Dossier d’œuvre architecture IA06001390 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
château fort ; fort
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Guillaumes
  • Dénominations
    château fort, fort

Histoire

Le château et le bourg castral médiéval jusqu'aux renforcements des guerres de Religion

La première mention d'un castrum de Guillelme apparaît dans une liste établie entre 1232 et 1244 par les officiers de l'administration du comte de Provence dans le but de recenser les établissements fortifiés relevant du comté . En revanche, en 1235, il ne figure pas plus que celui d'Entrevaux dans la liste des châteaux sur lesquels le pouvoir comtal a la mainmise, le secteur géographique dans lequel il se situe étant sous le contrôle de seigneurs réfractaires à une soumission au comte de Provence Raimond Béranger V (c. 1216-1245). Dès 1252 cependant, le château de Guillaumes est explicitement mentionné dans une enquête conduite pour Charles Ier d'Anjou au nombre des forteresses appartenant en propre au comte, à la suite d'une confiscation sur un vassal indocile. L'annexion du site remonte peut-être au temps des expéditions militaires de Raimond-Béranger dans ce secteur de la haute vallée du Var, vers 1235, mais elle peut aussi être de peu antérieure à l'enquête de Charles I ; elle aboutit en tout cas à ériger Guillaumes en chef-lieu d'une nouvelle bailie comtale annexe de celle de Nice, dite bailie de Théniers. L'étude archéologique récente conduite sur ce château considère qu'il ne reste aucune trace sur le site d'une fortification seigneuriale antérieure à la réunion au domaine comtal, qui occupait probablement un emplacement différent (mentions d'un château Vieux), les plus ancien éléments monumentaux maçonnés du château actuel étant dus à la maîtrise d'ouvrage comtale. A cette période du milieu du XIIIe siècle, le château est qualifié de "tour" (turnum ), tandis que sa mention en 1297 dans une enquête domaniale de Charles II d'Anjou fait état d'un castrum seu fortalicium in quo moratur castellanus cum servientibus, soit un château et forteresse gardé pour le comte par un châtelain et ses servants1. Le peuplement aggloméré existe déjà à Guillaumes au moment de l'enquête de 1252, qui le qualifie de villa, et indique son taux d'imposition, à l'échelle d'une population relativement importante. Cette fondation (église Saint Etienne existante avant 1305) est donc simultanée à celle du château, et la situation du bourg en fond de vallée s'explique par l'absence de place disponible sur le piton rocheux du château qui domine abruptement le bourg de plus de 100 m. Le binôme ville / château et la topographie sont comparables au cas d'Entrevaux, autre site fortifié important de la vallée du Var, encore qu'à Guillaumes, une distance moindre sépare le château de la ville. L'accès principal au château y a de plus toujours passé par l'agglomération, ce qui n'est pas le cas à Entrevaux. On ignore à partir de quelle date ce "bourg castral" a été clos de murs, mais il y a lieu de croire que, toujours comme à Entrevaux, cette clôture organique remontait à l'époque médiévale.

Vers 1344, Puget-Théniers devient chef-lieu de la bailie de Théniers en remplacement de Guillaumes, qui, perdant son rôle administratif, fait l'objet de plusieurs inféodations successives2.

En 1387, à l'issue d'une guerre de succession, Louis II d'Anjou, encore mineur sous tutelle de la régente Marie de Blois, est reconnu comme comte de Provence par l'ensemble des seigneurs et des villes de Provence occidentale et centrale, mais un seigneur influent de Provence orientale, Jean de Grimaldi, baron de Beuil, maître des vigueries et bailies de Nice et de Puget-Théniers fait sécession en se plaçant sous le protection du comte de Savoie. Ce dernier, avec l'aval de l'empereur d'Allemagne, annexe en 1388 la viguerie de Nice qu'il érige en comté et y rattache la partie de celle de Puget-Théniers qui ne résiste pas à cette emprise.

La haute vallée du Var est désormais partagée entre les deux mouvances : les parties est et nord, avec Puget-Théniers, Beuil, Entraunes, passe au comté de Nice sous tutelle savoyarde, tandis que la partie occidentale, dont Entrevaux, Daluis et Guillaumes, restent sous la souveraineté des comtes de Provence de la maison d'Anjou. Ces circonstances donnent au castrum comtal de Guillaumes le statut de place frontière, la plus septentrionale du comté, ce qui justifie l'arrêt des inféodations, mais la construction de tour maîtresse circulaire du château à cette époque, comme symbole comtal, n'est qu'une hypothèse, d'autant moins évidente qu'en 1388 le comte de Provence est un enfant de 11 ans, non un dynaste en état de conduire une politique de construction castrale à forte composante symbolique. En définitive, cette présomption n'est pas plus prouvée que les attributions plus ou moins traditionnelles de la construction du château soit à la reine Jeanne de Naples (comtesse de Provence de 1343 à 1382), soit à René d'Anjou (comte de Provence de 1434 à 1480). Précisons d'emblée qu'à l'aune des caractères architecturaux cette dernière hypothèse, la plus récemment soutenue, n'est nullement recevable tandis que la précédente pourrait être chronologiquement très crédible.

De fait, aucune source archivistique avérée ne documente une quelconque campagne de construction au château ou à l'enceinte de ville de Guillaumes jusqu'à la période des Guerres de Religion, ce qui laisse champ à toute hypothèse de datation fondée sur des critères de typologie de formes architecturales, souvent fragile.

Du fait de sa situation reculée qui n'était plus frontalière, Guillaumes n'était pas une possession comtale de première importance au temps de René d'Anjou, et moins encore après la réunion du comté à la couronne de France à la fin du règne de Louis XI.

L'intérêt militaire de cette petite place redevient d'actualité en 1560, date à laquelle on constate l'absence de personnel militaire permanent à Guillaumes, la garde et l'entretien du château étant à la charge des habitants. Le gouverneur royal de Provence Claude de Savoie, comte de Tende, dépêche à Guillaumes un capitaine nommé Pratz, qui donne ordre aux consuls de clore les portes de ville.

On ne retiendra des épisode suivants des guerres de Religion touchant Guillaumes, minutieusement reconstitués par l'archiviste départemental Jean Bernard Lacroix d'après les archives de la ville3, que ceux concrétisés par des travaux aux fortifications. Ceux-ci sont somme toute assez considérables.

Les documents ne font pas état de semblables travaux avant 1571 ; à cette date, les consuls et la communauté jugent indispensable de restaurer le château du roy notre sire, qui paraît être dans un état de délabrement avancé, ses locaux étant à ciel ouvert. Un prix-fait de 120 (six-vingt) florins du 14 novembre charge maîtres Antoine Ginieys, Pierre, Honorat et Estienne Rancurel, charpentiers de ladite ville de faire dans un délai de six mois le couvert del corpz dudit chateau jusques à la torre carrado avec les gorjes et bocques (gouttières) y neccesseres pour lescroiement dudit chasteau que tombe dans la sisterne (...) et y metre et procurer de fustailho (bois d'oeuvre et de charpente) que y sera neccessere audit couvert (...) et mettre le couvert tout a un esgout devers ladite sisterne que l'aigue tombe dedans ladite sisterne (...). Du 17 novembre date le marché de maçonnerie de 160 florins confié à Laurens Granier, maçon de Colmars et Robert Paulon, maçon de Guillaumes qui seront tenus fondre abatre et réparer tout le paret (parement, mur, parapet ?) et murahle dudit chasteau davers ladite ville de Guilhaumes despueys lo portalet de barri (le portail d'enceinte) proche dudit chasteau jusques au canton (côté) de la porte dudit chasteau et audit canton faire uno bono anciero sefficient et le reste de pierre de talhe et aussi ladite porte et entrée dudit chasteau en pierre de talhe et en seront tenus lesdits maitres (maçons) reparer le cossiero (coursière, chemin de ronde) de ladite paret bien et deument à dire de mestre et experts de l'especeur et auteur que est a present ladite paret4... Le marché précise que le consul Mati, responsable des travaux, fera porter à pied d'œuvre les matériaux hors réemploi : pierre de taille, gypse pour le plâtre servant de liant, jusqu'à l'eau nécessaire au chantier.

En Août 1574, la communauté fait travailler à un ouvrage de protection avancée de la principale porte de ville : la facture du revelin se continuera jusques ad ce quelle sera parachevée. Un an plus tard, de nouveaux travaux, ponctuels, urgents et peu coûteux pour la mise en sécurité du lieu consistent notamment à murer provisoirement certaines issues en maçonnerie liée au plâtre : le passage del gabion (petite batterie, poste de tir, tourelle) de la balmo souto le chasteau, ce "gabion" étant par ailleurs approprié, et le portal del castel (château). Le 11 septembre et le 9 octobre de la même année, le conseil de ville décide la construction d'une tour de défense à un angle de l'enceinte de ville, sans doute l'angle sud : faire une torre au canton del barri (l'enceinte) aupres la maison comune de San Sperit, et l'aménagement de fossés.

