Formant la limite orientale du territoire communal, le Buëch a longtemps constitué une contrainte pour l'exploitation agricole de la plaine de Châteauneuf. Le lit majeur de cette rivière, anciennement très large, variait à chaque crue et des bras secondaires se formaient ou se comblaient. La carte de Cassini, par exemple, montre une grande île au pied du quartier du Plan.
Bénéfiques parce qu'elles déposent des alluvions riches, les crues du Buëch étaient aussi une menace par la violence des flots, susceptibles d'emporter la terre.
Dès 1787, le conseil et les consuls de Châteauneuf signalent, dans une délibération du 25 novembre, que « la rivière de Buech depuis trois ans a fait des dommages très considérables en emportant les fonds les plus précieux », et qu'il y a aussi « cinq ravins qui submergent et engravent les fonds qui se trouvent dans la plaine ce qui ruine totalement les habitants ».
Le 1er mai 1789, M. Rolland, « Ingénieur du Roy en chef pour les Ponts et Chaussées de la Province de Dauphiné, à Grenoble », dresse les plans, devis et conditions pour la construction d'une digue, dont l'objet « est de mettre à l'abri des irruptions du Buëch les isles immenses de la commune de Châteauneuf, qui ne peuvent être défrichées et mises en cultures, si elles ne sont préalablement garanties et protégées par une digue assez forte pour contenir ce torrent ». Prévue pour suivre de façon linéaire la rive droite du Buëch, cette digue « sera enracinée au pied de la montagne de Châteauneuf, et se dirigera dans les graviers » pour longer la rive de la rivière ; un aqueduc est prévu pour laisser le passage au canal d'irrigation.
Plan du projet d'une digue sur le Buëch, aux Iles de Châteauneuf (1789).
Il semble néanmoins que ce projet n'ai jamais été mis à exécution. Effectivement, dans les réponses au questionnaires des États du Dauphiné (cahier de doléances) de 1789, il est rappelé que « les îles de la rivière du Buëch et ses graviers, qui sont très considérables, pouvant y avoir environ 120,000 toises, dont majeure partie est atterré » et que « le sol de ce qui est atterré est bon et le moyen de le rendre utile serait de faire une digue contre la rivière, qu'on enracinerait contre le roc et où l'on prendrait la pierre » (abbé Guillaume, 1908).
A partir des années 1810, une société d'actionnaire de Laragne se met en place, avec le projet de construire une grande digue en rive gauche du Buëch, en amont de l'actuel pont. Ce projet est considéré avec prudence par le conseil municipal de Châteauneuf, qui craint que la modification du cours d'eau entraîne des dégâts encore plus importants sur son territoire. Les îles de graviers, plus ou moins temporaires, servent de réserve en en petit bois et osiers pour les habitants. Des indemnités sont prévues pour les habitants et pour la commune, correspondant au « huitième de tous les graviers qui composeront la conquête garantie par la digue ». Ces indemnité, payées en argent, permettront à la commune de Châteauneuf de se constituer une économie qu'elle placera en rentes de l’État en 1872.
A la même époque, une « Commission des digues de Châteauneuf » (appelée ensuite « Association syndicale des digues ») se met en place. Elle est chargée de la construction d'ouvrages en épis le long du Buëch, travaux qui débutent dans les années 1830.
Localisation sur la carte IGN au 1/25 000e.
En 1849, une crue endommage le premier épi des digues de Châteauneuf et, en 1857-1858, cet épi sera à nouveau prolongé de 100 mètre et exhaussé. Ces travaux sont à « exécuter pour garantir la conquête sur le Buëch ». « Tout le bois qui poussera dans la partie qui se trouvera au levant de [la digue] sera vendu par petits lots aux enchères et au plus offrant et l'argent en provenant sera employé à réparer les digues ou à d'autres travaux pressants toujours à la conservation ou à l'amélioration de la conquête ».
Progressivement, ces digues vont permettre de gagner une grande superficie de terres agricoles planes, dans le quartier des « Iles ». Ces nouvelles terres agricoles, protégées et stabilisées par les digues, vont amener à compléter les données cadastrales. Des nouvelles parcelles sont ainsi définies et ajoutées à l'état des sections cadastrales en 1858 (sections A et B).
Grande digue du quartier d'Abel. Les terres gagnées sur le Buëch, au quartier des Vignasses.
Dans les années 1899-1900, un prolongement des digues vers le sud est mis en place, au quartier du « Pied du Plan ». Dans la première moitié des années 1910, de gros travaux de réparation et d'amélioration sont entrepris, qui sont terminés en décembre 1914.
La tradition orale rappelle que les pierres nécessaires aux enrochements de ces digues étaient extraites dans les bancs rocheux calcaires du quartier du Dévez. Ces digues, perpendiculaires au cours du Buëch, sont constituées de rochers et de terre, et elles sont bordées de fossés.
On note par ailleurs qu'une digue le long de la Méouge est construite par un particulier, en 1902.