique» inscrit dans une enceinte dessinant un pentagone irrégulier de 130 x 100 m de plus grandes dimensions.

L'escarpe - sans fossé - prolonge directement les pentes alentour aménagées en escarpements raidis. Elle est couronnée d'un mur à bahut, percé de créneaux de fusillade, et desservi par un chemin de ronde. Les faces nord, est et sud-est sont doublées d'une terrasse de pied, formant fausse braie d'infanterie partielle.

A la gorge, un saillant polygonal de l'escarpe encadré de deux hahas, où s'ouvre la porte principale de l'ouvrage, renferme la cour d'entrée tout en assurant le flanquement du front de gorge (front sud).

Les divers bâtiments, casematés et terrassés, se répartissent sur trois plans principaux et s'ouvrent sur des terrasses reliées par des rampes (27 m de dénivelée entre le seuil de l'entrée de l'ouvrage à 2352, 5 m et le sommet de la traverse H4, point culminant du fort, à 2379,5 m).

On trouve ainsi :

Entrée du fort, vue extérieure. A gauche, casemate L (corps de garde). Au fond, partie droite de la casemate K.Entrée du fort, vue extérieure. A gauche, casemate L (corps de garde). Au fond, partie droite de la casemate K.- Dans un rentrant du front de gorge s'ouvre la porte de l'ouvrage, entre deux piliers en pierre de taille couronnés de pointes de diamant. Porte en fer à deux vantaux (à panneaux inférieures en tôle pleine et grille au-dessus) précédée d'un pont fixe (tablier de 4 m à ossature métallique en profilés) franchissant le haha. De chaque côté, l'escarpe est percée de trois créneaux de fusillade du type « archère », à axe convergeant sur la tête du pont.

Sur le côté d'un des piliers d'entrée est gravée l'inscription « 13 juin 1876 - 30 juillet 1878 - Capitaine du génie Stafforello ».

- A côté de la porte, la casemate L abrite le corps de garde de la porte, bâtiment rectangulaire appuyé par un petit côté à l'escarpe de l'entrée et dont la façade principale (percée d'une porte encadrée de deux fenêtres) est parallèle au passage d'entrée. La voûte et les deux autres côtés sont terrassés. Le bâtiment comporte deux pièces voûtées communicantes: 1 (corps de garde), 2 (locaux disciplinaires).

- Au fond de la cour d'entrée, la casemate K abrite deux pièces voûtées accolées (1 et 2 : magasins aux subsistances) bordées, du côté de l'escarpe, d'un corridor (21-21 bis) voûté, conduisant au fossé 30 et de là à la fausse braie. Le tronçon 21 est percé, à droite, de créneaux tirant à travers l'escarpe. Ses deux berceaux sont à génératrices perpendiculaires à l'escarpe et équilibrent la poussée des voûtes surbaissées des pièces 1 et 2 adjacentes. A gauche de la casemate, un escalier en pierre monte sur le terre-plein supérieur. Sous l'escalier, petit local à usage de magasin à outils.

La façade et les voûtes du bâtiment K présentent des lézardes auxquelles on a cherché à remédier en posant des tirants métalliques intérieurs. Ces désordres proviendraient de l'ébranlement provoqué par le tir réel, en 1880, de 2 pièces de 138 mm en batterie sur les plateformes au-dessus des casemates lors d'expériences exécutées en présence du général La Jaille.

Casemate K : façade sud-ouest : remarquer les désordres produits, semble-t-il, par les essais de tir des canons de 138 de la batterie supérieure, en 1881, et une secousse sismique en 1884. A gauche, escalier sur arc rampant menant à la batterie supérieure, et couvrant le bâtiment D1 (latrines), partie droite de la casemate E et rampe d'accès à la batterie de 138. Au-dessus et à l'arrière plan, angle sud-ouest de la casemate B.Casemate K : façade sud-ouest : remarquer les désordres produits, semble-t-il, par les essais de tir des canons de 138 de la batterie supérieure, en 1881, et une secousse sismique en 1884. A gauche, escalier sur arc rampant menant à la batterie supérieure, et couvrant le bâtiment D1 (latrines), partie droite de la casemate E et rampe d'accès à la batterie de 138. Au-dessus et à l'arrière plan, angle sud-ouest de la casemate B.