A la fin de l'été 1578, la "tour carrée" du château menace ruine par un angle au point que les murs formant cet angle doivent être détruit : per avoir abatut la cantounado (le coin) du castel dangereuse de la tour cairrado5.

En mars 1585, des réparations sont nécessaires au gabions et coursières de l'enceinte de ville, et on apporte des fournitures au gabion neuf (la nouvelle tour d'angle ?) En octobre 1586, c'est au château qu'il convient de faire de nouvelles réparations : fere rebiller le casteau du present lieu. Il s'agit plus précisément de croistre la cortine et paret que est entre la tour dapet (tenant à) castel ou rebilher la cortine dapet castel et la tourre6, ce qui doit correspondre au renforcement (croistre, rebilher = épaissir, chemiser, rhabiller) de la muraille formant le front haut du château, opposé à la ville, raccordé à la tour circulaire et au logis qui s'y adosse, la démolition de la "tour carrée" en 1578 ayant laissé un vide côté intérieur de cette muraille entre tour circulaire et logis. Le compte du clavaire de la ville du 19 novembre 1586 mentionne le paiement de deux florins au forgeron Antoine Jusbert, pour avoir fourni une petite pièce d'artillerie pour le château, ce qui indique la présence d'embrasures adaptées à ce type d'arme. Le conseil de ville du 28 juin 1589 proposait la construction d'une nouvelle tourre au canton du castel, ce projet étant ajourné faute de main d'œuvre, jusqu'en octobre 1590, date de facture d'un four à plâtre pour le chantier de cette tour neuve ; c'est sans doute la même tour la toure de desoute quastel dont les travaux sont soldés en avril 1592. Le 15 juillet 1590, il s'agissait de fere une porte à la tourre de castel (la tour maîtresse circulaire), marché réalisé un an plus tard par le maçon Honorat Guilhache et le forgeron Honorat Trouche. Le 3 mars 1591, le conseil décide de faire ausar (rehausser) la cortine du barry (enceinte) du castel et autres muralhes necessaires. En décembre, quittance est donnée par le clavaire pour des ouvrages en bois équarri aux coursives du château et de sa tour, ce qui parait pouvoir correspondre à des hourds, et pour la factures de fenêtres (de tir?) au "gabion" du château, construit par Honorat Guilhache ; ce "gabion" semble associé avec la guérite (garito) faite à neuf au château à la même époque. Le sol de la "salle" du château est remis en état en janvier 1592, en mars, Anthony Martini est payé pour avoir couvert la tour ronde du château et le gabion de Jalinette, et en avril, est soldée l'installation de pièces de bois pour passer à la tour ronde du château.

Le 5 juillet 1592, la (principale?) porte de ville a un fossé (une fosse) mais pas de pont-levis pour le franchir, d'où la proposition de combler l'un ou d'installer l'autre, cette deuxième proposition étant réalisée dès le mois d'août, par la mise en place d'un pont-levis à contrepoids avec chaînes de fer (à flèches). Toujours en juillet 1592, il est à nouveau question de la tourre caraido du château, qui comporte un "gabion" et semble être en cours d'achèvement : montage de pièces de bois de charpente, couverture ; il ne peut s'agir que d'une nouvelle "tour carrée" différente de celle en partie démolie en 1578, et correspondant plutôt au "gabion" du château et à sa guérite cités un an plus tôt, soit sans doute à la pseudo tour trapézoïdale faisant pendant à la tour ronde médiévale à l'autre extrémité du logis. On remarquera que l’emploi du mot « gabion » dans les textes est plutôt générique et à géométrie variable, qualifiant un ouvrage de défense secondaire en tant que sous-ensemble de l’enceinte, du donjon, d’une tour…

Le 7 mars 1593, les consuls ont fait venir maître Michel Bernard et ses enphans, masons du lieu de Briançon, pour fere une tourre au coin de la murailhe du castel, oeuvre achevée le 2 mai, prête à recevoir sa couverture, réalisée en juin. Les mêmes maçons achèvent de travailler en juin à la tour du Saint Esperit de ladite ville, qui semble être une tour porte, achevée le 6 novembre 1595 par Honorat Rancurel. Il parait s'agir d'une tour d'entrée en chicane construite dans le ravelin de la porte principale de la ville, au milieu du front sud-ouest. Les dépenses pour des chantiers importants s'arrêtent là, la fin des guerres de Religion étant bientôt entérinée par la paix de Vervins en 1598.

Renforcements et projets du temps de Vauban (1690-1710)

Ainsi réparées et renforcées, les fortifications du château et de la ville de Guillaumes n'eurent plus l'occasion de servir pendant près d'un siècle, mais furent maintenues en état par un entretien minimal, toujours laissé à la charge de la communauté bien que le château restât place royale. La muraille de la ville et ses ouvrages fut toutefois moins préservés que le château, tant à cause de la pression des intérêts particuliers, imposant le percement dans l'enceinte de portes en bout de rues (et de fenêtres), que du fait de dégâts causés sur le front sud-est par les crues du Tueby, torrent affluent du Var, qui avait ruiné la grosse tour d'angle sud de la ville. En 1690, l'ensemble constitué par le château et la ville close fut estimé digne de reprendre un statut plus opérationnel de place-forte royale. La guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) plaça au printemps 1690 le duc de Savoie, d'abord allié de Louis XIV, en position d'hostilité armée face à la France du fait de diverses opérations militaires lancées sur son territoire contre les Vaudois.

L'ingénieur militaire Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence7 fut chargé par l'administration de Louvois de concevoir un projet général de remise aux normes des fortifications de Guillaumes, lequel fit l'objet d'un mémoire rédigé le 15 octobre 1690, commun aux places de Seyne, Colmars, Digne et Entrevaux.

Pour Guillaumes, Niquet projetait la construction d'une digue bordant le Tueby pour empêcher le torrent de ruiner la ville, le rétablissement d'un fossé continu autour de la ville, la réparation de la grosse tour d'angle sud, la construction de trois très petites tours crénelées, l'une à l'angle ouest, les deux autres sur les fronts sud-ouest (entre la porte de ville et la tour d'angle sud), la création de deux redoutes en terre de plan trapézoïdal détachées en avant des angles sud ou ouest. Son projet comportait la construction d'un magasin à poudres entre ville et château, à un emplacement défilé par le relief naturel, et une fermeture de l'enceinte de ville du côté du château, en hauteur, par un front encadré de deux demi-bastions tournés contre le château. Vauban, consulté par Niquet après coup pour Guillaumes, préconisa d'inverser ce front pour doter le château d'une terrasse basse à demi-bastions dominant la ville, avec fossé et petit ravelin en haut du chemin d'accès en lacets. Cette proposition témoigne de la conception globale de la défense de la place-forte par Vauban, tandis que Niquet restait tributaire d'une conception morcelée héritée du statut royal réservé au château face à la ville assurant son auto défense. Du projet Niquet, rien ne fut réalisé.

A la fin de l'été 1692, Vauban entreprend une tournée d'inspection dans les Alpes, du Dauphiné à la Haute Provence, qui dure de septembre à décembre. S'il visite alors Embrun et Sisteron, il renonce à voir Colmars, Guillaumes et Entrevaux, enrhumé, découragé par la difficulté des accès en hiver. Il rédige cependant un premier projet général pour Guillaumes daté de Nice le 31 janvier 1693, comme celui d'Entrevaux8. Ce projet est beaucoup plus ambitieux que celui de Niquet, dont il ne reprend que la digue : il prévoit la destruction du front est de l'enceinte de ville, irrégulier, à remplacer par une courtine rectiligne, et la création d'un nouveau front sud-ouest formant deux pans, en avant de l'ancien (murs à supprimer), et jalonné de trois grosses tours bastionnées pentagonales, deux aux angles (sud et ouest), une au milieu. Ces tours projetées reproduisent assez précisément le modèle de celles réalisées antérieurement par Vauban à Besançon. Ce projet condamne la porte de ville ancienne, dont il ne conserve que la tour à l'arrière de la tour bastionnée médiane. De fait, il reporte la porte principale de la ville sur le front nord-ouest de l'enceinte, près de l'angle ouest et sous la protection de sa tour bastionnée. La porte de ville secondaire existant un peu plus au nord sur ce front est condamnée par le projet. Au devant du front sud-ouest et de la moitié en retour du front nord-ouest, Vauban prévoit la création d'un vaste fossé avec contrescarpe, chemin couvert à traverses et glacis formant des redans de tracé bastionné. Aucun des articles de ce projet de la ville ne recevra un commencement d'exécution.

