Dossier d’œuvre architecture IA05000130 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort Dauphin
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Hautes-Alpes - Briançon
  • Commune Briançon
  • Lieu-dit Fort Dauphin
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort Dauphin
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    enceinte, ouvrage fortifié, fossé, caserne, poudrière, ouvrage extérieur

Chronologie du site

C'est en 1700, à l'occasion de son second passage, que Vauban inclut le projet de fortifier les hauteurs des Têtes et des Salettes, sans plus. Rien ne se fait, cependant, jusqu'en 1709 où, compte tenu de la situation militaire sur ce théâtre d'opérations, le maréchal de Berwick met en état de défense les environs de Briançon : on occupe les Têtes et le Randouillet en fortification passagère tandis que la « redoute » des Salettes est mise en chantier comme ouvrage permanent.

La carte d'ensemble de Tardif d'avril 1711 fait apparaître, sur le replat précité, en jaune - donc en projet - et désignée par la lettre H, un petit ouvrage carré appelé « redoute projetée sur ce plateau ». La fin de la guerre de succession d'Espagne (1713) puis la mort de Louis XIV mettent évidemment les choses en veilleuse. Mais, compte tenu du changement de tracé de la frontière et le souvenir des périls encourus dans cette région, les dix ans qui vont s'écouler jusqu'en 1724 sont plutôt à considérer comme une période d'étude préliminaire à la réalisation du système des forts permanents autour de Briançon dont la nécessité est admise par la cour.

Dans les projets de l'époque, la « redoute H » est retenue sous le nom de « redoute de Biseul », ouvrage avancé couvrant le fort des Têtes, comme la « redoute du Point du Jour » et la « redoute à mâchicoulis » couvrent le fort du Randouillet.

De simple redoute des premiers avant-projets, c'est en fait un véritable fort qui sera construit entre 1724 et 1734, et recevra en 1729 le nom de fort Dauphin, en l'honneur de la naissance de Louis, dauphin de France, quatrième enfant de Louis XV et futur père de Louis XVI.

Rebaptisé un temps, en 1793, « fort Lutin », l'ouvrage ne sera pratiquement pas modifié jusqu'à nos jours, à l'exception de l'adjonction, en 1874-77, d'un magasin à poudre caverne. Surclassé par la nouvelle artillerie rayée à partir de 1858, et à peu près impossible à renforcer efficacement - l'ouvrage passe en seconde ligne avec la construction des nouveaux forts détachés et n'est plus en fait qu'un poste et un dépôt, classé dans le « secteur central » (corps de place) par les plans de mobilisation de la place. Progressivement abandonné, il sert aujourd'hui de terrain de manœuvre et, ouvert et non surveillé, souffre beaucoup du pillage et du vandalisme.

Analyse architecturale

Situation

La pente nord-ouest de la crête de l'Infernet comporte, au pied, un replat dominant la rive est du vallon sud-nord descendant vers le village de Fontenil et la Durance, vallon qui, se prolongeant vers le sud par le vallon de Fontchristiane, constitue un cheminement permettant de contourner le verrou de Briançon. Or ce replat est, à peu de choses près, à la même altitude que le fort des Têtes (1440 m) et à 500 m de distance donc à portée utile de canon - et constitue, à ce titre, une position dangereuse.

Implanté sur le rebord du versant est du vallon de Fontenil , en face de l'extrémité nord du fort des Têtes, l'ouvrage domine en outre la vallée de la Durance. A 800 m au sud-est du fort des Salettes, son front nord-ouest peut en battre le pied de l'escarpement, en angle mort par rapport aux crêtes de cet ouvrage.

Composition d'ensemble

Vue aérienne du fort.Vue aérienne du fort. L'ouvrage, traité en fortification bastionnée, s'inscrit dans un plan en trapèze rectangle, dont la grande base est le front sud-est (front d'attaque faisant face aux pentes de l'Infernet), le petite base le front nord-ouest (face à la Durance et aux Sillettes), la hauteur le front nord-est flanquant le pied de l'Infernet et le dernier (front de gorge) domine le ravin de Fontenil et fait face aux Têtes.

Les fronts sud-est, nord-est, nord-ouest sont des fronts bastionnés ordinaires, à flancs droits, et précédés d'un fossé creusé dans le roc. Le front de gorge est, lui, rectiligne et flanqué, d'un côté seulement, par le flanc droit, très oblique, du bastion 2. Il est, en outre, dépourvu de fossé.

Intérieurement, le front nord-ouest est doublé en arrière d'un second front plus élevé donnant, donc, deux crêtes de feux successives étagées.

D'autre part, le front sud-est est, de même, doublé en arrière par un second front bastionné très élevé formant à la fois retranchement intérieur et parados, dont la courtine sert de mur de fond à la caserne centrale A, et le bastion de gauche de cava1ier d'artillerie.

Cette disposition est justifiée par le fait que ce front, faisant face aux pentes de l'Infernet est commandé à courte distance, et de ce côté, l'ouvrage est exposé au tir fichant des hauteurs toutes proches.