Fondé sur une assise géologique partiellement déstabilisée par les travaux de construction, le bâtiment aurait mal supporté les secousses et se serait fissuré, il est possible que les secousses sismiques de 1884 aient aggravé le phénomène.

La route d'entrée passe devant la casemate L, la contourne et, par une rampe dessert en passant la terrasse (de plain-pied avec le terre-plein supérieur du bâtiment K) bordant la façade des casemates E et G, relevant en totalité du service de l'artillerie.

Ces bâtiments, contigus, sont terrassés sur trois côtés et au-dessus, et constituent en fait un seul bâtiment dont la façade sud-ouest est seule dégagée et forme un plan unique.

L'aile nord-ouest (casemate est) est constituée par le magasin à poudre (type 1874 capacité 81.900 kg de poudre noire) dont la chambre, parallèle à la façade, a 5,60 m x 16,60 m et ne comporte pas de caveaux d'assainissement (sans doute à cause de la position dominante du bâtiment).

La chambre des lanternes est placée à l'extrémité nord-ouest, le vestibule à l'autre extrémité.

Contiguë du magasin E mais ne communiquant pas avec lui, se trouve la casemate G abritant, du nord-ouest au sud-est, deux grandes pièces: 1 (magasin aux agrès), 2 (magasin aux projectiles vides) puis deux pièces plus petites (3 et 11 : magasins de chargement des projectiles) et enfin la pièce S, magasin-abri de la batterie 18.

L'auteur du projet a donc regroupé, pour des raisons fonctionnelles, et avec toutes les précautions d'usage, dans un bâtiment unique au centre de l'ouvrage, le stock de poudre, les projectiles vides et les ateliers de chargement.

En continuant la rampe intérieure, on tourne autour du massif protecteur de la casemate E pour déboucher dans la cour supérieure du fort.

Cette aire est bordée sur sa moitié nord-est par le cavalier d'artillerie dont le tracé dessine un U très ouvert à trois branches :

Ensemble du cavalier supérieur du fort vu de l'ouest, depuis la cour centrale. De gauche à droite : abri-magasin H3, escalier d'accès à la batterie et couvrant les latrines D2, façade des casemates A et B (logement de la garnison) surmontée de la batterie, avec traverses H3 et H4.Ensemble du cavalier supérieur du fort vu de l'ouest, depuis la cour centrale. De gauche à droite : abri-magasin H3, escalier d'accès à la batterie et couvrant les latrines D2, façade des casemates A et B (logement de la garnison) surmontée de la batterie, avec traverses H3 et H4.- la branche de gauche est constituée par une batterie d'artillerie

- les deux branches centrales et de droite sont constituées par l'ensemble groupé des casemates A-B-C et F, terrassées sur deux côtés (nord et est) et dégagées pour la façade ouest et le pignon sud.

La casemate A est la caserne de l'ouvrage : une brisure en dedans de sa façade la sépare en deux ailes : aile gauche, trois casemates de troupe (chacune de 24 places normales + 24 éventuelles) enveloppées à gauche et au fond d'un couloir jouant en outre le rôle de galerie d'assainissement.

- Au centre: passage central et escalier en colimaçon avec monte-charge menant à la superstructure (traverse 2 - casemate H 4)

- A droite: deux grandes chambres accolées: 4 (troupe) et 5 (sous-officiers) avec couloir de fond.

Toutes les chambres sont couvertes en voûtes surbaissées matelassées de terre et portant les batteries supérieures du cavalier. A noter les gaines de ventilation de certains locaux, qui viennent déboucher dans le talus de revers du parapet d'artillerie, sous des coffres en maçonnerie voûtés en plein-cintre.

A l'extrémité nord-ouest, un mur en aile porte un escalier sur arc rampant montant au terre-plein supérieur : sous l'escalier sont logées les latrines de temps de guerre (5 sièges), à fosse fixe (bâtiment D2).

- La casemate B (pavillon des officiers) constitue l'extrémité sud de la casemate A. Un piédroit la divise en deux travées à voûtes surbaissées perpendiculaires à celles de la casemate A, de façon à former culée. Ces travées - contrairement aux autres locaux du fort - comportent trois niveaux:

- au sous-sol, la citerne 1 (400 ms) et son système de filtres, alimentée par les eaux de ruissellement (le fort ne comporte pas de puits)

- au rez-de-chaussée: les locaux de commandement

- au premier étage, deux chambres d'officiers.