Pour le château, Vauban est tout aussi radical. Selon lui, ce n'est qu'une maison située sur le haut d'un rocher commandé par un autre tout auprès à vue d'oiseau et de si petite capacité qu'il est impossible de pouvoir faire aucun flanc par les dehors ; l'esplanade du côté de la ville est une pente du même roc, si rapide qu'on ne saurait monter de la dite ville au château que par un petit chemin tortillé et fait exprès... Vauban développe son idée (antérieurement imposée à Niquet) de terrasse basse au pied du château, au dessus de la ville, encadrée de deux demi-bastions, avec avant porte du château au centre. Comme cet ouvrage avancé prévu adopte le plan d'un ouvrage à cornes, il le nomme cornichon terme usuel à l'époque pour désigner des ouvrages de ce type à échelle réduite. Des locaux prévus en adossement de la courtine de ce cornichon, et traversés par la porte comportent deux étages, le premier voûté le 2e couvert d'un toit, de même que les demi-bastions, qui de ce fait s'apparentent à des tours bastionnées. Du château ou donjon existant, édifice médiéval restauré un siècle plus tôt, Vauban propose au minimum de le retrancher vers les dehors, au nord-est, par un fossé de 30 pieds de profondeur taillé dans le roc, mais écrit dans son projet qu'il ne faut pas hésiter à le démolir entièrement (parce que les murs n'ayant que 2 pieds d'épaisseur tout au plus sont trop faibles pour résister à l'artillerie des ennemis), pour le rebâtir à trois étages, deux voutés et le 3e couvert d'un toit. Le bâtiment prévu à la place du château est un gros corps quadrangulaire à deux travées inégales (la petite, à l'est, servant de magasin à poudres) aux murs épais percés de canonnières, un peu plus long que l'ensemble des logis et tours médiévaux, et surtout beaucoup plus large, reprenant le même front extérieur. Une porte "de secours" est prévue côté nord-ouest, entre le corps du château et la gorge du demi-bastion ouest du cornichon, précédée d'un fossé qui s'étend au front nord du château et équipée d'un pont-levis. Comme une poterne est prévue hors le château dans un redan du mur d'enceinte nord-ouest existant, communiquant entre le fossé de la place et celui du cornichon, on peut dire que dans le projet de Vauban, toutes les issues de Guillaumes sont concentrées sur le front nord-ouest.

Le 3 décembre 1693, Guy Creuzet de Richerand, directeur des fortifications du Dauphiné, chargé par Vauban de seconder Antoine Niquet dans la conduite des travaux des nouvelles places de haute Provence, dresse un nouveau plan du projet de Vauban, avec indication des parties en cours de réalisation . On y constate quelques menues différences avec le plan Vauban du 31 janvier : par exemple, les cages d'escalier en vis hors œuvre prévues par Vauban à la gorge de ses tours bastionnées pour en desservir les étages ne sont plus indiquées. Dans les faits, Richerand fit réparer la tour d'angle (sud) du XVIe siècle et reconstruire deux segments de courtine ruinés du front est, sans en modifier le tracé, sous forme d'un mur avec chemin de ronde sur arcades et parapet d'infanterie crénelé (portions conservées jusque vers 1900).

Les travaux du château sont assez avancés : tout le revêtement ou front extérieur du cornichon, demi-bastions compris, est construit, à l'état d'enveloppe vide. Le chemin d'accès n'aborde plus frontalement la porte du cornichon en traversant un fossé, mais, compte tenu de l'escarpement peu compatible avec un fossé à contrescarpe forme un ultime lacet à droite pour monter latéralement sur une culée et aborder la porte et son pont volant en chicane. Le plan de Richerand montre que la porte de secours est commencée, mais il n'est pas fiable pour le noyau ancien château ou donjon , qui est indiqué comme démoli et en cours de reconstruction, ce qui n'est évidemment pas le cas.

A l'automne 1700, Vauban, en tournée d'inspection, consacre une visite attentive au site de Guillaumes pour élaborer un nouveau projet général plus renseigné et détaillé que le précédent. Ce mémoire détaillé, daté du 25 octobre, accompagné d'une série plans datés du 30 octobre et du 19 novembre, donne à la fois l'état des lieux et un nouveau projet pour l'enceinte de ville, qui se différencie assez nettement de celui de 1693, encore que tout aussi ambitieux. Ce changement de cap vient en partie du constat de l'incapacité de la vieille enceinte, qui ne peut être ni utilisée ni démolie : "Quand à l'enceinte, outre que ses murailles n'ont pas plus de trois pieds et demi d'épais, elles sont extraordinairement élevées, vieilles et si faibles qu'elles surplombent en quantité d'endroits à quoi y faut ajouter qu'elles sont jointes à tout ce qu'il y a de meilleures maisons dans la ville qui s'y sont attachées partout et n'y ont laissé ni chemin des rondes ni parapets, elle est percée en plus de 500 endroits depuis le haut jusques au bas la plupart de croisées grandes et petites, égouts, jours des caves privées, trous de boulins (...) d'ailleurs ces murailles sont aux habitants ; c'est chose qu'ils ont plaidée contre le roi et qu'ils ont gagné à son Conseil même..." Désormais, les courtines des trois fronts de la ville sont à construire à neuf en enveloppement des anciens. Il y a de nouveau une porte de ville au milieu de front sud-ouest, en plus de celle déjà prévue en 1693 dans le front nord-ouest ; toutes deux doivent être couvertes d'une demi-lune revêtue. Le front sud-ouest, vers la vallée, ne comporte plus qu'un pan de courtine rectiligne et deux tours bastionnées aux angles, et il est projeté plus en avant de l'ancien front qu'en 1693. Les deux tours bastionnées sont d'un nouveau modèle, qui représente en 1700 la "nouvelle génération des tours de Vauban", également proposé pour Fenestrelle, Saint Vincent les Forts, Seyne et Colmars. Il s'agit de tours au plan en fer à cheval avec éperon ou bec en capitale dans le tiers inférieur de l'élévation, qui diffèrent peu pour le reste (3 niveaux tous percés de canonnières, les deux premiers voûtés, le dernier couvert d'une charpente portant couverture en tuiles avec lucarnes) du type antérieur des tours pentagonales. Pour Guillaumes, Vauban prévoyait un chemin de ronde large, voire des casernements adossés aux courtines, ce qui permettait de prévoir une cage d'escalier droit dans l'angle rentrant à la gorge des tours, pour distribuer leurs étages.

Cette fois encore, aucun des articles concernant l'enceinte de la ville ne sera exécuté, pas plus que les chemins de ronde et plate-forme à parapet crénelé prévus à mi-pente entre ville et château, et interceptant la rampe.

Au château, les travaux dirigés par Richerand sont achevés, le cornichon et ses locaux adossés en particulier, réalisés sur toute l'élévation prévue grenier compris, et que Vauban juge "propre et assé bien fait", remarquant qu'il n'y manque que (une partie) des cheminées, portes et fenêtres (second œuvre et menuiseries) qu'il convient de faire. A la porte d'entrée ne manque que la planchette (tablier de pont volant) avec sa levée et le reste de ses accompagnements ; le revêtement de sa rampe d'accès est à terminer, avec garde-fou de maçonnerie crénelé. La porte de secours est en place, avec son pont dormant et son pont-levis, n'appelant plus que d'ultimes finitions (rabotage et mise en peinture rouge du garde-fou du pont dormant, pose de chaînes formant garde-fou au pont-levis.) Une plate-forme allongée entourée d'un parapet crénelé a été aménagée en avant du demi-bastion de droite du cornichon adossée à l'ancienne muraille d'enceinte est entre château et ville. Vauban propose la construction d'un hangar aux affûts sur cette plate-forme.

Le donjon est conservé dans toutes ses parties anciennes, tour maîtresse circulaire, corps de logis terminé par la pseudo tour trapézoïdale refaite fin XVIe siècle, qui ont reçu de nouvelles portes et fenêtres. Richerand a simplement ajouté dans la "dent creuse" entre la tour circulaire et le logis un petit magasin à poudres voûté à preuve qui ne porte aucun étage. Il en a aménagé un second (aussi voûté, mais pas à l'épreuve) dans la tour trapézoïdale. En couronnement du donjon (front extérieur nord-est) a été établi un petit parapet en saillie porté sur des bouts de poutres avec mâchicoulis, superstructure relativement fragile rappelant des hourds médiévaux (rétablissement d’une disposition déjà mentionnée au XVIe siècle), que Vauban propose de consolider en ajoutant des contrefiches sous les têtes de poutres et en bouchant les mâchicoulis. La tour maîtresse circulaire du donjon en revanche, n'a apparemment pas été restaurée, Vauban indiquant qu'elle contient deux étages en mauvais état. Il préconise de la réenduire et de modifier les ouvertures de l'étage supérieur (à réduire à trois créneaux et deux fenêtres), qui comporte une tourette (échauguette ? deux créneaux et une fenêtre).

