Dossier d’œuvre architecture IA00047607 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
citadelle de Saint-Tropez
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Saint-Tropez
  • Cadastre 1981 AL 15
  • Dénominations
    citadelle
  • Appellations
    citadelle de Saint-Tropez

Construction et armement

L’origine de la citadelle de Saint-Tropez, occupant le point haut qui domine la ville à l’est, ne remonte qu’à l’année 1592. Jusqu’en 1590, ce point haut ou colline n’était pas fortifié, mais occupé par les moulins à vents à l’usage des habitants de la ville. Cet emplacement fut d’abord enclos d’une enceinte à l’usage de la communauté avant de devenir l’assiette d’une citadelle.

De la grande enceinte urbaine bastionnée de 1592 à la « tour » royale de 1603-1607

Devant les menaces d’invasion de la Provence par les troupes de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, allié de Philippe II d’Espagne, le conseil de la communauté des habitants avait arrêté le 14 décembre 1589 d’étendre le périmètre clos et fortifié de la ville et du port à la colline des moulins 1. Conçue selon un dessin probablement donné par un des ingénieurs français non identifiés consultés par le lieutenant-général du roi en Provence, l’amiral Bernard de La Valette, cette fortification très étendue fut financée par la levée d’une taille votée le 15 février 1590. Elle se composait d’un front bastionné au sud de la ville, prolongé à l’est par une enceinte à redans enveloppant les contours supérieurs de la colline des Moulins à l’est et redescendant vers la côte au nord. Le tracé en plan de la partie nord-est de cette enceinte a fixé celui du front opposé à la ville de l’enceinte de la future citadelle du XVIIe siècle. La grande enceinte de sûreté réalisée très rapidement en terre, avec quelques revêtements sans doute jamais achevés, était complète dans son circuit en 1592, et c’est probablement cet état des lieux qui est représenté sur un dessin d’Ascanio Vitozzi 2, l’ingénieur au service du duc Charles-Emmanuel de Savoie pour la conquête de la Provence, encore que ce dessin, pas exactement conforme à l’état réalisé, pourrait aussi correspondre à un projet de Vitozzi, analogue dans son principe à celui de la communauté et des ingénieurs français. L’exemple d’Antibes montre les grandes analogies entre les projets non réalisés de Vitozzi pour la Provence et les réalisations françaises contemporaines ou légèrement postérieures. Jean Louis de Nogaret, duc d’Epernon, promu gouverneur général de Provence en 1593, mais assurant des responsabilités correspondantes dès la mort (en février 1592) de son prédécesseur et frère Bernard de La Valette, avait contribué à écarter le péril d’invasion savoyarde jusqu'à Saint-Tropez. Néanmoins, il maintint une troupe royale dans cette place, sous l’autorité du capitaine local, Ancho d’Arain sieur de Mesples, nommé le 22 mai 1592. Dans ce contexte, le duc d’Epernon obtint du roi le gouvernement particulier de la place de Saint-Tropez, ce qui donnait de fait à la ville et au port le statut définitif de place forte royale. Pour abriter la troupe hors de la ville, mesure nécessaire du fait des réticences et de la suspicion des habitants, le gouverneur royal entreprit d’aménager le point haut du site, dans la nouvelle enceinte, seulement occupé par les moulins, pour en faire une citadelle. D’après les termes d’une supplique adressée au roi par la communauté, Epernon, « s’étant particulièrement emparé de la montagne des moulins à vent, (…) l’a retranchée par le dedans en forme de citadelle ne servant à autre choses que pour brider les suppliants… » 3. Cette première citadelle, toujours d’après la supplique, avait son gouverneur particulier, le sieur de Noulhan, et abritait cinq compagnies de gens de pied dont l’entretien justifiait la levée d’une taille de plus de six mille écus l’année sur les habitants. Le retranchement intérieur fermant cette première citadelle côté ville devait être en terre et assez étendu, les habitants se plaignant de ne plus pouvoir aller moudre aux moulins comme par le passé 4.

Après sa révocation en octobre 1595, le duc d’Epernon, entré en résistance contre le pouvoir royal représenté par son remplaçant Charles de Lorraine, duc de Guise, lieutenant général de Provence, parvint à placer à la tête de la citadelle de Saint-Tropez un commandant à sa solde, le sieur Montaud. Le 2 avril 1596, la citadelle fut assiégée par une armée de 1200 hommes recrutés dans les environs et envoyés par Guise dans ce but depuis le 24 janvier, appuyée par la milice tropézienne, la fin du siège ayant donné lieu à des tirs d’artillerie. Dès le 26 avril, la communauté faisait lever une taille pour le « razement de la citadelle et la remettre en tel estat que ne puisse estre cognu que y ayt heu citadelle pour le passé », en imposant à la main d’œuvre chargée de ce travail une mobilisation exclusive sur le chantier de démolition jusqu’à ce qu’il soit mené à son terme 5.Cette destruction systématique acceptée par le pouvoir royal donna aux habitants de Saint-Tropez l’illusion d’un retour à la situation antérieure à la venue d’Epernon, mais les imperfections des fortifications de la ville, et son statut récemment acquis de place forte d’État firent bientôt ressentir en haut lieu la nécessité de disposer d’un réduit défensif capable d’héberger des troupes royales. Les consuls de Saint-Tropez semblent en la circonstance avoir été abusés par la duplicité des grands officiers du roi, sauf à conjecturer un dysfonctionnement dû à une trop grande séparation des pouvoirs au sein de l’administration des fortifications. L’assemblée municipale constate que le premier septembre 1602 des ingénieurs du roi sont venus à Saint-Tropez pour un projet de fortifications et forteresse 6. L’un de ces experts était dès lors Raymond de Bonnefons, territorialement compétent puisque "ingénieur pour le roy en Provence, Daulphiné et Bresse" dès 1600, voire depuis 1596. Sur le conseil du duc de Guise, les habitants envoyèrent un député à Marseille pour connaître les projets et trouver moyen de s’y opposer. Le prix fait d’une « tour » ayant été signé le 23 septembre 1602, et l’ouverture du chantier correspondant ayant suivi dès octobre, le corps de ville adressa une lettre à Maximilien de Béthune, duc de Sully, surintendant des fortifications depuis 1600, pour demander l’arrêt de ce chantier. Sully leur donna en principe satisfaction par lettres des 26 et 30 janvier 1603, mais cette décision écrite ne fut pas suivie d’effet, au point qu’à une nouvelle supplique à lui adressé par les consuls, le surintendant dut répondre le 24 mai 1603 que le roi « aimait mieux le cœur et la bonne volonté de ses sujets que toutes sortes de forteresses », donnant latitude auxdits consuls de s’opposer matériellement aux travaux en cours 7. La construction de la grosse tour-réduit hexagonale à cour intérieure, dirigée par Raymond de Bonnefons, ne s’étant pas davantage interrompue après cette lettre démentant l’intention royale d’édifier une citadelle à Saint-Tropez, c’est le lieutenant général de Provence, Guise, qui consulta le roi le 23 novembre 1603 pour connaître ses intentions réelles. Il en ressortit que les travaux en cours étaient approuvés, en contradiction avec les assurances antérieurement données par Sully.

Au cours de l’année 1604, ces travaux étaient assez avancés pour que la nouvelle forteresse soit en état de loger des soldats, mais les ultimes retouches datent de 1607 ; l’année 1606 avait connu un changement de parti consistant en l’adjonction de trois tourelles de flanquement à un angle sur deux de la « tour » déjà construite 8. Le modèle architectural de cette grosse « tour » à usage de réduit, qualifiée plus tard de « donjon » était la tour édifiée de 1598 à 1605 sur ordre d’Henri IV au large de Marseille sur l’îlot de Ratonneau, édifice de plan octogonal ( ?) flanqué à équidistance de trois tourelles cylindriques. Raymond de Bonnefons était déjà le concepteur et le maître d’œuvre de cette tour de Ratonneau, dont il a en quelque sorte réédité le parti à Saint-Tropez. 9

La citadelle du XVIIe siècle : une enceinte retranchée autour de la « tour »

L’une des plus anciennes représentations de Saint-Tropez après la construction de la tour est un détail d’une carte manuscrite attribuée à Jean de Beins, ingénieur du roi en Dauphiné, datable de 1630 environ 10. On y constate que près de la tour entourée de son fossé subsiste un moulin à vent, les autres moulins qui se trouvaient sur le site enclos en 1589-1592 ayant été reconstruits sur une colline dominante située plus à l’est.

Cette représentation est antérieure de très peu à la construction - pas autrement documentée par les sources d’archives- de l’enceinte de la nouvelle citadelle, autour de la « tour » édifiée en 1603-1607 et devenue dès lors donjon. La partie neuve de cette enceinte ou citadelle se limite en fait -comme déjà la citadelle rasée en 1596- à un front bastionné retranchant vers la ville la partie intérieure de l’enceinte urbaine de 1589-1592 incluant la tour. Ce front figure sur un plan gravé accompagnant une carte levée sous la direction du mathématicien Aixois Jacques de Maretz. Vues perspectives de La Seine, Tollon, Hieres, breganson, Saint-Tropes, Freiuls, Saint-Rapheau, Canes, Saint-Honoré, Antibo 1631. Détail : Saint-Tropez.Vues perspectives de La Seine, Tollon, Hieres, breganson, Saint-Tropes, Freiuls, Saint-Rapheau, Canes, Saint-Honoré, Antibo 1631. Détail : Saint-Tropez.Cet expert accompagnait la tournée d’inspection des ports et places fortes des côtes de Provence faite en 1632 et 1633 par Henri de Séguiran, président de la cour des comptes de Provence, sur ordre de Richelieu. La carte de Maretz et ses annexes ont été éditées en 1641, mais donnent peut-être un état en cours de réalisation en 1633, comme portent à croire les termes du rapport de Séguiran, rédigé à cette date : « La citadelle de Saint-Tropez qui se trouve (ou peu s’en faut) achevée, il me semble qu’il y a lieu non seulement de la faire subsister, mais encore de continuer et parfaire la fortification de la ville qui avait été commencée par Monsieur d’Epernon… » 11. Ces termes semblent bien désigner la citadelle dans son ensemble, dont le nouveau front intérieur, et non seulement de la « tour », qui n’est pas mentionnée. Christophe Tassin, ingénieur géographe du roi depuis 1631, commissaire ordinaire des guerres, qui consacra plusieurs années à cartographier les côtes de France et à recueillir pour les faire graver et éditer, des plans et vues des places fortes françaises, d’après des relevés antérieurs ou contemporains d’autres ingénieurs spécialisés dans le dessin, a fait graver en 1634 une planche donnant le plan de la place de Saint-Tropez, sur laquelle le front bastionné retranchant la citadelle vers la ville n’existe pas encore. Tassin a pu faire graver d’après un relevé donnant un état des lieux très récemment modifié, sans intégrer ces modifications. On peut donc placer la construction de ce front bastionné intérieur, donc l’individualisation de l’enceinte de la citadelle à partir d’un secteur de l’enceinte urbaine antérieure, dans les années 1632-1634. On notera cependant qu’il existe d’autres estampes postérieures à 1633 représentant l’état des lieux donné par Tassin, dont un dessin conservé au cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale intitulé « Plan de St Tropes en Provance, 1649 ». Il s’agit manifestement de reprises non actualisées de relevés antérieurs à 1633, comme le prouve d’ailleurs une vue cavalière 12 datée de 1647, due au célèbre architecte François Blondel, alors encore jeune ingénieur militaire de la Marine. La Ville et Citadelle de Saint-Tropés. 1647.La Ville et Citadelle de Saint-Tropés. 1647.L’enceinte de la citadelle, y compris la partie réemployant le front est de l’enceinte de ville de 1589-1592, y est représentée comme un ouvrage neuf, bordé d’un fossé, dont le bon état et les revêtements contrastent avec le reste des fronts bastionnés de la ville, qui figurent dans un état inachevé (ouvrages de terre non revêtue) et déjà délabré. Ce document illustre parfaitement le propos tenu en 1633 par Séguiran. Le dessin de Blondel, relativement précis, semble être le premier exprimant le « donjon » hexagonal flanqué de ses trois tourelles, à la différence des plans et dessins antérieurs qui le figurent plus symboliquement qu’exactement comme une tour au moins aussi haute que large, sans tourelles ; ceci ne prouve en rien une adjonction des trois tourelles peu avant 1647. Tous les dessins en revanche indiquent le chemin couvert du donjon et presque tous ne figurent pas d’autres bâtiments dans la citadelle, excepté le plan de Maretz, qui parait d’autant plus fiable qu’il indique le moulin en ruines, et que les deux petits bâtiments figurés occupent l’emplacement des plus petits des corps de casernes indiquées invariablement à partir de 1700. Ceci porte à croire que ces bâtiments avaient été édifiés lors de la campagne de 1632-1634. Faute de sources directes, on ne sait rien de cette campagne qui créa la citadelle en partie aux dépens de l’enceinte de ville, dont l’achèvement ou l’entretien devaient être jugés non prioritaire.

Il ne fait toutefois guère de doute que le projet et sa réalisation furent l’œuvre de Jean de Bonnefons, ingénieur du roi en Provence après son père, depuis la mort accidentelle de ce dernier en 1607. En janvier 1635, Jean de Bonnefons tint conférence avec ses collègues ingénieurs royaux Pierre d’Argencourt et Duplessis-Besançon sur la politique à tenir pour améliorer les capacités des fortifications de Provence 13. L’ingénieur Charles-Bernard de Besançon, dit Duplessis-Besançon, avait été chargé par Richelieu d’une mission d’expertise extraordinaire sur les fortifications de Provence à la suite du rapport de Séguiran de 1633, mais on a vu qu’à ce moment, la nouvelle citadelle était en cours d’achèvement, ce qui ne permet pas d’attribuer un rôle dans sa conception à cet ingénieur, à la différence de ce qui s’est produit à Antibes pour le Fort Carré.

François Blondel rédigea un rapport d’inspection en 1651 sur les places de Provence dont il avait dressé des relevés quatre ans plus tôt, rapport complété de plans avec projets d’améliorations. La citadelle de Saint-Tropez, alors récente, y est jugée sévèrement, à la différence de son donjon : « une fortification irrégulière et fort mauvaise ayant à sa cîme un très beau dessein de figure hexagone et trois grosses tours rondes à trois de ses angles fait de bonne muraille fort épaisse ». Blondel critique le parti adopté de conserver et restaurer la partie est de l’enceinte de ville de 1589-1592 pour former le front extérieur de la citadelle, et qualifie le front intérieur bâti à neuf de « clôture de bastions mal flanqués ». Il estime que « Si l’on eût employé la dépense que cette clôture du côté de la ville a coûté, à bâtir une bonne citadelle bien régulière alentour du donjon (…) elle aurait sans doute suffi pour en faire une place très considérable et de bien moindre garde » 14. Faute de revenir sur le parti réalisé, Blondel propose de parfaire le fossé de la citadelle, de former et organiser des banquettes à parapets en terre sur les fronts bastionnés ou à redans, et de créer des dehors. Le plan joint au rapport montre en place à cette date de 1651 15, deux petites batteries bordées de mur crénelés réparties au point haut du site, de part et d’autre du donjon (au nord-ouest et au sud-est, dite « du réduit »), batteries qui existeront jusqu’au XIXe siècle. Les ouvrages d’appoint proposés pour améliorer le plan de l’enceinte sont des demi-lunes, trois bastions, au nord et à l’est, un ouvrage à cornes au sud. On note aussi la proposition d’un retranchement interne à l’enceinte avec front intérieur à deux demi-bastions précédé d’une demi-lune dans un fossé, au sud du donjon.