La façade principale de la casemate B constitue donc le pignon de l'ensemble A-B.

Casemates C. Vue intérieure du local 1 : four à pain et, à droite, épave de la cuisinière.Casemates C. Vue intérieure du local 1 : four à pain et, à droite, épave de la cuisinière.Attenant perpendiculairement au bâtiment B, la casemate C abrite la fonction « alimentation» : cuisine, paneterie, four (14 rations). La travée principale s'appuie à l'escarpe du flanc sud du fort par l'intermédiaire d'un corridor percé de créneaux de fusillade et de créneaux de pied tirant à travers l'escarpe. Ce corridor se termine en cul-de-sac par ml local abritant les latrines d'officiers, à deux sièges.

Enfin, il convient de mentionner, à l'extrémité ouest de la cour supérieure :

- le petit bâtiment D2 (latrines de troupe du temps de paix) sous l'escalier montant au cavalier

- le bâtiment O (recette supérieure du téléphérique venant de la Seyte) bâtiment à ossature de bois où subsiste l'essentiel de la machinerie et, au pied et à l'extérieur du saillant sud-est: le bâtiment N (recette inférieure du téléphérique du Gondran).

Ces trois bâtiments sont des constructions ordinaires, non à l'épreuve.

Les positions de combat

Artillerie : c'est, évidemment, la direction des objectifs à battre qui a déterminé l'implantation des positions des pièces et, par voie de conséquence, la forme en U très ouvert du cavalier supérieur.

La branche gauche (nord-ouest) de celui-ci comporte trois emplacements de pièces en escalier, avec leurs abris-traverses, constituant une batterie tirant, plein nord, sur le débouché de la vallée de Névache et les lacets de la RN 94.

La branche centrale (au-dessus de la casemate A) comporte une batterie pour trois pièces encadrée par les traverses H 3 et H4, et orientée au nord-est pour tirer vers le Janus et la gauche du Gondran.

La branche droite (au-dessus des casemates A et B) comporte une batterie de quatre pièces orientées vers l'est (sommet des Anges et droite du Gondran).

Les terre-pleins de la partie droite pouvant recevoir deux autres pièces tirant au sud-est, vers la vallée de la Cerveyrette et le fort de la Croix de Bretagne (appui réciproque). il n'y a aucune pièce cuirassée, ni sous casemate. Quant aux mortiers, sans emplacements spéciaux, on pouvait les disposer, pour l'action rapprochée, dans les cours, défilés derrière les corps de bâtiment.

Infanterie : Derrière le mur à bahut de l'escarpe du fort et de la fausse braie, dans les locaux crénelés, et sur les positions d'artillerie.

A noter, au sommet d'un cavalier supérieur, la pyramide commémorative d'un accident mortel survenu en 1934. il n'existe pas d'organes casematés de flanquement de l'ouvrage: celui-ci est assuré, en crête, par les saillants de l'escarpe, là où il yen existe, sinon la défense rapprochée se fait en tir frontal.

Magasin à poudre des rampes de l'Infernet

Magasin à poudre des pentes est. Vue extérieure d'ensemble : mur d'enceinte crénelé, entrées et corps de garde défensif 1.Magasin à poudre des pentes est. Vue extérieure d'ensemble : mur d'enceinte crénelé, entrées et corps de garde défensif 1.

Construit en 1890-91, le long de la route militaire, à contrepente du fort de l'Infernet, en raison des nécessités de renforcement résultant de la crise de l'obus torpille, pour le stockage en sécurité et l'approvisionnement de l'artillerie du secteur est de Briançon. C'est un magasin caverne type 1888, creusé dans le roc.

Deux galeries d'entrée donnent accès à une transversale desservant : une chambre à poudre (60.000 kg de capacité), un dépôt de gargousses, un atelier de chargement des gargousses, un atelier d'amorçage des détonateurs et des projectiles à mélinite, un atelier de chargement des projectiles ordinaires (poudre noire), un dépôt des projectiles chargés et quelques niches de stockage des artifices.