Les recommandations sur la poursuite des travaux amorcés portent sur le fossé de la teste supérieure du château, qu'il s'agit d'approfondir et de mieux escarper. Elles portent aussi sur certaines des canonnières, tant du cornichon que du donjon, dont il convient de fermer la bouche d'une maçonnerie épaisse d'un pied en perçant dans ces bouchements des créneaux bien plongeants. Entre le cornichon et le donjon, reste à faire un escalier en pierre de taille montant dans l'enceinte du donjon qui est elle-même à réparer, en réduisant de moitié le nombre de ses créneaux. Il s'agit aussi de remettre en état les deux citernes du château, d'enduire intérieurement les magasins à poudres.

Autant qu'il est possible d'en juger, la majeure partie des recommandations de Vauban concernant le château (sauf le hangar aux affûts) a été immédiatement mise a exécution.

Nouveaux travaux du XVIIIe siècle, abandon et ruine (1710-1760-XXe s)

Il faut attendre 1748 pour que l'état de la petite place-forte de Guillaumes attire réellement l'attention des ingénieurs du génie militaire territorialement compétents, auparavant plutôt occupés par Entrevaux (comme André Bernardy, qui signa un plan de Guillaumes, mais aucun projet).

L'officier Desbordes de La Maulnerie constate à son tour la faiblesse de l'enceinte de ville, qu'il propose de renforcer de deux tours carrées lointainement inspirées de Vauban.

En 1751, le projet reviendra aux tours bastionnées plus directement tirées du modèle Vauban de 1693.

S'agissant du château, le mémoire de 1748 préconise d'une part d'agrandir le fossé qui le retranche des dehors côté dominé (nord-est), demande la réparation des murs parapets de la plate-forme extérieure sud-est et la construction dans cette plate-forme d'une casemate souterraine pour servir de magasin aux affûts (curieusement, un tel bâtiment figure déjà sur des plans antérieurs : état projeté ?). Il constate d'autre part une dégradation alarmante de la partie du rocher du donjon qui porte la tour circulaire et surplombe la porte de secours. D'après lui, le rocher se délite de façon à faire craindre la chute de la tour dont partie de la maçonnerie porte déjà à faux, et en conclut qu'il est indispensable de soutenir par un mur de revêtement le bas du rocher délité, et comme le front de cette porte de secours n'est point flanqué, on pourrait donner assez de saillie à ce revêtement pour qu'il pût former un flanc et on trouverait un grand avantage à le couronner par une plate-forme qui servirait de batterie à barbette.

Ce projet est à nouveau proposé en 1754 par l'officier Bonanaud , avec non pas une batterie à barbette sur la plate-forme, mais un parapet d'infanterie crénelé. Les travaux commencent en 1755 par le soubassement en glacis du revêtement, qui forme en plan un boulevard pentagonal. En 1757, l'œuvre est achevée, en même temps que celle de la contrescarpe du fossé nord / nord-est, mais l'un des fronts (ouest) du nouveau boulevard terrassé s'éboule sous la pression de quartiers de rocher disloqués. La reconstruction de cette partie dure de 1758 à 1760, date de l'abandon de la place-forte. Guillaumes n'est pas une "place abandonnée" ordinaire, c'est à dire jugée de trop faible intérêt pour continuer à être armée et entretenue par l'administration militaire de l'Etat. C'est une place à laquelle le roi renonce et dont il se défait pour des motifs diplomatiques.

L'une des clauses du Traité de Turin, établi le 24 mars 1760 entre Louis XV et Charles-Emmanuel III de Savoie-Sardaigne, comportait l'abandon au duché de Savoie du territoire de Guillaumes. Dans l'article XI du traité, il est indiqué que Le château de Guillaumes sera démantelé ; on en détruira les ouvrages de fortifications anciennes et modernes, sans toucher aux ouvrages et bâtiments civils.9

L'ouvrage le plus sévèrement touché par la mise à exécution de ce démantèlement est le plus moderne du château, soit le cornichon. Ses demi-bastions furent complètement ruinés par l'explosion de charges de poudres, sans doute prises dans les deux magasins du donjon et entassées dans leurs étages casematés. La courtine intermédiaire fut ébranlée, et les récupérateurs de matériaux eurent tout loisir par la suite d'exploiter ces ruines comme carrière, ce qui les diminua encore davantage. Le donjon fut épargné (quoique peut-être au moins découronné), car son logis devait être considéré comme un "bâtiment civil". En revanche, son enceinte, son boulevard nord récemment construit avec peine, et la porte de secours, durent être démantelés.

Le donjon tomba en ruines sans doute vers la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle et les belles pierres du temps de Vauban furent pillées par les récupérateurs de matériaux. Apparemment plusieurs fois touchée par la foudre, cette ruine pantelante s'est aggravée petit à petit après 1900. Classé au titre des sites mais pas comme Monument Historique, le château en ruines de Guillaumes a fait l'objet vers 1990 d'un chantier de consolidation et restauration associatif (logis et tour quadrangulaire attenante) qui l'a sauvé d'une ruine consommée mais qui, faute de compétences techniques et scientifiques pointues, n'a pas donné un résultat pleinement satisfaisant au plan esthétique et archéologique (emploi du ciment gris). Avant cette campagne de restauration, des aménagements de site pour les promeneurs avaient été réalisés au milieu du XXe siècle, créant une terrasse bien plane avec garde-corps sur les ruines du cornichon.

Analyse architecturale 10

Site et implantation générale

Occupant le sommet d'un piton rocheux escarpé à 875m d'altitude (Fig. 0), le château surplombe au nord d'un peu moins de 100m l'agglomération de Guillaumes (alt. 790m).Vue générale sud-ouest, bourg et château, le Tuéby.Vue générale sud-ouest, bourg et château, le Tuéby.

Celle-ci est bâtie dans la plaine que forme le fond de la vallée du Var au point de confluence du Tueby, mais les maisons bâties le plus au nord sont fondées sur le début de la pente formant le pied du piton rocheux du château. Actuellement, le cours du Var est distant de plus de 100m de l'ancien front sud-ouest de la ville close, qui aujourd'hui s'est largement développée hors du périmètre de son ancienne enceinte. Le piton rocheux portant le château est un relief naturel détaché sur la ligne de crête définie par le confluent, et il est dominé au nord à environ 800m de distance par un sommet qui culmine à 1212m.

Une route en lacets de création moderne (fin XIXe siècle) monte au flanc du rocher portant le château à partir de la vallée, et continue au delà vers le sommet, mais seul son premier lacet reprend en partie l'ancien chemin d'accès au château, les autres se développant plus au nord-ouest du site. L'un des lacets de cette route longe le fossé de retranchement nord-est du château et le surplombe directement.

Le site naturel présente une particularité : vers le bas de l'escarpement du piton du château, immédiatement au-dessus des maisons, deux épines rocheuses se détachent verticalement, l'une au nord- nord-ouest du bourg, l'autre à l'est, dominant directement le Tueby. Ces épines qui formaient initialement des isthmes rocheux ont été artificiellement percées ou détachées de l'escarpement pour faciliter le passage de la route actuelle. Chacune est couronnée par les restes d'une tourelle de défense (une de celles appelées gabion dans les textes du XVIe siècle) qui participaient au système défensif général, faisant transition entre la partie haute et la partie basses des fronts de courtine gravissant l'escarpement entre bourg et château. L'ancien chemin en lacets montant de la ville au château à l'intérieur de ces murs a presque complètement disparu, l'absence d'entretien, la végétation et les ravinements l'ayant effacé des pentes.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Il ne reste rien de l'enceinte du bourg dont les principales caractéristiques ont été évoquées ci-dessus dans la partie historique et topographique : un front sud-ouest du côté du Var percé en son centre de la porte principale, un front est du côté du Tueby, de plan sinueux et discontinu, seul repris partiellement à l'époque de Vauban, et un front nord-ouest rectiligne qui montait continûment jusqu'au château, percé d'une porte secondaire.

Seules subsistent des vestiges des deux tourelles couronnant les aiguilles rocheuses qui encadrent la limite haute de la ville, formées de murs maigres curvilignes de faible élévation construits en blocage de tout-venant et percés de créneaux de fusillade.

Tourelle de l'arête nord-ouest, vue de l'est.Tourelle de l'arête nord-ouest, vue de l'est.

Le château, aujourd'hui dans un état de ruine avancé, occupe une surface très restreinte. Il se décompose en deux sous-ensembles séparés par une étroite cour :

- Le donjon, construction médiévale remaniée au XVIe siècle et à la fin du XVIIe siècle, au plus haut du piton rocheux, qui se développe sur 30m de longueur dans un axe nord-nord-ouest / sud-sud-est pour une largeur maximum d'environ 10m. Il se compose d'une haute courtine bouclier opposée à l'attaque, formant le front est-nord-est, terminée au nord-nord-ouest par une tour maîtresse cylindrique élancée, cette courtine étant adossée d'un magasin à poudres et d'un logis suivi d'une pseudo tour trapézoïdale. Une très étroite plate-forme de distribution soutenue d'un mur d'enceinte polygonal partant de la tour circulaire (complètement détruit) bordait les façades des bâtiments adossés. On atteignait cette plate-forme, sous laquelle est aménagée une citerne voûtée, par un escalier en pierre.

Vue d'ensemble est-sud-est.Vue d'ensemble est-sud-est. Vue générale rapprochée prise du nord-est.Vue générale rapprochée prise du nord-est.

-Le cornichon, construit entre 1693 et 1700 au pied du donjon vers le sud-ouest, portant une terrasse profonde de 15 m en moyenne entre courtine et donjon, l'ouvrage lui-même ayant eu dans son état complet un développement frontal d'environ 40 m d'un demi-bastion à l'autre.

La rampe en lacets d'accès au château aboutissait devant la porte percée dans l'axe du cornichon, et l'abordait en chicane par la droite. Le passage d'entrée voûté traversait le cornichon, courtine et locaux adossés, pour déboucher dans une étroite cour encaissée.

Cette cour desservait d'une part en face l'escalier montant au donjon, adossé au front rocheux et abrité par un mur d'enveloppe, d'autre part en tournant à gauche, la porte de secours percée au milieu de la courtine reliant le demi-bastion gauche (nord-ouest) du cornichon au donjon. Cette porte, cette courtine et le demi-bastion, aujourd'hui entièrement détruits, avaient remplacé une portion de courtine médiévale descendant du château vers la ville, qui était flanquée en ce point d'une tourelle semi-circulaire construite à la fin du XVIe siècle.

A l'est-sud-est, la cour du château était fermé par une courte muraille crénelée de plan irrégulier entre cornichon et donjon, dont ne reste qu'une partie de soubassement revêtant le rocher entre le demi-bastion et une haute épine rocheuse interceptant cette clôture. Une seconde citerne, en plus de celle du donjon, s'appuyait à ce mur.

La plate-forme fermée d'un mur parapet crénelé qui s'étendait à l'extérieur au sud du demi-bastion de droite du cornichon est entièrement détruite, comme le demi-bastion dont ne restent que quelques arrachements et parties basses de revêtement de flanc.

Le boulevard pentagonal terrassé construit en 1755-1760 pour revêtir le rocher formant l'embase de la tour circulaire du donjon est complètement démoli.

Vue générale sud-ouest, "donjon" et "cornichon".Vue générale sud-ouest, "donjon" et "cornichon".Le fossé creusé dans le rocher au nord et au nord-est du donjon est assez bien conservé, sauf au nord-nord-ouest où il est comblé par les matériaux de démolition de la courtine de la porte de secours et du boulevard pentagonal du milieu du XVIIIe siècle.

Structure et aménagements des ouvrages et bâtiments, évolution architecturale.

Le donjon

Les parties du donjon actuellement conservées remontant à coup sûr à l'époque médiévale, bien que remaniées à l'époque moderne, sont la courtine-bouclier, la tour maîtresse circulaire, les restes d'un bâtiment adossé près de la tour circulaire correspondant sans probablement à la "tour carrée" démolie en partie en 1578 (remplacée par un magasin à poudres vers 1695), et le corps de logis construit aussi en adossement à la suite de cette ancienne "tour carrée". En revanche, les sources semblent démontrer que la pseudo tour de plan trapézoïdal qui fait suite à ce logis et termine le donjon à l'opposé de la tour circulaire est due en totalité à une reconstruction de la fin du XVIe siècle.

- La tour maîtresse circulaire, construite et parementée en blocage de petits moellons calibrés enduits au dehors, a un diamètre d'un peu moins de 5m hors œuvre pour une hauteur résiduelle actuelle d'environ 14m. L'embase est massive sur une hauteur d'environ 4,80 m et surépaissie sur la moitié extérieure (nord) de son circuit par une maçonnerie manifestement rapportée a posteriori (fin XVIe siècle ?). L'élévation interne comporte un vide intérieur d'environ 2, 30 de diamètre couvert d'une voûte en coupole culminant à la clef à environ 8m de haut. Dans cette élévation étaient aménagés trois niveaux séparés par des planchers sur poutres et reliés par des échelles. Le premier est celui de l'accès ; il est percé de la porte d'entrée au sud-sud-est et de quatre embrasures de tir à fente extérieure courte (une détruite formant une brèche) réparties dans la moitié nord-est de la circonférence. Le second niveau comporte deux archères superposées aux deux plus septentrionales des fentes de tir du premier niveau. Le troisième niveau était un grenier aveugle sous coupole ; les trois poutres de son ancien plancher demeurent en place. Tour ronde, détail des 3 fentes de tir du niveau 1.Tour ronde, détail des 3 fentes de tir du niveau 1.

Au dessus de la voûte, un quatrième niveau aux murs assez maigres jadis sous toit conique, encore complet en 1900 mais aujourd'hui très ruiné, avait été entièrement repris après 1700 sur les indications de Vauban. De cette époque datent les trois créneaux de fusillade à fente haute encadrée en pierre de taille chanfreinées, très rapprochés et superposés aux deux archères du niveau 2. Il ne reste aujourd'hui qu'une partie de deux de ces créneaux, mais aucun vestige n'a subsisté des deux fenêtres percées dans le secteur sud-ouest de cet étage.

La porte de la tour est encadrée en pierre de taille, avec arc non extradossé en tuf formé de trois pierres et jambages de calcaire dur composée de pierres plus hautes que larges. L'arrière-voussure en tuf forme une voûte surbaissée retombant sur des tableaux qui paraissent avoir été largement remontés lors d'une campagne de restauration. L'encadrement même de la porte ne paraît pas lié, au moins pour les jambages, à la maçonnerie d'origine, mais inséré en reprise. Compte tenu du caractère peu représentatif du type de l'arc pour la période médiévale (à la différence de l'arrière-voussure), on peut supposer que cette encadrement de porte a été reconstruit lors des travaux de 1590, qui comportaient un poste de maçonnerie pour "faire la porte de la tour".

Les deux archères ou arbalétrières du niveau 2, à ébrasement simple assez ouvert couvert d'une voûte surbaissée, ont une fente extérieure cruciforme aux extrémités "pattées". Les ouvertures de tir du niveau 1 ont un ébrasement simple d'ouverture équivalente à celles du niveau 2, couvert de linteaux en pierre. La mise en œuvre de ces embrasures et celles du parement intérieur de la tour sont très grossières, de telle sorte qu'aucune chronologie ne peut être mise en évidence. Par conséquent, rien ne permet d'affirmer que ces embrasures ne sont pas d'origine. Si ces fentes courtes sont atypiques, elles ne sont pas inédites au Moyen-Âge, pour des archères ou arbalétrières sommaires. Le type de fente des archères du niveau 2 est représentée en Provence tout au long du XIVe siècle. Une comparaison peut être faite avec les tours de l'enceinte de ville de Sisteron, qui par leurs proportions élancées et leur plan circulaire (pas le plus fréquent en Provence) rappellent celle du donjon de Guillaumes, et comportent des archères analogues. Or la construction de ces tours est bien datée des années 1372-1373.

- La courtine bouclier nord-est est plaquée (et non chaînée) à la tour maîtresse circulaire, ce qui induit une chronologie relative ou absolue entre la construction de la tour et son raccordement à la courtine. Son développement rectiligne entre cette tour et la pseudo tour trapézoïdale (Fig.22) est d'un peu plus de 20m, pour une épaisseur initiale d'environ 0,80m et une hauteur moyenne d'environ 11m. La construction médiévale se caractérise par un parement extérieur un peu plus soigné que celui de la tour circulaire, employant des moellons sommairement équarris et assisés, mais ce parement manque d'homogénéité du fait des nombreuses reprises dont il a fait l'objet. Une seule archère d'origine a pu être repérée dans ce parement extérieur (cotée W sur les relevés Poteur), condamnée et caractérisée par son encadrement en pierres de taille. Elle était desservie depuis un niveau correspondant au premier étage du logis adossé. Ensemble est-nord-est : courtine-bouclier, tour ronde.Ensemble est-nord-est : courtine-bouclier, tour ronde.

Cette courtine maigre et donc fragile face à l'artillerie a été consolidée en 1586, comme le prouvent les sources contemporaines (rebilher la cortine ), d'abord en rechargeant le parement extérieur par une maçonnerie de sur épaississement profilée en glacis, fondée sur l'escarpe rocheuse du fossé plus bas que le mur médiéval et s'amortissant environ 5m en dessous du faîte de ce mur. Cette maçonnerie en blocage grossier étant simplement plaquée contre le parement médiéval, elle tend aujourd'hui à s'en détacher de façon aléatoire dans sa partie supérieure, ce qui a dévoilé l'ancienne archère antérieurement masquée.

Autre renforcement : l'épaisseur de la courtine a également été accrue de façon constante sur toute l'élévation, côté parement intérieur, dans le segment qui règne entre la tour circulaire et le logis. A ce segment ne s'adossait plus aucun bâtiment couvert en 1586, depuis la démolition partielle de la "tour carrée" en 1578 : il était donc possible d'y épaissir la courtine côté intérieur, ce qui n'était pas le cas dans la partie à laquelle s'adosse le logis, alors en bon état, avec planchers et toitures.

En phase avec ces travaux de sur épaississement de la courtine furent aménagées dans les maçonneries reprises ou neuves cinq canonnières très rudimentaires (tirs frontaux orientés au nord-est) à bouche extérieure et ébrasement intérieur circulaire ou ovalaire en entonnoir. Les quatre bouches de canonnières ménagées aux niveaux équivalent au rez-de-chaussée et au premier étage du logis (cotées S-T-U-V sur le relevé Poteur), traversant à la fois le mur médiéval et les maçonneries en recharge, ont une bouche extérieure déchargée du poids du parement par des pierres formant claveaux, mises en œuvre en phase avec le parement dans lequel elles s'ouvrent. En revanche la bouche de celle correspondant a un troisième niveau (cotée AE sur le relevé Poteur), débouchant à même le parement médiéval, n'est qu'une percée en plein mur aux contours arrêtés par un ragréage. Les ébrasements de ces canonnières sont revêtus d'un enduit couvrant au plâtre (cf. les "gypses" employés dans les travaux du dernier tiers du XVIe siècle).

Ces cinq canonnières de 1586 ont été transformées en créneaux de fusillade par murage partiel de leur bouche ménageant une fente de tir, après 1700, sur recommandation de Vauban (convertir les embrasures rondes (...) en créneaux bien plongeants ouverts de 4 pouces extérieurement). Les autres créneaux percés dans la courtine, six au troisième niveau (cotées AA-AB-AC-AD-AF-AG sur le relevé Poteur), trois au second niveau, dans la recharge talutée (cotées X-Y-Z), ne datent probablement que de l'époque de Vauban. Tous sont « finis » (encadrement) économiquement au ragréage de mortier.

Il ne reste aucun vestige du chemin de ronde sur hourds créé en haut de cette courtine vers 1693, que Vauban proposait d'isoler du grenier du logis adossé pour privilégier une communication à ses deux extrémité avec l'étage supérieur de la tour circulaire et de la pseudo tour trapézoïdale.

Intérieur du logis, au fond: mur de l'ancienne tour carrée.Intérieur du logis, au fond: mur de l'ancienne tour carrée.- La "tour carrée", à demi démolie en 1578 était attenante à la portion de la courtine-bouclier située entre le logis et la tour circulaire. Ses angles étaient chaînés en pierre de taille (tuf) et ses parements extérieurs accusaient une légère retraite d'épaisseur au niveau du dernier étage, comme on l'observe à l'angle sud. La mise en œuvre des parements, en moellons équarris et assisés, est analogue à celle du parement extérieur de la courtine. A la différence de la tour circulaire, la "tour carrée" était sans doute habitable, abritant des locaux de 4m de côté environ, deux étages au moins au dessus d'une salle basse aveugle. Il subsiste deux des quatre côtés de cette tour : son mur nord-est, qui se confond avec la courtine (donc rechargé vers l'intérieur en 1586), son mur sud-est auquel s'était adossé le logis et qui sert par conséquent de mur-pignon à ce logis depuis la démolition des deux autres côtés de la tour carrée en 1578. Ce mur sud-est conserve encore la porte d'entrée de la tour médiévale, qui s'ouvrait au niveau du premier étage. Son encadrement est en pierres de taille de tuf : sa face extérieure, donnant sur l'intérieur du logis, défigurée par l'aménagement d'une cheminée au XVIe ou au XVIIe siècle, ne conserve qu'un piédroit, derrière lequel on observe une coulisse de barre de verrouillage. Son embrasure intérieure est mieux conservée, avec arrière-voussure voûtée en berceau formant arc extradossé de 6 claveaux dans le parement. Dans le retour d'angle sud subsiste la coupe d'un jour d'éclairage du premier étage, haut percé et plongeant vers l'intérieur, dont la fente extérieure s'ouvrait dans le mur détruit sud-ouest. Cette tour carrée logeable contemporaine de la courtine à laquelle elle s’adosse diffère en revanche de la tour circulaire par sa mise en œuvre.

Elle pourrait lui être quelque peu antérieure, compte tenu de la forme plutôt archaïque de sa porte et de l’archère simple de la courtine, moins évoluée que celles de la tour circulaire. Cette dernière aurait donc été ajoutée après coup à un « donjon » initial constitué de la tour carrée et de la courtine-bouclier, qu’on aurait allongé un peu pour la « coller » à la nouvelle tour. La juxtaposition de deux tours, une carrée logeable, une circulaire défensive, à guère plus de 2m de distance l'une de l'autre constitue une disposition assez originale pour un château comtal, d’autant que le logis n'existait pas encore dans cet état médiéval du donjon.

Après que cette tour carrée fut devenue une "dent creuse" en 1578, la face intérieure de la courtine a été rechargée en épaisseur sur son emprise et jusqu'à la tour circulaire. Des galeries en bois durent être alors construites contre cette face intérieure surépaissie, car la desserte des canonnières et créneaux d'étage aurait été impossible autrement, faute de bâtiment adossé.

Vue générale rapprochée prise du nord-est.Vue générale rapprochée prise du nord-est.-Le logis a été construit contre la face d'entrée sud-est de la tour carrée et en adossement de la face intérieure de la courtine bouclier, à une période inconnue, peut-être au XVe siècle. En 1571, il est en place mais découvert au moins en partie à la suite d'une période d'abandon prolongé, et son toit doit être rétabli. Les murs appartenant en propre à la construction initiale du logis sont le mur de façade vers la ville (sud-ouest) et le mur-pignon sud-est, de construction très médiocre en blocage de moellons de tour venant. Ce dernier, commun à la pseudo tour trapézoïdale, est détruit en presque totalité, et le mur de façade a été entièrement repercé de nouvelles baies entre 1693 et 1700, ce qui élimine tout critère de datation pour l'état médiéval du logis.

Dans son état final, ce logis comporte un rez-de-chaussée et deux étages (sans compter le grenier), percés d'une porte et de grandes fenêtres en façade, et de créneaux (deux d'entre eux ayant été des canonnières de 1586) dans la courtine bouclier, les cheminées étant ménagées dans le murs pignon nord-ouest. Celle du premier étage est responsable de la mutilation de la porte médiévale de la "tour carrée" qu'elle condamnait. Le volume interne du logis était séparé au rez-de-chaussée en deux travées inégales par un mur de refend aujourd'hui presque entièrement détruit, les étages abritant une "grande salle" d'un seul tenant.

Le rez-de-chaussée est percé d'une porte et d'une fenêtre au même niveau, le sol dans la travée correspondant a la fenêtre (à droite) étant plus bas. Cette travée était affectée à la boulangerie, sans doute aussi à la cuisine, et incorpore dans un angle un massif de maçonnerie carré qui incorpore l'ancien four.

Le premier étage est percé de deux fenêtres, mais aussi d'une porte, qui était desservie par un escalier extérieur en bois. Depuis ce seuil, un autre escalier, intérieur celui-là, desservait le second étage, percé de deux fenêtres superposées à celles du premier. Les deux portes avaient un encadrement en belle pierre de taille avec arc surbaissé, tandis que celui des fenêtres, de forme rectangulaire, est simplement en petits moellons enduits. Le toit du logis était certainement en appentis versant au sud-ouest, l'égout au dessus de la façade étant équipé d'un caniveau et d'une gouttière canalisant les eaux pluviales dans la citerne aménagée au pied de cette façade, dans le terrassement de la plate-forme, comme l'indiquent les documents de la fin du XVIe siècle.

- La pseudo tour trapézoïdale est qualifiée successivement de gabion ou de "tour carrée" dans les textes de 1591-1592 attestant de sa construction ou reconstruction intégrale à cette époque. Elle peut être considérée dans une certaine mesure comme une annexe ou une travée supplémentaire du logis qu'elle prolonge dans son grand axe. Elle s'en distingue par un léger décrochement saillant son mur sud-ouest sur la façade du logis, et par le désaxement de son mur nord-est, oblique par rapport à la courtine bouclier qu'il prolonge. Sa construction en blocage, à murs maigres, est plus médiocre que celle de la courtine médiévale, et son élévation est aujourd'hui à la fois très diminuée par la ruine et assez mal restaurée.

Sans aucune saillie flanquante, cette "tour" ne méritait sans doute ce qualificatif que du fait de son élévation, qui devait être un peu plus haute que celle du logis, avec un toit indépendant à quatre versants. Fondée sur une protubérance du rocher, son élévation ne commence qu'au niveau du premier étage du logis. Elle comportait, apparemment en couronnement à son angle est, une guérite dont on suppose, faute de vestiges, qu'elle devait être en encorbellement, compte tenu de la fréquence de ce type de dispositif tant au XVIe qu'au XVIIe siècle. Son premier niveau avait été couvert vers 1695 d'une voûte en berceau (arrachements en place) pour le convertir en magasin à poudres.

Magasin à poudres, vue rapprochée nord-ouest.Magasin à poudres, vue rapprochée nord-ouest.- Le magasin à poudres principal construit de toutes pièces vers 1695 occupe l'emplacement de la salle basse de la "tour carrée" médiévale détruite en 1578. Plus vaste qu'elle n'était et décalé par la recharge intérieure de la courtine, il s'étend plus en longueur, fait saillie sur l'alignement de la façade du logis et adopte un plan trapézoïdal (6, 20m / 4, 60m / 3m) plus large du côté du logis que vers la tour circulaire. Il est percé d'une porte au milieu du grand côté ouest-sud-ouest, encadrée de deux fentes de ventilation, et d'une baie de jour haut percée sur le côté (nord-nord-ouest) qui fait face à la tour circulaire, ces deux baies caractérisées par leur encadrement rectangulaire en belle pierre de taille à deux feuillures pour disposer deux volets ou vantaux, l'un ouvrant vers l'intérieur, l'autre vers l'extérieur. Ce magasin aujourd'hui en partie ruiné est couvert d'une voûte en berceau longitudinale que son épaisseur mettait en principe à l'épreuve des bombes. Au dessus des reins de cette voûte, une plate-forme était couverte d'un toit en appentis versant à l'ouest-sud-ouest , dont témoignent les traces de solin sur le mur pignon du logis, traversant l'embrasure de l'ancienne porte de la "tour carrée". Sous ce toit devait passer une galerie reliée à la porte de la tour circulaire par quelques marches et desservant deux des canonnières transformées en créneaux percées dans la courtine.

L'ensemble des aménagements cumulés du logis, de la "tour" trapézoïdale et du magasin à poudres est décrit par Vauban en 1700 : Au plain-pied du donjon il y a deux petites chambres à la première desquelles il y a un four et une cheminée (pièce qualifiée plus loin de boulangerie )...Au bout de ces chambres et sur le même plein-pied (au nord-ouest, sans communication) il y a un petit magasin à poudres voûté à preuve (...) capable de contenir 15000 livres de poudres et plus (...) Au dessus du rez de chaussée est une grande salle servant de corps de garde (...) haute de 10 pieds, avec une cheminée et des tolas (?), au bout de laquelle (au sud-est, dans la "tour" trapézoïdale, avec communication) il y a encore un petit magasin à poudres voûté (...) Au dessus une autre grande salle (...) haute de 11 p.1/2, avec une mauvaise cheminée, à l'extrémité de cette salle et au-dessus du petit magasin (dans la "tour" trapézoïdale) il y a une chambre (...) Au dessus de cette salle un grenier (...) haut de 8 pieds (côté courtine); joignant le pignon du grenier du côté du Tuby (=dans la "tour" trapézoïdale) il y a une petite chambrette (...) et une guérite auprès de quelque capacité...

Le cornichon Courtine vue latéralement depuis le sud.Courtine vue latéralement depuis le sud.

Intégralement construit entre 1693 et 1700, l'ouvrage à cornes dit cornichon , détruit volontairement après 1760 est aujourd'hui réduit à peu près au niveau du rez-de-chaussée de sa courtine, conservée jusqu'aux arrachements des demi-bastions. En 1700, Vauban décrivait en détail les ouvrages neufs qu’il venait de visiter en commençant par ce niveau : Dans le rez de chaussée du cornichon il y a cinq chambres toutes voûtées, la première et seconde ne sont que le vuide des deux demi-bastions (indiqué avec pilier central sur les plans) Celles-cy ont des cheminées et sont percées d'embrasures. La première des trois autres chambres le long de la courtine a 12 pieds de long dans œuvre sur 10 de large et n'a point de cheminée, la 2e a 18 pieds de long sur 12 de large, la 3e destinée pour une chapelle a 20 pieds de long sur 12 de large ; la hauteur de toutes ces pièces est de 11 pieds (...) toutes sont percées d'embrasures.

Au milieu de la courtine, une travée est réservée pour la porte du château et son passage d'entrée voûté en berceau, seul élément actuellement en partie dégagé. Des remblais de démolition obstruent complètement les trois pièces adossées décrites par Vauban, dont on ignore si elles sont conservées ou si leurs voûtes sont écroulées. Dans le parement extérieur de la courtine, de chaque côté de la porte, les embrasures se répartissent symétriquement : une canonnière dont la large bouche extérieure est couverte d'une voûte surbaissée, encadrée de pierres de tout-venant, entre deux créneaux dont la fente est encadrée en pierres de taille. La porte, couverte d'un arc segmentaire en pierres de taille, était flanquée de deux pilastres définissant le tableau de rabattement de la planchette du pont volant, pilastres (destinés à porter un fronton ?) dont seul subsiste en partie celui de gauche, en pierres de taille blanche et grise alternées. Le couloir d'entrée se divise en trois segments : l'arrière voussure ébrasée de la porte (profonde), en arc surbaissé, le couloir proprement dit, couvert d'une voûte en berceau en tas de charge très grossière, et un rétrécissement du couloir qui devait correspondre à l'emplacement de vantaux.

Porte vue de l'intérieur du passage d'entrée.Porte vue de l'intérieur du passage d'entrée. Courtine vue latéralement depuis l'ouest.Courtine vue latéralement depuis l'ouest.

Du premier étage du cornichon, décrit par Vauban comme comportant quatre chambres voûtées hautes de 10 pieds adossées à la courtine toutes percées d'embrasures outre les croisées (fenêtres côté cour), restent dans le haut du parement actuel de la courtine la partie inférieure de la fente d'une série de 9 créneaux de fusillade, encadrée en pierre de taille. Il faut supposer que les bastions comportaient des canonnières au même étage car il n'est que le second étage disparu, haut de 8 pieds, dont Vauban dise qu'il n'est percé que de créneaux. Il n'y a pas de raisons solides de douter que Vauban ait réellement jugé sur place cette construction11, puisqu'il porte appréciation sur la mise en œuvre et indique précisément ce qui manque encore dans ces ouvrages neufs ; il y a donc tout lieu de croire, même si l'état actuel très mutilé le laisse peu deviner, que le cornichon avait effectivement été réalisé avec ses trois niveaux.

1A.D. 13, B 1033, f°59 r°.2A.D. 13, B 8, f°90 et B 569.3Archives communales de Guillaumes déposées aux archives départementales des Alpes-Maritimes : 3E4/3004A.C. versées aux A.D. 06, 3E4/300 f°387 et 391, cité par J-B Lacroix p. 85A.C. versées aux A.D. 06, 3E4/300 f°387 et 391, cité par J-B Lacroix p. 176A.C. versées aux A.D. 06, 3E4/300 f°387 et 391, cité par J-B Lacroix p. 22.7A. N. : Mémoire sur la frontière de Provence et sur les petites villes et villages qu'il faudrait fermer et fortifier pour la garder.8SHD, Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n° 19A.D. 06, A 0010, cité par C. et J-C. Poteur, p. 82.10Le château de Guillaumes a fait l'objet d'une description architecturale analytique approfondie, conduite par Catherine et Jean-Claude Poteur, publiée en 2003. Cette description analytique conduite avec une méthode stratigraphique attentive a bien su mettre en évidence la chronologie relative ou absolue des constructions, dans les limites de la lisibilité des ruines "restaurées" actuelles. Elle a par ailleurs tenu compte des sources militaires de l'article 8 des archives du Génie, et, dans une moindre mesure, des sources du temps des guerres de Religion publiées peu auparavant par J-B. Lacroix. Si notre présent travail bénéficie de ce remarquable précédent et ne remet pas en cause pour l'essentiel la chronologie des campagnes telle qu'elle y est développée, nous avons cependant été conduits à réfuter certaines des hypothèses de datation proposées par C. et J-C Poteur pour les campagnes de construction qu'ils ont mises en évidence. Ces divergences sont justifiées principalement par une exploitation plus circonstanciées des sources publiées du XVIe siècle.11Supposition de C et J-C Poteur, p.82, note 55.

La première mention d'un castrum de Guillelme apparaît entre 1232 et 1244. Dès 1252, le château est explicitement mentionné A cette période du milieu du XIIIe siècle, il est qualifié de "tour", mais en 1297 il est fait mention de château et forteresse. Le binôme ville / château et la topographie sont comparables au cas d'Entrevaux, autre site fortifié important de la vallée du Var. En 1387, à la suite de la sécession de Jean de Grimaldi, apportant au comte de Savoie la viguerie de Nice, le château comtal de Guillaumes devient place frontière. La construction de la tour maîtresse circulaire à cette époque n'est qu'une hypothèse, tout comme les attributions traditionnelles de la construction du château soit à la reine Jeanne de Naples (comtesse de Provence de 1343 à 1382), soit à René d'Anjou (comte de Provence de 1434 à 1480). Cette dernière possibilité notamment est peu crédible, au regard des caractères architecturaux de l'édifice. A partir de 1571, la communauté de Guillaumes entreprend une série de grands travaux pour la restauration du château devenu royal après la réunion de la Provence à la France. Les travaux s'échelonnent jusqu'en 1595 et portent sur la réfection de la couverture du corps de logis (par Antoine Ginieys, Pierre, Honorat et Estienne Rancurel, charpentiers de Guillaumes en 1571), de la muraille (par Laurens Granier, maçon de Colmars et Robert Paulon, maçon de Guillaumes en 1571 également), du portail d'enceinte, du chemin de ronde, sur la construction d'une porte à la tour maîtresse circulaire (par le maçon Honorat Guilhache et le forgeron Honorat Trouche en 1590) ainsi semble-t-il que sur la construction de nouveaux ouvrages de défense, notamment une tour de l'enceinte du château construite en 1593 par le maître maçon de Briançon Michel Bernard. En 1693 Vauban dresse un vaste projet d'amélioration du château et de l'enceinte de la ville. Il propose notamment de construire au pied du château une terrasse basse flanquée de deux demi-bastions, ouvrage à cornes nommé « cornichon ». C'est Creuzet de Richerand qui est chargé de l'exécution. Même si les travaux réalisés diffèrent quelque peu du projet de Vauban, le cornichon est mis en chantier ; il sera achevé en 1700. En outre Richerand fait réparer la tour d'angle sud du 16e siècle et reconstruire deux segments de courtine ruinés du front est, sans en modifier le tracé, sous forme d'un mur avec chemin de ronde sur arcades et parapet d'infanterie crénelé. Deux magasins à poudre sont construits. En 1700, Vauban formule une nouvelle série de recommandations portant sur divers points de l'ensemble : elles sont immédiatement mises en oeuvre. En 1748 le délitement du rocher sur lequel est construit le donjon suscite un projet de construction d'un mur de revêtement couronné d'une plate-forme servant de batterie à barbette. C'est finalement un parapet d'infanterie crénelé qui sera construit à cet emplacement entre 1755 et 1757. En 1760, en application d'une des clauses du traité de Turin entre Louis XV et Charles-Emmanuel de Savoie, le château est démantelé : on en détruit les ouvrages des fortifications anciennes et modernes, sans toucher aux ouvrages et bâtiments civils. L'ouvrage le plus sévèrement touché par la mise à exécution de ce démantèlement est le plus moderne du château, le cornichon. Ses demi-bastions sont détruits par l'explosion de charges de poudres. Le donjon est épargné (quoique peut-être au moins découronné), car son logis devait être considéré comme un "bâtiment civil". En revanche, son enceinte, son boulevard nord récemment construit avec peine, et la porte de secours, durent être démantelés. Le donjon tombe en ruines vers la fin du 18e siècle ou au début du 19e siècle. Apparemment plusieurs fois touchée par la foudre, la ruine se dégrade petit à petit après 1900. Classé en 1931 au titre des sites mais pas comme Monument Historique, le château a fait l'objet vers 1990 d'un chantier de consolidation et restauration associatif (logis et tour quadrangulaire attenante) qui l'a sauvé d'une ruine consommée mais qui, faute de compétences techniques et scientifiques pointues, n'a pas donné un résultat pleinement satisfaisant au plan esthétique et archéologique (emploi du ciment gris). Avant cette campagne de restauration, des aménagements de site pour les promeneurs avaient été réalisés au milieu du 20e siècle, créant une terrasse bien plane avec garde-corps sur les ruines du cornichon.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Sites de protection
    site classé
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Ruines du château et parcelle boisée qui l'avoisine classées au titre des sites par arrêté du 4 novembre 1931. (Parcelles 28p, 29p et 30 de la section E)

Documents d'archives

  • Mémoire sur la frontière de Provence et sur les petites villes et villages qu'il faudrait fermer et fortifier pour la garder. Antoine Niquet, 1690. Archives nationales, Paris : coll. Rosambo, carton 38, n° 13 / 1 et carton 39, n°15.

  • [Premier projet général de Vauban pour Guillaumes daté de Nice le 31 janvier 1693] : Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n° 1

  • [Lettre de Vauban à Lepelletier décrivant l'état du château de Guillaumes, 1693]. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes

    Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes
  • [Etat des lieux et nouveau projet pour la château de Guillaumes] 25 octobre 1700. Mémoire accompagné d'une série plans datés du 30 octobre 1700 et du 19 novembre 1700, par Vauban. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°5

    Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°5
  • [Mémoire de l'officier Desbordes de La Maulnerie sur le château de Guillaumes], 1748 : Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°8.

  • [Projet pour le château de Guillaumes par l'officier Bonanaud], 1754 : Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°9

    Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°9
  • Travaux à la contrescarpe et au boulevard nord du château de Guillaumes], 1757. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°12

Bibliographie

  • LACROIX, Jean-Bernard. Le château et la défense de Guillaumes pendant les guerres de Religion. Dans : Recherches régionales, Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, n° 166, 1er trimestre. 2003.

    p. 8.
  • POTEUR, Catherine, POTEUR, Jean-Claude. Le château de Guillaumes. - Nice : édition Castrum Alpes Maritimes, 2003. 98 p. : ill. ; 21 cm. Collection Architecture historique des Alpes-Maritimes n° 4.

  • BARATIER, Edouard. Enquêtes sur les droits et revenus de Charles Ier d'Anjou en Provence (1252 et 1278). Paris, Bibliothèque Nationale, 1969, 562 p., ill.

    p. 135 et 147, n° 191bis, 596-599-605.
  • BENOIT, Fernand. Recueil des actes des comtes de Provence appartenant à la maison de Barcelone, Alphonse II et Raimond Bérenger V (1196-1245). Collection de textes pour servir à l'histoire de Provence. Monaco : Imprimerie de Monace ; Paris : A. Picard, 1925, 2 tomes, CCLXIX, 496 p.

    t. I, p. 323, n° 246.
  • BORNECQUE, Robert. Aspects médiévaux de la fortification classique en montagne. Dans : Bulletin Monumental, 1976.

    p. 317.
  • VENTURINI, Alain. Episcopatus et bajulia. Note sur l'évolution des circonscriptions administratives comtales au XIIIe siècle : le cas de la Provence orientale. Dans : Territoires, seigneuries, communes. Les limites des territoires en Provence. Actes des 3èmes journées d’histoire de l’espace provençal, Mouans-Sartoux, 19, 20 avril 1986. Mouans-Sartoux : Publication du Centre Régional de Documentation Occitane, 1987, p 61-140.

    p. 119.
  • VENTURINI, Alain. Les forteresses comtales de Provence, 1249-1366. Dans : Guerres et fortifications en Provence. Actes du colloque de Mouans-Sartoux du 21-22 mars 1987.

    p. 53.

Documents figurés

  • [Nouveau plan du projet de Vauban pour le château de Guillaumes.] / Dessin, 3 décembre 1693, par Creuzet de Richerand, avec indication des parties en cours de réalisation. Service Historique de la Défense, Vincennes : Article 8 Places abandonnées, Guillaumes, n°4

Date d'enquête 2003 ; Date(s) de rédaction 2015
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général