Dossier d’œuvre architecture IA04002102 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
citadelle de Sisteron
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-de-Haute-Provence
  • Commune Sisteron
  • Lieu-dit
  • Adresse montée de la Citadelle
  • Dénominations
    citadelle

Histoire du site

Avant la citadelle : le château comtal.

La citadelle de Sisteron occupe, sur l'éminence rocheuse dominant la ville, l'emplacement d'un castrum médiéval mentionné pour la première fois vers 1065-1070, à propos d'une reconnaissance de vassalité faite à l'évêque de Sisteron Gérard Chevrier par les fils du seigneur local, Raimbaud, qui avait auparavant usurpé le diocèse en plaçant à sa tête un de ses parents. Au XIIe siècle, ce château fait partie du vaste domaine des comtes de Forcalquier. Guillaume IV (ou II), comte de Forcalquier de 1159 à 1209, maria sa petite-fille et héritière Garsende en 1193 à l'héritier du comté de Provence Alfonse, second fils d'Alfonse II, roi d'Aragon, comte de Barcelone et comte de Provence (de 1168 à 1196), pour préparer la réunion du comté de Forcalquier au comté de Provence. Sisteron est le plus septentrional d'une série de châteaux échelonnés sur la route des Alpes à partir de Pertuis, que le comte Guillaume avait remis en gage à son gendre. Lorsque ce dernier fut devenu comte de Provence sous le nom d'Alfonse II, Guillaume tenta de récupérer Sisteron par la force, mais l'intervention armée du frère d'Alfonse, le roi d'Aragon Pierre II, mit fin à cette entreprise. Un traité eut lieu en 1203, aux termes duquel Sisteron fut intégré définitivement à la partie du comté de Forcalquier réuni au domaine des comtes de Provence. La ville de Sisteron qui avait obtenu une charte de franchise en 1212 au temps du comte de Provence Raimond Bérenger, vit ses privilèges menacés à l'avènement du prince capétien Charles I d'Anjou au comté de Provence (1246), surtout après que celui-ci se fut lancé, à partir de 1251, dans une politique de mise au pas des principaux foyers de contre-pouvoir de son comté, principalement les villes, qu'il entendait priver de leurs institutions consulaires et de leurs libertés municipales.

C'est en réaction contre cette politique du capétien que les Sisteronais auraient démoli le château comtal dominant la ville avant 1257. Une tradition vague veut que ce château ait été rétabli par la suite, et qu'il ait assuré la protection de la ville pendant la guerre de Cent-Ans, mais les sources locales prouvent qu'en 1357, lorsqu'on craignait les ravages des routiers du capitaine Arnaud de Cervole, les seules fortifications sur lesquelles on s'appuyait étaient celles de l'enceinte de ville. Dans les années qui suivirent, c'est sur l'amélioration de cette enceinte, et non sur le château, que se concentrèrent les efforts des représentants de la puissance publique. On tire des documents d'archives la conviction qu'à cette époque, le toponyme "château" ne désigne plus une réalité architecturale forte, mais seulement le secteur haut et septentrional de la ville et de son enceinte, avec au mieux, un réduit clos de muraille (dont restent des vestiges). En 1366, le conseil de ville décide d'installer à l'usage des habitants une "gosse cloche...au haut du château...destinée à sonner la retraite afin de soustraire les habitants de Sisteron aux vexations des sous-viguiers". En 1368, l'église ou chapelle Notre Dame du Château et sa "place" (parvis ?, réduit fortifié du château ?) sont mentionnées comme l'un des points de l'enceinte de la ville où cantonner respectivement 3 et 8 hommes participant à la garde de nuit mise en place par le conseil de ville. En 1402, la cloche municipale fut complétée d'une horloge, l'ensemble étant peut-être déjà logé dans la tour de l'enceinte la plus proche de Notre Dame du château; la chapelle ou église elle-même serait le résultat d'une reconstruction achevée seulement en 1417.

Curieusement, cet édifice religieux gothique, ample et homogène, est mal documenté : on ignore la date du commencement du chantier et son origine : le financement a-t-il été assuré par Jeanne d'Anjou, comtesse de Provence et reine de Naples (1343-1382), la période immédiatement suivante paraissant politiquement peu propice à un mécénat des titulaires du comté de Provence ? S'agissait-il plutôt d'une église paroissiale à l'usage d'un quartier haut de la ville déserté par la suite, dont la construction fut prise en charge au moins en partie par les finances municipales ? Cette seconde hypothèse mérite d'être considérée. Il semble plausible que l'église ait été commencée peu avant 1368 a proximité d'une tour récemment affectée au beffroi municipal, qui aurait été ensuite refondue pour en faire un clocher.

Lorsqu'en 1482-1487, Sisteron est réunie au domaine royal avec l'ensemble du comté de Provence, par Louis XI, il n'est pas question d'un château royal. Sous le règne de François Ier, l'administration royale réorganise et centralise les anciennes magistratures du comté : l'édit de Joinville (1535) institue les sénéchaussées, dont celles de Forcalquier et Digne, du ressort desquelles relève Sisteron. Si ce lieu est considéré dès lors, par sa position stratégique, comme une place forte digne d'être pourvue d'un commandement militaire, elle ne le doit qu'aux défenses médiévales bien entretenues de son enceinte urbaine.

La citadelle royale

L'importance militaire de Sisteron fut mise en évidence au temps des Guerres de Religion, et souleva la question de l'utilité d'une citadelle royale commandant la ville. En juillet 1562, la ville servit de refuge à Claude de Savoie, comte de Tende, gouverneur royal de Provence, remarié avec une réformée, Françoise de Foix, et favorable à la pacification édictée en janvier par Catherine de Médicis (édit de Saint-Germain). Suspect d'adhésion à la cause protestante pour avoir chassé le catholique fanatique Flassans avec l'aide de Mauvans, chef de bande huguenot, le comte de Tende avait été dessaisi de sa charge de lieutenant général de Provence au profit de son fils Honorat de Savoie, comte de Tende-Sommerive, catholique militant. Quand, fin août, ce dernier assiégea la place de Sisteron, où s'étaient regroupés les protestants de la région, son père était dans la place. Canonnée alors par trois batteries de siège jusqu'à reddition, la ville subit quelques années plus tard un nouveau siège éprouvant, les protestants réinstallés depuis la pacification de 1563 (édit d'Amboise) y ayant résisté, de janvier à mai 1568, au blocus de Jean de Pontevès, comte de Carcès, lieutenant-général d'Honorat de Tende-Sommerive, qui était devenu gouverneur de Provence à la mort de son père en 1566. Un troisième édit de pacification (paix de Longjumeau), avait été accordé fin mars 1568 par le roi Charles IX. Un lieutenant de Tende-Sommerive, Dupuy Saint Martin, fut nommé gouverneur de Sisteron, et rendit un procès verbal d'inspection des défenses de la place qui reconnaît en premier ordre de nécessité la fortification du "château de Notre-Dame", afin qu'il pût servir "comme de rocque au dict lieu" (le terme est une adaptation du mot italien rocca qui signifie forteresse). Le texte précise qu'une citerne a été commencée sur le site, et qu'il convient de la parachever.

Ce rapport d'inspection peut être considéré comme l'acte de naissance de la citadelle de Sisteron.

Toutefois, la mise en chantier ne fut pas immédiate, loin s'en faut : c'est encore les ouvrages de l'enceinte de ville qu'on commença par armer et renforcer.

L'oeuvre de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle et ses auteurs.

Les grands travaux de construction de la citadelle commencèrent au plus tard en 1589, avant l'avènement d'Henri IV, comme en attestent des épaves de pièces comptables qui ont été conservées. Une première adjudication fut passée le 21 juillet 1589 par l' "angineur du Roy" Jehan Sarrazin, de La Tour d'Aigues, à deux entrepreneurs du Val d'Aoste, Barthélémy Vignat et André de Guénin, qui vinrent avec Antoine de Guénin et François Daudey, et recrutèrent Jean Antoine Camou, d'Embrun. Les manoeuvres du chantier étaient rémunérés six sous par jour. Barthélémy Vignat quitta l'équipe des maîtres d'oeuvre en 1590 et fut remplacé par un autre piémontais, Jehan Biston, qui était encore maître des oeuvres de la citadelle plus de vingt ans plus tard. Une nouvelle adjudication à un prix revu à la hausse fut confirmée à l'équipe par Bernard de La Vallette, amiral de France, gouverneur et lieutenant général du Roi en Provence, par acte daté de Sisteron le 17 août 1591. En 1598, la citadelle en cours de construction avait un commandant, le sieur de Ramefort, qui devait régler des quittances d'ouvrages exécutés à l'équipe des maîtres d'oeuvre."

On ne sait à peu près rien de Jean Sarrazin, réputé protestant, et on s'interroge sur un éventuel lien entre Sisteron et La Tour d'Aigues, d'où venait Sarrazin en 1589, et où le capitaine Dupuy Saint Martin était allé chercher quatre canons du château en 1570 pour réarmer Sisteron. L'histoire de La Tour d'Aigues ne délivre pas de réponse, mais on note qu'en 1570, Ercole Nigra (1541-15...) , un architecte issu des terres piémontaises de Jean-Louis-Nicolas de Bouliers, seigneur de la Tour d'Aigues et de Cental en Piémont, est rémunéré comme architecte du château de La Tour d'Aigues, puis, en 1572, gratifié d'une terre en Piémont par le même seigneur. Or, Ercole Nigra, alors en début de carrière, eut ensuite une brillante destinée d'ingénieur militaire en Italie et en France. Il est l'auteur de plusieurs dessins datés de 1580 ou 1581 figurant le plan de villes fortifiées des Alpes et de la vallée du Rhône (et d'un plan de Castillon en Guyenne signé Ercules conte de Senfront), aujourd'hui conservées dans les Archives de l'Etat à Turin. Ercole Nigra aurait-il formé un maçon débutant à La Tour d'Aigues, Jehan Sarrazin, devenu plus tard lui aussi ingénieur militaire ? La question mérite d'être posée.

Quoiqu'il en soit, il parait difficile d'identifier cet ingénieur à un Jean Sarrazin "mathématicien" et "intendant des fortifications" d'Henri II de Bourbon, prince de Condé, auteur de l'enceinte bastionnée de la forteresse de Montrond, que le prince de Condé possédait en Berry, et qui pendant la Fronde fut la dernière fortification seigneuriale moderne qu'un représentant de l'Etat, en l'occurrence Mazarin, eut à faire assiéger. En effet, l'oeuvre du Sarrazin de Montrond, commencée vers 1630, n'aurait été achevée que peu avant 1650, date d'activité évidemment trop tardive si l'on veut l'attribuer à un ingénieur militaire qui agissait comme architecte d'une citadelle royale en 1589.

La paternité du dessin initial de la citadelle de Sisteron a souvent été attribuée sans preuves au plus notoire des ingénieurs militaires du temps d'Henri IV, Jean Errard de Bar-le-Duc (1554-1610), auteur du premier traité de fortification français, publié initialement en 1600. En 1589, Errard oeuvrait en Ardennes au service des La Marck, ducs de Bouillon, et n'était pas encore ingénieur du roi, charge territoriale qu'il obtint en 1595 pour les provinces de Picardie et de Champagne. A cette époque, un homme de la même génération, Raymond de Bonnefons était "ingénieur pour le roy en Provence, Daulphiné et Bresse" : c'est donc à celui-ci plutôt qu'à Errard qu'il faudrait attribuer les ouvrages de Sisteron, au moins après Jehan Sarrazin.

Jean de Bonnefons, formé par son père Raymond de Bonnefons, en même temps qu'un autre élève ingénieur, Jean de Beins, est concepteur de nouveaux ouvrages à la citadelle de Sisteron en 1611-1612. Raymond de Bonnefons avait été tué accidentellement en 1607, (en compagnie du fils de Jean Errard ), en Provence, et Jean de Bonnefons, qui avait été son adjoint comme "conducteur des ouvrages de fortifications " lui avait aussitôt succédé comme Ingenieur du roi en Provence, en même temps que Jean de Beins obtenait le même titre pour le Dauphiné. Les travaux entrepris à Sisteron par le maître-maçon Pierre Biston, sur les plans de "Jean de Bonnefoux, ingénieur ordinaire de S.M. ez provinces de Languedoc et Prouvance" consistèrent notamment, d'après les devis, adjudication et métré, en la construction d'une "tenailhe de cent cinquante degrés d'ouverture, comanssant à la guérite de la pointe du bastion du Roy, du coté du précipice et finissant contre le rochoir du donjon, au bas-fort du derrière respondant à la rivière de Buech, tenailhe défendue par quatre canonnières percées deux à deux à quatre pans de chaque côté de la pointe de l'angle flanquant". Ces travaux furent adjugée en deux fois, les 5 novembre 1611 et 13 octobre 1612.

Jean de Bonnefons travaillait aux fortifications de la ville d'Antibes depuis 1608 lorsqu'il intervint à Sisteron. Commandée par le gouverneur Jacques d'Espaigne, sieur de Gariscan, et par le capitaine Jehan-Antoine de Bermond, la citadelle et la ville forte de Sisteron ont été représentées peu avant cette époque, en plan et vues topographiques, par Jean de Beins (1609) et par le père Jésuite Etienne Martellange (deux voyages pour visiter les travaux de construction du collège en 1606-1608). Ces représentations précises et fiables prouvent que les ouvrages de la citadelle étaient alors très avancés, mais manquaient de finition, les parapets n'étant pas en place sur les courtines et bastions, et les remparts n'étant pas complets ou organisés. Le plan général de la citadelle, l'étendue et les contours de ses enceintes, tant au sud qu'au nord de l'ancien front nord de la muraille de ville, étaient entièrement en place à cette époque à l'identique de l'état actuel, excepté le demi-bastion ouest, la fausse-braie sud et la "tenaille" de Jean de Bonnefons, qui est un ouvrage interne à l'enceinte nord, visible par exemple sur le plan gravé de Tassin (1638). Le fait qu'un bastion seulement possède un orillon à un seul de ses deux flancs est donc bien une particularité d'origine, et on doit noter que sur l'ensemble des six bastions ou demi-bastions, aucun flanc droit ne se retourne à angle droit de la face en formant un retour d'angle aigu avec la courtine attenante. Cette précision est importante, car cette caractéristique est propre aux ouvrages de Jean Errard, et son absence à Sisteron donne un argument supplémentaire pour rejeter l'hypothèse d'intervention de cet ingénieur. Par contre, on doit noter que le plan de projet de fermeture du port de Toulon établi par Raymond de Bonnefons en 1603 comporte de curieux "bastions tenaillés", particularité présente à la citadelle de Sisteron.

Une série de plans non datés ni attribués (à l'exception de Tassin), mais tous dressés entre les décennies 1610 et 1680, sont les seules sources de l'état de la citadelle avant que Vauban ne prenne les fonctions de commissaire général des fortifications (1677) et n'obtienne les moyens d'une administration rationnelle et hiérarchisée, qui produira régulièrement plans et projets.

Le plan de Jean de Beins (1609) indiquait qu'en plus du bâtiment militaire dit plus tard "donjon", établi sans doute dès la fin du XVIe siècle dans l'ancienne église Notre Dame du Château désaffectée et cloisonnée à cette fin, un corps qualifié de "magasin" avait été édifié à l'extrémité est de l'enceinte nord, peut-être avant l'achèvement de cette enceinte, et un bâtiment encore peu important était construit dans l'enceinte sud, au pied du "donjon", adossé au côté est, surplombant la Durance (il est visible sur un des dessins de Martellange). Ce dernier bâtiment, agrandi, allait former le logement du gouverneur de la place. Sur les plans postérieurs apparaît le long corps de casernes de la seconde enceinte sud (comme le logement du gouverneur tout proche, il restera en place jusqu'en 1944). Sur l'excroissance à l'est de l'abside du "donjon" existait un local couvert qualifié plus tard de salle d'armes. La tour du beffroi avait été réparée à l'économie et en modifiant sa distribution pour en utiliser les étages. Les corps de garde de la porte haute du sud et de la porte nord "du secours" sont mis en place après 1610, de même qu'une citerne et un petit magasin à poudres (associé à un corps de garde) plaqués au sud du soubassement rocheux de la muraille médiévale transversale, dans le secteur du "donjon". Le passage direct entre ces deux moitiés de la citadelle, percé dans le roc à côté de ce magasin à poudres, et défendu au nord par un petit ravelin, existe déjà en 1609 quand Jean de Beins fait le relevé de la citadelle, de même que le second passage de même nature situé plus à l'ouest, qui s'ouvre alors au sud hors l'enceinte de la citadelle, et non dans le demi-bastion ouest, qui n'existe pas encore. Le plan de Jean de Beins, et l'un des plans anonymes qui parait remonter aux années 1610, donnent une information intéressante : l'itinéraire d'accès de la ville à la citadelle y est figuré comme entrant dans la première enceinte non par la porte sud et son ravelin, entre les deux bastions, mais par le flanc nord à orillon du bastion sud-ouest. Les plus précis des dessins de Martellange créditent cette disposition particulière, apparemment conçue comme provisoire, dont les Bonnefons père et fils pouvaient voir des modèles antérieurs à Saint Paul de Vence et au Fort Carré d'Antibes.

Les réparations de la fin du XVIIe siècle et le projet de Vauban

En 1690, Louvois, ministre de la guerre, fait établir un "Estat des ouvrages à faire à Cisteron pour mettre cette place en estat de deffense" à l'ingénieur militaire Jean-Louis du Cairon.

Ce rapport daté du 23 février 1691 nous apprend que depuis quelques décennies, la place "a esté si fort négligée que tout y tombe en ruyne et à peine y peut-on loger la garnison et les munitions qui y sont necéssaires pour sa déffense". Le corps de caserne et magasin de la partie nord est ruiné, le toit du logement du gouverneur et celui du lieutenant du roi, ou "donjon" ne sont pas hors d'eau; le corps de garde du donjon tombe en ruines. La plupart des parapets de l'enceinte nord et ses cinq "guérites" abattues par "l'impétuosité des vents", sont à rétablir. Les remparts sont aussi restés inachevés sur les bastions du front nord. Le demi-bastion mentionné comme un ouvrage seulement ébauché, non terrassé et sans parapets, parait correspondre au demi-bastion ouest qui ne figure jusqu'alors sur aucun plan , notamment pas sur le plan (antérieur et remployé ?) qui accompagne le rapport. Apparemment, l'organisation des bastions du front sud n'avait pas été achevée. Les réparations et finitions remédiant à cet état des lieux figurent au projet chiffré de du Cairon, complétées par des améliorations telles que l'accroissement des bâtiments de casernement par surhaussement d'un étage, la création d'une "faulce-braye" ou enceinte basse enveloppant le pied de l'enceinte sud de la citadelle en absorbant le ravelin de la porte. On note aussi le projet d'améliorer l'ancienne muraille qui subdivise la citadelle au point haut du site, notamment pour faciliter l'utilisation des tours la jalonnent, l'une servant de prison (sans doute la tour du beffroi) : du Cairon propose de transférer le magasin à poudres dans la tour "des prisons", et préconise que soit "rétabli sur des consoles de pierre de taille un chemin de communication" (chemin de ronde d'arase) entre cette tour et la suivante, plus à l'ouest "qui est impraticable, et très nécessaire". Dans les faits, c'est tout le chemin de ronde qui sera refait avec escalier d'accès au milieu de son développement et double parapet, en faisant porter le surcroît de largeur non sur des consoles, mais sur une série d'arcades sur contreforts (du même type que celles, enterrées sous les remparts, qui portent les chemins de ronde des fronts bastionnés).

Ces hautes arcades plaquées, très caractéristiques de l'aspect sud de la citadelle (sauf sur les dessins de Martellange), ne datent donc que de 1691. Hors l'enceinte sud de la citadelle, l'ingénieur propose d'enclore d'un mur les terrains en pente vers la ville pour les annexer à la citadelle. A l'exception de ce dernier article, l'ensemble du projet "des dépenses indispensables à faire à la citadelle de Siseron" chiffré à 17021 livres, est approuvé par Louvois le 4 mars 1691, précisant que "la dépense des ouvrages que le roi a résolu de faire faire à Sisteron ceste année se monte à la somme de 16420 l. dont il sera envoyé un quart dans le présent mois, et le reste dans les sept mois suivants".

Peu avant l'échéance des sept mois, les travaux étant en cours d'exécution, un nouveau plan de projet signé Gombert , comportant des articles supplémentaires, principalement une nouvelle caserne près de celle en ruines du nord-est, et un magasin à poudres à créer au nord-ouest, est adressé au département des fortifications de terre et de mer, et retourné le 19 octobre 1691 par Vauban, qui demande complément d'information.

Finalement, Vauban est dépêché par le roi d'aller faire une tournée d'inspection des places du Dauphiné et de la Haute-Provence, afin d'établir des projets nécessaires à leur amélioration. Cette tournée a lieu de septembre à début décembre 1692 et le conduit à Sisteron. Cette visite et le projet qui en découlent se font en collaboration avec Antoine Niquet, son directeur des fortifications pour la Provence, connu pour son caractère impétueux et indépendant. De fait, dans le rapport-projet de Sisteron daté du 21 décembre 1692, comme dans celui sur Embrun rédigé immédiatement avant, Vauban et Niquet se montrent très sévèrement critiques sur les travaux qui viennent d'être exécutés dans ces deux places. Pour Sisteron, Vauban, qui trouve admirable la situation de la citadelle écrit : " ...la figure en est bizarre et sa fortification à plusieurs estages très mal ménagée et bâtie à differents temps par gens qui n'ont sceu faire employ des avantages de sa situation (...) A tout prendre, la citadelle n'a pour déffaut que les commandements (...) qui se peuvent corriger, et les malfaçons vieilles et nouvelles de sa fabrique, les vieilles en ce que son revestement est petit, bas, mal fondé et basty de très mauvais matériaux, et les nouvelles en ce que les gens que l'on y a employez depuis peu, n'estant pas capables d'un bon dessein, ils ont un peu brouillé et basti de travers, c'est à dire mal et très faiblement; on a fait la même faute à Embrun, en y envoyant le sire de La Vigne qui trouva moyen en fort peu de temps de démolir ce qu'il y avait de bons ouvrages, de conserver les mauvais et de gâter tout le parapet...".

Dans les articles du projet rédigé par Niquet, il est proposé de détruire à peu près toutes les "améliorations" qui viennent d'être faites à l'enceinte sud : parapets, voûtes des casemates actives des flancs des bastions, organisation des remparts de ces bastions, et l'ensemble du demi-bastion ouest "qui a esté mal disposé et mal basti l'année dernière" (ce qui confirme que ce demi-bastion n'est pas antérieur à 1690). Le projet comporte l'achèvement de la "fausse-braie" prévue autour de l'enceinte sud, en la limitant au seul front sud ou elle a été largement commencée : cet article est annoté "fait" par Vauban, à la date de transmission du rapport au ministre Lepelletier (6 janvier 1693). Dans la lettre d'accompagnement, Vauban précise qu'il a marqué d'une croix "les articles les plus pressés", conscient de l'ampleur et du coût disproportionnés de certains travaux proposés, comme la réfection intégrale des rampes d'accès selon un plan et un profil différents, la démolition d'une partie de la seconde enceinte sud, dont le bastion 6, à remplacer par une tour bastionnée, la création de souterrains, d'une demi-lune à l'ouest de l'enceinte sud, ou encore l'escarpement régularisé des pentes devant les fronts ouest et sud, précisant que ce dernier "ruinera le chemin de la ville à la citadelle". Les articles marqués d'une croix très peu nombreux (3 sur 26), seront seuls pris en compte. Le premier, qui demande la construction d'un nouveau corps de casernes double de deux et trois étages à l'emplacement du bâtiment ruiné du nord-est, choisi pour la présence d'une citerne, ne sera pas suivi d'exécution, malgré l'insuffisance du corps de caserne de la deuxième enceinte sud "ou l'on peut à peine loger les officiers et soldats de deux compagnies". Le second article pose la question des magasins à poudre, partant du constat -déjà fait en 1690 et 1691, que celui existant est trop petit, mal placé, et pas à l'épreuve des bombes. Il est proposé d'en construire deux de conception moderne, "avec cave au dessous", dans l'enceinte nord: un seul sera construit, à l'emplacement proposé par Gombert en 1691. Le dernier article propose le voûtement à l'épreuve du puits de la citadelle, bon à conserver bien qu'il "demeure quelquefois à sec". Le grand projet de Vauban et Niquet ne s'est donc soldé en définitive que par la réalisation d'un nouveau magasin à poudres, et ce bien que l'ensemble des autres articles ait été présentés à nouveau en 1699 et en 1704.

Après la mort de Vauban, l'idée d'un programme ambitieux est abandonnée. Il ne sera pas exécuté, mais l'idée reviendra plus tard. Le XVIIIe siècle n'offre guère qu'une suite de projets non réalisés.

En 1718, un projet signé Sierck propose, en plus de travaux de gros entretien, la destruction du "donjon" (ancienne chapelle) pour en faire une plate forme avec souterrain et citerne.

Le projet de reconstruction du bâtiment de casernes et magasin du nord-est revient en 1759 dans le projet général de l'officier Légier. A cette date, le corps de garde de la porte de secours (nord) est à rétablir, ce qui ne sera pas fait, cette porte inutilisée en temps ordinaire étant progressivement condamnée, faute d'entretien suffisant. La demi-lune ouest du projet Vauban réapparaît sous la forme d'un redan projeté qualifié de "place d'armes", sur le mur de ville près de son raccordement à la citadelle.

Dans le projet général signé Geffroy et de Caux le 1 décembre 1773, c'est à nouveau la demi-lune telle que l'avait dessinée Niquet qui est projetée au front ouest de l'enceinte sud, jugé trop vulnérable; ses parapets sont encore à réformer, de même que ceux de tous les fronts bastionnés extérieurs. Autre retour d'un article du projet Vauban-Niquet: une caserne neuve à double profondeur à la place de celle, ruinée, du nord-est; toutefois, le projet en propose une deuxième, semblable, près du magasin à poudres. Ce nouveau projet général en 10 articles est reconduit d'années en années, avec peu de variantes, jusqu'en 1790, par de nouveaux officiers du Génie et directeurs, principalement Tournadre et de Rosières, tandis qu'on s'emploie, sur les crédits d'entretien, a réparer progressivement les parements dégradés de l'ensemble des escarpes.

Par la loi de l'Assemblée Constituante du 10 juillet 1791, la place de Sisteron est " comprise dans la classe de celles dont il suffit d'entretenir les bâtiments militaires". La dépense proposée pour 1792 par l'officier Lapeyrouse se borne donc aux entretiens annuels, même si le projet de 1773 "pour mettre cette place dans un état désirable" est rappelé pour mémoire. En 1792, Mévolhon, chef de légion de la garde nationale fait l'inventaire de l'artillerie de la citadelle, qui se borne à "seize pièces bâtardes (...) sur leurs affûts" et préconise "qu'on y joigne quatre pièces de campagne faciles à transporter sur tous les points de la citadelle, qu'on envoie quelques canonniers instructeurs et l'ennemi ne pourra approcher qu'en force et avec du canon, et les magasins seraient par conséquent à l'abri...."

Les travaux du XIXe siècle

Durant tout le premier quart du XIXe siècle, la citadelle ne fait l'objet que de travaux d'entretien ordinaires, des réparations de parements soufflés, les dépenses extraordinaires étant plutôt réservées au mur de ville, qui intercepte directement la grande route de la vallée de la Durance, et les projets d'ouvrage nouveaux (non concrétisés) ne concernant que des positions détachées sur les hauteurs environnantes. Le "mémoire sommaire sur la place de Sisteron" du 17 août 1814, signé Lavocat, précise que la citadelle manque de casemates et d'établissements voûtés à l'épreuve: "il n'y a que le magasin à poudres coté 29 (... ) Autrefois il y avait des casernes casematées (au nord-est) mais à peine en parait-il des vestiges aujourd'hui: on ne croit pas indispensable d'y prévoir des établissements de ce genre, car la place ne pouvant soutenir un siège, il suffit des tours de l'enceinte de la ville pour recevoir les approvisionnements...".

A partir de la décennie 1820 apparaissent deux préoccupations majeures concernant la citadelle et ses points faibles, qui détermineront désormais la logique d'intervention des projets :

-la première est la relative vulnérabilité, déjà constatée, du front ouest / sud-ouest, faiblement escarpé et insuffisamment défilé des positions dominantes environnantes. Ceci donnera lieu à divers projets justifiés par des plans de défilement actualisés d'une année sur l'autre.

-La seconde est la déconnection entre la citadelle et le point de passage de la grande route sur la Durance sur lequel elle n'exerce pas de contrôle direct (d'ou le soin apporté à l'entretien de la vieille enceinte de ville); la solution à terme consiste à isoler un retranchement défensif dans la partie nord-est de l'enceinte de ville, qui commande le pont, et à aménager sur l'escarpement rocheux est une communication directe entre ce réduit et la citadelle.

Résultant de ces deux réalités stratégiques, on assiste au cours du second tiers du XIXe siècle, a une valorisation et à un équipement très affirmés du secteur nord-est de la citadelle, retranché à l'intérieur même de l'enceinte nord par les deux branches de la "tenaille" construite en 1611, à la fois très peu exposé aux vues et aux tirs ennemis, et bien placé comme point de départ de la communication au réduit bas commandant le pont sur la Durance.

Ce réduit réservé sur une petite portion de l'enceinte de ville comportant la porte nord dite "Saunerie" sera concrétisé avec difficulté et lenteur, mais il est considéré comme une annexe de la citadelle dès sa conception. Ce statut, qui impose la difficile mise en communication de l'un à l'autre, sera concrétisée avant l'achèvement des travaux, par le déclassement de l'enceinte de ville décrété le 6 décembre 1842. L'objectif recherché est clairement exposé par le colonel Lenoir, auteur du projet général de 1839 qui représente le projet, ajourné depuis 1827, du réduit (alors appelé "coupure", parce qu'il est retranché de la ville par un fossé nécessitant la démolition de nombreuses maisons situées en arrière de la porte Saunerie): "Le principal avantage que présente l'établissement de la coupure est de donner à la citadelle deux propriétés dont la ville seule est aujourd'hui en possession, savoir, 1°) de fermer exactement la route royale n° 85 située sur la rive droite et de garder de très près la route départementale n° 17, située sur la rive gauche, seules voies par lesquelles les voitures puissent remonter ou descendre la vallée de la Durance. 2°) De garder le pont de cette rivière de manière à pouvoir en user et en interdire l'usage à l'ennemi. Ces propriétés, les plus importantes de celles dont jouit la ville, ainsi reportées à la citadelle, rien ne s'opposera à l'abandon de la vieille muraille qui entoure la ville"

L'auteur du projet général pour 1822, Urtin , consacrait déjà son article 5 à la question, toute nouvelle alors, du réduit, suggérée par le colonel du Génie Izoard qui exprimait pourtant de sérieuses réserves dans ses apostilles: Cet article était proposé "...sur la demande du comité (des fortifications), dans l'intention d'avoir en ce point un fort isolé indépendant des dispositions des habitants, et communiquant avec la citadelle. La dépense qu'entraînerait l'exécution de ce projet paraît au dessus de son utilité, ce fort ne pouvant résister à l'artillerie, et les redans cotés 10 de la citadelle battant suffisamment la grande route quand on aura baissé les créneaux, ainsi qu'on le propose dans l'art 13 (Le projet de 1822 comporte aussi l'établissement de trois batteries sur les fronts nord-est, dans le retranchement intérieur de l'enceinte nord de la citadelle). On pourrait remplir à peu près le même but en construisant une galerie crénelée des deux côtés perpendiculairement à la remise située en avant de la porte de la Sonnerie qu'on crénèlerait, et en construisant un escalier pour communiquer à la citadelle (...) Enfin, si l'on trouve ces dépenses au dessus des résultats qu'elles donneraient, on se bornerait, au moment du siège, à couvrir la porte de la Sonnerie par une palanque (...) on réparerait simplement le pont de la Durance, on crénèlerait au moment de la mise en défense les maisons qui ont des vues sur les points ou l'ennemi pourrait se présenter." Dans ce projet général, un retranchement clos de murs est proposé en tête du pont de la Durance, au hameau de la Beaume, pour former une défense avancée, idée définitivement abandonné en 1827. Dans l'intervalle, il a été donné à ce projet de retranchement en rive gauche de la Durance une ampleur très variable (vaste dans le projet de 1823, restreint en 1824, rélargie en 1825, en réutilisant un mur de clôture du XVIe siècle, retour au dessin de 1824 en 1826 ); certaines années (1823, 1824 ) il est accompagné d'un projet de tour-témoin sur le rocher de la Beaume.

La question de la communication en escalier entre la citadelle et le réduit, rendu difficile du fait du caractère abrupt et tourmenté de l'escarpement rocheux, a donné lieu à plusieurs solutions concurrentes; les premières sont rappelées, avec celle d'actualité, dans le projet général de 1839 : "On a proposé, en 1823, de descendre de la citadelle par la ravine, au moyen d'escaliers en zigzag couverts par des murs crénelés. Le comité dans ses apostilles sur les projets pour 1824 indique une communication composée de tours rondes placées dans la ravine les unes au dessus des autres et destinées à couvrir les escaliers qui les réuniraient .

La combinaison proposée cette année consiste en escaliers à noyau plein montant verticalement et reliés par les paliers horizontaux couverts eux même par des parapets ou des murs crénelés."

Toujours en 1839, on projette de remplacer l'ancien bâtiment de caserne et magasin en ruines du secteur retranché nord-est de la citadelle, considéré -avec le donjon- comme le "dernier réduit", par deux nouveaux bâtiments d'axe est-ouest : d'une part une caserne-traverse de 170 hommes voûtée au rez-de-chaussée, d'autre part, sur l'emplacement même de l'ancien bâtiment, un magasin-traverse voûté à l'épreuve, en simple rez-de-chaussée, servant de parados à la porte d'entrée du retranchement. A partir de l'année suivante, sur les deux éléments n'est plus proposé que le magasin . Dans la même logique de polarisation sur ce secteur nord-est de la citadelle, de préférence au secteur sud, plus vulnérable et tributaire de la ville dans son accès, le projet de 1839 comporte la réhabilitation de la porte nord de la citadelle (murée), ancienne "porte de secours", ce qui nécessite la mise en oeuvre d'une nouvelle rampe d'accès carrossable en lacets, mieux tracée que l'ancienne, ruinée. Le projet de caserne casematée abandonné au nord-est réapparaîtra en 1843, sur le front et la porte nord, mais restera sans suite.

L'ensemble de ce vaste programme de réorganisation défensive est effectivement lancé à partir de cette année 1839, et ne souffrira que des modifications de détail, parfois importantes, mais ne remettant pas en cause la cohérence générale.

Les principaux tâtonnements concernent la "coupure" et l'escalier qui doit la relier à la citadelle. En 1840, pour des raisons d'économie il n'est plus question que d'escaliers à ciel ouvert en zigzag, et d'une "coupure" permettant le maintient de nombreuses maisons en place dans le réduit. Sur avis du comité rendu sur ce projet, la conception de l'escalier de communication à la citadelle change radicalement dans le projet de 1841, présenté par le capitaine Desmont et le directeur Montmajour : il s'agit désormais d'un escalier tunnel foré dans le rocher plus au nord, percé de "cavernes" de prises de jour au nord. Ce parti définitivement adopté sera mis en oeuvre en commençant par le point haut, dans la citadelle, entre 1841 et 1844, en phase avec la construction de la "coupure", sous la direction du capitaine du Génie Léon Dessessart. La "coupure", désormais appelée "retranchement" se compose désormais de deux sous-ensembles ou réduits : d'une part, au débouché inférieur de l'escalier en tunnel et au dessus de la voie publique, un petit ouvrage actif complexe directement associé à l'ancienne "porte Saunerie" de l'enceinte de ville (et coté 45, comme cette porte) d'autre part un autre petit réduit en contrebas de la porte et de la rue, constitué à partir de la tour d'angle nord-est de l'enceinte de ville, cotée 44, lié à la desserte d' une poterne, et commandant directement le pont sur la Durance. C'est ce dernier élément qui sera achevé en dernier, en 1850, en même temps que la modification radicale de l'ancienne tout-porte "Saunerie", inchangée jusque 1849. Des maisons anciennement contenues dans ce secteur ne sera rien conservé, excepté une petite portion servant de corps de garde entre la porte Saunerie et le réduit-poterne 44.

En 1843, l'organisation du retranchement intérieur nord-est de la citadelle, avec ses batteries et son magasin-traverse voûté, est entièrement reconsidéré en implantant ces éléments selon un axe nord-sud; un mur de séparation est projeté entre le secteur bas (nord) du retranchement, et le secteur haut, immédiatement au pied du donjon : la réalisation de ce programme ne se concrétisera qu'entre 1845 et 1849, comportant de plus la reconstruction de la porte à pont-levis du retranchement, sur un fossé creusé à neuf, et l'aménagement de "cavernes-abri" en deux points du rocher du donjon.

Après 1848, tout projet de caserne au nord étant abandonné, on s'emploie à améliorer la communication entre la seconde enceinte sud, où sont groupés les trois bâtiments militaires de la citadelle, et le retranchement nord-est: le cheminement passant au nord du rocher du donjon, derrière la branche nord de l'ancienne "tenaille", est rendue aisément praticable, en partie en escalier, et défilée par une série de traverses-murs.

Le projet de caserne de 160 hommes est déplacé dans la première enceinte sud de la citadelle, sur le bastion sud-est (en 1847), sur celui du sud-ouest (a partir de 1848), puis sur l'esplanade entre les deux bastions du front sud (en 1855). Il ne sera pas réalisé, mais d'importants réaménagements seront apportés aux trois bâtiments existants. Le problème du défilement des fronts sud et ouest fait l'objet de plusieurs projets successifs de remparts à parapets en terre, avant d'être résolu dans le projet de 1855 par la création en avant du front ouest d'un grand ouvrage extérieur en terre aussi haut que la courtine et les bastions, en forme de tenaille, formant contrescarpe revêtue du côté du front ouest, et profilé en glacis vers l'extérieur. Réalisé à partir de 1860, cet ouvrage détruisit le segment de l'ancien mur de ville entre son point de raccordement à la citadelle et l'ancienne "fausse-braie" sud. Il faut toutefois noter que la dernière tour de l'enceinte urbaine (cotée 31) qui précède la longue courtine alors détruite, est considérée dans la seconde moitié du XIXe siècle comme une dépendance de la citadelle, du fait de sa position dans la zone de servitude militaire et de sa capacité à servir de guérite surveillant la porte de la "fausse-braie"

Le gros rempart de contrescarpe défilant complètement le front ouest est lié dans sa conception à l'idée de créer une porte au milieu de ce front, idée proposée en 1853-54 pour remplacer fonctionnellement l'entrée traditionnelle de la citadelle; dans le projet de 1855, la porte n'est plus prévue mais elle réapparaît dans celui de 1857 sous forme d'une poterne reliée à une petite demi-lune (réminiscence du projet Vauban-Niquet), elle-même emboîtée dans le gros ouvrage extérieur en tenaille. Cette même année, c'est la seconde enceinte qu'on prévoit de percer d'une nouvelle porte, dans la face ouest du bastion sud-ouest.

La nécessité s'affirme d'améliorer les circulations et les accès des deux enceintes sud, dont les portes d'origine, avec pont-levis à flèches, précédées de rampes étroites, tortueuses et pentues, sont considérées comme incommodes, sinon impraticables pour les attelages, qui empruntent la porte nord réhabilitée. La solution adoptée à partir de 1859-1860 est le percement de deux nouvelles portes à pont-levis modernes (système Lacoste) percées dans le flanc nord du bastion sud-ouest de chacune des deux enceintes de la moitié sud de la citadelle : les cheminements d'accès s'en trouvent à la fois mieux défilés (un gros rempart est établi dans la première enceinte pour masquer le front ouest et la nouvelle porte de la seconde ) et mieux tracés et profilés. La porte de la seconde enceinte est achevée dès 1861, celle de la première, avec sas au revers de l'orillon du XVIe siècle, étant en cours de travaux. La réalisation de ces nouvelles portes s'accompagne de la condamnation partielles des anciennes, au sud : celle de la seconde enceinte est masquée par une recharge de parement et remplacée par une porte piétonne basse. A la porte de la première enceinte, maintenue dans un premier temps, on supprime le pont-levis délabré et on maintient en service la seule piétonne, en 1875. A partir de 1863, seuls des crédits d'entretiens furent alloués pour la citadelle, dont la valeur en tant que fortification était dépassée (parce que insuffisamment défilée) du fait de la diffusion de l'artillerie rayée qui permettait des tirs précis à très longue portée. La place n'était pas considérée comme d'importance stratégique suffisante pour justifier la création de forts d'arrêt détachés qui l'eussent réactualisée. Des empiètements et concessions à l'administration civile sont consenties, comme, en 1869, la cession à la ville de Sisteron de la casemate du flanc droit du bastion sud-ouest de la première enceinte, pour servir de magasin à poudres à l'administration des contributions indirectes, ou, la même année, l'affermage à la ville de partie des terrains militaires aux abords de la citadelle. Le déclassement militaire de la place-forte est décrété en 1894.

Du déclassement militaire au Monument Historique

En novembre 1895, le chef du Génie local accepte le principe, proposé par les ingénieurs des Ponts et chaussées chargés de l'amélioration de la route passant sur le pont de la Beaume, de la démolition de la tour cotée 44, dite "de la Gardette" qui fait partie du retranchement bas, annexe de la citadelle, constitué autour de l'ancienne porte Saunerie dans les années 1840. Cette démolition, cautionnée par l'inspecteur des Monuments Historiques Paul Boeswilwald, n'eut lieu que quelques années plus tard, alors que la citadelle avait été désarmée. Une maison avait été construite peu avant sur le bastion sud-est pour servir de logement au personnel de garde du Génie chargé de la surveillance des bâtiments militaires inoccupés. Au début de l'année 1910, l'administration des Domaines, compétente depuis le déclassement militaire, envisage la mise en vente des terrains et bâtiments de la citadelle par adjudication publique, ce qui justifie un rapport de l'architecte départemental des Monuments Historiques Jacob, en date du 17 mars, demandant le classement au moins partiel du monument pour écarter le risque de

démolition de la citadelle par ses éventuels acquéreurs.

L'affaire en reste là quelques temps, et la première Guerre Mondiale redonne du service à la citadelle, utilisée comme centre de détention pour les prisonniers de guerre allemands, d'ou appropriation des bâtiments, dont l'ancienne chapelle.

En Juin 1924, la citadelle est à nouveau à disposition des Domaines, et susceptible d'être mise en vente. Le maire de la ville, Paul Paret, se porte acquéreur au nom de la municipalité, qui forme en juillet un voeu pour le classement déjà proposé en 1910. Deux personnalités politiques, dont un ancien ministre des Beaux-Arts, le sénateur André Honorat, interviennent auprès du ministre en exercice, François Albert, qui charge l'architecte en chef Henri Huignard d'instruire un dossier de Classement. La protection retenue par arrêté du 11 février 1925 est le classement des "rempart supérieur, tour de l'horloge, chapelle et échauguette dite guérite du diable de l'ancienne citadelle de Sisteron", tandis que l'ensemble est classé au titre des sites.

En 1926, l'accroissement de la circulation automobile qui emprunte la route nationale 85 traversant la ville fait juger trop étroit le passage obligé par l'ancienne porte Saunerie, rebaptisée "porte du Dauphiné"; au prix d'un "rabotage" du rocher, une seconde arche de passage est ouverte à côté de la première en sous-oeuvre de la partie construite dans les années 1840, au cours de l'année 1928.

Cependant, les pourparlers entre la ville et les Domaines pour l'achat de la citadelle, commencés en 1926, n'aboutirent laborieusement que le 2 juin 1928, après une intervention du président du conseil Raymond Poincaré, qui avait permis de réduire le prix exigé de 200.000 f. à 30.000 f. Aussitôt propriétaire, la ville fit aménager un théâtre de verdure au milieu de l'enceinte nord.

Les projets de travaux de restaurations proposés dès mars 1926 sur les parties classées par l'architecte Huignard (couverture de la tour de l'horloge, parapets du chemin de ronde) pour des raisons sanitaires et sécuritaires, n'avaient pu aboutir compte-tenu de la situation juridique transitoire. C'est l'architecte en chef Albert Chauvel qui réalisera la plupart des gros travaux à partir de 1931 : d'abord, restauration du chemin de ronde de la courtine haute, puis pose d'une nouvelle couverture sur la tour de l'horloge, reprise du toit de la chapelle avec suppression des cheminées; en 1934, démolition du bâtiment à usage carcéral situé à l'est de la chapelle, remplacé par une plate-forme avec table d'orientation. Enfin, sur approbation de juin 1936, décloisonnement intérieur et restauration de la chapelle, avec pose de vitraux.

Le déclenchement de la seconde guerre mondiale entraîna une nouvelle réquisition de la citadelle affecté durant l'occupation à un "centre de séjour surveillé" ou camp d'internement géré par la direction générale de la police nationale du gouvernement de Vichy, ce qui contraignit à construire de nouveaux bâtiments, la plupart sous forme de baraquements provisoires.

Le 15 août 1944, les bombardements aériens alliés sur Sisteron occasionnèrent d'importants dégâts à la citadelle, principalement à la chapelle, lourdement ruinée (voûtes entièrement effondrées, murs gouttereaux et façade ouest échancrés) et aux bâtiments militaires de la moitié sud, tous partiellement détruits ou soufflés par les bombes. La "porte du Dauphiné" en contrebas à l'est, est détruite en totalité par les bombes. Des travaux de déblaiement partiels de la citadelle (chapelle...) sont entrepris en 1946, financés par les monuments historiques, sur un devis de M. Colas, mais si quelques consolidations ponctuelles au béton armé sont effectuées, aucune reconstruction n'est entreprise à court terme.

La reconstruction à l'identique d'un seul des bâtiments militaires, celui du front ouest de la seconde enceinte sud, initialement construit vers 1610, fit l'objet d'un devis descriptif remis à la ville le 15 juin 1950 par Jean Jacques Recours, architecte DPLG agréé par le département des Basses-Alpes, mais le projet resta sans suite. Devant l'inaction sur la citadelle de la ville, mobilisée par ses propres travaux de reconstruction, et du service des Monuments Historiques, qui ne suscite aucun projet, ne serait-ce que sur les parties classées comme la chapelle, une association locale "Arts-Théatre-Monuments" se constitue en 1955, notamment sous l'impulsion de M. Pierre Colomb, avec pour double vocation de restaurer la citadelle et d'y rouvrir le théâtre de plein-air qui avait été actif entre 1928 et 1939. L'oeuvre de restauration, financée principalement par le produit des entrées, est entreprise dès la fondation de l'association A.T.M., maître d'ouvrage employant une équipe permanente de maçons en régie directe. Elle commence par le déblaiement des décombres encore en place, y compris les ruines laissées dix ans sans soins, des anciens bâtiments militaires (ruine aggravée par l'abandon et le pillage), donc aucun n'est reconstitué; elle se prolonge par le rétablissement des escaliers et des revêtements en "calade" des chaussées et rampes d'accès traditionnelles, avec mise en valeur de dispositions d'origine, comme certains dispositifs de portes, les échauguettes décapitées ou détruites. Les parapets, les terrassements et certaines casemates ont également été reformés , principalement dans les années 1960 et 1970, bénéficiant sur le tard d'aides financières ponctuelles du département ou de la direction du Patrimoine. Le programme de restauration de la chapelle Notre Dame n'est lancé par le service des Monuments Historiques qu'en 1967, et conduits successivement par les architectes en chef Jean-Claude Rochette (1967-1974) et Dominique Ronsseray (1974-1980).

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Le site occupé par la citadelle, au nord / nord-ouest de l'agglomération de Sisteron, est une colline rocheuse qui au sud se détache en isthme des versants ouest de la vallée de la Durance, et domine au nord le confluent du Buech dans la Durance et une vaste plaine alluviale régnant entre les deux cours d'eau. La colline est formée sur un plissement anticlinal qui forme une longue arête rocheuse d'axe est-ouest brutalement coupée par la cluse livrant passage à la Durance. La particularité du site de la citadelle est que l'arête rocheuse, tranchée abruptement à l'est par la cluse, domine et sépare nettement en deux les versants nord et sud de la colline . A l'ouest, une coupure beaucoup moins profonde retranche l'arête et une partie des pentes de la montagne voisine, dite de Chambrançon, dans laquelle se continue le plissement. La Cluse et le passage de la Durance vus de la citadelle.La Cluse et le passage de la Durance vus de la citadelle.

La citadelle offre donc la particularité d'être composée de deux moitiés dissymétriques construites sur les pentes sud et nord et séparées de manière presque étanche par l'arête rocheuse transversale, à peu près rectiligne. Cette arête rocheuse formant le point haut du site, légèrement déclive d'est en ouest, porte une longue muraille scandée de tours rectangulaires (14, 18-20) qui constituait au moyen-âge le front nord de l'enceinte de la ville. A l'est, cette muraille se fond dans une étroite plate-forme aménagée sur le rocher au point le plus haut, avant d'être arrêtée par l'abrupt de la cluse, plate-forme sur laquelle est fondée la chapelle Notre Dame du Château (19). L'abrupt de la cluse coupe la continuité du front nord de la muraille de ville dans le tiers est de son développement entre le point le plus haut (Notre Dame du Château, saillant 20) et le plus bas (angle nord-est de l'enceinte et porte nord, dite "porte Saunerie", 44-45). En revanche, le retour d'angle nord-ouest de l'enceinte de ville, devenu au XVIe siècle le raccord entre le mur de ville et la citadelle, n'a été supprimé, avec 150 m de muraille médiévale, qu'en 1860. La déconnection actuelle entre la citadelle et la vieille enceinte urbaine est donc un fait relativement récent, et postérieur au déclassement de cette dernière.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

De fait, la moitié sud de la citadelle a été construite entièrement dans l'emprise de cette enceinte de la ville. Les pentes de la colline, fort escarpées de ce côté, ne permettaient évidemment pas d'aménager une vaste plate-forme bastionnée uniforme de plan orthogonal , mais les trois fronts de cette moitié sud ont été dessinés en plan avec un souci affirmé de régularité, en optant pour deux (voire trois) enceintes emboîtées très rapprochées qui permettaient, par leur échelonnement vertical, ou autrement dit : pyramidal, d'occuper au mieux les positions de tir d'artillerie offertes par la topographie du site, et de morceler les rampes et escaliers d'accès aux points hauts, tout en donnant le maximum de planéité au sol intérieur de chacune des enceintes. Le plan d'ensemble de cette moitié sud (3-4-5, 19) est un trapèze qui suggère un plan centré contrarié par la nécessité de l'adosser à l'arête rocheuse. Il semble que dans la conception initiale, une recherche de géométrie, partiellement esthétique, l'ait emporté sur la stricte rationalité défensive, à en juger par le jugement sévère rendu par Vauban en 1692.

La première enceinte, ou enceinte basse, de plan trapézoïdal adossé au nord à l'arête rocheuse, comporte un front d'entrée (3-4) au sud, surplombant la ville, encadré de deux bastions d'égale ampleur avec porte (2) décentrée à gauche, et précédée d'un chemin couvert ou fausse-braie à redans (1). Le bastion sud-ouest (4) comporte un orillon sur son flanc nord, dans lequel a été aménagée dans les années 1860 la nouvelle porte de la citadelle. Le front ouest (4-5) de l'enceinte basse se termine au nord par un demi-bastion (5) qui s'appuie contre l'arête rocheuse. Le front est (3-19) n'est qu'un mur de soutènement à redan, commun à la seconde enceinte, reliant le bastion sud-est (3) au socle rocheux de Notre-Dame du Château. La seconde enceinte, ou enceinte haute, est emboîtée dans le tiers nord-est de l'aire de la première, dont elle reproduit en plus resserré et en moins régulier, les dispositions en plan : front d'entrée entre deux bastions (11-13), et porte (12) décentrée à gauche, front ouest terminé par un demi-bastion, nouvelle porte de 1860 dans le flanc nord du bastion sud-ouest. Les portions de courtine entre bastions sont réduites à de courts segments. Le bastion sud-est (13), dépourvu de flanc ouest, a une forme particulière "tenaillée" (angle rentrant) en capitale; sa face et son flanc est se confondent avec le mur est de la première enceinte. Du fait de la pente naturelle du rocher, la seconde enceinte est subdivisée en deux secteurs en terre-plein, étagés : un secteur bas, qui s'étend sur les deux bastions et sur le front est, et un secteur haut, séparé du bas par un haut mur de terrassement, et incluant le demi-bastion nord-ouest. L'un et l'autre communiquent, non plus par une rampe de roulage, mais par un escalier à double révolution appuyé contre le socle de Notre-Dame du Château. Le château médiéval qui a précédé la citadelle devait se limiter, dans son dernier état, à un réduit occupant ce secteur haut de la seconde enceinte sud. Il reste de ce réduit médiéval une partie des murailles qui formaient une petite enceinte polygonale ou "chemise" adossée à l'arête rocheuse et abritant les volées de l'escalier d'accès à Notre-Dame du château. Enceinte sud de la citadelle, front ouest, flancs des bastions 11 et 4 avec portes 1860.Enceinte sud de la citadelle, front ouest, flancs des bastions 11 et 4 avec portes 1860. Les dessins du Père Martellange (1606-1608) montrent ces murailles encore hautes et couronnées d'un crénelage médiéval analogue à celui des courtines du front nord de l'enceinte de ville couronnant l'arête rocheuse.

La citerne (26), jadis enveloppée par cette muraille est peut-être aussi d'origine médiévale. La partie sommitale de cette moitié nord de la citadelle, aboutissement des séries de rampes et d'escaliers, est formée de la chapelle Notre-Dame du Château (19), dont le piédestal est élargi au sud par une série d'arcades sur contreforts d'un effet très monumental, et de la tour-beffroi carrée (18) détachée sur l'ancienne muraille de ville en avant de la façade ouest de la chapelle. On doit inclure dans cet ensemble un saillant ou souche de tour trapézoïdale (20) à l'est de la chapelle, qui a porté un bâtiment en simple rez-de-chaussée depuis 1600 jusqu'en 1933. Ce complexe architectural occupait symboliquement la position du "donjon" dans ce qui restait au XVe siècle du château, anciennement comtal, de Sisteron. Dans la citadelle créée à la fin du XVIe siècle, cette appellation de "donjon" a été réattribuée et appliquée plus spécialement à la chapelle qu'on avait désaffectée pour lui donner une fonction strictement militaire : cette mutation faite au détriment de l'affectation religieuse, qui n'a jamais été rétablie, même partiellement, est assez exceptionnelle, d'autant que beaucoup de citadelles comportent une chapelle à l'usage de la garnison.

La moitié nord de la citadelle, entièrement extérieure à l'enceinte urbaine, a un sol dénivelé en pente modérée; la majeure partie de son aire intérieure règne à un niveau moyen proche de celui de la première enceinte de la moitié sud, soit en net contrebas de la grande courtine de séparation. Son plan est un peu moins développé en profondeur (nord-sud) que celui de l'enceinte sud (profondeur dans l'axe de la porte de l'enceinte sud: 70m, de l'enceinte nord: 57m), mais beaucoup plus en largeur (maximum : 250m), d'ou un étirement considérable des fronts nord, et une quasi-absence d'un véritable front est. Malgré l'irrégularité très marquée du plan d'ensemble, dictée par les accidents du relief, les trois quart ouest, ou front nord stricto sensu (7-8-9) témoignent d'une recherche d'organisation symétrique, avec deux bastions (7, 9) équivalents pour la saillie des flancs et l'orientation des faces nord, encadrant une courtine au centre de laquelle est percée la "porte de secours" (8). Toutefois, le bastion nord-ouest est plus large, et sa face nord n'est pas rectiligne. Sa face ouest est dépourvue de flanc rentrant, mais se termine au contraire, à la faveur d'une avancée rocheuse, par un élément fortement saillant de l'enceinte ouest (6), au tracé "tenaillé" formant deux épis, qui ne peut être assimilé à un bastion, ni considéré comme un ouvrage à part entière. Le bastion nord-est, d'une échelle comparable à ceux de la première enceinte sud, est considéré depuis le XVIIe siècle comme un demi-bastion, car son aire a été recoupée par la "tenaille" ou enceinte intérieure construite en 1611 par Jean de Bonnefons : de ce fait, le mur qui lui tenait lieu de face est n'est plus que le premier pan du prolongement est de l'enceinte nord, formé d'une série de redans en angle obtus saillants et rentrants, enceinte qui se termine à l'extrême est par un étroit isthme avec guérite circulaire partant de fond en capitale, qu'une tradition assez ancienne surnomme "guérite du diable". La "tenaille" de 1611, en grande partie reconstruite dans les années 1846-1850 (22) divise l'aire intérieure de l'enceinte nord en deux parties inégales, pour retrancher le tiers est, sa branche nord partant du saillant du bastion nord-est (9) et sa branche sud finissant au pied de l'arête rocheuse et de sa courtine au point où s'appuie de l'autre côté, le demi-bastion de la seconde enceinte du sud. Au sud de ce secteur retranché (22), l'affleurement rocheux est à la fois plus large et plus haut que dans le reste de l'enceinte nord; c'est dans ce point haut que débouche la communication directe, percée dans l'arête rocheuse (17), depuis l'enceinte haute de la moitié sud de la citadelle , communication protégée au nord par un petit ravelin ou tambour au plan en étrave (15). Cette communication bénéficie d'une protection supplémentaire depuis 1611, par le fait qu'elle a alors été incorporée dans le retranchement nord-est fermé par la "tenaille" . La porte du retranchement, dans la branche nord, près de l'angle rentrant, est à sa place d'origine, quoique reconstruite et précédée d'un fossé après 1845 ; en revanche, la division du retranchement en deux secteurs, secteur bas au nord (10), secteur haut au sud (22) par un mur rectiligne, est une création des années 1845-1849.

Il existe une autre communication entre les deux moitiés de la citadelle, percée plus à l'ouest (16) dans l'arête rocheuse et débouchant au nord dans un secteur protégé d'un parapet crénelé (23). Elle ouvre au sud dans le demi-bastion ouest (5), mais elle existait avant la construction de ce demi-bastion vers 1690 et s'ouvrait alors hors de l'enceinte sud de la citadelle, mais dans l'emprise du mur de ville, sous la protection des tirs flanquants du bastion sud-ouest (4). Par ailleurs, si elle dispose de deux portes, l'entrée principale au sud (2) vers la ville (supplantée vers 1860 par la porte du bastion 4), et la "porte de secours" au nord (8), la citadelle n'a pas de poternes dans son enveloppe extérieure. La seule communication stratégique dérobée dont elle dispose vers l'extérieur est l'escalier en caverne foré dans le rocher en 1841-1844 à l'ouest de l'enceinte nord (46), associé à l'utilisation du front nord-est de la vieille enceinte de ville (porte 45 augmentée d'un réduit, angle et tour 44) comme retranchement défensif annexé à la citadelle pour lui permettre de contrôler, dans la cluse, le passage la grande route et le pont sur la Durance.

Aménagements particuliers et bâtiments

D'une manière générale, les angles saillants de la citadelle, spécialement ceux des bastions, étaient pourvus de guérites, qui, à l'exception de la "guérite du diable" prennent la forme d'échauguettes en encorbellement sur cul de lampe, de plan circulaire et couvertes d'un dôme de maçonnerie, avec cordon au raccord du cul de lampe, prolongeant celui qui courait au raccord entre la partie talutée et le parapet des fronts bastionnés. L'une de ces échauguettes, en capitale du bastion nord-est (9) se distingue toutefois par son plan octogonal et son encorbellement sur corbeaux, de même que par sa mise en oeuvre exceptionnellement soignée en pierre de taille. Le nombre et l'emplacement de ces "guérites", structures fragiles, a fluctué entre 1610 et nos jours, surtout dans la moitié sud de la citadelle. On en compte huit en tout actuellement (3 au sud, 5 au nord), dont plusieurs, décapitées lors du bombardement de 1944 et ont été rétablies à l'identique depuis. Il y en avait également huit en 1610 (2 au sud, 6 au nord), auxquelles furent ajoutées plus tard deux autres, au sud, en capitale des deux bastions du front sud de la première enceinte (3, 4), quand ces bastions furent achevés. En place en 1690, ces deux guérites ont été supprimées après 1810.Une autre a existé dans la même période à l'angle nord-est du saillant est du donjon (20). Secteur 22c : la guérite du diable dominant la Cluse.Secteur 22c : la guérite du diable dominant la Cluse.

Il y a peu de casemates souterraines isolées dans la citadelle : quatre casemates actives anciennes correspondant aux flancs des bastions (3, 4 , 7, 9) qui battent les fronts d'entrée sud et nord (portes 2 et 8), et une casemate passive (corps de garde) postérieure à 1860 associée à la porte du flanc nord à orillon du bastion sud-ouest (4), cette porte ayant peut-être remplacé alors une cinquième casemate de flanquement aménagée au cours du XVIIe siècle à la place d'une porte provisoire.

L'organisation des ouvrages de terre couronnant le remparts, sur les bastions ou les courtines: banquettes avec parapets à barbette, batteries, cavaliers, traverses, ne datait pour l'essentiel que du milieu ou de la seconde moitié du XIXe siècle. Très endommagés en 1944, et non "reformés" après, ces aménagements étaient déjà dégradés à cette date faute d'entretien depuis le déclassement de la citadelle, et certains avaient même été rasés (bastion 3). Les moins mal conservés sont ceux du retranchement nord-est, et celui du redan à double pointe du nord-ouest (6).

Les bâtiments militaires de la citadelle, quoique jugés très insuffisants par Vauban, ont été au cours des siècles assez nombreux, surtout au sud, dans la seconde enceinte, mais ils n'ont jamais comporté un véritable corps de casernes monumental conçu dans les normes en vigueur entre la fin du XVIIe et le milieu du XIXe siècle. Aujourd'hui presque tous, les plus anciens comme les plus récents, n'existent plus, à de rares exceptions près : Le magasin à poudres dit "de Vauban" (25) et le magasin-traverse casematé (10b), construit dans les années 1840 dans le retranchement nord-est, ont été épargnés par le bombardement de 1944, de même que la tour-beffroi (18) proche de la chapelle-donjon, qui fait partie des bâtiments militaires, ses étages ayant servi de prison. Les autres bâtiments, corps de garde compris, qui n'étaient pas voûtés à l'épreuve, ont été ruinés ou soufflés par les bombes, et leurs restes rasés et non reconstruits. Entre 1933 et 1936, deux "bâtiments" avaient été supprimés par les Monuments Historiques : les locaux aménagé dans l'ancienne chapelle (19) et ceux du saillant immédiatement à l'est (20).

Le puits de la citadelle (24) dans l'enceinte nord, n'est plus apparent depuis les années 1930. Les deux citernes, une petite dans l'enceinte sud (26), au pied de la chapelle, une autre dans le retranchement nord-est (21) sont anciennes. La seconde est un vestige du premier bâtiment militaire construit dans la citadelle, qui s'élevait au-dessus, tombé en ruines dès la fin du XVIIe siècle.

Nomenclature des ouvrages et bâtiments

Compte tenu de la complexité topographique et chronologique de la citadelle, à la fois monument à part entière et ensemble architectural comportant divers sous-ensemble, nous reprenons ici le principe adopté depuis Vauban consistant à "coter" par un chiffre ou une lettre les éléments de cet ensemble, ouvrages de défense et bâtiments. La nomenclature de ces éléments a beaucoup varié en deux siècles : celle retenue ici est un compromis entre le chiffrage en vigueur grosso modo depuis la fin du XVIIIe siècle, et un codage par lettres appliqué depuis le milieu du XIXe s aux bâtiments militaires pour répertorier des éléments non cotés auparavant.

Cette nomenclature ouvrage par ouvrage, dans l'ordre numérique et alphabétique, permet de donner des précisions qualificatives, descriptives ou chronologiques plus ou moins développées selon le cas.

1- "Fausse-braie" (terme fin XVIIe siècle) ou chemin couvert (XIXe siècle). Enceinte basse terrassée formant mur de soutènement précédant le front d'entrée de la citadelle et portant la dernière portion de la rampe d'accès montant de la ville.

Dans l'état initial de la fin du XVIe siècle jusqu'en 1690, n'existe de cet ouvrage que l'épi central couvrant la porte de la citadelle, qui est une demi-lune ou ravelin de plan grossièrement pentagonal, séparé du front d'entrée par un fossé. Les travaux commencés en 1690 le réduisent en hauteur et l'incorporent à une fausse-braie qu'on avait prévu d'étendre aux autres fronts de la citadelle. Parti modifié par Vauban et Niquet en 1692: la branche est s'arrête contre le bastion sud-est, et la branche ouest est prolongée jusqu'au mur de ville, et percée d'une avant-porte (30). Ces parties sont détruites en 1860. Une seconde avant-porte (entrée-billeterie actuelle) traverse la fausse-braie au droit de la pointe du bastion sud-ouest (4).

2- Porte principale de la citadelle, enceinte sud.

Dans un mur-écran en pierre de taille, porte charretière et piétonne (couvertes en plein-cintre) munies d'un pont-levis à flèches (dans l'état actuel, les rainures des flèches sont ouvertes par le haut et le sas de la porte est découvert). Porte construite fin XVIe siècle, non encore en fonction en 1609, sans doute parce que la chaussée d'accès et le ravelin protégeant le pont-levis étaient inachevée. En 1690, le ravelin est remplacé par une rampe d'accès entre murs de soutènement, coudée à gauche à angle montant de la fausse-braie à la porte, et comportant une partie en pont-dormant. Vers 1780, cette rampe est refaite sur un plan différent (deux fois coudé) longeant le flanc du bastion 4, avec une pente plus douce. La rampe se prolonge en formant un angle droit après la porte à droite, montant d'une volée rectiligne dans le rempart entre murs de soutènement jusqu'au sol en terre-plein de la première enceinte. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, la volée rectiligne était directement prolongée par un coude arrondi à gauche amorçant la rampe de la porte de la seconde enceinte (12), non sans desservir au passage la première enceinte. Toutefois on pouvait aussi accéder à celle-ci par un passage couvert à gauche du sas de la porte, contournant le corps de garde (29), desservant au passage la casemate de flanc du bastion 4, et débouchant dans l'aire centrale encaissée de ce bastion avant de remonter au niveau des chemins de ronde. Cet itinéraire est profondément modifié lors de la réorganisation du bastion 4 dans les années 1860. En 1869, la porte piétonne de la façade à pont-levis est condamnée, et la charretière maintenue, malgré le double emploi de cette porte avec celle nouvellement mise en fonction dans le flanc nord du bastion 4. Très endommagée en 1944, la porte sud a été refaite à l'identique.

3 - Bastion sud-est de l'enceinte sud dit "Notre-Dame" (appellation attesté début XVIIIe siècle, rebaptisé à la Révolution "bastion de la République").

Encore inachevé dans ses parties hautes (contreforts intérieurs du revêtements affleurants) en 1609. Reçoit son parapet en pierre, son échauguette en capitale et sa banquette de terre sans doute dans les années 1610. Sa casemate de flanc (ouest), simplement rectangulaire, est sans doute construite et voûtée ( mise en oeuvre sommaire) à la même époque; elle dessert une canonnière "à la française", avec ébrasement extérieur couvert d'un arc segmentaire, qui prend en enfilade la face du bastion 4. Accès à cette casemate depuis le terre-plein du bastion par un escalier droit découvert au nord (disposition dernier tiers XIXe siècle). Touchée par une bombe en 1944, elle a été refaite avec une seconde issue en escalier au sud-ouest. Avant le milieu du XIXe siècle, le terre-plein central de ce bastion était encaissé sous le niveau des chemins de ronde, et de ce niveau bas on accédait directement dans l'axe à la casemate de flanc. Le chemin de ronde en maçonnerie, aujourd'hui aligné au niveau du terre-plein, porte sur les contreforts intérieurs du revêtement du bastion par l'intermédiaire d'arcs ou voûtes, le tout enterré: la casemate de flanc n'est guère autre chose qu'une des travées voûtée entre contreforts, laissée non remblayée. Ce système s'étend au bastion 4 et à l'ensemble des fronts exposés de la première enceinte. Les parapets XVIIe siècle de ce bastion ont été arasés vers le début du XIXe siècle (après 1810) en supprimant l'échauguette. L'organisation des banquettes et parapets en terre de ce bastion avait été faite vers 1860, mais elle a été nivelée à la fin du XIXe siècle, avant la construction du bâtiment J.

4 - Bastion sud-ouest de l'enceinte sud dit "du Gouvernement" (appellation attesté début XVIIIe siècle, rebaptisé à la Révolution "bastion National").

Encore inachevé dans ses parties hautes (contreforts intérieurs du revêtements affleurants) en 1609. C'est le seul bastion de la citadelle qui ait deux flancs actifs, et dont un flanc (celui du nord) soit défilé par un orillon. Avant l'achèvement de l'entrée principale sud de la citadelle (2), ce flanc à orillon a été utilisé assez longtemps comme porte d'accès provisoire (état des lieux en 1609), le passage de plan incurvé fut ensuite muré au dehors et voûté pour être converti en casemate de flanquement (le plan caractéristique de cette casemate a été dessiné en 1828). L'échauguette qui couronne l'angle formé par le flanc est et la face sud du bastion n'existe pas encore en 1692. Sa construction, non documentée, est peut-être contemporaine de la refonde de la rampe d'accès à la porte sud (2) de la citadelle, qu'elle surplombe, soit vers 1780 (?). Elle a été restaurée après 1955.

Avant le milieu du XIXe siècle, le bastion, comme son pendant (3) a vu reformer son parapet et a perdu son échauguette en capitale (construite après 1610): son terre-plein central était encaissé sous le niveau des chemins de ronde, et accueillait la rampe reliant la porte de la citadelle (2) à la première enceinte, associée à l'accès à la casemate active du flanc est. Celle-ci était sur le même modèle que celle du bastion 3, et sa canonnière "à la française" reste semblable. L'organisation intérieure de ce bastion a été profondément remaniée à partir des années 1860, principalement pour accueillir dans le flanc nord la nouvelle porte charretière de la citadelle (projet de 1859) suivie de sa chaussée montant à la gorge du bastion et formant un coude arrondi au dessus du flanc est. Détail de l'échauguette du bastion 13.Détail de l'échauguette du bastion 13.

Cette nouvelle porte comporte un pont-levis apparenté au système dit "Lacoste" avec contrepoids sur tige et roues à gorge décomposant avec précision le mouvement de rotation du tablier. Ce pont-levis est ménagé dans un avant-mur construit en avant du flanc ancien, entre la tête de l'orillon et la courtine 4-5. Cette première porte est suivie d'un sas à ciel ouvert et d'une seconde arcade de porte, au droit de l'ancien flanc, qui comportait des vantaux. A gauche de la chaussée montante, après cette seconde porte, une vaste casemate voûtée en berceau surbaissé perpendiculairement à la chaussée est aménagée à la gorge du bastion, sous le terre-plein de la première enceinte, lequel est rechargé dans ce secteur d'un épais et haut rempart ou cavalier de terre destiné à masquer et défiler la nouvelle porte de la seconde enceinte (dans le flanc nord du bastion 11). Le profil de la voûte de la casemate est dessiné par un grand arc segmentaire fermé d'un mur maigre récent (mais auparavant à claire-voie avec grille) dans le parement du mur de soutènement que longe la chaussée montant dans le bastion. Avant cet arc, s'ouvre la porte d'accès à la casemate, qui pouvait cumuler les fonctions de magasin et de corps de garde. Le style architectural de cette construction, une des plus tardives des ouvrages XIXe siècle de la citadelle, avec ses arcs à claveaux alternés et ses chaînages en pierre de taille impeccables, l'apparente nettement à la typologie des ouvrages Séré de Rivière (1874-1884). Le coude de la chaussée d'accès contourne un petit sas jadis à ciel ouvert qui, en sous-sol, forme rotule entre la casemate XIXe siècle et l'ancienne casemate active du flanc est du bastion, agrandie et complètement remaniée (actuelle salle muséographique).

La face ouest du bastion, à gauche de la chaussée d'accès, est rechargée d'un haut rempart portant batterie avec parapet de terre, et dégageant un petit chemin de ronde d'infanterie périphérique qui contourne l'orillon au nord (en passant sous un mur-traverse). Au sud, ce chemin de ronde passe sous le rempart dans un étroit couloir casematé percé de trois paires de créneaux de fusillade. Toute la partie supérieure du mur-parapet de cette face sud du bastion a été surhaussée en fonction du profil du rempart.

5- Demi-bastion nord-ouest de l'enceinte sud.

Ce demi-bastion n'existe pas dans la citadelle d'origine, comme en attestent entre autres le plan de Jean de Beins (1609), le plan gravé de Tassin (1638) et le plan joint au mémoire du sieur du Cairon en 1690. Niquet écrit dans son descriptif annexé au mémoire de Vauban, en 1692, que ce demi-bastion "a esté mal disposé et mal basti l'année dernière". C'est le seul bastion de la citadelle qui ait un parapets de maçonnerie épaisse, percé de deux embrasures de flanc à ciel ouvert pour le canon. Il n'a en revanche pas de casemate basse. Son utilité pour le flanquement réciproque, à l'égard du bastion 4, est réelle, mais il semble que sa construction ait répondu de surcroît à une autre préoccupation défensive : celle de faire déboucher la poterne percée en ce point (16) dans l'arête rocheuse vers l'enceinte nord, non plus hors de l'enceinte sud, mais à l'intérieur. Vauban et Niquet on ignoré cette communication, mais le plan de Jean de Beins prouve qu'elle existait en 1609. Le terre-plein intérieur de ce bastion, qui n'a jamais été réformé, est encaissé à un niveau dominé par le chemin de ronde desservant le parapet, comme dans l'état première moitié XIXe siècle des bastions 3 et 4. Un escalier adossé dessert le chemin de ronde.

6 - Redan ouest de l'enceinte nord.

Ce redan à deux épis, ou "tenaillé" couronne un affleurement rocheux irrégulier qui fait saillie sur la face ouest du bastion 7 tout en la dominant. Il fait partie de la construction initiale de la citadelle et était achevé en 1609, l'un de ses épis (celui du nord, le plus saillant) portait une échauguette, qui a disparu peu après 1820. Son parapet maçonné, plusieurs fois restauré, recrénelé après 1828, est resté maigre, comme à l'origine. L'aire intérieure de ce redan est encaissée sous le niveau du chemin de ronde qui règne sur une maçonnerie massive fondée sur le rocher, et dispose d'un escalier d'accès adossé.

Un gros cavalier aux flancs revêtus destiné à une batterie orientée ouest-sud-ouest a été construit dans ce redan au milieu du XIXe siècle, sur projet remontant à 1822.

7 - Bastion nord-ouest dit "du Buech", enceinte nord (appellation attesté début XVIIIe siècle).

C'est le plus grand bastion de la citadelle; il était achevé en 1606. La longueur et le défaut d'alignement de sa face nord sont conditionnées par l'assiette rocheuse à couvrir. Dépourvu de flanc au sud, ce bastion possède d'origine deux échauguette, l'une en capitale, l'autre à l'angle du flanc est, ce qui se justifie sans doute parce que le chemin montant de la vallée à la porte de secours (8) a toujours longé la face de ce bastion et contourné cet angle. La casemate de flanc (Fig. 23) est du même type que celle du bastion 3. Elle était aussi directement accessible de plain-pied et dans l'axe par un encaissement régnant dans l'aire du bastion sous le niveau de chemin de ronde, et a été enterrée et pourvue d'un escalier latéral au XIXe siècle.

8 - Porte nord de la citadelle, enceinte nord, dite "Porte du secours" (1690).

Construite vers la fin du XVIe siècle. C'est la porte "vers la campagne" dont toute forteresse associée à une ville doit disposer pour sa desserte spécifiquement militaire. De plus, l'absence de communication charretière ou même cavalière entre les deux moitiés de la citadelle imposait une porte nord équivalente à celle du sud, pour entrer les chevaux et charrois dans l'enceinte nord.

Cette porte charretière et piétonne conçue pour être équipée d'un pont-levis à flèches, est analogue par sa façade extérieure à la porte principale sud (2) : même mur-écran, ici plaqué en relief sur la courtine profilée en glacis du front 7-9, mêmes arcades d'entrée en plein-cintre inscrite en retrait dans un tableau pour l'encastrement des tabliers, mêmes rainures de flèches débouchant vers le haut (couvertes à l'origine ?). La rainure de la piétonne est condamnée par murage de longue date (début XIXe s ?). Détail original : la partie supérieure de la façade, logeant les rainures des flèches, est légèrement plus large et décalée de la partie inférieure. Les pierres de taille sont réservées aux arcs, jambages et encoignures, le reste du parement est en moellons. Au revers de la façade, une large arrière-voussure porte la continuité du chemin de ronde du front 7-9.

En 1790, le pont-levis n'existe plus, remplacé par un pont dormant (passage sur remblai), son rétablissement est envisagé, mais non réalisé; le chemin d'accès, mal entretenu, devient progressivement impraticable. En 1822, la porte de secours dépourvue de pont-levis et murée, est qualifiée d'"ancienne porte". Sa réhabilitation fait partie du projet général de 1839 : elle est mise en oeuvre dans les années 1840 en commençant par la réfection de la route d'accès en lacets : le pont-levis n'est replacé qu'en 1852. Dans l'état antérieur à cette refonte, une simple montée axiale entre murs de soutènement, avec corps de garde (N) à gauche faisait suite au pont-levis. Les travaux du XIXe siècle n'ont pas rétabli le pont-levis piéton, et ont créé un sas à ciel ouvert par adjonction quelques mètres en arrière dans la montée, d'un second mur écran percé d'une porte charretière à vantaux (arcade plein-cintre, feuillure des vantaux en mître) dans l'axe de la charretière à pont-levis (Fig. 26). Ce mur n'a été construit qu'après 1853. La portion de ce mur à gauche de la charretière en montant (soir dans l'axe de la piétonne) est percé de deux créneaux de fusillade. De ce coté, la suite de la montée est flanquée d'un escalier d'accès au chemin de ronde de la courtine. Le petit local en haut de cet escalier est postérieur à 1955.

9 - Bastion nord-est, dit " du Roy" (1611), puis " de la Durance" (appellation attesté début XVIIIe siècle).

Il était achevé en 1606, et, comme son pendant (7), il ne comporte pas de flanc au sud-est et n'a qu'une échauguette en capitale. Sa casemate active dans le flanc ouest est symétrique à celle du bastion 7, et a subi la même évolution (premier état avec accès de plain-pied depuis le décaissement intérieur du bastion, état seconde moitié XIXe avec escalier d'accès (actuellement sous les gradins du théâtre en plein-air). La création en 1611 de la "tenaille" ou retranchement intérieur (22), partant de la pointe de ce bastion dans un axe nord-sud parallèle a celui du flanc, en a fait un "demi-bastion", et a annexé son échauguette, sans doute reconstruite à l'occasion sur plan octogonal, son accès ne se faisant plus que de l'intérieur du retranchement. En 1846, la réorganisation intérieure de ce demi-bastion est projetée

Le bout du fossé creusé en 1848-1849 devant la branche nord du retranchement 22 traverse le bastion jusqu'au revers de sa face nord, ce qui justifie que le parapet de cette face ait été partiellement transformé en batardeau coiffé d'une dame en 1853. Ce batardeau et sa dame, bien construits en pierre de taille appareillée, crénelé, vient buter contre l'échauguette octogonale de 1611. Cette extrémité nord du fossé dans le bastion a été en partie remblayée après le déclassement de la citadelle (fin XIXe siècle), pour donner accès ) une porte percée au bout la branche nord du mur 22, communiquant avec la pointe du secteur nord du retranchement (10).

Vue extérieure du front ouest de l'enceinte nord : bastion 7 et redans 6.Vue extérieure du front ouest de l'enceinte nord : bastion 7 et redans 6.

10- Secteur nord (bas) dans le retranchement nord-est (22), et front extérieur à redans.

Les redans successifs du front extérieur nord-est de la citadelle, à partir du bastion 9, construits entre 1589 et 1606, étaient désignés par la cote chiffrée 10 depuis le dernier tiers du XVIIIe siècle jusque 1843. Après cette date, la mise en oeuvre progressive (surtout à partir de 1846) de la réorganisation intérieure du retranchement 22 (créé en 1611) a conduit à n'attribuer la cote 10 qu'au secteur nord de ce retranchement, dont le sol règne nettement plus bas (escarpement haut de 4 à 5m) que le secteur sud, renuméroté 22 (a-b-c), ces deux secteurs furent alors nettement séparés par un mur, achevé en 1850. Avant cette réorganisation, ce secteur nord ne contenait que les ruines du magasin 21 surmontant une grande citerne.

L'amélioration défensive des redans était programmée depuis 1819. Le projet de 1822 proposait "d'établir trois batteries aux redans cotés 10 et réparer les créneaux de ces redans (...) pour 5 pièces d'artillerie. Deux batteries basses à embrasures et batterie haute avec parapet de 3m d'épaisseur. Les créneaux existants sont mal construits, ne permettent pas de voir la route en contrebas, d'où modification à prévoir". Ce projet resta en attente jusque 1845.

Le grand programme de réorganisation projeté en 1843, conduit entre 1846 et 1850 comporta la construction de trois grandes traverses d'axe nord sud: une batterie traverse (10a) adossée a la branche nord du mur de retranchement 22, une traverse casematée (10b) et une petite traverse (10c) construite sur le départ de l'escalier en caverne descendant vers le réduit 45.

A la pointe de ce secteur 10, un espace triangulaire (qui, avant le retranchement de 1611 faisait partie du bastion 9) se termine par la plus monumentales des guérites ou échauguettes de la citadelle, différente des autres par son volume octogonal porté en encorbellement sur une série de consoles à linteau taillé en arc, qui présentent tous les caractères de mâchicoulis. Cette échauguette, ceinturée de cordons horizontaux et coiffée d'une coupole, trait commun aux autres guérites, s'en distingue toutefois encore par sa mise en oeuvre en pierre de taille appareillée. Sa porte d'accès ouverte vers l'intérieur de la pointe du retranchement et non vers le bastion 9, de même que la continuation de ses mâchicoulis vers l'intérieur de ce bastion, la désignent comme une oeuvre de Jean de Bonnefons construite en 1611.

Les deux murs parapets latéraux qui convergent vers cette échauguette, celui de l'est faisant partie de l'enceinte extérieure à redans, celui de l'ouest du mur du retranchement 22, sont percés d'une série de créneaux créés ou entièrement refaits après 1846. Les encadrements de ceux du parapet est sont soignés, encadrés en pierre de taille, tandis que ceux de l'ouest, orientés vers l'intérieur de la grande enceinte nord, sont plus sommaires et emploient la brique en encadrement et appui intérieur (comme ceux du parapet de la branche sud du retranchement 22). Le chemin en pente douce à degrés espacé qui descend vers l'échauguette ne desservait pas autre chose jusqu'à la fin du XIXe siècle. Après le déclassement de la citadelle (après 1900?)a été percée au bout du mur du retranchement (22), vers le bastion 9, une porte de communication incompatible avec la logique défensive antérieure.

10 a - Batterie-traverse ouest du retranchement, construite entre 1846 et 1848.

C'est un rempart adossé au mur d'enceinte (22) et enveloppé de murs de soutènement. A l'est, du côté de la ruelle qui le sépare de la traverse casematée 10b, deux escaliers droits partant des angles permettent l'accès à la batterie. L'extrémité nord comporte une petite casemate double en avant corps (WC actuels), qui pouvait servir de corps de garde contrôlant à la fois la porte d'accès à la pointe nord du retranchement avec son échauguette, et la porte des caves de la traverse-casematée (10b).

10b - Traverse casematée projetée depuis 1843, selon des critères redéfinis en 1846.

Le sol de ses casemates est prévu pas trop encaissé dans le terrain, naturellement déclive vers le nord, pour éviter l'humidité, incompatible avec le stockage des munitions ou le logement des hommes; on choisit le parti d'échelonner le niveau des casemates, la première à la cote 304, la 4e à la cote 305. En 1848, seuls les souterrains et la moitié nord sont construits, l'achèvement s'étendra sur 1849 et 1850.

C'est un long bâtiment rectangulaire abritant quatre casemates voûtées à l'épreuve, soit: couvertes sur l'intrados d'une épaisse banquette de terre. Elles sont séparées deux à deux par un passage transversal médian formant une arcade en plein-cintre dans les deux façades est et ouest, percées par ailleurs de fenêtres donnant jour aux casemates. La pierre de taille n'est employée que pour les encadrements de baies (à l'extérieur comme à l'intérieur) et la tablette d'arase du mur. Les casemates, travée du passage compris, sont voûtées en berceaux transversaux et reliées entre elles par de larges portes couvertes d'arcs segmentaires percées en enfilade au milieu des murs de refend. Un emmarchement dans la dernière porte de la moitié nord compense le dénivelé entre les deux casemates; l'arc correspondant a un intrados rampant. La casemate de l'extrémité nord ouvre dans l'axe sur une large et profonde niche ménagée dans l'épaisseur du mur, qui dessert une embrasure d'artillerie orientée vers la plaine de la Durance. A l'extrémité sud du bâtiment, une travée supplémentaire plus étroite que les autres et sans communication avec elles est ménagée en réserve de l'escarpement rocheux, et en saillie dans l'emprise du secteur haut (22b) du retranchement. Cette travée haut voûtée abrite un passage à deux issues percées à l'est et à l'ouest dans le mur de séparation entre secteur haut et secteur bas, et un escalier mettant en communication ces deux secteurs.

Cette traverse casematée comporte un sous-sol dans le tiers nord de son développement, vaste et haute cave voûtée en berceau reproduisant le plan des deux travées nord et de la niche d'embrasure qui la surmontent. L'escalier d'accès, partant de l'angle nord-ouest, descend en deux volées dans cette cave par la partie "niche".

10 c - Petite traverse encore en projet en 1849, achevée en 1850.

Elle couvre l'accès de l'escalier en caverne (46) dont l'entrée est percée dans son mur de soutènement . Dans ce même mur est ménagé le regard de la citerne (21) que la traverse recouvre en partie. Sous le parapet percé de créneaux de fusillade rapprochés (facture sommaire) et sous le chemin de ronde qui le dessert, en partie porté sur des arcs tendus entre des contreforts intérieurs (apparents), sont percées en deux points, à l'est de l'échauguette et de la traverse, deux embrasures à canon pour les tirs à longue portée.

11- Bastion sud-ouest de la seconde enceinte sud

Ce bastion était achevé en 1609, avec son échauguette en capitale. Il a deux flancs, comme le bastion 4, mais il est dépourvu de casemates de flanquement. C'est le plus aigu des bastions de la citadelle, et le peu d'espace entre sa pointe et la courtine de la première enceinte (3-4) était considérée comme un grave inconvénient par Vauban et Niquet, qui proposèrent en 1692 de la démolir pour construire à sa place une tour bastionnée de plan trapézoïdal. En 1822, son flanc droit était pourvu d'un parapet crénelé qu'on proposait de conserver car il était utile pour la défense du passage dans le rocher (16) au droit du demi-bastion 5 entre l'enceinte basse sud et l'enceinte nord. L'auteur du projet de 1855 revient au projet Vauban-Niquet consistant à réduire l'emprise et la saillie de ce bastion aux dimensions d'une simple tour bastionnée, mais on opte bientôt pour une autre utilisation de ce bastion, en projetant d'y ménager le nouvel accès charretier de la seconde enceinte. D'abord projetée dans la face ouest en 1857, cette nouvelle porte occupe le flanc nord dans le projet de 1859: cet aménagement, conçu dans la même logique que celui -simultané- du bastion 4, est réalisé en 1860. La porte du flanc forme un avant-corps de construction beaucoup plus médiocre que celui de la porte du retranchement 22, antérieure de dix ans, mais pourvu comme elle d'un pont-levis à système en zigzag franchissant une fosse creusée spécialement. Cette porte est suivie d'une rampe incurvée montant à la gorge du bastion entre deux murs de soutènement, et passant sous un mur-traverse aligné au flanc est du bastion. En

phase avec la création de ce passage, la face sud du bastion est réaménagée : les trois hautes traverses-murs qui se greffent à son parapet en ménageant une porte pour le chemin de ronde ont été construites alors.

12 Porte de la seconde enceinte sud.

Cette porte d'origine (en fonction en 1609) est de même conception que la porte de la première enceinte (2). On y trouve la même façade en pierre de taille à double pont-levis à flèches charretier et piéton, le même principe de sas avec coude à droite vers une rampe rectiligne encaissée montant au niveau du terre-plein de la seconde enceinte. En 1853, on projetait d'en modifier la rampe d'accès, qui prolongeait encore directement la rampe intérieure de la porte de la première enceinte, tout en la réduisant à sa seule arcade charretière. La création de la nouvelle porte dans le flanc du bastion attenant (11) en 1860 a entraîné des modifications de fonctionnement bien plus importante. La rampe de cette nouvelle porte montant dans le bastion a traversé l'ancien sas de la porte sud pour rejoindre sa rampe intérieure, l'ensemble ne formant plus qu'une seule longue rampe en pente douce. De ce fait, l'ancienne porte sud, marginalisée et surtout devenue un peu trop basse de seuil pour pouvoir déboucher de plain-pied, transversalement, sur la nouvelle rampe reprofilée, a été condamnée dans son fonctionnement initial. La porte piétonne a été simplement murée, en laissant son arrière voussure apparente, tandis qu'au revers de la charretière, dans l'emprise de l'ancien sas, est construit un arrière-corps massif régnant au niveau des chemins de ronde, avec escalier d'accès. Cet arrière-corps est traversé par un escalier rampant voûté qui part au sud d'une porte piétonne ménagée dans le murage de l'ancienne charretière, a un niveau de seuil surbaissé, et monte jusqu'au niveau de la nouvelle rampe intérieure. Cette "poterne" ou porte piétonne résiduelle par laquelle l'ancienne porte sud n'est pas tout à fait condamnée, est desservie par une rampe extérieure adossée au front sud en pente plus douce que celle qui donnait accès à l'ancien pont-levis. Lors des travaux de réhabilitation commencés en 1955, l'arcade et la feuillure du tablier des deux portes à pont-levis, qui avaient été masquées par les maçonneries de recharge de 1860, ont été partiellement dégagées.

Bastion 11 : la rampe d'accès 1860 dans l'intérieur du bastion.Bastion 11 : la rampe d'accès 1860 dans l'intérieur du bastion.

13 - Bastion sud-est de la seconde enceinte sud

Le plan étrange de ce bastion remonte à sa conception initiale, puisqu'il est fini sous cette forme en 1609 : on ne peut la mettre au crédit d'un remaniement, tout au plus peut-elle être l'indice d'un repentir en cours de chantier, visant à élargir un peu vers l'est une seconde enceinte très exiguë. Dépourvu de flanc à l'ouest, ce bastion offre deux pointes en capitale, qui -fait notable- lui confèrent la même forme "tenaillée" que les bastions projetés par Raymond de Bonnefons pour l'enceinte de Toulon en 1603. La pointe sud seule est pourvue d'une échauguette, qui fait pendant à celle du bastion 11. La face est et le flanc ouest, en retour d'angle droit, se fondent sur le rocher et évoquent plus un mur de soutènement que les côtés d'un ouvrage défensif. Il faut toutefois préciser que si l'emprise du bâtiment "du gouvernement" (28) construit sur ce front est, s'avançait à l'intérieur du bastion dans son état final, il n'en était pas de même dans le plus ancien état connu du bâtiment, en 1609 (plan de Jean de Beins), ce qui donnait au plan de ce bastion une apparence d'unité perdue par la suite. La face sud, jusqu'à l'échauguette apparaît couronnée d'un parapet crénelé sur une vue gravée de Constant Bourgeois datable des années 1810. Plus tard dans le XIXe siècle, le mur et le parapet paraissent avoir été surhaussés après arasement préalable au raz du cordon, seulement dans la moitié est de la face, jusqu'à l'échauguette dont le dôme se trouvait de ce fait plus bas que le parapet. Il reste de ce chemin de ronde surélevé l'escalier, partant à la perpendiculaire de la face, et une portion de mur et de parapet aujourd'hui curieusement isolés comme pour servir de mirador.

Le départ de la face est, après l'angle rentrant et la seconde pointe du bastion, conserve une disposition défensive qui a survécu à la destruction du bâtiment 28 en 1944, parce que cette portion était hors emprise du bâtiment. Il s'agit d'un haut parapet crénelé construit en 1839, et dont le crénelage mixte (3 créneaux de pied plongeants au sol pour un créneau ordinaire à niveau d'appui) se prolongeait sur les murs du bâtiment occupant le reste de la face et le flanc du bastion ( créneaux ordinaires : 3 sur le flanc, 6 sur la face)

14 - Grande courtine sur l'arête rocheuse ou grande "traverse" (Vauban, 1792), chemin de ronde ou "grande galerie".

Il s'agit de la muraille qui, couronnant l'arête rocheuse est-ouest, formait le front nord de l'enceinte de ville médiévale de Sisteron, et qui fut incorporée dans la citadelle dès la fondation de celle-ci. Cette longue courtine au tracé plus sinueux que rectiligne, percée de rares archères à ébrasement simple (reste un exemple au dessus de la trouée 16) était flanquée de quatre tours de plan rectangulaire irrégulièrement espacées. Sa construction pouvait remonter au XIIIe siècle, mais l'une des tours au moins, cette de l'angle nord-ouest, aujourd'hui simple massif remanié et méconnaissable, est exprimé sur les dessins de Martellange (c. 1608) comme une haute tour ouverte à la gorge, avec arcades à chaque étage, du même type que les tours de l'enceinte urbaine (dont la tour-porte 45) construite dans la seconde moitié du XIVe siècle. Seule, la petite tour médiane (bâtiment L) a conservé ses archères flanquantes au niveau du chemin de ronde. Cette courtine était encore dans son état primitif, avec créneaux et merlons médiévaux, avant 1690. A cette date, les travaux entrepris à la suite du rapport du Cairon l'ont fortement modifiée : c'est alors qu'on a plaqué sur toute sa face sud une série d'arcades plein-cintre sur contreforts irrégulièrement espacés, pour porter un chemin de ronde élargi à double garde-corps.

Ces arcades sont de mise en oeuvre très négligée, en blocage de moellons mal dégrossis, mais elles participent de l'esthétique générale du côté sud de la citadelle. Elles comportent une assise de pierre en débord de type tailloir au raccord des contreforts et des arcs, qui, selon un procédé traditionnel, a servi a caler le cintre sur lequel les arcs firent montés en tas de charge. Le principal escalier d'accès, élevé et montant obliquement de l'intérieur du demi-bastion de l'enceinte haute du sud jusqu'au chemin de ronde, est également une oeuvre de 1690, jugé "mauvaise" et incommode par Vauban et Niquet deux ans plus tard. Cet escalier et le chemin de ronde ont fait l'objet de grosses réparations en 1790 et 1822.

15- Tambour ou ravelin.

Petit ouvrage de protection avancée d'un passage, de plan pentagonal en étrave, aux murs maigres et mal construits en blocage de moellons. C'est un type d'ouvrage bien représentatif du temps des guerres de Religion, construit ici entre 1589 et 1608 pour protéger l'issue nord du passage percé dans l'arête rocheuse entre les deux moitiés de la citadelle. Sa porte extérieure s'ouvrait à l'est de la pointe et le sol à l'intérieur de l'ouvrage suivait la pente naturelle du rocher.

Cet ouvrage a été "amélioré" 1851-1852, sur projet de 1848 : un sol de niveau, dallé, a été dressé à l'intérieur, condamnant l'issue primitive, ses murs ont été percés de créneaux de fusillade, et un escalier tournant à gauche a été ménagé dans son sol, débouchant par

une petite porte basse à l'ouest de la pointe, pour prendre pied sur le chemin de ronde à traverse de la branche sud du retranchement (22a)

16 - Poterne dans le rocher et corps de garde "Porte dans le rocq" (1602).

C'est la seconde percée dans l'arête rocheuse, communiquant initialement entre l'enceinte nord et l'espace au sud entre le mur de ville et le front est de l'enceinte sud. Elle est incorporée dans la première enceinte sud de la citadelle depuis la construction du demi-bastion 5 (1690), et son issue nord est protégée par le petit mur de retranchement 23.

En 1790 le petit corps de garde associé à ce passage côté nord est en ruines, et à rétablir.

En 1827, un projet d'élargissement du passage comporte la démolition du corps de garde, ce qui a été réalisé plus tard.

17 - Passage dans le rocher et petit bâtiment.

Cette principale trouée dans l'arête rocheuse entre les deux moitiés de la citadelle est évasée en caverne en son milieu. Son débouché au nord a été aménagé en porte (avec vantail ou grille à l'origine) à encadrement couvert d'un arc surbaissé, porte flanquée d'un créneau de fusillade, en 1851, en même temps qu'on améliorait le tambour 15.

Le petit local (coté 17) associé à ce passage coté sud semble avoir été à l'origine un corps de garde, mais il comportait deux travées dont une hébergeait le premier magasin à poudres de la citadelle, construit au XVIIe siècle, que Vauban et Niquet, en 1692, trouvent mal placé, trop petit, et ne pouvant être mis à l'épreuve des bombes. En 1754, le local coté 17 servait de prison pour les soldats. Le petit corps de bâtiment actuel, avec toit en appentis sur charpente bois revêtue de tuiles canal, sert de vestibule au passage dans le rocher; il semble avoir été au moins remodelé au XIXe siècle.

18 - Tour beffroi dite "Tour de l'horloge".

Cette tour de plan carré (un peu plus de 6m de coté hors œuvre) est certainement celle mentionnée au début du XVe siècle comme abritant la cloche et l'horloge municipales, même si elle a pu être en partie reconstruite après ces premières mentions. A l'origine, il semble s'agir d'une simple tour de flanquement d'enceinte qui ne s'élevait guère que d'un étage au dessus du chemin de ronde. L'identification locale actuelle à un "donjon du XIIIe siècle" est très fantaisiste. La tour actuelle, haute d'environ 20m, est le résultat d'une reconstruction datable au plus tôt de la première moitié du XVe siècle, probablement contemporaine ou de peu postérieure à la construction de la chapelle Notre Dame du Château, à laquelle elle servait de clocher. Dans cet état du XVe siècle, la tour comportait, au dessus d'un étage de soubassement voûté en berceau et aveugle, deux étages campanaires ouverts d'une grande baie sur chaque face, sans décor et sans style affirmé. Ces deux hauts étages étaient séparés intérieurement par une voûte d'arêtes, et à l'extérieur par un fort larmier. Un toit pyramidal devait couronner le tout. Les grandes baies d'étage (actuellement murées) sont de même structure que les fenêtres de l'abside de la chapelle (arc en plein cintre, ébrasement et talus intérieur et extérieur), mais la mise en oeuvre générale est plus sommaire, n'employant la pierre de taille que pour les encoignures, encadrements de baies et larmier.

Au XVIe siècle, le toit et la partie supérieure de cette tour ont été ruinés : l'horloge primitive a sans doute disparu à cette occasion. Lors de la construction de la citadelle (1589-1611), cette tour n'avait plus d'utilité comme campanile de la chapelle désaffectée, et elle fut réaménagée comme bâtiment militaire. Le premier étage conserva dans un premier temps ses baies partiellement murées seulement en partie basse (comme le montrent les dessins de Martellange).

Il est probable que la voûte d'arêtes intermédiaire qui le divise en deux niveaux avait été construite, mais qu'on utilisait encore que le premier de ces deux niveaux. Quand à l'étage supérieur semi-ruiné, il fut aussi recoupé par une voûte intermédiaire, en murant ses baies écrêtées, et on établit au dessus de cette voûte une plate-forme en arasant régulièrement trois des côtés, et en maintenant sur toute sa hauteur la face sud, transformée en clocher-mur à la faveur du percement d'une nouvelle baie. Le maintient en place d'une cloche avait une utilité militaire.

Plus tard dans le XVIIe siècle, les grandes baies de l'ancien premier étage furent complètement murées, en ne ménageant que de rares prises de jour de dimensions réduites dans les maçonneries de murage, au second niveau (vide sous l'arc de l'ancienne baie au nord, petit fenestron carré au sud), le premier niveau n'étant qu'un sas de passage pour le chemin de ronde, percé de deux portes latérales. La distribution fut rationalisée par la création d'un escalier à rampes droites longeant les faces intérieures de la tour et desservant les trois nouveaux étages et la plate-forme en traversant les reins des voûtes. Cet escalier est fermé du volume intérieur des chambres d'étages par un mur de cloisonnement. Les chambres des nouveaux premier et second étage (niveau 2 et 3 à partir du chemin de ronde), aménagées pour le séjour, pourvue de latrines ( niche à l'ouest, près de l'angle nord-ouest, évacuation gravitaire au dehors) , mais peu lumineuses, paraissent avoir été conçues d'origine pour un usage carcéral réservé à des prisonniers de marque. Ce fut le cas pour le prince Jean-Casimir Vasa, futur roi de Pologne, incarcéré dans cette tour en 1639 sur ordre de Richelieu.

Cette tour n'a pas été remaniée par la suite, simplement entretenue.

En 1842, une nouvelle horloge cédée par la ville est installée sur la tour. Elle n'existe plus depuis 1944, et la tour a fait l'objet de restaurations et d'aménagements scénographiques dans les années 1970-1980.

19 - Chapelle ou église Notre Dame du Château (avant 1589). Donjon ou logement du lieutenant du roi (1690-1692).

Cet édifice religieux est assez mal identifié historiquement (chapelle princière des Anjou ou église à l'usage des habitants ?) et mal daté, bien que l'érudition locale, prenant ses sources dans les archives de la ville, retienne la date de 1417 (achèvement ?). Une reconstruction d'un édifice religieux déjà cité sous le même vocable en 1368 n'est pas à exclure. La chapelle vue du sud/ sud-ouest et les arcades supportant sa plate forme.La chapelle vue du sud/ sud-ouest et les arcades supportant sa plate forme.

Le plan, fort simple (20m / 7m hors oeuvre), se compose d'une nef unique de deux travées carrées prolongée d'un choeur un peu déformé et "outrepassé" formé d'une travée droite barlongue légèrement évasée et d'une abside à cinq pans, le tout voûté d'ogives, dont la retombée est raidie au dehors par des contreforts sans ressauts. Un toit sur charpente bois à faible pente, revêtu de tuiles canal, posé avant 1980, reproduit l'aspect de celui connu entre 1609 et 1944. Du fait de l'irrégularité de l'affleurement rocheux, le mur gouttereau nord, aveugle, utilise en grande partie le rocher naturel taillé à la verticale sur lequel se greffent ses maçonneries, tandis que le gouttereau sud se fonde plus bas sur le rocher, cet ancrage étant masqué par la plate-forme sur arcade qui permet de contourner l'édifice par le sud. L'élévation extérieure est entièrement parementée en pierre de taille de moyen appareil, layée ou bouchardé, tandis qu'à l'intérieur seuls les encadrement de baies, les nervures, arcs formerets et piliers adossés du voûtement emploient la pierre de taille en lui apportant des modénatures, les parements ordinaires et les voûtains étant en moellons enduits. Les fenêtres, élancées et sans remplages sont ébrasées et talutées tant au dedans qu'au dehors; celle du choeur sont couvertes en plein-cintre, tandis que celles des deux travées de la nef, dans le mur gouttereau sud, ont des arcs légèrement brisés.

La restauration-reconstruction presque intégrale conduite entre 1967 et 1980 par les architectes Rochette et Ronsseray, à la suite du très lourd sinistre de 1944, ne permet plus de proposer une analyse d'archéologie du bâti, d'autant que peu avant les destructions, l'édifice sortait d'une première campagne de restauration restitutive due à l'architecte Chauvel, et mal documenté, cet état restauré n'ayant duré que peu d'années (début du chantier en 1936).

Les deux portes de l'édifice, notamment, à l'ouest et au sud, simples et couvertes d'un arc en anse de panier souligné d'une voussure, évoquent une période assez avancée du XVe siècle, sinon le XVIe siècle, mais elles sont très suspectes. Celle de l'ouest avait été quasiment détruite par les aménagements militaires du XVIIe siècle et ses restes n'ont pas été relevés avant la restauration de 1936: sa forme actuelle n'est donc pas fiable. Celle du sud, plus petite, était apparente, et son état actuel reconstruit parait conforme à celui d'avant la guerre (encore que les photos anciennes soient rares et peu parlantes sur ce point). Sa position au bord de ce qui devait être encore un escarpement rocheux vertical lorsque la chapelle fut construite, laisse croire qu'elle avait été repercée après coup.

Le style gothique de l'élévation intérieure, les proportions du choeur, les modénatures des nervures et les sculptures des chapiteaux renvoient aux modèles du gothique "de cour" ou septentrional tels qu'on les trouve acclimatés dans le Midi dès la seconde moitié du XIVe siècle. Ainsi, la fourchette de datation suggérée par les sources : 1366-1417 est plutôt corroborée par le style architectural.

La construction de la plate-forme dallée portant sur six arcs ou voûtes en berceau plaquées au rocher et lancées entre de hauts piliers ou contreforts carrés, n'est pas datée. Sa mise en oeuvre est assez sommaire, mais moins que celle des arcades de la grande courtine 14, construites en 1690. Les piliers sont en moellons équarris et assisés en façade, et en blocage sur les flancs, ils sont couronnés d'un tailloir qui court sur les trois faces: les voûtes, montées en tas de charge, ont un arc de façade également en moellons équarris, à l'extrados duquel court un bandeau en tablette légèrement montant d'ouest en est, comme le garde-corps qu'il porte et le sol de la plate-forme. Tout porte à croire que cette construction à l'ordonnance martiale, bien en place sur les dessins de Martellange (1606-1608) fait partie des grands travaux de construction de la citadelle, et remonte au plus tôt à 1589.

Il faut préciser toutefois que l'extrémité est de cet ouvrage se raccorde à une construction antérieure à pans qui enveloppait de près ce côté de l'abside de l'église et portait sans doute déjà une petite plate-forme, munie de mâchicoulis dont restent trois corbeaux.

Les mêmes aménagements initiaux de la citadelle sont responsables de la désaffectation et de la réutilisation militaire de la chapelle, dont le volume intérieur avait été subdivisé en trois niveaux, le premier couvert d'une voûte surbaissée longitudinale, les deux suivants séparés par un plancher, et le dernier n'étant qu'un galetas sous les voûtes. En 1609, la façade ouest était seulement précédée d'un porche bas en appentis couvrant l'ancienne porte, qui a été remplacé plus tard dans le XVIIe siècle par un bâtiment en avant corps à trois niveaux, plus étroit que la façade et décentré au sud (pour dégager la place de l'escalier d'accès au chemin de ronde desservant la tour de l'horloge 18 et le local 20), mais aussi haut. A une date indéterminée, peut-être seulement au XIXe siècle, la voûte de la première travée de l'ancienne nef fut supprimée pour ménager une chambre à part entière au troisième niveau, en communication avec celui de l'avant-corps.

Utilisé comme casernement, puis comme prison (fin XIXe - début XXe siècle) après avoir été longtemps le "donjon" affecté au logement du lieutenant du roi, ce bâtiment comportait de multiples cellules dans ses deux premiers niveaux jusqu'en 1936.

20 - Saillant est.

Cet ouvrage en terrasse arasé au niveau du chemin de ronde, de plan trapézoïdal, paraît être la souche d'une ancienne tour médiévale qui terminait à l'est la grande courtine 14. Son état actuel, avec parements profilés en talus, résulte sans doute d'une refonte effectué lors de la construction initiale de la citadelle. En 1609, ce petit ouvrage était déjà couvert d'un bâtiment à niveau unique aux murs minces, percé au sud de trois grandes fenêtres, et il comportait une échauguette à son angle nord-est, qui resta en place jusqu'au début du XIXe siècle. En 1713, ce local est qualifié de salle d'armes. En 1820, il est utilisé comme magasin de l'artillerie, puis converti en prison, recoupée en cinq cellules, à la fin du XIXe siècle. Il est démoli en 1933 par l'architecte Chauvel, au bénéfice d'une plate-forme belvédère avec table d'orientation.

21 - Magasin (1609). Ancien magasin ruiné (1690). Bâtiment disparu.

Ce magasin, qui était le bâtiment militaire le plus tôt construit dans la citadelle (fin XVIe siècle ?), incorporé en 1611 dans le retranchement délimité par le mur en "tenaille" de Jean de Bonnefons (22), est tombé en ruine, faute d'entretien, à partir du dernier quart du XVIIe siècle (En 1690 : " il y eut autrefois des logements et magasins qu'il faut nécessairement rétablir à neuf, tous les planchers et couverts estant abbatus, comme aussi partie des murs...". Adossé par son petit côté est aux redans irréguliers de l'enceinte, il était de plan rectangulaire de grand axe est-ouest, et d'une surface au sol supérieure à celle de l'ancienne chapelle (19) convertie en bâtiment militaire. Il était construit sur une double citerne d'une capacité supérieure à celle (26) de l'enceinte sud de la citadelle. Son mur gouttereau sud était aligné en contrebas de l'escarpement qui sépare l'aire du retranchement entre un secteur bas, au nord (auquel ce magasin appartenait) et un secteur haut, au sud.

Lors de la réorganisation générale du retranchement, amorcée en 1846, on renonça à reconstruire ce bâtiment sur son ancienne emprise, au bénéfice de trois traverses d'axe nord-sud (11 a-b-c), mais on restaura et réhabilita sa citerne, qui est toujours fonctionnelle.

22 - Tenaille (1611), enceinte intérieure (1713), grand retranchement (1820).

Il s'agit du mur de retranchement du tiers est de l'enceinte nord, construit en 1611 par le maçon Pierre Biston sur les plans de l'ingénieur Jean de Bonnefons, et formé de deux branches d'égales longueur reliées par un angle rentrant (d'où l'appellation ancienne de "tenaille" qui s'applique à un ouvrage offrant vers l'extérieur un angle rentrant) . La branche nord part du saillant du bastion nord-est (9) en incorporant la guérite de ce bastion dans le retranchement, et sa branche sud finit au pied de l'arête rocheuse portant chemin de ronde (14) qui sépare la moitié nord de la moitié sud de la citadelle. Ce retranchement était d'un seul tenant, malgré l'inégalité des niveaux de sol, déterminant un secteur haut au sud et un secteur bas au nord, dans lequel s'élevait un magasin (21) construit avant 1609. Une partition plus nette des deux secteurs du retranchement par la construction d'un mur d'axe est-ouest et l'un des objectifs des grands travaux d'amélioration défensive du retranchement, entrepris à partir de 1846.

L'amélioration du mur en tenaille fait partie du projet de 1846, avec notamment la création du fossé au devant de la branche "pendante" nord, fossé taillé dans le rocher en 1848-1849, dont le fond à l'horizontale se termine en moindre profondeur dans le bastion 9: le secteur du parapet du front nord de ce bastion correspondant à l'emprise du fossé a été transformé en batardeau coiffé d'une dame en 1854. A la fin du XIXe siècle, le fossé de la branche nord sera utilisé comme "salle" de tir , et, après le déclassement de la citadelle, son extrémité nord remblayée pour donner accès à une porte piétonne percée, contre toute logique défensive, dans le mur du retranchement, pour créer un accès direct vers le pointe du secteur nord (10).

Lors des travaux d'amélioration de 1846-1850, l'élévation murale de la branche nord, rechargée vers l'intérieur par un rempart-batterie (10a) n'a pas été augmentée, à la différence de celle de la branche sud, surhaussée d'un parapet percé de créneaux et de canonnières de flanquement : ce surhaussement s'étend au retour d'angle et s'arrête à la porte du retranchement, qui marque la limite entre la partie haute (22a-b-c) et la partie basse (10 a-b-c) du retranchement, partition alors définie et matérialisée par un mur d'axe est-ouest.

La porte d'origine déjà percée près de l'angle rentrant, au départ de la branche nord, n'était défendue que de simples vantaux. Le projet du fossé imposait de la pourvoir d'un pont-levis: elle fut démolie en 1847 pour être reconstruite à neuf avec un pont-levis à système en zigzag projeté en 1849 (fléaux en fer à mi-hauteur de la porte, avec axe de rotation médian, articulés par des charnières: d'une part, au dehors, avec le tablier, d'autre part, à l'intérieur, avec deux fléaux à contrepoids, fixés sous l'arrière-voussure par un axe horizontal). Cette nouvelle porte réalisé en 1850, comme l'indique le millésime inscrit sur une pierre au dessus de l'arche d'entrée, forme sur le parement en moellons légèrement taluté de la branche nord un avant-corps construit pour l'essentiel en belle pierre de taille appareillée. L'arc, avec claveaux à crossettes, est inscrit dans le tableau carré d'encastrement du tablier

22a - La branche sud, surhaussée d'un parapet crénelé, abritait dès l'origine l'itinéraire d'accès au retranchement (22) depuis le passage dans le rocher (17, 15) partant de la moitié sud de la citadelle. Cette zone et ce cheminement ont été améliorés, notamment par la création de traverses-mur greffées au parapet. Prévues en 1847, leur nombre passe de 3 à 5 dans le projet de 1849, et elles sont réalisées entre 1851 et 1854. L'escalier dans la première travée entre les deux premières traverses (plus basse que les autres) est en place en 1852. Les grandes canonnières de flanquement ménagées de part et d'autre de l'angle rentrant (deux dans la branche sud, flanquant le fossé, une dans la branche nord) ont été percées dans le mur, sous le chemin de ronde, en 1853 ; la bouche carrée de ces canonnières est encadrée et revêtue intérieurement de plaquettes de pierre de tailler appareillée. Le parapet du chemin de ronde est percé de nombreux créneaux de fusillade très rapprochés, de mise en oeuvre assez sommaire et pauvre, employant la brique pour l'encadrement des fentes et l'appui des ébrasements intérieurs.

22b - Les deux cavernes-abri jumelles forées dans le rocher du donjon (19) à partir du nord, profondes et communiquant par le fond, furent projetées au nombre de 3 en 1846 sur une idée du colonel Louis, pour servir de refuge au personnel cantonné dans le secteur 22 : les hommes n'y avaient pas accès direct aux salles de la traverse casematée 10b du fait de la séparation (alors en cours de réalisation) entre le secteur 22 et le secteur 10 du retranchement. Seule l'extrémité sud de la traverse casematée 10b, dans l'état achevé en 1850, déborde sur 22b, pour loger l'escalier mettant en communication les deux secteurs. Les deux cavernes actuelles sont creusée en 1848-1849, la troisième, toujours projetée en 1855, n'a pas été réalisée.

La traverse en terre séparant 22b de 22c, avec escalier montant entre sa tranche sud et le parapet crénelé du mur séparatif 10-22, est réalisée en 1850-1851.

22c - Ce secteur est fermé à l'est par le prolongement du mur d'enceinte à redans (10), de plan particulièrement capricieux et organique, avec la guérite dite "du diable" en figure de proue au bout d'un passage en isthme entre deux parapets crénelés. Les nombreux créneaux de fusillade très rapprochés de ce parapet sont de facture assez sommaire, comme ceux de l'ensemble des parapets du front à redans nord-est (10), sauf à la pointe nord .

14 octobre 1751 Projet de restauration du parapet à l'échauguette "du diable" et aux abords. L'échauguette elle-même est à construire à neuf avec sa coupole.

La caverne dans le rocher flanquant le bastion 3, projetée en 1840 sans débouché sur le secteur nord mais avec un accès en tunnel à partir du bâtiment 28, est finalement réalisée en 1844-1845 plus vaste que prévu en traversant le rocher, avec ouverture d'accès au nord défilée par les traverses et cavaliers projetés, et muret à embrasure pour le canon dans l'ouverture sud.

Le cavalier-batterie est encore en projet non réalisé en 1848. Il le sera en 1850-51, en même temps que le parapet crénelé du mur nord qui retranche le secteur 22 du secteur 10, avec son chemin de ronde à traverses. La mise en oeuvre des petites traverses-mur percées d'une arcade pour le passage du chemin de ronde, panachant pierres de taille bouchardée (encadrements) et blocage de petits moellons, est très soignée, de même que les encadrements des 12 créneaux de fusillade qui percent le parapet de l'ensemble du mur (Fig 80) (y compris à l'ouest de la saillie de la traverse-casematée 10b), orientés vers le secteur bas : l'encadrement de la haute fente extérieur, et l'ébrasement intérieur couvert invariablement d'un arc monolithe en anse de panier, sont en léger relief sur le parement en blocage, indice qu'un enduit couvrant était prévu.

Redans du mur-parapet est du secteur 22c dominant la Durance.Redans du mur-parapet est du secteur 22c dominant la Durance.

23 - Petit retranchement. Enceinte nord.

Probablement construit dans les années 1780, pendant que la plupart des parapets crénelés de l'enceinte nord de la citadelle faisaient l'objet d'une réfection systématique.

Il s'agit d'un simple mur-parapet maigre d'infanterie crénelé, au tracé allongé (est-ouest) mais très irrégulier, qui isole un petit secteur naturellement surhaussé (affleurement rocheux) au pied de la grande courtine transversale à son extrémité ouest. Ce retranchement sommaire assure la protection avancée de l'issue nord de la poterne 16 percée de le rocher, et de son corps de garde, et canalise les circulations vers l'ouest, sur le chemin de ronde des murs de l'enceinte nord, mais dispose d'une issue piétonne à l'est. En 1822, le "retranchement coté 23" est à réparer; en 1827, sa porte est est à élargir aux dimensions d'une issue charretière.

24- Puits de la citadelle (enseveli actuellement)

Ce large puits a probablement été foré lors des travaux de construction initiale de la citadelle, à partir de 1589 : il figure clairement sur le plan de Jean de Beins (1609). Le rapport de Vauban et Niquet précise qu'il "n'est pas creusé jusques au niveau des rivières et demeure quelquefois à sec dans les grandes sècheresses", et propose de le "garantir des bombes en faisant une voûte sur quatre piliers dont le dessus se termine en pyramide", piliers en pierre et voûte en briques. Resté finalement découvert, ou au moins pas couvert "en dur" durant tout le XVIIIe siècle, il fait l'objet de nouveaux projets proches de celui de Vauban au siècle suivant. En 1820, c'est un projet de couverture conique sur enveloppe maçonnée en forme de tourelle, puis en 1823, un nouveau projet de voûte en coupole. Le projet de 1825 avec voûtement portant une couverture conique en béton a été réalisé.

26 - Citerne et enceinte du réduit primitif.

Cette petite citerne, que Vauban trouvait très insuffisante, est sans doute la plus ancienne de la citadelle. Ménagée entre le rocher du donjon (ou de Notre-Dame du Château) et la muraille du réduit médiéval (détruite dans sa partie basse au XIXe siècle), elle date au plus tard des travaux de la fin du XVIe siècle. Sa voûte est couverte à l'extrados d'un glacis en béton refait au XIXe siècle.

Des murailles d'origine médiévale qui enveloppaient cette citerne et les escaliers d'accès à Notre Dame du Château (19) et au chemin de ronde de la grande courtine (14), ne restent que partie écrêtée et remaniée de celles qui enveloppent la seconde volée d'escalier. La première volée (c) part aujourd'hui directement de la cour de l'enceinte haute de la citadelle, mais elle était jusqu'au XIXe siècle enveloppée dans ce qui restait du mur médiéval elliptique commun à la citerne. Cette première volée aboutit à une petite porte dans un redan qui faisant raccord entre le premier mur et celui enveloppant la seconde volée. cette porte, avec linteau sur corbelets, pourrait être médiévale. Le mur lui-même est percé de créneaux de fusillade du XIXe siècle, encadrés en briques.

25 - Magasin à poudres.

Ce magasin dit "de Vauban" est à peu près conforme par son emplacement et son principe au projet de du Cairon (1690) antérieur à celui de Vauban. Néanmoins, il n'a été construit qu'à la suite du projet général de Vauban et Niquet (1692) dont l'article 25 est consacré à la construction de deux magasins à poudre neufs dans l'enceinte nord. Celui réalisé, dans le bastion 7, est l'un des deux prévus, et il est la seule concrétisation monumentale tangible issue du projet Vauban à Sisteron, ce qui lui confère valeur de symbole.

Vue extérieure nord-est du magasin à poudres 25.Vue extérieure nord-est du magasin à poudres 25.

En position assez peu encaissée, mais défilée vers l'ouest par le saillant 6, avec mur de soutènement du XIXe siècle à joints vifs, ce magasin à poudres bien construit selon les normes en vigueur au temps de Vauban, très bien conservé sans altérations et remaniements, n'en est pas moins une construction fort simple, plus petite que les magasins-type, et dépourvue de contreforts latéraux.

De plan rectangulaire plus large en façade-pignon que profond (16,00m / 10, 40m environ hors oeuvre), il abrite deux salles voûtées superposées de plan presque carré (8, 90m / 7,80m), dont une en sous-sol (cave). Le surplus de largeur, côté nord, est occupé par l'escalier droit descendant à la cave (dépourvue de tout aménagement ou prise de jour) sous une voûte horizontale en demi-berceau surbaissé. Le volume des deux salles superposées tient entièrement dans le berceau à plein cintre en briques des deux voûtes, qui portent sur les murs latéraux surépaissis (2m 65). A 2m environ de hauteur, dans la salle de rez-de-chaussée, la voûte et percée de part et d'autre des traditionnels évents en chicane traversant les murs, au nombre de trois par côtés, ceux du nord débouchant dans l'escalier de la cave; l'encadrement en pierre de taille des fentes intérieures tranche sur la maçonnerie en briques. Chacun des deux murs-pignons, épais de seulement 1m 30, est percé en hauteur, symétriquement, d'une fenêtre haute rectangulaire éclairant au besoin la salle, munie de barreaux et deux volets, intérieur et extérieur. La porte, qui s'ouvre sous une de ces fenêtres, dans le mur-pignon est, a également un double vantail; dans la même façade, la porte de l'escalier, près de l'angle sud-est, est semblable. Toutes les menuiseries anciennes (XIXe s ?) en grosses planches de bois, pentures et verrous en fer, sont en place. Les parements des murs sont en blocage à l'intérieur, et en moellons équarris et assisés au dehors, avec encoignures en pierre de taille de plus grand échantillon. Les reins de la voûte de la salle ont une épaisseur de 2, 80m, ce qui les mettait à l'épreuve des bombes: la charpente du toit à deux versants, revêtue de tuiles canal, porte directement sur l'extrados de cette voûte. Actuellement, l'élévation extérieure du magasin comporte, sous le seuil des portes, un soubassement apparent et surépaissi de hauteur variable (1m à 1,50m), qui devait être enterré à l'origine. Il est précédé d'une terrasse de construction récente, mais n'a jamais eu de mur d'isolement, bien que la construction d'un tel mur ait fait tardivement l'objet d'un projet, en 1873.

27 - casernes (disparues) et demi-bastion nord-ouest de la seconde enceinte sud.

Ce bâtiment militaire démoli en 1944 et non reconstruit avait été construit sur un seul niveau dans la première moitié du XVIIe siècle, après 1610. Il a toujours servi de corps de casernes pour les soldats de la garnison. De forme longiligne, il abritait sept travées distribuées en corridor. Son rehaussement d'un étage est proposé dès 1790, mais il reste qualifié de "casernes basses" en 1790, 1820. Un local déjà en place en 1692 à son extrémité nord, est agrandi et élevé d'un étage vers la fin du XVIIIe siècle. En 1820, les deux niveaux de ce local sont affectés à la salle d'armes et au magasin de l'artillerie. Le corps de caserne proprement dit, qu'on projeta de reconstruire à neuf en 1846, fut finalement rehaussé d'un étage, vraisemblablement à la suite du projet de réorganisation de 1859.

Au sud-ouest du bâtiment, un dégagement permet d'accéder au flanc du demi-bastion (non côté) du nord-ouest de la seconde enceinte, partie haute. Ce flanc, dominant de plus de 4m la seconde enceinte, est percé d'une grosse embrasure d'artillerie flanquée de deux créneaux, le tout du XIXe siècle.

28 - logement du gouverneur (disparu)

Ce bâtiment adossé au front est de la seconde enceinte sud, en place en 1609 sur une emprise limitée, a été agrandi plus tard dans le XVIIe siècle jusque dans le bastion 13, avec travée en retour d'équerre occupant la majeure partie de la face est et du flanc de ce bastion. Il fut affecté au "gouvernement" aux XVIIe et XVIIIe siècle. En 1810, l'ancien bâtiment du gouverneur de la citadelle fut "mis en état de casernement" en 1810, mais resta en partie affecté au gouvernement et aux officiers (1820). Dès lors, il fit l'objet de projets ambitieux non réalisés, et subit divers réaménagements ponctuels, notamment en 1857, pour son "adaptation pour la troupe". Sa cage d'escalier à rampes au carré, en retour d'équerre au nord-ouest, adossée au rocher, était prolongée par celle, reconstruite en même temps qu'elle au XVIIe siècle, qui monte de partie basse à la partie haute de la seconde en ceinte sud. Seule cette dernière cage d'escalier, à double révolution, ou à deux montées croisées, est conservée, à ciel ouvert. Avant 1944 elle était apparemment couverte.

29 - Corps de garde de la porte sud de la citadelle. (disparu)

XVIIe siècle, démoli en 1860 lors de la modification des accès.

30- Avant-porte de la citadelle (disparue)

Cette avant porte avait été ménagée dans la fausse-braie (1) construite en 1690. Elle a été détruite en 1860, pour l'établissement du gros ouvrage de défilement en contrescarpe du front ouest de l'enceinte sud.

31- tourelle

(voir dossier fortification d'agglomération)

Tourelle de flanquement demi-circulaire de l'enceinte de ville, probablement du XIVe siècle, annexée à la zone de servitude de la citadelle au moment du déclassement de l'enceinte de ville en 1842. Probablement peu après cette date, l'étage de cette tourelle au dessus de l'ancien chemin de ronde a été aménagé en le fermant à la gorge d'un mur percé d'une porte d'accès (sans doute desservie à l'époque par un escalier métallique), encadrée de deux créneaux dont les tirs flanquaient l'avant porte 30.

45 - Réduit défensif du retranchement de la porte Saunerie

(voir aussi dossier fortification d'agglomération)

Ce réduit, en partie ruiné en 1944, est établi dans la cluse, en balcon sur le rocher quelque mètres au dessus de la route nationale, entre la tour-porte Saunerie (détruite) et le débouché bas de l'escalier en caverne reliant la citadelle au retranchement dont il faisait partie. Avant sa construction, une petit tour creuse ou saillant crénelé, relié à la tour-porte, existait déjà au même emplacement. La construction de ce réduit, sous-ensemble du retranchement bas ou "coupure", a été décidée en 1841, en même temps qu'on arrêtait définitivement le parti de l'escalier en caverne (46), débouchant dans le rocher en avant de la porte Saunerie, alors que les escaliers extérieurs précédemment projetés montaient d'un point situé à l'arrière de cette porte. Un ouvrage fortifié spécifique était donc nécessaire pour abriter et protéger ce débouché. Le plan de ce réduit, complexe et échelonné en trois sous-ensembles ou petites enceintes (cotés 45 a-b-c) hébergeant des escaliers et des positions de tir à ciel ouvert, a quelque peu évolué entre l'amorce des travaux en 1842 et l'état achevé en 1846. L'élément haut (45a), est directement adossé au front rocheux taillé à la verticale dans lequel débouche l'escalier: son mur, peu élevé, enveloppe étroitement un passage parallèle au rocher, et forme à son extrémité nord une sorte de tourelle flanquante hexagonale (ruinée) dont les créneaux de fusillade visent à la fois au dehors, vers la route (nord) et vers l'intérieur du sous-ensemble intermédiaire 45b, comme les créneaux percés dans la partie rectiligne. A l'issue de l'escalier en caverne, un escalier encaissé descend à la porte de 45a, qui est millésimée 1845.

Cet élément haut est presque entièrement enveloppé par les sous-ensembles 45b (au nord-est ) et 45 c (au sud / sud-est), de construction unitaire (millésimes 1846) et un peu plus spacieux. L'élément 45c assurait la défense de la zone située au revers de la porte Saunerie, à l'intérieur du retranchement (fig. 92); le créneau oblique dans l'angle nord-est de 45c (Fig. 94) flanquait strictement la gorge de la porte Saunerie.

A la différence de 45a, ses murs sont plus hauts (au moins à l'extérieur, car ils sont fondés bas sur le socle rocheux, déclivité compensée à l'intérieur par un terrassement) et ils comportent deux niveaux de créneaux superposés : créneaux classiques à hauteur d'appui, et créneaux de pied, entièrement plongeants. Les ébrasement intérieurs forment deux ouvertures carrées identiques superposées et séparés par un simple linteau (Fig. 95), tandis que les fentes extérieures sont plus nettement dissociées.

Trois des dix créneaux à hauteur d'appui de l'enveloppe de 45c sont en fait des embrasures pour pièces d'artillerie dont les tirs pouvaient parfaitement atteindre la tête du pont de la Durance, depuis la démolition des maisons qui s'élevaient antérieurement en vis à vis dans la rue Saunerie. Un mur de refend sépare 45c de 45b, qui a été presque entièrement détruit en 1945, mais avait déjà été largement amputé par la percée de la seconde arche routière de la porte "du Dauphiné" en 1928. Il comportait un saillant à pans au nord, comme celui de 45a, et une sorte de vestibule intérieur découvert dans lequel débouchait l'escalier descendant au bord de la rue Saunerie, au revers de la porte. Cet escalier à trois volée, construit à ciel ouvert en 1838, avait été couvert par les ouvrages de 45b appuyés directement à la porte Saunerie. Cet escalier fut détruit en 1928 par la percée de l'arche routière à son emplacement, ce qui obligea à donner un nouvel accès au réduit, cheminement en sentier à flanc de rocher par le sud, au prix d'une percé dans le roc au sud de 45c, et d'une arche formant passerelle au revers de cette percée.

La mise en oeuvre du réduit est très soigné, s'agissant des encadrement en pierre de taille des créneaux et des portes. On notera en particulier, dans les portes, la belle stéréotomie des arrières-voussures "de Marseille", passant du plein-cintre en façade à l'arc surbaissé.

46 - Escalier en caverne.

Percé dans le rocher entre 1841 et 1845.

Au départ, dans le réduit 22-10, sous la traverse 10c, il forme deux volées étroites et maçonnées formant une chicane (départ est-ouest, retour à angle aigu à gauche ), aboutissant à un premier palier desservant une caverne de jour et de tir (créneau dans un mur de protection) au nord (Fig. 98) . La suite de l'escalier, plus large, est un tunnel rectiligne est-ouest rampant brut de forage dans le rocher (Fig. 99-100) , long de plus de 70m, scandé de six "repos" correspondant chacun à une large caverne de jour percée au nord. Le bas de l'escalier débouche dans une double casemate active d'axe nord-sud entièrement réservée dans le rocher, formée d'une première travée carrée formant vestibule, avec deux embrasures d'artillerie taillée dans le roc, une au nord, l'autre à l'est (débouchant au dessus de la tourelle du réduit 45a). La seconde travée, allongée vers le sud, comporte deux embrasure battant le secteur est au dessus de la porte Saunerie, précédées de l'issue vers le réduit 45.

L'escalier en caverne 46 et ses repos, vu d'en haut.L'escalier en caverne 46 et ses repos, vu d'en haut.

d - Cuisine projetée en 1844, à l'usage de la caserne 27, réalisée peu après.(démolie en 1944)

f-f' - Petits bâtiments d'accompagnement de la caserne 27, construits vers la fin du XIXe siècle (démolis en 1944)

i - Boulangerie du "donjon", construite à une date comprise entre la seconde moitié du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. Simple pièce trapézoïdale avec four à l'ouest, adossé à la tour de l'horloge (18) et entrée à l'est, sur le chemin de ronde. Couverture en tuiles canal; restaurée et scénographiée dans les années 1980.

J - Bâtiment construit vers 1900 pour la maison des gardes du Génie, après le déclassement militaire (démoli en 1944).

L - ancienne tour d'enceinte médiévale sur la grande courtine (14), son étage unique a toujours été utilisée comme poste de garde actif (anciennes archères converties en créneaux de fusillade) sur le chemin de ronde. Elle est restée couverte d'un petit toit en appentis revêtu de tuiles canal.

N - corps de garde de la porte du secours (8) Existe au même emplacement de 1609 à la seconde guerre mondiale.(démolie avant 1944)

Y - Ecurie construite vers le début du XIXe siècle (démolie en 1944).

La citadelle occupe l'emplacement d'un castrum mentionné pour la première fois vers 1065-1070 et qui appartient au 12e siècle aux comtes de Forcalquier. Passé dans le domaine des comtes de Provence à la fin du 12e siècle, le château est démoli par les habitants en révolte contre le comte avant 1257. Ce n'est qu'à la fin du 16e siècle que Sisteron, devenu place royale, fait l'objet d'un premier projet de construction d'une forteresse sur le piton qui domine la ville. Les travaux commencent avant 1589, avec pour maître d'oeuvre Jehan Sarrazin, de La Tour d'Aigues, dont l'identification précise reste à faire. Jean de Bonnefons, ingénieur du roi en Provence, est concepteur de nouveaux ouvrages à la citadelle de Sisteron en 1611-1612. Dans les premières années du 17e siècle, des recueils de gravures montrent que la construction de la citadelle est très avancée. En 1691, la place, non entretenue, tombe en ruine. Un vaste projet d'amélioration est dressé par Jean-Louis du Cairon, comportant notamment la réfection du chemin de ronde qui au sud sur les hautes arcades sur contreforts très caractéristiques de l'ouvrage. En 1692, Vauban et Niquet rendent un projet d'envergure, visant à une quasi reconstruction de l'ensemble. Seule sera réalisée la construction d'un magasin à poudre dans l'enceinte nord. Au 18e siècle, plusieurs projets sont établis, aucun ne voit le jour. Au 19e siècle, les projets se concentrent sur le secteur nord-est et visent à constituer un réduit défensif dans la partie nord-est de l'enceinte de ville qui commande le pont sur la Durance, puis à ménager une communication de ce réduit avec la citadelle. Les travaux sont réalisés entre 1839 et 1850, suivis, en 1845-49 par ceux du retranchement intérieur nord-est de la citadelle. En 1860, on construit un ouvrage extérieur en avant du front ouest et on perce deux portes à pont-levis modernes dans les bastions sud-ouest des deux enceintes sud. La citadelle, déclassée à la fin du 19e siècle, est vendue à la ville en 1928. En 1925, une partie des bâtiments (la chapelle, la guérite du diable, le rempart supérieur, la tour de l'horloge) est classée Monument historique, puis fait l'objet d'une campagne de restauration en 1931. En 1944, la chapelle et la porte Dauphine sont ruinées par les bombardements alliés.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 16e siècle, 1er quart 17e siècle
    • Principale : 4e quart 17e siècle
    • Principale : milieu 19e siècle
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Bonnefons Jean de
      Bonnefons Jean de

      Fils et successeur de Raymond de Bonnefons. Ingénieur du roi en Provence et Dauphiné en 1607, travaille à l'enceinte de Toulon, à celle d'Antibes, de Saint-Tropez, et à la citadelle de Sisteron.

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    • Auteur :
      Sarrazin Jehan
      Sarrazin Jehan

      De La Tour d'Aigues (84). Maître d'oeuvre des premiers travaux de la citadelle de Sisteron au 16e siècle.

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      maître d'oeuvre (incertitude), attribution par source
    • Auteur :
      Le Prestre de Vauban Sébastien
      Le Prestre de Vauban Sébastien

      Ingénieur, architecte militaire, urbaniste, ingénieur hydraulicien et essayiste français. Nommé maréchal de France par Louis XIV. Expert en poliorcétique (c'est-à-dire en l'art d'organiser l'attaque ou la défense lors du siège d'une ville, d'un lieu ou d'une place forte), il a conçu ou amélioré une centaine de places fortes.

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      ingénieur militaire attribution par source
    • Auteur :
      Niquet Antoine
      Niquet Antoine

      Ingénieur général des fortifications de Provence, de Dauphiné, de Languedoc en 1680. En 1700, il est à Toulon où il travaille avec Vauban sur un nouveau projet d'aménagement du site : retranchement de la ville, aménagement du port et de la darse, défense de la ville avec des forts et des tours. Auteur des projets de fortification de la place de Seyne (Alpes-de-Haute-Provence) en 1690.

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      ingénieur, ingénieur militaire attribution par source
    • Auteur :
      Cairon Jean-Louis du
      Cairon Jean-Louis du

      En 1677, ingénieur en chef des petites places de Provence et du département de Marseille. Conduit les travaux du port de Marseille. Succéda à Pierre de Bonnefons avant 1667 dans la direction des fortifications de la place forte d’Antibes, promu sergent-major de la citadelle et du fort Saint-Jean de Marseille par commission royale en avril 1668. Il fut commis aux fortifications des places de Provence après 1665, sous la direction des intendants des galères de France et des fortifications de Provence Nicolas (mort en 1673), puis Pierre Arnoul (père et fils) ; il seconda Clerville en 1669 dans l'élaboration du premier projet d'agrandissement de l'arsenal de Toulon, confié audit Clerville par Colbert. Jean-Louis du Cayron resta ingénieur ordinaire de la place d'Antibes, subordonné à Niquet, supervisant l'exécution des projets préconisés par Vauban, jusque vers 1691.

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      ingénieur militaire attribution par source
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Sites de protection
    site classé
  • Protections
    classé MH, 1925/02/11
    inscrit MH, 2013/08/12
  • Précisions sur la protection

    Le rempart supérieur ; la tour de l'Horloge ; la chapelle ; l'échauguette dite guérite du Diable : classement par arrêté du 11 février 1925 - La citadelle en totalité, y compris le fortin situé en contrebas à l'est, le rocher et le sol naturel qui forment le soubassement des maçonneries et l'ensemble des sols de la parcelle AS 87 : inscription par arrêté du 12 août 2013

Documents d'archives

  • Fonds de la sénéchaussée de Sisteron. 1531 à 1790. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 2B1 à 2B192.

  • Place de Sisteron. 1823, 1832-1927, 1940. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 2 R 29.

  • [Atlas, Sisteron]. 1775. Service Historique de la Défense, Vincennes : Bibliothèque du Génie, atlas 57.

    P. 1 à 14.
  • Direction et Chefferies du Génie des Alpes : Sisteron. Mémoires, apostilles, états estimatifs des dépenses, plans coupes et élévations relatifs aux travaux de construction et d'amélioration projetés ou en cours dans la place de Sisteron (1842-1894). Service Historique de la Défense, Vincennes : 4 V 485.

    Nomenclature générale des fortifications et bâtiments militaires
  • [Sisteron : parties classées de la citadelle.] Dans Archives des Monuments Historiques, dossier travaux-correspondance 157. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Paris : 81/04/121/1.

    Dossier travaux - correspondance, dossier 157
  • Archives du Génie, Places-Fortes. Mémoires, apostilles, états estimatifs des dépenses, plans coupes et élévations relatifs aux travaux de construction et d'amélioration projetés ou en cours dans la place de Sisteron (1690-1876). Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8, section 1, Sisteron, cartons 1 à 6.

  • Travaux bâtiments publics, XIXe-XXe s. [Sisteron]. Archives communales, Sisteron : 2 H.

Bibliographie

  • AUBRY, J. La citadelle, cette inconnue. Sisteron, 1976.

  • BAILHACHE, Georges. La citadelle de Sisteron. Dans : Sisteron Journal, 49e année, n° 3532, 10 juillet 1937.

    p. 1
  • BORNECQUE Roger, COLOMB Pierre, GREAVES R. Vauban en Haute-Provence. Dans : Annales de Haute-Provence, n° spécial, t. LII, n° 296, 2e semestre 1983.

    p. 47-52.
  • BUISSERET J. Les ingénieurs du Roi au temps de Henri IV. Dans : Bulletin de la section de géographie du C.T.H.S., t. LXXVII, 1964.

    p. 13-84.
  • COLLIER, Raymond. Monuments et art de Haute-Provence. Digne : Société Scientifique et Littéraire des Basses-Alpes, 1966, 225 p.

    p. 159-162.
  • COLOMB, Pierre. Sisteron, perle de la Haute-Provence. Sisteron, 1970.

  • COLOMB, Pierre. Notre-Dame du Château. Sisteron, 1995.

  • DAINVILLE, François de. Le Dauphiné et ses confins vus par l'ingénieur d'Henri IV, Jean de Beins. Genève-Paris : Droz, 1968. Publications du Centre de recherches d'histoire et philologie de la 4e section de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. 5. Hautes études médiévales et modernes ; 7.

    p. 45, pl. XLVII-XLIX.
  • LAPLANE, E. de. Histoire de Sisteron tirée de ses archives. Digne, 1843. 2 vol.

  • GARIGLIO, Dario, MINOLA, Mauro. Le fortezze delle Alpi occidentali [Les forteresses des Alpes occidentales]. Cuneo : L'Arcière, 1995.

    Tome 2 : "dal Monginevro al Mare". P. 240-243
  • Patrimoine architectural de Haute-Provence : dix années de sauvegarde des monuments dans les Alpes de Haute-Provence, 1970-1980. Forcalquier : n° spécial des Alpes de Lumière, 1980.

    Sisteron, citadelle, p. 72-76.

Documents figurés

  • Recueil des vues de France du Père Martellange. Bibliothèque nationale de France, Paris : Département des Estampes et de la Photographie, Ub 9a format 5 (Réserve).

    F° 153-154-155-156-157-158 et 159v°
  • Plan de Sisteron et de ses environs jusqu'à 300 toises. Echelle de 200 toises (163), 565 x 830. Dans [Atlas, Sisteron], 1775. Par Paul Louis Antoine de Rosières. Service Historique de la Défense, Vincennes : Bibliothèque du Génie, Atlas 57.

  • Plan de la ville de Sisteron. Echelle de 200 toises (110), 430 x 610. Dans [Atlas, Sisteron], 1775, par Paul Louis Antoine de Rosières. Service Historique de la Défense, Vincennes : Bibliothèque du Génie, Atlas 57.

  • Plan de l'enceinte de la place [de Sisteron]. Echelle de 40 toises (88), 590 x 910. Dans [Atlas, Sisteron] 1775 par Paul Louis Antoine de Rosières. Service Historique de la Défense, Vincennes : Bibliothèque du Génie, Atlas 57.

  • Plan de Sisteron (nivellement). Echelle de 300 toises (163), 565 x 630.Dans [Atlas, Sisteron], 1775 par Paul Louis Antoine de Rosières. Service Historique de la Défense, Vincennes : Bibliothèque du Génie, Atlas 57.

  • Topographie de la France. Série de cartes gravées des XVIIe et XVIIIe siècles issues en partie des collections Marolles et Gaignières. Bibliothèque nationale de France, Paris : Va. Département des Estampes et de la Photographie.

    Alpes de Haute-Provence, Sisteron
  • Plans et vues de la citadelle de Sisteron / dessins de Jean de Beins, début du 17e siècle.

    F° 80 r°, f° 80 v°, f° 81 r°

Annexes

  • Archives du Génie, Places-Fortes
Date d'enquête 2002 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général