Magasin à poudre : vue intérieure de la cour et façade de l'ouvrage. A droite, entrée nord des casemates-cavernes. A gauche, débris du local 4 et éboulement masquant l'entrée de la galerie sud.Magasin à poudre : vue intérieure de la cour et façade de l'ouvrage. A droite, entrée nord des casemates-cavernes. A gauche, débris du local 4 et éboulement masquant l'entrée de la galerie sud. Les deux entrées débouchent dans un mur de façade en maçonnerie, plaqué à la falaise, et précédé d'une cour fermée d'un mur d'enceinte percé de créneaux de fusillade et de deux portes de service. Cette cour comporte un bâtiment défensif (corps de garde) et deux bâtiments légers aujourd'hui détruits.

Les locaux souterrains sont tous en galeries maçonnées et voûtées en plein-cintre, les stockages et ateliers sont, en plus, doublés de cloisons de briques le long des parois et, sous les voûtes, d'une tôle de zinc ondulée protégeant les munitions contre les eaux de condensation ou d'infiltration. Éclairage par lanternes mises en place derrière des glaces, à partir de la galerie de circulation, pour éviter les risques d'explosions.

Matériaux, éléments de décoration, particularités architecturales

Construction en maçonnerie de moellons assez grossièrement appareillés. Par contre, tablettes de couronnement, chaînes horizontales, claveaux des linteaux des baies et corniches en pierre de taille soigneusement dressées. Ferronnerie représentée par des tronçons de grille défensive, la rambarde couronnant le bâtiment B, les portes principales.

Menuiseries de bois encore en partie en place.

État général assez bon, mais on constate le renversement de beaucoup de tablettes de couronnement et des effondrements de parements, sous l'action conjointe du vandalisme et des intempéries.

Conclusion

Exemple particulièrement caractéristique d'ouvrage de montagne de la dernière génération des constructions en pierres, le fort de l'Jnfernet, malgré les contraintes résultant de l'implantation sur un piton particulièrement exigu, présente malgré tout un effort particulièrement réussi d'organisation fonctionnelle et d'un véritable « urbanisme » en modèle réduit (regroupement des locaux par grandes fonctions, en respectant les règles spécifiques de sécurité, et réalisation de circulations aisées malgré de grosses difficultés).

Le souci de doter l'ouvrage d'un obstacle aussi infranchissable que faire se pouvait, a amené le concepteur à renoncer délibérément à défiler les escarpes, vues sur toute leur hauteur, et - plus grave - à compromettre, par des travaux de déroctage, la stabilité du roc naturel d'assise. Il en est résulté, peu après la construction, des désordres constatés lors d'essais de tir plongeant au 138 mm exécutés en 1880, incidents qui déclenchèrent, à l'époque, une polémique non exempte de mauvaise foi entre l'artillerie et le génie. Quoiqu'il en soit, avec son assise prolongeant exactement les pentes naturelles, ses bâtiments étagés, l'Infernet évoque Murols et Tournoël2, ses ainés de plus de quatre siècles, témoignant ainsi de la transmission, à travers les siècles, du sens de l'adaptation au terrain.

1Topographie et défense des Alpes françaises» par M. Perrin, p. 305, Périgueux, 1894 2Département du Puy-de-Dôme

D'après des travaux historiques, le sommet de l'Infernet aurait été occupé par un ouvrage fortifié dès 1709. Au cours des 18e et 19e siècles, des projets successifs, parmi lesquels celui d'un fort étoilé par Pierre-Joseph Bourcet en 1751, ne donnent lieu à aucune activité. Une étude est réalisée en 1873 sous l'autorité du colonel Cosseron de Villenoisy. Le projet est mis en exécution en 1876 et achevé en 1878. Le chef de chantier est le capitaine du Génie Stafforello. Un tremblement de terre cause quelques désordres en 1884. Une poudrière est construite en 1890-1891 à contrepente du fort.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Bourcet Pierre-Joseph
      Bourcet Pierre-Joseph

      Pierre-Joseph Bourcet ou de Bourcet est né en 1700 à Usseaux et mort en 1780 à Grenoble. Frère aîné de Jean-Baptiste Bourcet de la Saigne.

      Lieutenant-général, tacticien et ingénieur militaire. Il intègre en 1729 le Corps des ingénieurs du Génie. Nommé Directeur général des fortifications du Dauphiné le 1er janvier 1756. Commissaire principal du roi pour le règlement des limites sur les frontières du Dauphiné, de la Provence et de la Bourgogne.