Le bastion 1 (est) a ses deux flancs casematés, le bastion 2 (sud) son flanc gauche, le bastion 3 (nord) son flanc droit. Liés aux angles de courtine et d'épaule des bastions d'implantation, les coffres, voûtés, ont des plans en parallélogramme, avec accès par l'arrière depuis le terre-plein bas du bastion, et par direction à battre, une ou deux embrasures à canon. Leurs feux s'ajoutent aux embrasures de crête, à ciel ouvert, des flancs eux-mêmes et certains comportent, en outre, une cheminée.

Le front sud-est, doté d'un chemin couvert avec au centre place d'armes rentrante (remplaçant la demi-lune) comporte en milieu de courtine, une galerie de descente de fossé menant à une poterne basse.

Par ailleurs, la communication entre les deux étages du front nord-ouest se fait par une descente couverte, parallèle à la courtine du front intérieur et aboutissant à une poterne basse. Les latrines sont, elles, implantées sur la courtine extérieure (B).

Bâtiment A

Bâtiment A. Façade principale. A l'arrière plan, sur la crête, à gauche, sommet de Château Jouan (Janus) et, à droite, fort de l'Infernet.Bâtiment A. Façade principale. A l'arrière plan, sur la crête, à gauche, sommet de Château Jouan (Janus) et, à droite, fort de l'Infernet. Principal bâtiment du fort, c'est une caserne casematée rectangulaire de 55 x 8 m à deux niveaux, implantée au centre du fort, parallèlement aux bases du trapèze, et adossée à la courtine du retranchement intérieur très épaisse (environ 3 m) qui en constitue le mur de fond.

Intérieurement, aux deux niveaux (rez-de-chaussée +premier étage) les locaux, voûtés à l'épreuve, sont disposés sur un seul rang de part et d'autre de deux cages d'escalier situées respectivement au premier et au troisième quart du grand axe. Chaque cage dessert donc, à chaque niveau, deux pièces en enfilade de chaque côté. Chaque pièce prend jour dans la façade nord-ouest par une fenêtre. Avec les trois portes du rez-de-chaussée, cette façade comporte donc 3 portes et 19 fenêtres, dont 11 au premier étage, 7 au rez-de-chaussée plus une fenêtre oblongue près de l'angle ouest (correspondant au local 3, aménagé en magasin à poudre). Il s'agit, là, d'une variante du plan type de caserne à la Vauban qu'on retrouve au fort des Têtes (bâtiments B et O).

Chaque pièce comporte une cheminée adossée au mur de fond au rez-de-chaussée, au refend transversal au premier étage, avec conduits encastrés dans le mur de fond.

Au premier étage, les locaux sont munis de deux créneaux de fusillade du type « archère» percés dans le mur de fond et tirant sur le terre-plein bas du front sud-est. Une partie de ces créneaux sont doubles.

Chaque cage d'escalier comporte, à l'entresol, une sortie sur le même terre-plein bas du front sud-est, permettant à la troupe de gagner, au plus court, ses emplacements de combat.

Au rez-de-chaussée, on trouve entre autres la cuisine , sous le local 12 une citerne de 136 m3, et à l'extrémité sud-ouest une chambre aménagée en magasin à poudre, avec entrée en pignon et avant cour. Cette dernière disposition résulte de l'absence de bâtiment spécialisé dans le fort : elle constituait un sérieux danger pour la garnison, avant la construction tardive (1874) d'un magasin caverne.

La capacité de ce bâtiment était estimée, en 1828, à 3 lieutenants ou sous-lieutenants, 2 sous-officiers et 51 gradés et soldats. En 1936, le petit atlas donne 7 sous-officiers et 63 gradés et soldats.

A noter, à côté du pignon sud-ouest, un portail en arc surbaissé, dans la courtine du retranchement intérieur, permettant le passage des pièces d'artillerie destinées à l'armement du front sud-est.

Toiture à un seul versant, à faîtage adossé au retranchement intérieur.

Magasin caverne C

Creusé en 1874-77 dans le massif rocheux portant le bastion de gauche du retranchement intérieur du front sud-est, il visait à doter l'ouvrage d'un magasin à poudre à l'épreuve qui lui manquait à l'origine et que la nouvelle artillerie rayée rendait absolument indispensable.

Analogue aux magasins V du fort des Têtes et Q du Randouillet, c'est une construction légère de 5 x 15 III établie, avec interposition d'un vide sanitaire périphérique, dans une caverne creusée dans le rocher. Capacité nominale: 40000 kg.

Porte d'entrée

Porte du fort. Vue extérieure.Porte du fort. Vue extérieure.Réduite à un simple portail, sans prolongement couvert ni locaux annexes, ce monument n'est pas répertorié individuellement sur l'état des bâtiments du fort. Faisant légèrement saillie, en plan et en élévation, sur l'escarpe du front de gorge, il est constitué d'une façade rectangulaire verticale à deux montants et linteau en arc segmentaire encadrant la feuillure de logement du tablier du pont-levis. Le tout est surmonté d'une corniche portant un fronton triangulaire à pans bordés d'une moulure et entaillés des passages des flèches de la bascule.