Après ce projet Blondel non réalisé et jusqu’à Vauban, les améliorations apportées à la citadelle, mal connues, semble s’être limitées à la construction de bâtiments militaires : deux corps de casernes complétant ceux existants (non exprimés par Blondel) et un corps de garde associé à une avant porte attenant à la batterie nord-ouest précédant l’entrée du donjon. On note aussi le puisard, sorte de bassin de recueil d’eaux pluviales devant la porte de la citadelle.

En 1689, l’ingénieur Jean-Louis du Cayron, commis aux fortifications des places de Provence depuis les années 1660, est délégué par Vauban pour visiter et expertiser la place de Saint-Tropez. Il rend un avis sur la citadelle sensiblement analogue à celui formulé une quarantaine d’années plus tôt par Blondel : « une très méchante place (…) mal pourvue de munitions de guerre, de bouche et de garnison, n’y ayant qu’une compagnie d’infanterie (…) il est vrai qu’au milieu de cette citadelle se trouve un donjon qui pourrait faire quelque résistance contre un coup de main brusque… » 16. Les seuls travaux préconisés sont des réparations aux bâtiments militaires. A la suite du rapport de du Cayron, Vauban aurait proposé de faire détruire la citadelle : « On prétend que la citadelle de ce port ne peut lui servir d’aucune deffense, suivant le sentiment même de M. de Vauban qui avait projeté de la faire démolir… » 17.

Antoine Niquet , directeur des fortifications pour la Provence, donne un plan et des profils de la citadelle en 1694 et 1697, pour l’état des lieux, sans projets. Plan de la ville et citadelle de St Tropez. 1716Plan de la ville et citadelle de St Tropez. 1716Le plan de la place dressé le 18 octobre 1716 par Lefébure, officier du Génie de Toulon, 18 montre que la citadelle est en bon état, toujours raccordée au front bastionné non revêtu de l’enceinte de ville la fin du XVIe siècle, désormais très ruiné. Les fronts de la citadelle ne comportent aucune banquette de terre organisée. Le plan-relief de la place, réputé dater aussi de 1716 19, donne les même informations. On y remarque toutefois des lacunes peu explicables concernant la citadelle : absence des trois tours de flanquement du donjon, absence des bâtiments militaires les plus récemment construits et du puisard, ce qui porte à croire que le plan relief n’a pas été renseigné par les relevés de Niquet et de Lefébure, mais en partie par des relevés plus anciens.

Le mémoire sur Saint-Tropez accompagnant la planche de plan dans l’atlas des places fortes de 1719 donne un aperçu sur l’économie et les capacités de la citadelle : « (La ville) tire sa deffence par la citadelle d’une figure irrégulière dans laquelle il y a un donjon, une très bonne citerne de quatre toises de profondeur et six toises trois pieds de diamètre, il y a à présent trois toises d’eau et dans les plus fortes sècheresses, il en reste toujours plus de deux toises, Il n’y a du logement dans le donjon que deux chambres et une écurie pour le commandant, avec un cabinet, une chambre et un cabinet pour le capitaine de la compagnie qui y est en garnison et autant pour un lieutenant, c’est maintenant une compagnie d’invalides (…) il y a deux corps de casernes dans la citadelle hors du donjon, composés de huit chambres chacun, faisant en tout seize chambres à deux lits chacune à trois soldats par lit, il y a de quoi loger 96 hommes.Le donjon est entouré d’un bon fossé taillé dans le roc et revêtu où le roc manque, il est de deux toises de profondeur sur quatre toises trois pieds de largeur, il y a un chemin couvert dont le mur du parquet est presque ruiné partout, il y a un moulin à bras, tout ruiné et hors de service (…) il y a un four de dix pieds de diamètre. Le magasin à poudres est dans une tour au-dessus de la plate-forme du donjon, il y a dans ce magasin actuellement environ cinquante quintaux de poudres, il y a neuf pièces de canon dont quatre de fonte de 10 L de balles et cinq de fer de 12 L, il y en a six au donjon et trois dans le pourtour de la citadelle, il y a environ 100 boulets de différents calibres, point de mortiers ny bombes ny pot à feu, ny artiffice, chose assez extraordinaire dans les anciennes places.C’est M. le Mareschal de Villars qui en est le gouverneur particulier, Mr Hidy irlandais, Lieutenant du Roy et M. Préfontaine major, qui y commande en leur absence à la ville et à la citadelle. Il y a un garde d’artillerie, un chirurgien major et un aumônier, c’est un capucin qui vient servir la citadelle et le couvent en reçoit le revenu 20» En décembre 1730, la chapelle de la citadelle est transférée, quittant l’emplacement qu’elle occupait dans une des trois tours du donjon 21, pour occuper un petit bâtiment antérieurement à usage de corps de garde construit avant 1690, attenant au chemin d’accès au donjon et à la batterie nord-ouest.

Les améliorations du XVIIIe siècle : le retranchement intérieur

Il faut attendre encore plusieurs années pour voir émerger un projet général d’amélioration de l’enceinte de la citadelle, promu par l’officier du génie Cavin de Marrole, et signé par le capitaine local M. Negre, le 30 décembre 1738 ; ce projet suppose une reconstruction à peu près complète de l’enceinte, avec fronts bastionnés continus et réguliers dotés de six bastions et de dehors : tenailles, demi-lunes, contregardes et chemin couvert. Il ne sera pas suivi d’effet, compte tenu du médiocre intérêt accordé à cette place, mais la comparaison des plans antérieurs avec un plan de 1740 porte à croire que quelques finitions avaient été apportées aux fossés existants, laissés inachevés un siècle plus tôt. La principale modification est l’isolement de l’enceinte de la citadelle par le rasement définitif des ruines du front bastionné de l’enceinte de ville de 1589, rasement décidé en 1739 par le directeur général des fortifications Claude-François Bidal d’Asfeld, maréchal de France. C’est dans un mémoire du 28 février 1744 que, se réclamant rétrospectivement de l’opinion de Vauban, le secrétaire d’Etat à la Marine Jean-Frédéric Phélypeaux de Maurepas propose en outre de faire détruire la citadelle, jugée inefficace pour la défense du port, et d’en concéder les matériaux aux habitants. La même année sont programmés des travaux de réparation des parapets du chemin couvert de la batterie dite du réduit, au sud du donjon, et au mur-parapet du chemin couvert du donjon.

L’utilité stratégique de la citadelle de Saint-Tropez fut réévaluée en 1746, lors des opérations militaires en Provence de Charles-Louis Fouquet de Belle-Isle, Maréchal de France, destinées à contrer les entreprises austro-piémontaises. Le Maréchal de Belle-Isle décida le renforcement de la citadelle pour lui permettre de mieux se défendre de l’éventualité d’un débarquement ennemi sur la plage des Cannebiers et de sa prise de position entre autres sur la proche colline des Moulins, à l’est / sud-est. Un mémoire rédigé en 1774 par Charles-François Marie d’Aumale précise que cette colline « ferait un point qu’on ne pourrait s’empêcher de garder par un ouvrage ouvert à la gorge s’il s’agissait de la défense en règle de la citadelle » ; il décrit ensuite les travaux entrepris à la citadelle en 1746-1647 sous la direction de l’ingénieur Milet de Monville à la demande du Maréchal de Belle-Isle, qui « ordonna de changer la partie qui fait face à la hauteur et de la mieux disposer, mais l’on ne donna pas un développement plus étendu et il ne fut point changé de manière à la rendre un peu moins mauvaise. On se borna à terrasser, à se pratiquer des retranchements intérieurs, à rectifier quelque tracé et à tâcher par tout le travail qui fut fait, de résister davantage aux effets du canon » 22 Ce retranchement intérieur isolé du reste de l’enceinte par une tenaille bordée d’un étroit fossé, comportait deux autres branches de fossé étroit isolant un ravelin ou demi-lune intérieur. Ce dispositif revêtu tout d’abord de fascines reprenait, d’une manière plus empirique et moins bien tracé, le principe proposé par Blondel en 1751. Plan de la ville et citadelle de Saint-Tropés. 1747Plan de la ville et citadelle de Saint-Tropés. 1747Dans son mémoire sur la citadelle daté du 28 février 1747, Milet de Monville fournit lui-même des explications circonstanciées sur ce retranchement intérieur, et sur d’autres améliorations alors en cours d’achèvement : « Cette place qui est une des plus faibles que je connaisse autant par sa construction que par sa situation, est encore dominée à 600 toises par une hauteur au levant de l’Hermitage de Ste Anne qui plonge et prend des vues sur la partie qui serait battue. Pour remédier à ces deffauts autant qu’il a été possible on a fait un retranchement intérieur en forme de tenaille dont les deux branches parallèles à ces hauteurs défilent le reste de l’enceinte du donjon et mettent en estat de disputer cette partie. (Monsieur le Chevalier de Belisle a jugé à propos de pousser en avant du retranchement presque fait une seconde branche parallèle à la hauteur des moulins et un flanc pour deffendre la branche gauche ; cette augmentation renfermera les casernes et rapprochera la défense de la brèche). On travaille encore à épaissir les parapets pour mettre à l’épreuve les parties destinées à recevoir quelques pièces de canon contre les hauteurs dont je viens de parler. On rétablit en maçonnerie le revêtement du parapet du chemin couvert du donjon et celuy du réduit sur lequel est appuyé l’angle rentrant du retranchement et il a été convenu de faire un fossé devant ce réduit dont la teste n’est pas flanquée. » L’ingénieur donne ensuite quelques précisions sur les réserves d’eau et les capacités de résistance des « couverts » de la citadelle, le donjon seul étant en capacité de défense et devant être mis autant que possible à l’épreuve des bombes : «cette citerne (celle du donjon, dont il propose de renforcer la voûte) a vingt pieds de profondeur et 15 de diamètre dans œuvre, elle ne retient l’eau que onze pieds et contient à cette hauteur 1848 pieds cubes d’eau ce qui fournira pendant 21 jours à 600 hommes de garnison, à 5 pintes par homme qui est la consommation journalière. Outre la citerne, il y a à gauche en dehors de l’entrée de la 1ere enceinte un grand réservoir (le puisard) ou se ramassent les eaux pluviales de partie de cette enceinte, il y a actuellement 6084 pieds cubes d’eau (…) l’eau de ce réservoir est assez bonne et la garnison en fait usage, il ne peut être blindé à cause de sa grandeur.Les logements du donjon sont sous plate-forme, la voûte qui la soutient n’a que deux pieds et demi d’épaisseur à la clef et n’est conséquemment pas à l’épreuve, on ne peut la couvrir de terre parce que la plate-forme reçoit les eaux qui remplissent la citerne, mais on étançonnera ces voûtes pour les rendre plus capables de résister à l’effet des bombes, on formera d’ailleurs des blindages dans le fossé du donjon pour mettre partie de la garnison à couvert. » 23

Les communications internes au retranchement intérieur, soit les ponceaux franchissant les branches de fossé, ne seront réalisées qu’après 1752 ; les escarpes et contrescarpes de ces fossés, en partie taillées dans le roc, en partie armées provisoirement de fascines, ne seront jamais entièrement revêtues de maçonneries, en sorte que le « petit ravelin » intérieur restera invariablement qualifié d’imparfait sur les légendes des plans postérieurs, malgré des projets de revêtement reconduits jusque dans la décennie 1760 par Milet de Monville, alors directeur des fortifications pour la Provence.

Strict entretien et finition des dehors du milieu du XVIIIe au début du XIXe siècle

Le successeur de Milet de Monville, Charles-François Marie, comte d’Aumale, fait reconstruire en 1774 sur le budget de l’extraordinaire des guerres, la chapelle de la citadelle en lieu et place, après démolition du « vieux bâtiment » du XVIIe siècle, menaçant ruine, qui l’abritait depuis 1730. Malgré la modestie du parti architectural, ce nouvel édifice dédié à Sainte-Geneviève est confié à la maîtrise d’œuvre d’un entrepreneur qualifié d’architecte du Roy, le sieur Cassel, secondé par son fils cadet ouvrier et maître maçon 24. Le projet général, du 28 novembre 1774, signé par le capitaine Fournier sous la direction d’Aumale, propose d’améliorer les remparts non organisés de la citadelle, selon les principes déjà formulés par Blondel plus d’un siècle auparavant : « épaissir les murs de parapet de la dite première enceinte du côté de la ville, en réparer d’autres parties et aplanir le terrein pour former le terre-plein avec banquettes, paver et ajuster les plates-formes ». Il propose aussi de « creuser les fossés, élever des parties de contrescarpes, former le chemin couvert et les glacis » sans prévoir d’autres dehors, puis enfin de « rétablir et remettre en bon état les pavillons et casernes. Continuer de construire le bâtiment coté 7 (en fait, une des casernes nord préexistantes à augmenter) pour y pratiquer une écurie à usage du commandant et des officiers » . Le pont du donjon est à réparer.

Plan des ville et citadelle de Saint-Tropès. 1775Plan des ville et citadelle de Saint-Tropès. 1775Le mémoire sur la place rédigé par d’Aumale pour l’atlas des places fortes de Provence en 1775 fait un historique et un état des lieux de la citadelle. Il estime que l’enceinte est en assez bon état mais « sans pour ainsi dire fossé et nul chemin couvert ». L’état des bâtiments et souterrains (locaux voûtés) est imprécis mais exhaustif : « La chapelle est dans la première enceinte et est neuve. On trouve en entrant à côté de la porte (de la citadelle) un très petit corps de garde. Ensuite dans la première enceinte trois petits corps de cazernes sous simple couverture n’ayant qu’un rez-de-chaussée on peut y mettre 52 lits. Deux autres petits bâtiments qui servent de pavillons pour officiers encore sous simple couverture et n’ayant qu’un rez-de-chaussée. Une des chambres de ces pavillons sert de corps de garde.Le donjon (…) au milieu de la citadelle est voûté à l’épreuve, (…), c’est une grosse tour exagonale solidement bâtie portant deux étages et une plate forme sur laquelle il y a plusieurs pièces de canon. Le rez-de-chaussée est au niveau de l’entrée, il contient quinze pièces compris les trois tours qui flanquent alternativement le développement de la tour ; deux de ces pièces sont affectées pour les vivres, quatre pour l’artillerie et un sert de magazin à poudres, une de prizon, une de cave, une pour une forge, une dans une tour ou est une trappe et d’où l’on communique dans un cachot, une pour le four et la boulangerie, deux pour un magasin aux bois et une dans une tour pour second cachot.Le premier étage contient les logements du commandant, de l’aumônier, du garde de l’artillerie, un corps de garde et d’autres cachots dans des tours. La platteforme est revêtue d’un mur de deux pieds et demy d’épaisseur et percé d’embrazures pour le canon, il y a en outre trois tours, l’une est un magazin à poudres, la seconde est destinée à y placer un moulin à bras et la troisième était autrefois une chapelle. Il y a encore sur les angles flanqués des guérites à mâchicoulis.La citerne est au centre du donjon pour recueillir toutes les eaux de la platte-forme, elle contient 155 muids d’eau.La boulangerie est dans le donjon à gauche de son entrée ; le four est grand et peut contenir 210 rations de pain, de sorte qu’il en fournirait 1470 en vingt quatre heures. Il y a place dans le donjon pour dépôt de farine considérable, mais il n’en y a point qui soit particulièrement affecté à cet usage parce que la garnison va prendre son pain à la ville. 25» Dans cette même année, d’Aumale fit faire le bornage pour déterminer l’emprise des glacis de l’enceinte de la citadelle, qui restent à former, et pour les délimiter des terrains privés limitrophes. Les limites furent fixées, après résolution de litiges, le 28 décembre 1775.

En 1776 est proposée la réfection des piles du pont du donjon l’une à réparer l’autre à reconstruire, en créant deux arches en berceau surbaissé pour transformer le pont-dormant à tablier de charpente en pont voûté en maçonnerie avec lises (garde-corps) en fer.26 Ce projet, reporté plusieurs années, de même que celui du revêtement de la contrescarpe du fossé du donjon, semble avoir été réalisé en 1780, avec des arches en berceau plein-cintre. Cette même année, fut refait à neuf en pierre de taille le mur d’appui de la citerne du donjon et son couvert, avec réparation des montants en fer et d’une partie du pavé de la cour 27.

Les postes de travaux échelonnés dans la décennie 1780 relèvent du gros entretien : réfection à neuf de la couverture du corps de caserne coté 9, puis de celui coté 7, rejointoiement, reformis et crépi des revêtements du donjon et des parapets et revêtements de l’enceinte dans le secteur 14-15-16, puis de 32 à 35. Le tablier du pont-levis du donjon est à refaire à neuf en 1788, les bâtiments militaires cotés 6 et 8 nécessitant des réfections de couverture ou de plafond.

Toutefois, un projet ambitieux non réalisé dessiné en 1782 (représenté en 1784) par l’ingénieur Sicart de Robertis, et reprenant un projet de 1774, proposait un chemin couvert continu sur la périphérie complète de la citadelle, avec cinq places d’armes rentrantes et six petites places d’armes saillantes, défilées par des traverses.D’après le mémoire du sieur Lavarenne, directeur des fortifications, en 1793, l’état de l’artillerie de la citadelle se compose seulement de neuf pièces de canon de calibres différents. La garnison est une compagnie de cinquante hommes réduite à trente 28. Les observations sur la place rédigées le 15 brumaire an 4 par Legier du Plan, directeur des fortifications, confirment le maintien d’une utilité stratégique de la citadelle et les travaux d’urgence commencés, justifiés par les menaces d’invasion des troupes anglaises qui occupaient Toulon et les îles d’Hyères : « Ces considérations portent donc le gouvernement en 1793 à accroître la défense de la citadelle de Saint-Tropez en rectifiant ses contrescarpes et formant un chemin couvert sur le pourtour de la partie la plus accessible de cette citadelle, avec des masses informes qui la dominaient. Ce travail qui a été suivi depuis cette époque n’est point encore terminé et on demande (…) d’achever les 34 toises restantes. ». 29 Le chemin couvert exécuté, très simple, ne comporte que deux places d’armes rentrantes sur le front ouest dominant la ville.

L’An 5 de la République, l’adjoint du génie en chef Riouffe, critique une partie des travaux exécutés peu avant dans son mémoire raisonné de l’état actuel des fortifications de la citadelle de Saint-Tropez et des bâtiments qu’elle renferme : « Sa basse enceinte qui n’est formée dans sa majeure partie que de redans très irréguliers ne présente autre chose qu’une faible clôture assise à la vérité sur un roc solide mais découverte dans bien d’endroits jusqu’à demi-revêtement. Ce fut sans doute pour remédier (…) à ce dernier inconvénient qu’on exhaussa les parapets du chemin couvert qui se trouvaient en prise aux feux de front et de revers des hauteurs (…) Mais il y a lieu de croire qu’on ne s’apperçût pas alors qu’on étoit tombé dans un autre inconvénient encore plus grave. Car outre que ces changements n’ont fait attraper qu’imparfaitement le but qu’on s’était proposé, ils ont rendu la crête des glacis si aigue & sa pente d’une telle roideur qu’il serait difficile, pour ne pas dire impossible, d’empêcher les éboulements de terre qui se font journellement dans cette partie (…) & qui nécessiteront dans peu des remblais considérables si l’on considère que cette même pente fait avec le plan de l’horizon un angle d’environ 30 degrés »30

Dès l’an 3 avait été proposée la réfection à neuf et en maçonnerie du pont dormant en bois et de la rampe en escalier de l’entrée de la citadelle, simple porte piétonne à pont-levis à poulie, ainsi que le remplacement de son vantail. Cette reprise de grande urgence sera cependant reportée d’une année sur l’autre, faute de moyens suffisants donnés à l’entrepreneur, jusqu’à l’an 10. La couverture de la ci-devant chapelle menace ruine, sans que les projets de réparation ne se concrétisent. Les principales réparations exécutées l’an 11 et 12 concernent les cheminées et couvertures du corps de casernes coté 7.

Nouveaux projets d’amélioration : porte, magasin à poudres, casernes, 1816-1824

Plans et profils du donjon de Saint-Tropez. 1819Plans et profils du donjon de Saint-Tropez. 1819Les projets d’amélioration de la citadelle reprennent un nouveau souffle à partir de 1816, sous la direction de l’ingénieur Charles-Joseph Clerici, alors jeune capitaine du génie, qui prendra plus tard le commandement de la place d’Antibes. Le 29 octobre 1816, il dessine un projet de reconstruction de la galerie périphérique de la cour intérieure du donjon, remplaçant les balcons de pierre sur consoles par une coursive en charpente sur piliers de pierre ; il propose ensuite deux variantes, l’une le 18 décembre 1816, avec conservation des consoles en place et remplacement du garde corps en maçonnerie par un autre en partie en fer forgé ; l’autre variante, du 10 Janvier 1817, propose de remplacer les consoles par une série de piliers maçonnés formant arcades portant la galerie, avec escaliers passant dessous. C’est la première variante, plus économique, avec garde-corps en fer, qui sera exécutée en 1818. Clérici lance aussi le projet de réparer la ci-devant chapelle pour l’affecter au logement d’un sous-officier, capable d’abriter 30 hommes, avec une cuisine.

En 1819, le capitaine du génie Moinet rédige un projet de réparation des mâchicoulis de deux des trois tours de flanquement du donjon, en proposant une alternative –non retenue- substituant des embrasures à ces mâchicoulis.

L’année suivante, 1820, voit émerger l’un des rares projets grandioses et sans lendemain de bâtiments militaires qui ait été proposé pour la citadelle de Saint-Tropez, rédigé et dessiné par le capitaine du génie Montmasson 31 : il s’agit d’une caserne casematée pour 700 hommes abritée sous un vaste cavalier à deux branches couvrant le donjon, au bord de deux des pans de son fossé du donjon, avec galerie et coursive côté gorge ; le projet comporte aussi un magasin à poudres semi enterré dans l’axe de l’angle saillant, traversé par une communication. Ce magasin à poudre fera bientôt l’objet d’un projet indépendant qui finira par aboutir après bien des années d’atermoiements. Toujours en 1820 apparaît pour la première fois le projet d’une nouvelle porte à pont-levis pour la citadelle, de gabarit charretier et de plain-pied, alors proposée dans la courtine 12-27, à proximité de la porte existante, qu’on envisage dès lors de supprimer. Ce projet de porte permettant enfin l’accès des charrois et attelages dans la citadelle connaîtra de nombreux avatars de forme et surtout d’emplacement avant de se concrétiser.

Le projet de 1820 comporte aussi une batterie nouvelle aménagée entre deux traverses pour quatre pièces au revers de la longue face 22 du front est. Sa réalisation est effective dès 1821. Le projet général du 20 novembre 1821 dessiné et rédigé par l’ingénieur du génie en chef à Saint-Tropez, le capitaine Becrine, avec variantes dues au colonel du génie et directeur des fortifications A. Pinot, comporte divers postes relativement ambitieux :

-Nouveau tracé de la route d’accès en lacets, en deux branches convergentes, l’une montant de la ville (adaptation du chemin en place), l’autre du faubourg de la Pointe-Déplacement de l’entrée de la citadelle du flanc droit du bastion 12 (sud-ouest) dans la face vers la ville (ouest) du redan 26 (nord), avec continuation de la rampe en lacet à l’intérieur de l’enceinte. Le pont-levis proposé à la nouvelle porte est à bascule avec fosse.

-Construction d’un tambour crénelé formant place d’arme sur la traversée du chemin couvert par le chemin d’accès

-Construction d’un magasin à poudres de 20.000 kg, avec deux options : - soit (A) au sud, dans le retranchement intérieur, soit (B) devant l’entrée du donjon, près du bâtiment 7 (ancienne chapelle) et de la nouvelle rampe proposée. A ce dernier emplacement, le magasin serait couvert d’un épaulement ou cavalier. L’emplacement sud sera finalement jugé trop exposé vers l’attaque, très voisin de la principale caserne des soldats et exigeant de gros déblais de roc et très voisin de la principale caserne des soldats.

-Remplacement par des voûtes surbaissées des plafonds d’une partie des petits locaux du rez-de-chaussée du donjon-Proposition de couverture de la plate-forme du donjon par un toit annulaire hexagonal dégageant la cour à charpente de fer et couverture en tuiles 32.

Le 21 novembre 1822, une nouvelle version du projet général est donnée par le capitaine Phillippon. Le magasin à poudres et son épaulement ou cavalier couvre-face, au nord, ne sont plus à l’emplacement B, mais plus bas à un nouvel emplacement C, ce qui impose la démolition du corps de caserne 7 et du bâtiment 8. Le cavalier couvre-face est prévu casematé pour remplacer la caserne, la citadelle manquant d’abris. Un puits est proposé pour la première fois dans le redan 27 ; sa réalisation tardera elle aussi.

Le projet de magasin à poudres fait l’objet en 1824 d’un argumentaire mettant en avant la nécessité de libérer les locaux du donjon d’usages autres que le logement : « la situation actuelle des poudres dans le rez-de-chaussée et les tours du donjon est aussi dangereuse que peu convenable a cause de l’humidité, et, en temps de guerre, on ne saurait ou les placer (…) on pourrait loger au donjon le commandant, qui loge en ville, ce qui est bien peu militaire, en outre un détachement de 30 hommes ou deux officiers, plus le magasin d’habillement, cachot, salle de police, le logement de deux sous-officiers et d’une blanchisseuse ou un soldat marié, ce qui compenserait amplement la démolition des deux casernes 7 et 8 qui ne sont que des hangars en très mauvais état occupés maintenant par deux soldats mariés et deux sergents ». Les autres articles du projet de 1824 comportent la démolition de la batterie 5 (devant l’entrée du donjon, joignant l’ex chapelle) dont le parapet est disloqué (elle ne sera démolie qu’en 1836), la réparation du premier pont-levis d’entrée du donjon, pourri. Reparait aussi un projet de caserne défensive derrière le retranchement intérieur qui la couvrirait des vues des hauteurs, sans nuire à la caserne existante cotée 9, qu’on propose d’ombrager par la plantation d’ormeaux.

Les réalisations des décennies 1830-1840, l’amélioration du retranchement intérieur.

La principale nouveauté des projets de 1825, proposée d’après l’avis du comité, est un changement de forme et d’étendue du retranchement intérieur, par création d’un nouveau front à deux demi-bastions, avec fossé unique et large, projet comportant suppression du ravelin intérieur. On observera que ce parti se rapproche du projet de Blondel de 1651. Il sera réalisé après plusieurs propositions de variantes. La partie retranchée, au sud du fossé projeté, soit les redans du front sud-est (13-14), doit être organisée par création d’un rempart avec banquette d’artillerie et parapet de terre.

Le 3 janvier 1826, Duvivier, capitaine du génie en chef aux Iles d’Hyères et à Saint-Tropez, rend un mémoire sur la citadelle, qu’il estime être une « excellente batterie de côte pour soustraire à l’ennemi le mouillage du golfe de Grimaud et de l’anse de Saint Pierre". Le capitaine propose de placer la nouvelle porte à l’opposé de celle existante, dans le front nord-est : « La porte d’entrée sera percée dans l’escarpe du redan 23. Elle exigera peu de nouvelles maçonneries. Deux pont-levis, l’un sur la coupure de la rampe, l’autre à la porte même achèveront la communication située entre de légers piliers, on propose de le faire à flèches ». Les apostilles du directeur des fortifications Pinot rejettent cette proposition de porte et invitent l’auteur du projet à revoir sa copie pour simplifier et réduire le coût de l’aménagement de la route en partant du chemin existant, beaucoup trop longue dans le projet Duvivier. Les impératifs sont reformulés : « il faut également une porte d’entrée avec pont-levis, corps de garde et pont dormant sur le fossé, celle existante est mal située, vue de l’extérieur, il faut la conserver comme poterne en l’arrangeant pour dérober sa baie aux vues du dehors (…) On pourra ouvrir le rempart, faire les profils et un pont de service de charpente (…) plus une bonne porte en madrier doublée et clouée, préparer l’emplacement pour établir un pont à manœuvre moderne suivant le procédé de M. Poncelet ou de M. Derché, voir même celui de M. Delisle… ». La contre-proposition revient, pour l’emplacement de la porte, à la face sud-ouest du redan 26.

Toujours dans un souci d’économie, le directeur propose que le défilement du magasin à poudres soit assuré par un simple masque, moins coûteux que le couvre face proposé, lui-même déjà plus simple que ceux des années précédentes.

Le poste le plus urgent à approuver est le magasin à poudre d’une capacité de 35 tonnes, à peu près tel que proposé en 1823, le financement étant accordé. Dans la nuit du 6 au 7 novembre1826, à la suite de pluies diluviennes, la face droite du redan 26 (nord) s’est lézardée puis écroulée sur une longueur de 18m. L’origine de ce sinistre est attribuée par le capitaine Pivert, dans son rapport du 18 novembre, à l’accumulation de déblais issus du creusement du puits et de la démolition très récente des vieux corps de caserne 7 et 8 pour dégager l’assiette du magasin à poudre. Ce choix d’assiette n’en est pas moins confirmé, mais la nécessité de reconstruire les revêtements écroulés imprime un retard supplémentaire au chantier.

Dès 1827, il est proposé de profiter de cette reconstruction pour créer un petit bastion au saillant du redan 26. Ce chantier, tout comme celui du magasin à poudres, ne seront ouverts qu’en 1830, la priorité étant donnée l’année précédente à l’établissement de la rampe de service facilitant la navette des attelages desservant les chantiers. Cette rampe monte sur remblai pour entrer dans la citadelle par la porte ancienne, élargie, de même que percée située à l’arrière dans l’ancienne tenaille pour aller vers le retranchement.

Un plan signé le 31 décembre 1829 par le capitaine du génie en chef R. Vidaillan fixe l’emplacement définitif et la nouvelle forme de la porte de la citadelle : flanc gauche du bastion 27 et passage en couloir voûté a seuil surhaussé du fond du fossé avec rampe en remblai et voute non rampante, donc sans pont ni pont-levis. Une autre feuille de plan des mêmes mains et date montre que le puits du redan 26 est à peu près achevé, avec sa margelle, mais que le magasin à poudres n’est pas commencé.

En 1830, le chemin intérieur sur remblai contournant le glacis donjon par l’est, entre l’emplacement du magasin à poudres et la batterie du réduit, cotée 4, est en cours de construction. Les fondations du magasin à poudres sont préparées sur le plan définitif, à l’abri de l’épaulement couvre-face déjà en partie organisé avec les déblais. Le magasin proprement dit, monté lentement à partir du printemps 1833, ne sera achevé qu’en 1835, et son mur d’isolement l’année suivante. La reconstruction de la face et de la pointe du redan 26, avec son petit bastion en capitale, est conduite au cours de l’année 1831.

A partir de 1832, les projets se recentrent sur la nouvelle configuration du retranchement intérieur, avec ou sans petit ravelin dans le fossé, l’organisation de ce secteur étant rendue plus complexe du fait de la prise en compte de nouvelles données de défilement vis-à-vis de tirs d’artillerie ennemis dont la portée et la précision à l’impact se sont accrus.

La forme définitive du front bastionné intérieur est fixée par le projet pour 1834 du au capitaine du génie en chef Esmenard ; les deux demi-bastions flanquant le fossé sont différents, celui de droite (16, pris dans le bastion ou redan 13) comporte un flanc retranché par un orillon carré, l’autre (17, pris dans le redan 21) un flanc droit 33. A la fin de l’année, la courtine intérieure 16-17, formée de deux pans, remployant en l’adaptant la branche nord-sud du retranchement de 1747, est réalisée avec son revêtement mais on propose d’y percer une poterne descendant dans le fossé pour communiquer avec l’ouvrage retranché sud 13-14 qui ne sera accessible que par un escalier en pas de moineau. Le flanc du demi-bastion gauche (n°17) est fait, par remploi du revêtement de la tenaille existante, la face reste à faire, de même que la totalité du demi-bastion droit (n° 16), la contrescarpe reste à faire en entier.

En 1836, le directeur des fortifications conteste la conception du projet en cours de réalisation et fait dessiner par le capitaine du génie en chef Le Bat un contre-projet dans lequel le demi-bastion 16, jugé inutilement coûteux est remplacé par galerie crénelée à construire dans le fossé, adossée au batardeau de droite, pour le flanquement en enfilade. Dans ce contre-projet, la courtine et la contrescarpe en vis-à-vis sont rectilignes et non plus formées de deux pans. La poterne dans la courtine reste à faire sans changement. Ce contre-projet ne sera pas exécuté, sans doute parce qu’à ce stade d’avancement des travaux, un tel changement n’aurait pas occasionné d’économies, mais plutôt un surcoût. L’achèvement du front intérieur 16-17, de ses deux demi-bastions, du fossé et de sa contrescarpe, date de 1840, mais la poterne reste alors encore à percer dans la courtine, toujours conçue comme un escalier voûté fermé de deux portes blindées. Elle est réalisée au cours de l’année 1841. Les batardeaux fermant le fossé intérieur aux deux extrémités sont construits en 1841. Les projets, depuis 1838, se concentrent sur l’organisation interne du front retranché 13-14, soit de ses banquettes et parapets de terre, pour assurer le défilement. Une guérite est à reconstruire à neuf depuis 1836 au saillant du redan 14 : elle ne sera réalisée qu’en 1842. L’achèvement du défilement occupe les années 1844-1845. On note aussi l’organisation du mur batardeau à l’extrémité droite du fossé, au saillant du demi-bastion 16, par création d’une communication en poterne au-dessous, creusé en déblai dans le fossé intérieur, pour permettre aux défenseurs d’accéder au chemin couvert. Le projet adopté en 1843 et approuvé et provisionné l’année suivante est dessiné par le garde du génie en chef par intérim Poly, le 2 novembre 1844. Une poterne symétrique aussi projetée en 1843 sous le mur-batardeau de l’extrémité gauche du fossé intérieur, sur projet du capitaine du génie Malglaive, ne sera pas réalisée, celle de droite étant seule percée en 1845.

Achèvement de la porte de la citadelle et derniers projets, aboutis ou non, 1840-1850

La nouvelle porte de la citadelle est achevée en 1840 : elle est à peu près conforme au dessin donné en février 1834 par le capitaine du génie en chef Esmenard, qui diffère de celui de 1829 par le fait que le seuil extérieur règne au fond du fossé et que la voûte du passage est légèrement rampante pour suivre la pente de la chaussée ; cette porte n’est défendue que par des vantaux blindés derrière l’arcade d’entrée. Sa rampe intérieure était déjà commencée dès 1839, avant la percée dans le flanc gauche du bastion 27. L’ancienne porte, en vis-à-vis, existe encore, de même que le puisard.

Cependant, le projet du 26 mars 1842, rédigé par le capitaine du génie en chef Le Bat, propose un remaniement lourd de la porte de la citadelle, avec adjonction d’un pont-levis, imposant la rectification du tracé de la rampe et la reprise de la voûte sous une forme non rampante : « La position toute particulière de la porte (…) rend très difficile la construction d’un pont-levis ; le projet que nous présentons consiste à modifier le flanc gauche du bastion (27) et exige que l’on couvre une partie du puisard ; il exige le changement total de la porte actuelle et la reconstruction du passage voûté en arrière. Devant le nouveau flanc nous établissons un fossé de 3m de large et 4m de profondeur, avec pont-levis à la Delile, ce fossé communique avec le puisard et sera plein d’eau pendant une partie de l’année… 34» A la fin de l’année 1842, le chef du génie décide de supprimer complètement la porte primitive de la citadelle, piétonne, au lieu de supprimer seulement son escalier extérieur, précisant que cette porte est inutile parce qu’on peut pratiquer un guichet dans la grande porte neuve à pont-levis. Ces importantes modifications, suppression de l’ancienne porte et transformation de la nouvelle avec pont-levis à la Delille,35 sont réalisées en 1843, mais le tablier du pont-levis semble avoir été refait en 1846. Cette adaptation n’a pas entrainé la suppression du puisard, qui a subsisté, réduit, jusqu’à la première guerre mondiale.

L’année 1843 voit par ailleurs revenir un nouveau projet de grande caserne destiné à augmenter considérablement les capacités d’hébergement de la citadelle ; comme le projet précédent de 1820, celui-ci ne sera pas suivi d’exécution. Il comporte deux versions, inégalement ambitieuses et coûteuses. La première, proposée par le capitaine Le Bat, le 10 mars 1842, est une caserne ordinaire en forme de hangar de six travées de dortoirs sur un seul niveau, à placer entre le donjon et la caserne 9, à l’arrière du bastion 12. La seconde version, proposée par le chef du génie, est une caserne voûtée à l’épreuve pour 400 hommes située au nord-est de la citadelle, dans le redan 23, au ras de la contrescarpe du fossé du donjon, détruisant une partie du chemin couvert de ce donjon. L’élévation proposée est monumentale, avec décor de style néo-gothique balnéaire en usage sur la Riviera (fenêtres à la Tudor, crénelage, fausses échauguettes). Cette caserne contient trois niveaux voutés, dont un enterré, et une travée de citerne. (26 mars 1842, signé du capitaine du génie en chef de Malglaive). L’utilité d’une caserne à l’épreuve est incontestable, le donjon ne pouvant abriter en temps de guerre que 50 hommes et de très petits magasins. Néanmoins, ce grand projet restera lettre morte faute de crédits, et le seul autre bâtiment militaire projeté par la suite, notamment en 1848, lui aussi non réalisé, est un hangar pour l’artillerie qu’il était proposé d’édifier à l’arrière du front intérieur 16-17, près de la caserne 9.

Les travaux de la commission mixte d’armement des côtes instituée par décret en 1841, avait abouti en septembre 1845 à définir des plans-types pour réorganiser et moderniser systématiquement les batteries de côtes, et pour en construire de nouvelles, celles isolées avec réduits casematés. Les plans-type adoptés alors furent amendés et révisés dès le 31 juillet 1846. La mise en application de ces principes donne lieu pour l’année 1846 au projet de création de cinq batteries de côte d’inégale capacité dépendant de la place de Saint-Tropez, dont deux sur le site même. L’une est sur le môle du port, l’autre, plus importante, au pied du glacis de la citadelle, au nord-est, est dotée d’un petit magasin à poudres, avec communication en caponnière aux fossés de la citadelle. Dite « batterie du cimetière » du fait de la proximité du cimetière de Saint-Tropez, cet ouvrage de terre est représenté sous diverses formes jusqu’en 1862, revues à la baisse après 1849, sans communication aux fossés. Elle ne sera réalisée que d’une manière sommaire après 1860.

A partir de 1847, les abords du donjon sont réorganisés : réglage des glacis du donjon, surtout au nord et à l’ouest, et suppression des restes de la tenaille du retranchement intérieur de 1746, au sud du donjon, qui constituait potentiellement une position de batterie contre le donjon en cas d’invasion de l’enceinte. Le donjon fait ensuite l’objet de nouveaux projets d’amélioration, proposés à partir de l’exercice 1851-1852 et réalisés à la suite :

- Organisation d’un pont à bascule sous la porte d’entrée du donjon, à la place des deux ponts-levis successifs existants : le premier de ces deux pont-levis, à corde et treuil, était d’une manœuvre incommode. Il s’agit de le remplacer par un pont à bascule en profitant de la fosse existante, en supprimant le second pont-levis plus en arrière qui bascule dans cette fosse ; le modèle choisi par le capitaine du génie en chef F. Léger le 24 novembre 1850 est le pont levis de la porte des Allemands à Metz. Ce changement est réalisé en 1852.

- Des ouvertures sont à établir dans l’escarpe du donjon et dans les piédroits de ses voûtes, au rez-de-chaussée et au premier étage, pour améliorer l’aération des casemates, et les rendre plus logeables, notamment pour des officiers. Ces baies ont effectivement été percées, avec encadrement extérieur en briques.

- L’ancienne batterie « du réduit » (n°4) est à organiser en place d’armes. On note aussi le projet de mise en place d’une embrasure à l’orillon du bastion 16 du retranchement intérieur.

A partir de la décennie 1860, les projets de caserne neuve étant définitivement abandonnés, la citadelle, dont les fortifications ne sont plus adaptées aux progrès de l’artillerie, ne fait plus l’objet de nouvelles modifications. Le dernier chantier significatif, en 1862, achève l’épaulement couvre-face du magasin à poudres, laissé en attente depuis près de vingt ans, du côté du mur-pignon qu’il importe de défiler des vues de la mer. Ce retour d’épaulement est percé d’une communication en poterne.

En janvier 1874, le service de l’artillerie projetait de mettre en batterie une artillerie relativement importante dans la citadelle : sept canons de 4 de campagne, trois canons de 12 de place, un canon de montagne, deux mortiers de 0,15, quatre canons dans la batterie du cimetière. La mise en place de cet armement –à laquelle on a finalement renoncé- aurait du entraîner des travaux d’adaptation coûteux à charge du génie, principalement des apports de terre pour former des parapets et des traverses avec rampes de roulage sur les bastions et les redans, avec petits magasins inclus ; on note aussi l’intention de supprimer la guérite du saillant 14 36.

La citadelle après l’ère militaire

Devenue place très secondaire de faible ressource et capacité, la citadelle ne fait plus l’objet que d’un simple entretien jusqu’à son déclassement en 1918, après qu’elle ait servi de camp d’internement de prisonniers allemands durant la première guerre mondiale. Les toits en tuiles-canal qui assuraient l’étanchéité relative des coupoles des trois tours du donjon avaient dû être mis en place durant cette dernière période de la fin du XIXe siècle.

L’administration des domaines cède la jouissance de la citadelle après 1919 et l’évacuation de la maison pénitentiaire, à un institut hélio-marin qui occupe les bâtiments. Le pont-levis de la porte est supprimé, et son fossé comblé, les abords des chemins étant agrémentés de plantes ornementales. Un arrêté de classement Monument Historique du 12 décembre 1921 concerne la quasi-totalité des ouvrages défensifs : « Donjon hexagone, entrée avec la courtine attenante et tous les bastions compris dans la citadelle ». De façon distincte, la citadelle et ses abords font l’objet d’une inscription à l’inventaire des sites en 1936.

Des tourelles anti-aériennes françaises en ciment sont édifiées au nord vers 1935 abritant des projecteurs vers le golfe. Durant la seconde guerre mondiale, à partir de 1942, la citadelle reprend du service comme lieu de cantonnement de troupes, en l’occurrence des troupes d’occupation italiennes, puis allemandes (1943). Elle est évacuée lors de la libération de la ville par les troupes alliées et la première armée française, après le débarquement d'août 1944 sur les plages de Provence entre Saint-Raphaël et Hyères. A l’occasion de cette occupation, la façade de la porte à pont-levis est défoncée et détruite pour élargir le gabarit du passage d’entrée et en faciliter l’accès aux camions. La guérite du saillant 14 est ruinée.

Après la guerre, l’usine de torpilles de Saint-Tropez, nationalisée et passée à la Marine depuis 1937, utilise les tourelles anti-aériennes de la citadelle comme trajectomètre. En 1958, un musée naval, dépendant du Musée National de la Marine, est inauguré dans les locaux du donjon. Le directeur de l’usine de torpilles de la Marine fait édifier à cette époque une plate-forme panoramique en béton armé au-dessus du magasin à poudres pour les réceptions publiques en plein-air.

Cependant, les autres ouvrages de l’enceinte et du retranchement sont laissés dans un état de semi abandon qui confine au délabrement. Cet état des lieux n’évolue pratiquement pas jusqu’en 1989, à l’exception de travaux de drainage et de reprises ponctuelles des maçonneries de certaines parties des revêtements de l’enceinte entrepris à partir de 1972 sous la direction de l’architecte en chef des Monuments Historiques Jean-Claude Yarmola.

Une campagne de réparation importante fait suite à un écroulement d’une partie du revêtement de l’ancien redan 26 (nord) en 1978, avec financement des travaux par le musée national de la marine, affectataire des lieux. Avant le rachat de la citadelle par la ville de Saint-Tropez, abouti en 1992, la protection au titre Monuments Historiques est étendue par une mesure d’inscription des glacis à l’inventaire supplémentaire, par arrêté du 23 août 1990. Alors est entreprise, en 1991, une ambitieuse campagne de restauration qui restitue notamment la porte de la citadelle et son pont-levis dans son état antérieur à 1918, chantier achevé en 1996.

Le classement Monument Historique a été actualisé par arrêté du 4 juillet 1995, étendu à l’enceinte bastionnée et l’ensemble des ouvrages situés dans son périmètre, y compris les fossés et les chemins couverts. Les travaux Monuments Historiques, poursuivis par l’architecte en chef Francesco Flavigny, concernent le donjon à partir de 1996, et comportent la suppression des couvertures en tuiles des trois tours de flanquement, le murage des fenêtres percées dans l’enveloppe murale en 1852, le rétablissement des garde-corps en maçonnerie de la galerie de la cour intérieure.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

La citadelle de Saint-Tropez couronne une éminence naturelle surplombant à peu de distance la ville et le port à l’est. Les versants nord et est de cette colline domine directement la mer, à une altitude moyenne de 30m à la contrescarpe du fossé d’enceinte. A l’intérieur de l’enceinte, le donjon occupe le point culminant du site, le niveau du haut du glacis autour de la contrescarpe de son fossé dépassant 40m, et celui de sa plate-forme sommitale 55m au-dessus du niveau de la mer. Cette assiette assez fortement dominante, jointe à l’étagement partiel de la ville sur le début du versant est entre le port et la citadelle, ne permettait à l’artillerie de cette dernière que de défendre très imparfaitement le port. La hauteur des positions de batteries d’artillerie situées dans la citadelle était plus adaptée aux tirs lointains vers la mer ou vers la côte. Le chemin d’accès traditionnel depuis la ville, soit le front sud de la première ville close du milieu du XVIe siècle, a toujours été maintenu depuis 1633 au même emplacement et sensiblement sur le même tracé assez direct aboutissant au milieu du front ouest de l’enceinte.

Plan, volumétrie, distribution spatiale, circulations et issues

Plan de repérage, état en 2007.Plan de repérage, état en 2007.

Pour désigner les ouvrages et bâtiments de la citadelle, nous employons une nomenclature chiffrée correspondant à celle utilisée de manière à peu près constante à partir des premières années du XIXe siècle, plus pertinente que celles en usage avant, aléatoires et inadéquates pour désigner les ouvrages bâtis au XIXe siècle. Cette numérotation historique employée par le génie n’enregistre pas les bâtiments militaires séparément des fortifications, son ordre peut paraître peu rationnel, et elle n’est pas absolument fixe et exhaustive. Nous l’utilisons en l’adaptant quelque peu, pour en faire un outil descriptif commode, mais cette adaptation ponctuelle semble préférable à l’adoption d’une nomenclature entièrement nouvelle choisie arbitrairement sans aucun rapport avec celles figurant sur les plans d’archives.

La citadelle se décompose, on l’a vu, en deux principaux sous-ensembles architecturaux, emboîtés et facilement individualisables :

-D’une part l’enceinte du corps de place, polygone très irrégulier partie bastionné, partie à redans (11-12-13-14-21-22-23-24-26-27) créée vers 1633. Cette enceinte de grand axe nord-sud, regardant la ville et le port à l’ouest, la mer à l’est et au nord, dominée au sud, est environnée d’un fossé (31) sur tout son pourtour, ce fossé étant bordé d’un chemin couvert (32) sur les deux-tiers de son circuit, soit les fronts ouest et sud.

-D’autre part le « donjon » hexagonal (1) construit de 1603 et 1606, incorporé après coup dans cette enceinte. Ce donjon est lui aussi enveloppé d’un fossé (2) et d’un chemin couvert (3) particuliers, qui le retranchaient avant la création de l’enceinte et qui, après cette création, ont confirmé son statut et sa capacité de réduit de résistance autonome au sein de la citadelle en cas d’investissement de l’enceinte. De ce fait, le donjon est à la fois un ouvrage de fortification et un bâtiment militaire.

Par ailleurs, l’aire interne à l’enceinte du corps de place est subdivisée depuis 1747 en deux zones inégales, séparées par une « tenaille » (18-19-20) aujourd’hui détruite, fort parapet de terre revêtue, qui retranchait la zone principale, incluant le donjon, d’une zone assez ample au sud, plus exposée aux attaques et tirs ennemis. Cette zone sud, dont la surface représente un bon tiers de celle contenue dans l’ensemble de corps de place, formait donc un retranchement intérieur, lui-même cloisonné en deux espaces par une branche de retranchement secondaire d’axe est-ouest (16-17). Le plus méridional de ces deux espaces forme une sorte d’ouvrage avancé purement défensif à partir du front sud (13-14-21), sans pour autant être détaché du corps de place. Ces dispositions ont été profondément remaniées dans les années 1836-1841, en sorte que l’état actuel diffère beaucoup de celui créé en 1747.

Enceinte du corps de place

La longueur maximum de l’enceinte de la citadelle dépasse de peu les 300m dans son grand axe nord-sud, de la pointe du bastion 13 à celle du bastion 26, la largeur prise du milieu du front est au milieu du front ouest avoisine les 140m. La partie est de l’enceinte, y compris le front sud (13-14-21-22-23-24-26) affecte un tracé tenaillé qui ne comporte que des redans (cinq saillants), aucun bastion ; le redan 13 doit toutefois être assimilé à un demi-bastion, et la question se pose pour le redan 24 qui comporte une ébauche de flanc droit, peut-être à la suite d’une réparation. Cette partie orientale est un réemploi intégral du front est de la grande enceinte urbaine de 1589-1592 qui, au mieux, reçut en 1633 un revêtement qui n’avait pas été réalisé, ou au moins pas achevé. Ainsi, le saillant aigu du demi-bastion ou redan 13, au sud de la citadelle, était aussi, auparavant, le saillant obtus d’un autre demi-bastion plus vaste participant du front sud de la grande enceinte urbaine. La face droite et le flanc à orillon, non revêtus, de ce bastion de la fin du XVIe siècle, ont subsisté à l’état de ruines, raccordés à l’ouest au demi-bastion 13 et traversant le fossé de la citadelle, jusqu’en 1739, comme le reste de l’enceinte urbaine abandonnée dans laquelle la citadelle restait enclavée. Dans l’état actuel, le saillant de ce demi-bastion 13 conserve une irrégularité qui n’est autre que l’arrachement sommairement réparé de la face droite du bastion plus large du XVIe siècle.

Le front ouest de l’enceinte de la citadelle (26-27-11-12-13), face à la ville et au port, est en revanche un véritable front bastionné construit ex-nihilo en 1633 pour retrancher l’aire alors définie pour constituer cette citadelle : Il a été lancé entre deux points opposés nord et sud de l’enceinte urbaine de la fin du XVIe siècle, ces deux points formant les deux angles les plus aigus du plan général polygonal de l’enceinte de la citadelle, soit le saillant du demi-bastion 13 au sud, et celui du redan 26 au nord, ces deux ouvrages comportant chacun une face remployée et adaptée de l’enceinte urbaine de 1589-1592 et une face édifiée en 1633.

Ce front bastionné ouest comporte donc la face droite et le flanc du demi-bastion 13 (on a vu que cette face partait du saillant et à l’intérieur d’un bastion de la grande enceinte urbaine de 1589-1592), le bastion 12, le bastion 27, et se termine par la face gauche du redan 26. Les deux bastions (12 et 27) ont de simples flancs droits en assez faible saillie, et un saillant en angle obtus, le saillant du demi-bastion 13 étant seul aigu, du fait de la position de cet ouvrage à l’angle sud de la citadelle. Les deux courtines intermédiaires (12-13, 12-27) sont très courtes, proportionnellement à la largeur des bastions, et la seconde (12-27) comporte deux pans coupés rentrants près du raccord avec les flancs des bastions attenants, tracé sans doute destiné à optimiser l’efficacité des tirs de flanquement, ces pans coupés étant alignés aux faces des deux bastions que les flancs prenaient en enfilade.

Les parapets des bastions, redans et courtines du corps de place, sont des parapets d’infanterie sur les deux-tiers nord du circuit (21-22-23-24-26-27-11), et des parapets d’artillerie avec banquette en terre sur les fronts sud délimités par l’emprise du retranchement intérieur créé en 1747 (12-13-14). Avant 1747, tout le corps de place comportait des parapets maçonnés non organisés, montés au moins sur une partie du circuit sur un cordon qui terminait classiquement la partie principale de l’élévation de l’escarpe, profilée en fruit. Le dessin de Blondel pris en 1647 laisse croire que le cordon était continu et systématique, au moins sur le front ouest, mais cette image est peut-être idéalisée. L’état actuel ne comporte plus aucun cordon. Les parapets d’infanterie définitifs, plusieurs fois réparés ou reconstruits depuis le XVIIe siècle, jusqu’à l’état actuel unifié dans les années 1840, se composent d’un mur maigre vertical directement monté sur le revêtement d’escarpe profilé en fruit ; ce mur-parapet est percé de créneaux de fusillade rapprochés (plus serrés sur les flancs des bastions qu’ailleurs) en fente longue ébrasée vers l’intérieur. De loin en loin y sont percés aussi, sur le front ouest, des créneaux carrés découverts en principe destinés à une pièce d’artillerie.Les parapets d’artillerie, créés en 1747 et quelque peu réorganisés pour optimiser le défilement dans les années 1840, sont formés d’une maçonnerie épaisse en partie fourrée de remblai, à l’arase profilée en appentis vers le dehors, limitée par un chaperon au nu extérieur, et par un muret d’appui bas pour les canons en batterie à barbette, du côté de la banquette. Dans l’état antérieur aux années 1840, ces parapets d’artillerie étaient plus hauts côté banquette et comportaient des embrasures à barbette à large ébrasement extérieur, qui ont été supprimées dès lors que le rehaussement de la banquette permettait au canon de passer au-dessus de l’arase du parapet.

D’après la vue cavalière de la citadelle dessinée en 1647 par Blondel, le saillant de tous les bastions et redans, au moins ceux visibles depuis l’ouest, comportait une échauguette ou guérite en encorbellement sur un cul de lampe. Le plan de la citadelle un siècle plus tard, en 1747, confirme et précise cette information, indiquant des guérites au saillant des redans et bastions 12-13-14 (sud-ouest) et 24-26-27 ( nord-ouest). A cette date, le front sud-ouest venait d’être isolé du reste de la citadelle par un retranchement intérieur en tenaille, et ses bastions organisés par la mise en place d’une banquette avec parapet d’artillerie. Ces ouvrages de terre sont dès lors traversés dans l’axe de la capitale des bastions et redans 12-13-14 par un passage étroit entre murs de soutènement donnant accès aux guérites. A la fin du XVIIIe siècle, les guérites semblent ruinées, au moins réduites à leur cul de lampe, excepté celle du redan 24. De celles du front sud-ouest ne subsiste que le passage d’accès. En 1842, une seule des anciennes guérites disparues est reconstruite, au saillant du redan 14, au sud, le couloir d’accès aux deux autres du font sud-ouest étant par contre condamné au milieu du XIXe siècle. Cette échauguette du saillant 14, de plan hexagonal (bien que prévue cylindrique dans le projet) et couverte d’un dôme à pans, est donc la seule encore en place, les traces d’accroches des autres ayant disparu ; encore l’échauguette actuelle est-elle le produit d’une restauration des années 1990, car elle avait été ruinée durant la seconde guerre mondiale.

Front sud-est : redan 14 et son échauguette, fossé et chemin couvert, vus du point 13.Front sud-est : redan 14 et son échauguette, fossé et chemin couvert, vus du point 13.

Les redans nord 24 et 26 se distinguent par ce qu’ils ont été remaniés dans leur plan même après 1830 lors de campagnes de réparations consécutives à des écroulements partiels des revêtements : le redan 26 fut reconstruit avec à son saillant un petit bastion asymétrique de plan losangique : l’état actuel résulte d’une autre reconstruction qui a aussi fait suite à un nouvel effondrement, en 1978. Le redan 24 comportait d’origine une sorte de flanc droit, trop ouvert pour assurer une fonction flanquante, mais qui semble avoir été rectifié dans ce but en 1820. Dans la décennie 1830, la reconstruction d’une partie des revêtements de la face gauche de ce redan a donné l’occasion d’en modifier le plan pour créer un flanc gauche, en sorte que depuis cette époque, ce redan 24 peut être considéré comme un bastion.

Le fossé du corps de place est d’une largeur assez modeste en regard des usages habituels de la fortification bastionnée, ce qui tient en partie au fait qu’il n’intègre aucun dehors couvrant de type demi-lune ou tenaille. De même, sa profondeur est aussi très limitée, la contrescarpe étant généralement assez basse.

En vis-à-vis des deux petites courtines du front ouest (12-13, 12-27), la contrescarpe du fossé forme un simple angle rentrant et le chemin couvert (32) deux places d’armes rentrantes (30 et 30’). La hauteur de la contrescarpe est variable d’un point à un autre du fossé (31), mais généralement faible : elle ne défile jamais les escarpes du corps de place, atteignant au mieux la moitié de leur élévation. Dans la partie nord-est du front est (21-22-23-24-26) cette contrescarpe est pratiquement inexistante, et le parapet sommaire qui, au mieux, en tenait lieu (sauf en 24-26, où il n’a jamais existé) a aujourd’hui été nivelé, en sorte que cette partie a moins l’apparence d’un fossé que celle d’un chemin de ronde découvert ou braie. Ce secteur est d’ailleurs cloisonné du reste du fossé depuis 1794 par deux murs (25), partie batardeaux, partie mur de terrassement. Celui du nord, au droit du redan 26, compense une importante différence de niveau entre le fond du fossé du front ouest et celui du nord, plus bas. Dans l’état avant 1794, le fond du fossé était en pente et irrégulier. Au-delà de ces murs batardeaux (25), le fossé, à peu près nivelé, bordant la totalité du front sud et du front ouest comporte une contrescarpe qui se réduit à une élévation quasi nulle en un seul point, soit en face de la porte de la citadelle (11). Dans cette portion sud et ouest du fossé règne un chemin couvert continu (32) d’où naît un glacis mieux aménagé et profilé sur le front sud qu’ailleurs.Front sud-est : redan 14, fossé, chemin couvert et glacis, vus du redan 21.Front sud-est : redan 14, fossé, chemin couvert et glacis, vus du redan 21. Ce chemin couvert avec ses deux places d’armes rentrantes (30-30’) a été créé dans sa forme définitive en 1793-1794. Avant cette date, il n’était qu’ébauché devant le front sud, depuis 1747.

La partie sud du chemin couvert et du glacis est aujourd’hui bien conservée, quoique délabrée : chemin proprement dit assez large monté à une hauteur variable mais assez limité sur la contrescarpe. Il est bordé par le muret de soutènement du point haut du glacis, qui défilait les défenseurs des tirs adverses.

La porte d’entrée de la citadelle (11), dans l’état qui dura de 1633 à 1840, était une porte de gabarit piéton, munie d’un pont-levis à flèche et percée dans la partie haute (parapet) du flanc droit du bastion 12 ; une rampe ou degré aux marches en bois montait entre deux murs, parallèlement au flanc du bastion jusqu’au seuil du pont-levis. On notera l’archaïsme de cette implantation de la porte dans un flanc de bastion, courante jusqu’au second tiers du XVIe siècle (Enceinte de Saint-Paul-de-Vence, Fort Carré d’Antibes), mais périmée par la suite. Autre fait remarquable : l’absence d’un accès charretier pour une enceinte de si vaste ampleur, la porte en question n’étant accessible au mieux qu’à des bêtes de bât, de manière très restreinte du fait de ses petites dimensions (0,95m de large pour 1,95m de haut). Cette porte a été entièrement supprimée en 1843, et n’a pas laissé de traces lisibles dans l’état actuel du flanc droit du bastion 12. Porte de la citadelle (11'), façade extérieure dans le flanc droit du bastion 27.Porte de la citadelle (11'), façade extérieure dans le flanc droit du bastion 27.

La porte actuelle (11’), de gabarit charretier (3m de large) a remplacé fonctionnellement cette porte primitive seulement en 1840, et elle a été profondément modifiée en 1842-1843, (en phase avec la suppression complète de l’ancienne porte), pour y intégrer un pont-levis « à la Delille ». Elle est percée dans le flanc gauche du bastion 27, en vis-à-vis de l’emplacement de la porte primitive ; dans l’état réalisé en 1840, le mur du flanc formait deux pans inégaux rentrants, l’un en retour d’angle droit de la face du bastion, en sorte que l’arcade et le passage d’entrée s’y ouvraient dans un axe biais. Les modifications de 1843 ont comporté la reconstruction du mur de flanc en totalité pour former un pan unique en retour d’angle obtus de la face du bastion, en sorte que dans l’état actuel, le passage d’entrée voûté traverse le flanc dans un axe strictement perpendiculaire. Le seuil extérieur de cette porte règne au niveau du fond du fossé (31), la dénivellation avec le sol dans la citadelle étant compensée par une rampe intérieure dont le plan courbe tournant à gauche poursuit celui de la partie antérieure du chemin d’accès. Le pont-levis franchit un petit fossé particulier limité à l’emprise du flanc du bastion, creusé dans le fond du fossé du corps de place en 1843, et conçu alors pour pouvoir être mis en eau par une communication avec le puisard, bassin de recueil d’eau aménagé devant la courtine depuis le début du XVIIIe siècle, réduit alors dans ses dimensions et finalement supprimé en même temps que le petit fossé de la porte après 1918. L’état actuel de la porte de la citadelle est dû à une reconstitution intégrale (1996) des dispositions de 1843 démolies un siècle après leur construction, soit la façade d’entrée à arcade plein-cintre inscrite dans tableau rectangulaire pour l’encastrement du pont-levis, les fentes de passage des bras de manœuvre en fer et les deux rampes de roulage en doucine du système du pont-levis à la Delille,Porte de la citadelle (11'), rampe de roulage en doucine du pont-levis à la Delille.Porte de la citadelle (11'), rampe de roulage en doucine du pont-levis à la Delille. de part et d’autre du passage. Le fossé de la porte, comblé a aussi été restitué lors de la même campagne de restauration. La porte dans ses deux états successifs (11-11’) bénéficiait de la défense avancée –assez médiocre- d’une des deux places d’armes rentrantes (30) du chemin couvert (32). En ce point, le chemin couvert rejoint le niveau du fond du fossé, neutralisant la contrescarpe, en sorte que la place d’arme (30) formait une sorte de petit ouvrage d’entrée avancé sans autre élévation que celle d’un simple mur maigre ou parapet d’infanterie fermant ses faces et sa gorge. Encore visible sur les photographies antérieures à 1918, cette place d’arme a été rasée depuis.

Le retranchement intérieur

Dans son état final réalisé entre 1834 et 1841, le retranchement intérieur se compose principalement d’un front bastionné (16-17) en retrait du front sud de l’enceinte (13-14-21), d’axe nord-sud, formé de deux bastions ou demi-bastions encadrant une courtine. Ce front bastionné intérieur est retranché par un fossé (15), à contrescarpe revêtue, d’une aire assez réduite située au revers front sud de la citadelle de plan tenaillé (13-14-21). Ce front tenaillé et l’aire en terre-plein qu’il enveloppe, limitée par la contrescarpe du fossé, forment de fait un ouvrage avancé ouvert à la gorge mais non détaché du corps de place.

Le front bastionné intérieur (16-17) comporte des parapets d’artillerie sans embrasures, analogues à l’état final de ceux du front sud du corps de place, mais marqués plus franchement à l’arase du revêtement par une tablette saillante. Le flanc, et partie de la face droite du bastion 16, qui sont communs au demi-bastion 13 du corps de place, font exception à la continuité du parapet d’artillerie, qui y cède place à un parapet d’infanterie interrompant la continuité percé de créneaux de fusillade très rapprochés.

Le secteur ouest du fossé (15) est creusé dans l’ancienne aire intérieure du demi-bastion sud (13) de l’enceinte du corps de place, partant du milieu de la face droite de ce demi-bastion, ce qui explique l’emboîtement du bastion 16 du retranchement dans ce demi-bastion 13. Le revêtement de cette face droite, au point de raccord du fossé, a été reconstruit vers 1840 sous la forme d’un mur batardeau couronné d’une dame et percé à la base d’une poterne qui permet de communiquer du fossé intérieur (15) au fossé du corps de place (31).

Le demi-bastion ouest (16) du retranchement intérieur, construit ex nihilo vers 1839-1840, comporte un flanc retranché par un orillon carré.Flanc retranché à orillon du bastion 16, parapet crénelé.Flanc retranché à orillon du bastion 16, parapet crénelé. Il s’adosse, on l’a vu, en partie à l’intérieur de la face et du flanc droits du demi-bastion sud (13) de l’enceinte, en partie à la courtine attenante (12-13). La courtine (16-17) comporte deux pans inégaux, plan irrégulier conditionné par le réemploi-adaptation de la branche de retranchement secondaire d’axe est-ouest créée en 1747 au sein du retranchement principal. Cette branche (16-17) était précédée d’un fossé plus étroit que le fossé actuel, isolant un ravelin jamais achevé (15) démoli vers 1834. Le bastion oriental (17) réemploie aussi pour son flanc (Fig. 8) une structure du retranchement de 1747 : un segment de la « tenaille » (18-19-20) qui délimitait le retranchement principal, et qui, elle aussi, était bordée au sud d’un étroit fossé ou tranchée encore en place jusque dans les années 1830. L’extrémité est/sud-est de la tenaille (20), qui aboutissait avant 1834 à l’angle rentrant entre le redan 14 et le redan 21, a été détruite après cette date pour créer la face du demi-bastion oriental (17) et la branche du fossé qui la borde. De ce côté aussi, le fossé est fermé par un mur batardeau avec dame, celui-là sans poterne, qui a remplacé la continuité du revêtement du redan 21-22. Ce batardeau se distingue aussi par son élévation plus modeste et son plan en baïonnette.

Le reste de l’ancienne tenaille (18-19) a été nivelé après 1847, en sorte qu’il n’en reste à peu près rien dans l’état actuel, le retranchement intérieur étant devenu simple et non plus double, et nettement circonscrit dans le secteur sud/sud-est (13-14-21-15-16-17). Le franchissement du fossé intérieur (15) passait par un dispositif créé en 1841 : une poterne (p1) en forme d’escalier voûté traversant la courtine 16-17 sous la protection immédiate du flanc et de l’orillon du demi-bastion ouest (16), pour descendre de l’aire intérieure de cette partie de la citadelle au fond du fossé (15). De là, on pouvait prendre pied dans l’ouvrage retranché sud (13-14-21) en montant par deux escaliers en pas de moineau réservés dans la contrescarpe du fossé ; on pouvait aussi rester au fond du fossé pour gagner la poterne ouest (p2) percée sous le mur-batardeau. A l’intérieur du front 16-17, l’accès à la poterne p1 est bordé à l’est d’un gros mur formant traverse, percé d’une porte de communication avec escalier vers une banquette d’artillerie adossée à la courtine (16-17). Ce mur existe toujours, mais la poterne (p1) a été démolie par défoncement du revêtement d’escarpe de la courtine, à une date inconnue de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle. Elle a alors été remplacée par le dispositif actuel, chaussée surélevée ou pont sans arches bordé de garde-corps, qui cloisonne le fossé en le traversant.

Chemins et circulations internes

Avant la suppression de la porte primitive (11) de la citadelle dans le flanc droit du bastion 12, on débouchait directement dans l’aire intérieure en face de la tenaille (18-19-20) : de là, on pouvait soit tourner à gauche par un chemin passant dans le bastion 27 pour desservir le donjon (1-2-3) et le secteur nord de la citadelle, soit traverser la tenaille (18-19-20), dans l’axe de la porte, pour accéder au retranchement intérieur. Dans l’état actuel des circulations, remontant à la décennie 1840, l’accès unique par la nouvelle porte (11’) dans le flanc gauche du bastion 27, emprunte une rampe carrossable qui suit le tracé traditionnel d’accès au donjon et au secteur nord. L’accès au secteur sud et au retranchement intérieur s’en trouve plus indirect qu’auparavant : il faut, soit (accès piéton) emprunter un escalier dans le mur de soutènement ouest de la rampe pour passer au-dessus de la voûte de la porte (11’), soit (accès cavalier et charretier) aller au bout de la rampe et tourner à gauche sur la terrasse du bastion 27 pour suivre le même chemin. Ces chemins distribuent secondairement les bâtiments militaires de la citadelle autres que le donjon :

-L’itinéraire principal dessert ceux du secteur nord, l’ancienne chapelle (6), à côté de l’entrée du chemin couvert du donjon (3), le magasin à poudres (7), en contrebas, qui a remplacé en 1826 deux corps de caserne qui remontaient au XVIIe siècle (7-8).

-Le chemin du retranchement dessert, au-delà de la tenaille supprimée en 1847, deux corps de caserne (9-10) bâtis au XVIIe siècle et très remaniés aux XIXe et XXe siècles, avant d’aboutir à la poterne p1.

Le donjon

Vue aérienne du donjon.Vue aérienne du donjon.Le donjon (1) est sans conteste l’élément architectural le plus remarquable de la citadelle. Il se distingue par son plan centré hexagonal régulier parfait témoignant d’une une conception géométrique idéale inspirée de schémas-types d’ingénieurs militaires de la renaissance italienne. Conçu à l’origine comme une « grosse tour », il se situe dans la filiation d’autres « tours » royales à cour intérieure un peu plus anciennes et moins parfaites édifiés par les ingénieurs italiens ou français sur le littoral provençal depuis le règne de François Ier , tels la « grosse tour » de Toulon (plan circulaire), le Château d’If de Marseille (plan carré à tours d’angle) , le Fort Carré d’Antibes, qui fut une « Tour Saint-Laurent » (circulaire) avant de recevoir ses quatre bastions. Le donjon de Saint-Tropez est le plus petit de ces trois ouvrages antécédents.

L’accès au donjon (1) passe d’abord par son chemin couvert (3), qui suit le contour hexagonal de la contrescarpe du fossé (2). Le chemin couvert, conçu en même temps que le donjon au début du XVIIe siècle, est de conception différente de celle des chemins couverts de fronts bastionnés du XVIIIe siècle : il forme plutôt une petite enceinte extérieure flanquée de défense rapprochée ou braie, et n’était pas associé initialement à un véritable glacis. Le glacis n’a été profilé qu’après 1840, et d’une manière imparfaite. Ce chemin couvert (3), large de 4m en moyenne, est délimité par deux murs maigres concentriques de faible élévation : un garde-corps sur la contrescarpe du fossé du donjon, et un parapet d’infanterie crénelé de médiocre élévation formant l’enveloppe extérieure. Donjon : chemin couvert (3), fossé (2) et tour d'angle nord-ouest du donjon (1).Donjon : chemin couvert (3), fossé (2) et tour d'angle nord-ouest du donjon (1). Les créneaux actuels, très courts et ébrasés vers l’extérieur, semble différents de ceux indiqués sur les plans antérieurs au XIXe siècle. Ce mur d’enveloppe crénelé se caractérise par ce qu’il forme des tourelles semi-circulaires flanquantes de même hauteur que lui et d’inégal diamètre à quatre de ses cinq angles, et un épi triangulaire dans l’axe du pont du donjon, formant dégagement. On entre dans ce chemin couvert par une porte percée dans le mur circulaire de la tourelle nord-ouest, pour prendre pied dans le pan nord de l’hexagone qui communique au pont de la porte du donjon. Une issue secondaire de ce chemin couvert, près de l’angle nord/nord-est (le seul dépourvu de tourelle) permettait de redescendre sur les escarpements ou glacis du donjon vers les bâtiments militaires du nord (7-8). Le chemin couvert du donjon communiquait aussi aux deux batteries hautes de la citadelle (4 et 5), positions de tir closes d’une muraille crénelée de plan polygonal ou subcirculaire, créées avant 1650. L’une, au nord-ouest (5), précédant l’entrée du donjon et attenante au petit bâtiment (6) qui hébergea la chapelle jusqu’à la Révolution, a disparu. L’autre, au sud-est, dite « du réduit », transformée et agrandie dans les années 1830-1840, communiquait avec la tourelle sud du chemin couvert. Son mur sud avait été incorporé dans la branche est de la tenaille (19) ; ce segment existe encore. Les autres murs, remaniés, sont bas et sans caractère.

Le pont d’accès à la porte du donjon, franchissant le fossé (2) au milieu de la face nord de l’hexagone, se compose de deux hautes arches dormantes voûtées en berceau, construites en 1780 sur des piles d’origine qui portaient auparavant un tablier de charpente. Ce pont dormant s’interrompt à 3,50m environ de la porte du donjon pour recevoir le tablier du pont-levis de cette porte, remanié en 1852. Le fossé du donjon, large de 9m et profond de 6m, était desservi depuis le chemin couvert par un petit escalier en vis engagé par retaille dans le rocher dans l’angle rentrant sud de la contrescarpe, au droit de la plus grosse tourelle d’angle du chemin couvert. Il reste des ruines de cet escalier, qui était articulé dans sa partie supérieure avec un petit magasin empiétant sur le chemin couvert ; ce magasin dit sur certains documents « de l’entrepreneur » a été détruit avant la fin du XVIIIe siècle (exprimé sur les plans de 1751 et de 1775). Depuis la fin du XIXe siècle, une rampe en pente douce a été aménagée dans le pan nord de la contrescarpe du donjon, à partir du pont d’entrée, pour permettre un accès facile au fond du fossé.

Donjon : chemin couvert (3) fossé (2), rampe de descente et tour d'angle est (1).Donjon : chemin couvert (3) fossé (2), rampe de descente et tour d'angle est (1).

Le donjon proprement dit forme un hexagone assez régulier d’une largeur (ou diamètre) hors œuvre de 26m de face à face, 29m d’angle à angle, chacune des six faces ayant 15m de longueur. Il incorpore une cour intérieure de même plan, dont la largeur de pan à pan est de 11m, et dont chaque pan de façade mesure 6m de large. L’élévation comporte un étage de soubassement massif haut de 6m élargi en fruit pour former l’escarpe du fossé, avec vide central aménagé en citerne voûtée, plus profonde que large, sous la partie centrale de la cour intérieure. Cette citerne débouche par une issue zénithale entourée d’une margelle également hexagonale au centre de la cour. L’élévation interne à partir du rez-de-chaussée comporte deux niveaux de locaux voutés organisés selon un plan radian : à chaque pan correspond un local de plan trapézoïdal, divisé en deux travées égales par un mur de refend au niveau du rez-de-chaussée ; les voûtes en berceau surbaissé de ce rez-de-chaussée, portant sur le mur de refend et sur les petits côtés, n’ont été bâties que dans les années 1820-1833 en replacement de planchers. Par contre les voûtes en berceau longitudinal évasé qui couvrent d’un seul tenant les volumes non refendus du premier étage, sont d’origine et conçues pour porter sur leurs reins épais la plate-forme sommitale du donjon. Celle-ci est bordée d’un parapet d’artillerie maçonné percé de deux embrasures découvertes par face, et d’un garde-corps côté cour intérieure. L’élévation totale extérieure du fond du fossé à l’arase en appentis du parapet est de 28m ; elle est scandée de deux cordons, l’un au raccord du fruit du soubassement et de l’élévation verticale, l’autre à la base du parapet. L’élévation des façades sur cour est animée horizontalement par une galerie découverte en encorbellement sur des corbeaux de pierre à trois ressauts distribuant le premier étage. Elle règne sur cinq des six côtés, à l’exception de celui du débouché de l’entrée dans la cour, d’où partent les deux volées d’escalier opposées qui y donnent accès. Le garde-corps en maçonnerie de cette galerie-balcon a été récemment restitué en remplacement de celui en fer qui l’avait remplacé en 1818. Le niveau du sol de la plate-forme est souligné dans ces façades sur cour, a la base du garde-corps, par un cordon continu interrompu par des gargouilles rejetant les eaux pluviales dans la cour et, de là, dans la citerne.

Donjon (1) : élévation des faces sud-est et de la tour sud.Donjon (1) : élévation des faces sud-est et de la tour sud. Donjon (1) : élévation des façades sur cour intérieure, galerie d'étage.Donjon (1) : élévation des façades sur cour intérieure, galerie d'étage.

En plan, les gros murs d’épaisseur dégressive qui, au droit des angles de l’hexagone, séparent les six travées de locaux des étages, ne sont pas tous massifs : l’un (nord-ouest, à droite de la porte) est évidé d’une étroite cage d’escalier en vis, seul accès à la plate-forme (la partie haute est un escalier courbe en relais branché sur la vis), un autre (à gauche de la porte) est creusé d’un four. Enfin, des couloirs de distribution sont percés dans la masse de trois sur six de ces murs radiants (dont celui dans lequel est l’escalier en vis), en alternance, pour accéder aux locaux internes des trois tours de flanquement cylindriques. Celles-ci, d’un diamètre hors-œuvre de 6m, sont visiblement rapportées après coup (en 1606) contre un angle sur deux de l’hexagone déjà bâti, comme on le constate nettement au niveau du soubassement : les tours y sont creuses, et le local voûté qu’elles abritent, jadis uniquement à accès zénithal (trémie dans la voûte), laisse voir l’angle de l’hexagone au niveau du fruit, angle conçu initialement pour être vu, libre de toute construction adventice. Cette chambre de soubassement était une casemate active percée d’embrasures (deux de flanquement, une d’axe) pour la défense du fond du fossé.

Les chambres d’étage des trois tours (rez-de-chaussée et premier étage), circulaires, ne sont pas encombrées par la pénétration de l’angle correspondant de l’hexagone, car elles sont entièrement hors-œuvre à ce niveau où l’angle n’a pas de fruit. Ces deux étages sont aussi des casemates de tir voûtées en coupole et percées exclusivement d’embrasures à ébrasement extérieur pour canon de petit calibre (rez-de-chaussée) ou de créneaux de fusillade (premier étage) leur plan de tir final comportant cinq ouvertures de tir par niveau semble du à une modification des années 1840 : les plans antérieurs montrent invariablement à chaque niveau de chaque tour seulement deux embrasures de flanquement. L’élévation extérieure de ces tours reprend le principe des deux cordons du corps central, mais le soubassement ne comporte pas de fruit.

La partie supérieure des tours, au niveau de la plate-forme d’artillerie du corps central hexagonal, comporte un parapet d’artillerie arasé en appentis, comme celui du corps central, Sur ce parapet est greffée une coupole retroussée, soit assise sur la partie intérieure de l’épaisseur du parapet, ce qui isole un local circulaire couvert. Ce local voûté communique avec la plate-forme découverte par une porte à sas couverte d’une voûte en berceau pénétrant dans la coupole, voûte revêtue à l’extrados d’un toit maçonné à deux versants. Il est en outre percé pour chaque tour de cinq ouvertures communiquant chacune à une guérite carrée à mâchicoulis ou bretèche couverte elle aussi d’une voûte en berceau pénétrant dans la coupole, voûte dont l’extrados cintré forme toit.

Donjon (1) : superstructure à coupole d'une des tours, détail de bretèches.Donjon (1) : superstructure à coupole d'une des tours, détail de bretèches.Donjon (1) : couronnement d'une des tours, parapet, coupole, bretèches.Donjon (1) : couronnement d'une des tours, parapet, coupole, bretèches.

Ces bretèches percées de deux créneaux de tir frontal portent sur trois consoles à trois ressauts sous le niveau du cordon. Les reins de l’ensemble de ces voûtes : la coupole centrale et les six berceaux rayonnants à partir de cette coupole, étaient conçus pour n’être revêtus que d’un enduit hydrofuge : elles ont été restaurées ainsi ces dernières années, après avoir été couvertes durant plus d’un siècle par des tuiles-canal. L’ensemble de ce dispositif à la fois compliqué et pittoresque résulte manifestement d’une modification tardive de l’état de superstructures des tours réalisé en 1606. L’état des lieux donné par Blondel en 1647 montre sur les tours un parapet plus haut que celui du corps hexagonal, simplement percé de créneaux ou embrasures et portant un toit conique. Une coupe sommaire dessinée par Antoine Niquet en 1694 montre les tours munies d’un parapet crénelé pas plus haut que celui du corps hexagonal, et tout à fait découvertes.

A partir de 1719, il est fait état d’un magasin à poudres logé dans une des tours de la plate-forme du donjon, puis d’une chapelle dans une autre tour, chapelle désaffectée et transférée dès 1730, Ceci qui implique que ces tours étaient à nouveau couvertes depuis 1700 environ, au moins d’un toit, voire d’une voûte. Elles apparaissent d’abord sur les dessins comme abritant un local de plan en fer-à-cheval bordé d’un mur ou parapet moins épais que le parapet d’artillerie du corps hexagonal, puis, à partir de 1751, avec un plan intérieur circulaire et des murs épais. Le mémoire de 1775, assez précis, mentionne l’étage haut des tours pour leur fonction respective, précisant qu’ il y a encore sur les angles flanqués des guérites à mâchicoulis. Si de telles guérites avaient existé aussi sur les tours, le mémoire les aurait mentionnées. Les guérites à deux pans aujourd’hui disparues montées en encorbellement sur les trois angles de l’hexagone central qui ne comportent pas de tours, sont indiquées à partir du plan de 1751, figurent encore en 1792, sans encorbellement. En 1819, les tours ont leur superstructure actuelle à cinq bretèches, et celle-ci n’est pas récente, puisqu’elle nécessite des réparations qui font envisager le remplacement des bretèches par de simples embrasures. D’autre part, les anciennes guérites des trois angles de l’hexagone alternant avec les tours sont de petits réduits circulaires pris dans la masse du parapet, sans saillie, et couverts d’une petite coupole. Ces éléments ont été supprimé par la suite, avant 1850. D’autre part, une bretèche analogue à celles des tours est aussi en place avant 1819 dans le parapet à l’aplomb de la porte du donjon, comme dans l’état actuel.

On conclura de ces informations lacunaires que l’étage de superstructure des trois tours, initialement non voûté a pu recevoir sa voûte en coupole actuelle soit vers 1700, soit vers 1750, mais sans les bretèches, l’emplacement de celles-ci étant occupé au mieux par des créneaux, ou aveuglé, avec peut-être avec une couverture protégeant les reins de la coupole. La présence des guérites d’angle à mâchicoulis en alternance avec les tours remontait à la même époque. L’état actuel, avec les cinq bretèches en haut des tours, a pu être créé lors des grands travaux mal documentés de 1793. Les portes vers la plate-forme sont d’un type qui pourrait être plus récent encore. La structure interne de cet étage montre bien l’adjonction après coup du tambour circulaire portant la coupole dans un volume de plan initial en fer à cheval, ce qui dégage un sas entre le local circulaire et la porte sur la terrasse ; ce sas distribue deux des cinq bretèches, celles des angles flanquants, tandis que les trois autres sont accessibles par le local circulaire, par des percées qui semblent être d’anciennes embrasures adaptées. Donjon (1) : porte d'entrée, face extérieure avec tableau rectangulaire du pont-levis.Donjon (1) : porte d'entrée, face extérieure avec tableau rectangulaire du pont-levis.

La porte du donjon comportait un dispositif de défense complexe, à deux ponts-levis, remanié et simplifié en 1852. Le passage d’entrée se compose d’un premier segment traversant la forte épaisseur (2m) du mur d’enveloppe du donjon, et d’un second segment traversant les corps de locaux adossés. Dans ce second segment, la travée logeable de plan trapézoïdal occupant ce côté de l’hexagone est donc subdivisée non en deux travées par un mur de refend médian, comme les cinq autres, mais en trois travées, la travée centrale correspondant au passage d’entrée, les deux latérales à de petites casemates symétriques servant de corps de garde.Le premier segment traversant la muraille est voûté en berceau haut de c. 3,50m; le second s’amorce par une sorte d’assommoir qui communiquait avec la casemate d’étage, suivi d’une arcade d’entrée en plein-cintre haute de c. 2,50m à la clef, elle-même suivie d’un passage couvert d’une voûte en berceau segmentaire un peu plus haute que l’arcade d’entrée.

A l’entrée du premier segment, l’ouverture du passage voûté en berceau était inscrite dans un tableau rectangulaire en léger retrait dans lequel venait s’encastrer le tablier d’un premier pont-levis à treuil pivotant sur des corbeaux sous le seuil du tableau. La chaîne de levage du tablier passait sur deux poulies successives fixés sous la voûte du passage et remontait par l’assommoir dans la casemate d’étage ou était installé le treuil qu’on actionnait pour monter le pont. L’arcade d’entrée du second segment est aussi inscrite dans un tableau rectangulaire en léger retrait (actuellement inchangé) moins haut que le premier, dans lequel venait s’encastrer le tablier du second pont-levis.

Ce second pont-levis était à bascule, son tablier s’étendait au-dessus d’une fosse rectangulaire ménagée dans le soubassement sous l’arcade d’entrée et sous une partie du passage, et basculait sur un axe médian, la partie postérieure formant contrepoids s’abîmant dans la fosse quand la partie antérieure se levait pour occulter l’arcade d’entrée. De plus, une paire de vantaux jouait au revers de cette arcade. Un judas en meurtrière s’ouvre de la casemate latérale de droite vers le passage juste avant l’arcade d’entrée du second pont-levis. La modification apportée en 1852 a consisté en la suppression du second pont-levis, et au remplacement du premier par un autre plus renfoncé dans le mur pour lui permettre d’adopter le système à bascule en tirant partie de la fosse existante. Dans ce but, cette fosse a été agrandie vers l’extérieur en ne laissant qu’une faible épaisseur murale derrière l’escarpe en fruit sous la porte. Le tableau d’encastrement du tablier a été en revanche approfondi, plus d’un mètre en retrait du nu extérieur du mur, en ravalant une partie de la voûte. Le système à bascule a permis de supprimer le treuil et de boucher l’assommoir, libérant la casemate d’étage de toute utilisation liée au pont-levis.Un système de canalisations renvoyait le trop-plein de la citerne du donjon dans la fosse du pont-levis.

Les casemates logeables du donjon ne prenaient jour que dans les façades sur cour, par des fenêtres rectangulaires à traverse pour l’étage, fenêtre de même type que celles en usage dans l’architecture civile contemporaine. Au rez-de-chaussée, les fenêtres sont deux fois moins hautes et nichées entre les consoles de la galerie-balcon de distribution de l’étage. Les portes d’accès aux casemates, simples en couvertes en plein-cintre, alternent avec les fenêtres, tant de plain-pied avec le sol de la cour, pour le rez-de-chaussée, qu’avec le sol de la coursive-balcon, pour l’étage. Les fenêtres percées dans les façades extérieures, à raison de deux par côté et par étage, en 1852 et 1855, ont toutes été refermées par la campagne de restauration récente. Auparavant, la muraille d’enveloppe n’était percée que par les cheminées ménagées d’origine pour le chauffage des casemates du premier étage, au milieu du leur grand côté extérieur de ces casemates. Ces cheminées incorporées, présentes dans cinq sur six des grandes casemates du premier étage (absente du côté nord avant les remaniements de 1852), et dans une des petites casemates du rez-de-chaussée (au sud) comportent une assez forte souche rectangulaire émergeant en surélévation du parapet d’artillerie de la plate-forme.

Donjon (1) : porte d'une casemate en rez-de-cour entre corbeaux de la galerie d'étage.Donjon (1) : porte d'une casemate en rez-de-cour entre corbeaux de la galerie d'étage.

Autres bâtiments militaires

Tous les bâtiments militaires de la citadelle ont été peu ou prou dévalués par des aménagements du XXe siècle, intérieurs ou extérieurs. Le bâtiment (6), simple corps de plan rectangulaire avec toit à deux versants, réédifié à neuf en 1774 pour abriter la chapelle de la citadelle, désaffectée en 1791, est le moins défiguré. Réaffecté dans les années 1817-1820 à un pavillon d’officiers, avec division interne en deux niveaux par un plancher et percement de fenêtres, petit avant-corps à l’est rehaussé d’un étage, il a continué à servir de maison d’habitation pour le personnel de la citadelle jusqu’à nos jours. Sa distribution interne est peu modifiée depuis le XIXe siècle, de même que ses fenêtres carrées et peu amples, sa couverture a été refaite et quelque peu changée ; ses enduits sont peu remaniés.

Les bâtiments 9 et 10, anciens corps de caserne dont la construction initiale remonte au XIXe siècle, ont conservée la volumétrie générale qu’ils avaient au XIXe siècle, mais, là encore, baies, enduits et toitures ont été renouvelés au XXe siècle. Le plus grand de ces deux corps (9) comportait six travées régulières de chambres collectives sur une double profondeur, soit 12 cellules normatives, en simple rez-de-chaussée. Le plus petit corps comportait quatre travées au carré, sur deux niveaux. Il est probable que les partitions actuelles conservent la trame de cette distribution ancienne.

Le magasin à poudres (7) achevé en 1835-1836, est intégralement conservé ; il adopte un plan type classique, rectangulaire (c. 18m / c.14m hors-oeuvre), dépourvu de contreforts latéraux. Il abrite une grande salle unique longiligne voûtée en berceau portant sur les murs latéraux plus épais. Ces murs sont percés d’une série de trois évents en chicane, du type usuel pour les magasins à poudres. Chacun des deux murs pignons est percé en hauteur, symétriquement, d'une fenêtre haute carrée à encadrement en pierre de taille, éclairant au besoin la salle, munie classiquement de deux volets, intérieur et extérieur. La porte, qui s'ouvre sous la fenêtre du mur pignon ouest, a aussi un double vantail. Les menuiseries ont disparu, de même que le plancher, sur mur-épi longitudinal et voûtes parallèles minces en brique, remplacé en 1992 par une dalle de béton. La charpente du toit à deux versants, revêtue de tuiles canal, portait sur l'extrados de la voûte à l’épreuve des bombes par l’intermédiaire de pannes de maçonnerie. Elle a aussi disparu, depuis la construction au-dessus du magasin, dans la décennie 1950, d’une vaste plate-forme de béton armé constituée d’une dalle portée sur des piles ; ces piles s’appuient soit au pourtour du magasin, dans l’emprise du chemin de ronde entre le mur d’isolement et l’épaulement, soit directement sur les reins de la voûte du magasin. Le mur d’isolement a entièrement disparu, mais l’épaulement couvre-face en terre qui enveloppe le magasin au nord, à l’ouest et à l’est, est assez bien conservé, avec sa poterne voûtée en berceau traversant la branche est.

Structure et mise en œuvre

Les maçonneries des ouvrages de fortification : revêtement des bastions, des redans, courtines, de la contrescarpe des fossés, du mur d’appui du chemin couvert (sauf quelques parties en pierres sèches), ainsi que celles des murs du donjon et de son chemin couvert, sont mises en œuvre dans l’ensemble en blocage de moellons de tout venant, de gabarit assez varié, avec enduit couvrant pour le donjon proprement dit, joints gras et lissés avec soin au nu des parements, formant un enduit à pierres vues pour le reste des ouvrages, le tout assurant une bonne planéité des parements, exempte de faux aplombs et de grosses déformations.

La construction des bâtiments militaires ne se distingue pas par une mise en œuvre plus soignée, mais, à l’exception du magasin à poudres, par un enduit plus couvrant, lissé et teinté, qu’on ne trouve par ailleurs qu’au donjon, celui-ci ayant le double statut d’ouvrage fortifié et de bâtiment militaire. Retranchement intérieur : flanc du demi-bastion 17, fossé et sa contrescarpe.Retranchement intérieur : flanc du demi-bastion 17, fossé et sa contrescarpe.

Certains secteurs des parements des revêtements d’escarpe, dans le fossé du front sud par exemple, se greffent en partie basse sur la roche affleurante laissée apparente et plus ou moins ravalée au pied du mur maçonné pour en atténuer les irrégularités. Certaines reprises en surélévation du milieu du XIXe siècle, au niveau des parapets notamment, voire certaines réparations de parement, se distinguent par leur enduit plus couvrant. L’arase des parapets maigres d’infanterie, versant vers l’extérieur, est simplement enduite, tandis que celle des revêtements des fronts comportant des parapets d’artillerie (Front 12-13-14, front intérieur 16-17) sont couverts par une tablette en pierre de taille dure et en briques, ce qui est aussi le cas pour le parapet d’artillerie à embrasures de la plate-forme du donjon, très restauré avec pavage de céramique.

La pierre de taille représentée dans ces constructions est de trois natures, un calcaire dur très blanc, un grès rouge tendre, et une serpentine verte, sous-représentée. Ces trois matériaux sont présents dans le donjon dès la construction initiale : le grès rouge pour les pierres d’encoignure extérieures, le cordon bas extérieur, les encadrements de canonnières des tours ; la serpentine verte pour l’encadrement des portes et des fenêtres sur cour, pour celui du tableau rectangulaire de la porte à pont-levis. La pierre blanche dure est employée au donjon, de l’origine au XIXe siècle, pour le cordon haut à l’intérieur (gargouilles comprises, avec leur motif sculpté en volutes) et à l’extérieur, pour les consoles de la galerie en balcon sur cour, pour la margelle de la citerne, pour les consoles des bretèches des tours et du dessus de la porte, pour les encadrement des embrasures, pour l’encadrement des portes d’accès aux chambres hautes des trois tours depuis la plate-forme, pour les tablettes de garde-corps et les dalles de pavement de cette plate-forme. La brique est également représentée de manière très localisée dans la construction du donjon : les logettes des bretèches sont entièrement en briques, les arcs et certaines parties des locaux de l’étage haut des tours, associés à ces échauguettes, emploient ce matériau. On le retrouve pour le revêtement des conduits de cheminées, et pour certaines voûtes.

Dans les autres ouvrages de fortification de la citadelle, la pierre de taille est sous représentée, presque inexistante, dans les constructions les plus anciennes, antérieures aux années 1830, les angles saillants ne faisant pas l’objet d’un traitement particulier différant du parement courant : on la trouvait peut-être dans des éléments disparus, comme les cordons et l’encadrement de la porte primitive. La pierre blanche dure est employée en revanche pour l’encadrement de la porte d’entrée (11’, refaite en 1996) et la chaîne de l’angle saillant du flanc du bastion 27 dans lequel cette porte est percée. On la retrouve dans les angles saillants des bastions du front intérieur retranché (16-17), dans les tablettes de couvrement des revêtements d’escarpes et parapets tant de ce front intérieur que du front sud du corps de place (12-13-14), associée aux parapets d’artillerie. Dans ce dernier cas, son emploi est conjugué avec celui de la brique. Cette association pierre de taille dure et brique se retrouve dans la construction de l’échauguette du saillant du redan 14, pierre pour le cul-de-lampe et la coupole, brique pour le corps. En ce qui concerne les bâtiments militaires, seul le magasin à poudres combine le parement ordinaire en moellons avec la pierre de taille dure blanche pour les encoignures et encadrement de baies, et avec la brique, pour les voûtes.

Les corps de casernes et bâtiments 6, 9, 10 sont couverts de tuiles-canal modernes.

1Arc. Mun. Saint-Tropez, BB6 f°17v° ; L. Couillault, 1996-1997, p. 322Plan conservé à Turin, Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Archittetura militare, vol. III, fol.3Supplique adressée au roi par les Consuls de Saint Tropez à la fin de 1594, Rosati, p. 110-111, L. Couillault, p.374Arc. Mun. Saint-Tropez, BB6 f°70v° ; L. Couillault, 1996-1997, p. 375Arc. Mun. Saint-Tropez, BB6 f°114 ; L. Couillault, 1996-1997, p. 386Arc. Mun. Saint-Tropez, BB6 f°235 v° ; L. Couillault, 1996-1997, p. 397Arc. Mun. Saint-Tropez, AA2 f°196-197 ; L. Couillault, 1996-1997, p. 39 ; D. Buisseret, p. 60.8Renseignement trouvé dans les archives notariales par M. Bernard Romagnan, aimablement communiqué par M. Laurent Pavlidis.9N. Faucherre, J-P. Brighelli, Le château d’If et les forts de Marseille, Itinéraires du Patrimoine, n° 172, Paris, 1999, p. 6-7.10Carte incluse dans un Recueil des cartes des Provinces de Provence, Languedoc, comté d’Avignon et principauté d’Orange, Bibliothèque de la société des Amis du Vieux Toulon, Ms.11Cité dans N.-C. Fabri de Peiresc, Histoire abrégée de la Provence, ms de 1637 édition scientifique par J. Ferrier et M. Feuillas, Avignon, 1982, p. 297.12BNF, Estampes, Va topographie de la France, Var, Saint-Tropez, « La ville et citadelle de St Tropez » (fonds Gaignières).13C. de La Roncière, Histoire de la marine française, t. IV, Paris, 1923, p. 623.14Cité par B. Cros, Citadelles d’Azur, Aix en Provence, 1998, p. 42, d’après me Ms. Blondel du service historique de la Marine à Vincennes.15Reproduit par B. Cros, Citadelles d’Azur, p. 42.16Cité par B. Cros, Citadelles d’Azur, p. 5617Mémoire du 28 février 1744 signé Maurepas, Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 118Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 119A. de Roux, N. Faucherre, G. Monsaingeon, Les plans en relief des places du Roy, Paris, 1989, p. 157.20Vincennes, SHD, Bibliothèque du Génie, Atlas21L. Couillault, 1996-1997, p. 9122Vincennes, SHD, Bibliothèque du Génie, Atlas 6423Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 1324L. Couillault, 1996-1997, p. 158, annexe XII25Vincennes, SHD, Bibliothèque du Génie, Atlas 6426Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 26 et 2827Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 2928Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 5229Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 5730Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 5831Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 8132Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 2 (1821-1833)33Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 3 (1834-1841)34Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 4 (1842-1847)35Ce type de pont-levis a été conçu en 1812 par le capitaine Delille. Il améliore le système à 2 contrepoids formés par des roues indépendantes descendant le long d'un chemin "en saut-de-ski" en plaçant les deux contrepoids sur le même essieu.36Vincennes, SHD, Art. 8, sect. 1, carton 5 (1848-1874)

L'origine de la citadelle est l'extension de l'enceinte de ville à la colline des moulins, réalisée par le conseil de communauté de la ville entre 1590 et 1592, composée d'un front bastionné au sud et d'une enceinte à redans à l'est. Cette première fortification est rasée en 1596, après la rébellion avortée du duc d'Epernon.

Le pouvoir royal entreprend la construction d'un réduit défensif capable d’héberger des troupes royales, chantier mené de 1602 à 1607 par Raymond de Bonnefons, ingénieur du roi en Provence, Dauphiné et Bresse, qui réédite le modèle qu'il a édifié entre 1598 et 1605 à Marseille sur l'île de Ratonneau de grosse tour-réduit octogonale flanquée de trois tourelles cylindriques. Vers 1632-1634 est construite l’enceinte de la nouvelle citadelle autour de la tour devenue donjon, probablement sur un projet de Jean de Bonnefons, successeur de son père après la mort de celui-ci en 1607.

En 1739 le directeur général des fortifications Claude-François Bidal d’Asfeld, maréchal de France, décide l'isolement de l’enceinte de la citadelle par le rasement définitif des ruines du front bastionné de l’enceinte de ville de 1589. En 1745-1747, quelques travaux d'amélioration de l'enceinte sont réalisés sous la direction de Milet de Monville : terrassement, retranchements intérieurs, rectification des tracés.

En 1774, Charles-François Marie d’Aumale, fait reconstruire la chapelle de la citadelle après démolition du « vieux bâtiment » du XVIIe siècle, menaçant ruine, qui l’abritait depuis 1730. Le nouvel édifice dédié à Sainte-Geneviève est confié à la maîtrise d’œuvre d’un entrepreneur qualifié d’architecte du roi, le sieur Cassel.

De 1775 à 1793 divers travaux d'entretiens sont réalisés au donjon et à l'enceinte, en particulier sous la direction de Charles François Marie d'Aumale.

En 1818, reconstruction de la galerie périphérique de la cour intérieure du donjon, sous la direction de l’ingénieur Charles-Joseph Clerici. En 1821 est réalisée une batterie nouvelle au revers de la face 22 du front est. De 1822 à 1824, divers projets d'amélioration portent sur l'entrée de la citadelle et la construction d'un magasin à poudres.

Les réalisations des décennies 1830-1840, tendent à l’amélioration du retranchement intérieur. La nouvelle porte de la citadelle est achevée en 1840 mais elle est transformée dès 1843 par l'adjonction d'un pont-levis à la Delille, en même temps que l'ancienne porte est supprimée. A partir de 1847, les abords du donjon sont réorganisés. Le donjon fait ensuite l’objet de nouveaux projets d’amélioration, proposés à partir de l’exercice 1851-1852.

A partir de la décennie 1860, la citadelle, dont les fortifications ne sont plus adaptées aux progrès de l’artillerie, ne fait plus l’objet de nouvelles modifications mais de simples travaux d'entretien jusqu’à son déclassement en 1918. Pendant la dernière guerre, la façade de la porte à pont-levis est défoncée et détruite pour élargir le gabarit du passage d’entrée.

Avant le rachat de la citadelle par la ville de Saint-Tropez, abouti en 1992, la protection au titre Monuments Historiques, initiée en 1921, est étendue par une mesure d’inscription des glacis à l’inventaire supplémentaire, par arrêté du 23 août 1990. Alors est entreprise, en 1991, une ambitieuse campagne de restauration qui restitue notamment la porte de la citadelle et sont pont-levis dans son état antérieur à 1918, chantier achevé en 1996.

La citadelle se décompose en deux sous-ensembles architecturaux : l’enceinte du corps de place, polygone très irrégulier partie bastionné, partie à redans, environnée d’un fossé sur tout son pourtour et le donjon hexagonal incorporé dans cette enceinte, lui aussi enveloppé d’un fossé et d’un chemin couvert. La partie est de l’enceinte affecte un tracé tenaillé qui ne comporte que des redans, le front ouest, face à la ville et au port, est en revanche un véritable front bastionné.

Le donjon se distingue par son plan centré hexagonal régulier qui renvoie à d'autres ouvrages royaux à cour intérieure un peu plus anciens édifiés par les ingénieurs italiens ou français sur le littoral provençal depuis le règne de François Ier : la « grosse tour » de Toulon (plan circulaire), le Château d’If de Marseille (plan carré à tours d’angle), le Fort Carré d’Antibes dans son premier état (tour circulaire). L’élévation comporte un étage de soubassement massif élargi en fruit pour former l’escarpe du fossé. L’élévation interne à partir du rez-de-chaussée comporte deux niveaux de locaux voutés organisés selon un plan radian : à chaque pan correspond un local de plan trapézoïdal, divisé en deux travées égales par un mur de refend au niveau du rez-de-chaussée. L’élévation des façades sur cour est animée horizontalement par une galerie découverte en encorbellement sur des corbeaux de pierre distribuant le premier étage. Le donjon est flanqué de trois tours cylindriques rapportées après coup contre un angle sur deux de l’hexagone.

La mise en oeuvre est principalement du moellon enduit, certaines parties et voûtes sont en briques. Les encadrements et modénatures utilisent la pierre de taille de calcaire blanc, de grès rouge et, en quelques endroits, de serpentine verte.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
    • calcaire pierre de taille
    • grès pierre de taille
    • brique
  • Toits
    tuile creuse
  • Plans
    système bastionné, système tenaillé, plan centré
  • Étages
    étage de soubassement, 2 étages carrés
  • Couvrements
    • voûte en berceau
    • voûte en berceau segmentaire
    • coupole
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis en maçonnerie
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune, Achat par la commune en 1992.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Sites de protection
    site inscrit
  • Protections
    classé MH partiellement, 1921/12/12
    inscrit MH partiellement, 1990/08/23
    classé MH, 1995/07/04
  • Précisions sur la protection

    L'arrêté de classement de 1921 concerne les ouvrages défensifs : donjon hexagone, entrée et courtine et tous les bastions.

    Inscription des glacis par arrêté de 1990.

    Classement de 1995 étendu à l'enceinte bastionnée et l'ensemble des ouvrages situés dans son périmètre.

Documents d'archives

  • Mémoire sur la place de Saint-Tropez. Dans "Atlas des Places et forts de la Provence, Marseille, Toulon, Iles d Port-Cros et Porquerolles, citadelle de Saint-Tropez" 1719. Service Historique de la Défense, Vincennes : bibliothèque du Génie, ms 117.

  • MILET DE MONVILLE Nicolas François. Mémoire sur la citadelle de Saint-Tropez, 28 février 1747. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8, sect. 1, carton 1, n° 13.

  • AUMALE CHARLES FRANCOIS MARIE D'. Mémoire sur la place de Saint-Tropez. Dans "Atlas des places fortes de Provence, département de Toulon, Iles d'Hyères et Saint-Tropez". Par Charles-François Marie d'Aumale, directeur des fortifications de Toulon et de Basse Provence, 1775. Service Historique de la Défense, Vincennes : Bibliothèque du Génie, Atlas n° 64.

  • Citadelle de Saint-Tropez. Projet général du 20 novembre 1821. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8, sect. 1, carton 2 (1821-1833).

Bibliographie

  • BUISSERET, D. Ingénieurs et fortifications avant Vauban, l’organisation d’un service royal aux XVIe-XVIIe siècles. – Paris : CTHS, 2002.

    P. 59-60.
  • COUILLAULT, L. La citadelle de Saint-Tropez, étude d'un monument historique. Mémoire de Maîtrise d'histoire de l'art, sous la dir. de Y. Esquieu et G. Comet, 1996-1997, 187 p.

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

  • DALLEMAGNE, F., MOULY, J. Patrimoine militaire. Paris , 2002.

    P. 136-142.
  • GERMON, Jean-Daniel de. Saint-Tropez, le temps retrouvé. Saint-Tropez, 1993.

  • PAVLIDIS, L. et L. Sociétés littorales et défenses urbaines au XVIe siècle : l'exemple de Saint-Tropez, dans Revue de la Société des Amis du Vieux-Toulon et de sa région, n° 129, 2007.

  • RIBIERE, Hélène, ADGE, M., CATARINA, D. et al. La route des fortifications en Méditerranée, les étoiles de Vauban. Paris, 2007, 184 p.

    P. 154-157.
  • ROSATI, J. La citadelle de Saint-Tropez, dans Neptunia, revue du Musée de la Marine, n° 50, 2e trimestre 1958.

  • ROSATI, J. Saint-Tropez à travers les siècles, études historiques. Saint-Tropez, les Amis de la citadelle, 1991, 325 p.

Documents figurés

  • [Saint-Tropez] / Dessin, par Ascanio Vitozzi, vers 1592. Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Turin : Archittetura militare, vol. III.

  • [Tour de Saint-Tropez]. Dessin attribué à Jean de Beins, vers 1630. Dans : "Recueil des cartes des Provinces de Provence, Languedoc, comté d’Avignon et principauté d’Orange." Archives de la Société des Amis du Vieux Toulon.

  • [Vues perspectives de la Seine, Tollon, Hières, Breganson, Saint-Tropes, Freiuls, Saint-Rapheau, Canes, Saint-Honoré, Antibo.] / Dessin manuscrit sur parchemin ; 54,5 x 80 cm, par Jacques de Maretz, 1631. Bibliothèque nationale de France, Paris : Cartes et Plans, GE SH 18E PF 71 DIV 3 P 2/2.

  • Golphe de Grimaut. / Estampe, par Christophe Tassin, 1634. Bibliothèque nationale de France, Paris : département Cartes et plans, GE DD-2987 (1411).

  • Plan de la ville et citadelle de Saint-Tropez. / Dessin, plume et encre, par Jean de Bonnefons (?), 1640.

  • La Ville et Citadelle de Saint-Tropés. / Dessin plume et encre brune / F. Blondel inv. et Fecit, 1647. Bibliothèque nationale de France, Paris : département Estampes et photographie, EST VA-83 (3) (fonds Gaignières) H 158748.

  • Plan de St Tropes en Provance. / Croquis sur calque : plume et encre brune ; 31 x 46,2 cm, 1649. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST VA-83 (3).

  • Plan de la citadelle de S Tropez (...) [Plan de la citadelle, 3 plans du donjon pris à différents niveaux]. Dessin encre et lavis, 18e siècle. Musée de la Citadelle, Saint-Tropez.

  • Plan de la ville et citadelle de Saint-Tropez pour servir au projet de 1724. Dessin, 1723. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8, section 1, carton 1, n° 4.

  • Plan de la ville et citadelle de Saint-Tropés. / Dessin aquarellé, 1747. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8, section 1, carton 1, n° 13.

  • Plan de la citadelle de Saint-Tropez 1754 pour servir à rendre compte annuellement de l'employ des fonds [...]. [Plan général, plans du donjon, plans du corps de casernes] / Dessin aquarellé, 1754. Service historique de la Défense, Vincennes : Article 8, section 1, carton 1, n° 16.

  • Plan des ville et citadelle de Saint-Tropès. / Dessin aquarellé, 1775. Par Charles François Marie d'Aumale, Directeur des fortifications de Toulon et de Basse-Provence. Service Historique de la Défense, Vincennes : Atlas des places-fortes, département de Toulon, Iles d'Hyères et Saint-Tropez n° 64, feuille X.

  • Plan de la ville et citadelle de Saint-Tropez. / Dessin, 1781. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8, section 1, carton 1, n° 35.

  • Plans et profils du donjon [de Saint-Tropez] relatif aux articles 1 et 2 des fortifications et des bâtiments militaires. Projets de 1819 pour 1820. / Dessin, 1819, visé par le directeur général des fortifications Pinot. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8, section 1, carton 1, n° 75 (1).

  • Citadelle de Saint-Tropez : reconstitution de l'état au 18e siècle et après 1862. / Dessin, par Christian Corvisier Corvisier, 2008.

Annexes

  • Citadelle de Saint-Tropez. Nomenclature des ouvrages.
Date d'enquête 2007 ; Date(s) de rédaction 2016
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