      Auteur en 1748 des Cartes des Frontières Est de la France pour la zone concernant le comté de Nice.

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      ingénieur militaire attribution par source
    • Auteur :
      Stafforello
      Stafforello

      Capitaine du Génie. Dirige le chantier du fort de l'Infernet (Hautes-Alpes) en 1876-1878.

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      ingénieur militaire attribution par source

A cause des contraintes topographiques, l'enceinte dessine un pentagone irrégulier. Elle est matérialisée par une escarpe crénelée et est desservie par un chemin de ronde. Une fausse braie double les faces nord, est et sud-est. Les casemates forment la majorité des bâtiments qui se répartissent sur trois plans principaux et s'ouvrent sur des terrasses reliées par des rampes. Un bâtiment rectangulaire à côté de la porte abrite un corps de garde. Un escalier permet d'accéder de la cour d'entrée au terre-plein supérieur. Une poudrière se situe sur l'aile nord-est. La cour supérieure, que l'on gagne par une rampe contournant le fort, est occupée par une batterie d'artillerie, par des casemates, dont l'une sert de caserne et par d'autres bâtiments parmi lesquels la recette supérieure du téléphérique venant de la Seyte. Sur la pente est du fort, une poudrière est creusée dans le roc. Ses locaux sont maçonnés et voûtés en plein-cintre. Les entrées sont marquées par un mur de façade précédé d'une cour fermée par un mur d'enceinte crénelé et occupée par un corps de garde.

  • Murs
    • pierre moellon
  • Couvrements
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Couvertures
    • terrasse
  • Typologies
    fausse-braie
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Plan des retranchements faits sur la montagne de l'Infernet à 2 heures 1/2 de marche de la ville de Briançon. / Dessin, 1747. Service historique de la Défense, Vincennes : article 8, section 1, carton 3, n° 4.

  • Briançon. 1751. Pour servir au projet général. F° 1. [plan de situation du fort de l'Infernet] / 2 Dessins dont un avec rabat, 1751. Service historique de la Défense, Vincennes : article 8, section 1, carton 3, n° 10 (3) feuille 1 et (4) feuille 2.

  • Plan et profil des retranchements de l'Infernet et des réparations et changemens dont ils sont susceptibles. / Dessin, 1783. Service historique de la Défense, Vincennes : article 8, section 1, carton 4, n° 7 (7)

  • Plan des retranchemens de la montagne de l'Infernet relatif au projet de 1792 pour 1793. / Dessin, sd [1792-1793]. Service historique de la Défense, Vincennes : article 8, section 1, carton 4, n° 31 (3).

  • Plan du poste de l'Infernet. An 8. / Dessin, [1800]. Service historique de la Défense, Vincennes : article 8, section 1, carton 4, n° 49, feuille (4).

  • Profils et élévations des coffres à bascules projetés au poste de l'Infernet. An 8. / Dessin, an 8 [1800]. Service historique de la Défense, Vincennes : article 8, section 1, carton 4, n° 49, feuille 5.

  • Atlas des bâtiments militaires. Fort de l'Infernet. Magasin à poudre E. Magasin G-K. / Dessin, 1880. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 336/1, feuille 49.

  • Atlas des bâtiments militaires. Fort de l'Infernet. Caserne A. Pavillon B, bâtiments C et D. / Dessin, 1880. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 336/1, feuille 48.

  • Plan terrier du fort de l'Infernet et dépendances. / Dessin, 1883. Service historique de la Défense, Vincennes : atlas des bâtiments militaires, feuille 6.

  • Plan terrier. Câbles Sainte Catherine Infernet. / Dessin, sd (19e siècle). Service historique de la Défense, Vincennes : Fonds du Génie, atlas des bâtiments militaires, feuille n°9.

  • Clos de l'Infernet, position de l'Eyrette, baraquement de la Seyte. / Dessin, 1902. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 337/7, feuille 51.

  • Atlas des bâtiments militaires. Place de Briançon. Magasin à poudre du secteur est. [fort de l'Infernet] / Planche de dessins recto-verso, 1902. Service historique de la Défense, Vincennes : Grand atlas, T 336/1, feuille 50.

Date d'enquête 1986 ; Date(s) de rédaction 1996
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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