En fond de feuillure s'ouvre la baie en plein-cintre du passage proprement dit. Le cordon d'escarpe appareillé en boudin est sensiblement de niveau avec la naissance du plein-cintre, tandis que la sous face de la corniche dépasse la tablette de couronnement de l'escarpe d'un lit de pierre au sud-est, de deux au nord-ouest, l'escarpe étant légèrement inclinée pour suivre la pente du terrain naturel.

La porte s'ouvre en face de l'extrémité, maçonnée, de la rampe portant la route d'accès. Le niveau du passage ayant été établi assez haut par rapport au sol extérieur pour donner la hauteur d'obstacle nécessaire à la sécurité de l'ouvrage, compte tenu de l'absence de fossé sur cette face.

Divers

On notera que l'extrémité ouest de la courtine de gorge est doublée, au pied, par une fausse braie percée de créneaux de fusillade, barrée, à hauteur du saillant du bastion 8 par un batardeau crénelé, formant caponnière et empêchant de passer du front de gorge au fossé du front nord-ouest en suivant le pied de l'escarpe.

L'organisation des parapets reflète l'orientation des directions dangereuses : seul le front sud-est (bastions 1 et 2, et courtine) est muni de parapets épais terrassés. Les parapets des autres fronts sont simplement maçonnés.

Matériaux

Constructions en maçonnerie de moellons au mortier de chaux. Encadrements de baies et d'embrasures, cordon de magistrale, bandeaux de façade, tablettes de couronnement etc. en pierre de taille soigneusement dressées (gros appareil). Chaînes d'angle de même, mais harpées (comme tous les éléments verticaux).

Conclusion

Ouvrage qui serait en très bon état s'il n'était depuis plusieurs années livré au pillage et au vandalisme : on notera la disparition systématique des tablettes de couronnement, qui entraîne l'infiltration de l'eau dans les murs verticaux et leur destruction progressive par le gel. Les menuiseries ont complètement disparu, ainsi que le tablier du pont-levis, dont seules subsistent encore les flèches de la bascule supérieure, d'ailleurs hors d'usage.

En tant que partie intégrante d'un ensemble architectural remarquable et homogène, cet ouvrage serait à protéger de toute urgence, en attendant une remise en état ultérieure et une réutilisation fonctionnelle particulièrement envisageable, compte tenu de dimensions modestes et d'un accès facile.

Le projet d'une redoute apparaît sur la carte d'ensemble de l'ingénieur Tardif de 1711. Le nom de redoute de Biseul est retenu. Le fort est construit entre 1724 et 1734 et baptisé fort Dauphin en 1729. Il reçoit l'adjonction d'un magasin à poudre en 1874-1877.

Le fort s'inscrit dans un plan en trapèze rectangle. Ses fronts sud-est, nord-est et nord-ouest sont bastionnés et précédés d'un fossé. Au centre est implantée une caserne de plan rectangulaire à deux niveaux, dotée de deux cages d'escalier, et couverte d'un toit à un seul versant. Un magasin destiné à servir de poudrière est creusé dans la roche. Un portail à fronton triangulaire sert d'entrée et une fausse-braie se trouve à l'extrémité ouest du front de gorge.

  • Murs
    • pierre moellon
  • Plans
    système bastionné
  • Étages
    1 étage carré
  • Couvrements
    • roche en couvrement
  • Couvertures
    • appentis
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : en maçonnerie
  • Typologies
    fausse-braie
  • État de conservation
    mauvais état
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Plan du fort Dauphin, pour servir au projet de 1741./ Dessin, plume et lavis (1747 ?). Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, article 8, section 1, carton 2, n° 37 (2).

  • Plan général de la ville et des forts de Briançon. / Dessin, plume et lavis, 1747. Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, article 8, Section 1, Carton 3, n° 6 (2), feuille 1.

  • Profil du chemin couvert projeté pour le fort Dauphin, du côté de la montagne. / Dessin, plume et lavis, 1747. Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, article 8, section 1, carton 3, n° 6 (15), feuille 14.

  • Plan du fort Dauphin./ Dessin, plume et lavis, 1747. Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, article 8, section 1, carton 3, n° 6 (14), feuille 13.

  • Fort Dauphin [plans, coupes, élévations] / Dessin, 1828. Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, atlas des bâtiments militaires, feuille 20.

  • Place de Briançon. Plan de la ville et des forts./ Dessin, plume et lavis, 1854. Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, atlas des bâtiments militaires.

  • Plan terrier. Fort Dauphin. Fort des Salettes. Fort d'Anjou et Redoute à Machicoulis. / Dessin, sd (19e siècle). Service historique de la Défense, Vincennes, Fonds du Génie, atlas des bâtiments militaires, feuille 4.

  • Carte des vallées de Queyras et Château-Daufin. De Beins, Jean (ingénieur) / Dessin plume et lavis, 1608. British library, Londres.

Date d'enquête 1987 ; Date(s) de rédaction 1996
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble