Intérêt stratégique

Classé en première série par décret du 7 décembre 1938. Déclassé après 1963, puis remis aux Domaines et aliéné.

L'ouvrage d'Isola est un ouvrage d'avant-poste, construit entre 1931 et 1935 par main-d’œuvre militaire, sous l'égide du commandant du génie du XVe corps d'armée et la direction technique de la direction des travaux de fortification de Nice, dans le cadre d'un programme parallèle mais distinct des programmes de la CORF. En 1940, l'ouvrage participe, par son feu, à contenir l'attaque italienne en Haute Tinée.

Creusé dans le pied des escarpements rocheux de la rive droite de la vallée de la Tinée, en face du village d'Isola, il avait pour mission de surveiller et de battre le débouché du vallon de Castiglione, descendant du col de la Lombarde et coupé par l'ancienne frontière à 2 km environ au nord-est du village. Il surveillait en outre le cours et le pont de la Tinée (destruction non préparée) ainsi que la route nationale 205 Nice-Barcelonnette qui suit la rivière. La consigne précise « s'enfermer dans l'ouvrage et y résister sans esprit de retour ».

Analyse architecturale

Ensemble du site vu du nord-est. Au premier plan, le village d'Isola. En arrière, le vallon du Louch.

Situation

L'ouvrage est situé au pied et à 1, 4 km en avant de la crête portant la position de résistance, elle-même jalonnée par le col de Pal et les ouvrages - inachevés - du col de Crous et du col de la Vallette, auquel il était relié par un sentier et une ligne téléphonique non protégée dans le vallon de Louch.

Ses homologues les plus proches sont, au nord, l'ouvrage de Saint-Dalmas-le-Selvage - à plus de 18 km - et au sud-est, l'ouvrage de Valabres, à 8 km, donc sans liaison à vue.

La garnison (ou « équipage ») fournie par le 74e bataillon alpin de forteresse compte 26 hommes (active et réservistes BI) commandés par un sergent (le sergent Joyeux ; l'ouvrage interviendra les 22 et 23 juin 1940, en liaison avec la SES du 60e BCA (lieutenant Ruby) qui tient le village; le feu de ses mitrailleuses, soutenu par le tir de l'artillerie, arrête la progression du 33e R.I. italien dans le val de Castiglione devant Isola). Elle est dotée de 4 mitrailleuses Hotchkiss mle 14, 4 fusils mitrailleurs mle 24-29, 1 fusil à lunette, 3 fusils mle 96-93, 3 lance-grenades VB, 15 PA calibre 7, 5 disposant de 149.760 cartouches de 8 mm sur bandes, 11.520 en paquets (pour les fusils et mousquetons), 15.840 cartouches de 7,5 pour les FM, 1000 grenades VB, 500 grenades défensives FI, 500 cartouches de pistolet, 1 appareil téléphonique mle, 27,2 paires de jumelles, une longue-vue, etc. ceci en plus de l'équipement individuel des personnels.

On notera que compte tenu de l'implantation de l'ouvrage, et une fois sa résistance parvenue à son terme, la garnison, placée en quelque sorte le dos au mur, aurait eu la plus extrême difficulté à se replier - à la rigueur la nuit - au contact de l'ennemi et sous les vues et les feux des crêtes de la Tinée.

Composition d'ensemble

L'ouvrage consiste en quatre «blocs» greffés sur une petite infrastructure souterraine.

Infrastructure: constituée par 36 m de galerie d'l x 2 m de haut creusée dans le roc, maçonnée en berceau et enduite au mortier lisse. La galerie principale dessine, en plan, un U très ouvert partant à gauche du bloc d'entrée nord et se terminant à droite en cul-de-sac.

Dans les parois s'ouvrent les deux alvéoles (2 m de large) servant au logement du personnel (le nombre de places couchées ne correspond qu'à une partie du personnel, l'autre étant supposée de service aux pièces ou de veille) et munies de lits de camp, et celles réservées aux magasins, au ventilateur, à la latrine. De plus deux courts tronçons de galerie conduisent l'un au puits montant au bloc d'entrée sud, l'autre à la casemate de mitrailleuse et au puits de l'observatoire.

Blocs en béton armé, traités en protection n° 1. On trouve, ainsi :

Extérieur. Face nord-est. Au premier plan, à gauche, bloc casemate de mitrailleuse. Au second plan, bloc d'entrée nord.

- Au nord, le bloc d'entrée nord, de plain-pied avec la galerie principale. Porte blindée pivotante type « avant-poste» de 20 mm à un vantail d'une seule pièce. Chicane de défense intérieure avec créneau à fusil.

En outre, 2 créneaux pour arme automatique d'action extérieure, l'un tirant au nord-ouest battant le pied de l'escarpement en amont et l'entrée du ravin de Louch, l'autre au sud-est en flanquement de la casemate de mitrailleuse.

- Au centre, la casemate de mitrailleuse, à paroi renforcée, constituée par une petite chambre rectangulaire de 2 x l, 60 m, de plain-pied avec la galerie et comportant un créneau orienté dans l'axe du vallon de Castiglione.

Intérieur. Galerie de la casemate de mitrailleuse, porte étanche. A gauche, puits de la cloche observatoire.

- A l'aplomb de l'arrière du précédent, et desservi par un puits carré de quelques mètres de haut, avec échelons scellés dans la paroi, le bloc observatoire constitué par une petite cloche dite « Saint-Jacques » prise dans une collerette de béton encastrée dans un replat de l'escarpement.

- En arrière, et également desservi par puits carré et échelons, le bloc d'entrée sud, avec chicane intérieure et porte blindée type A.P. constituant en fait l'issue de secours de l'ouvrage.

Les seuls cuirassements sont donc les deux portes blindées et la cloche observatoire. L'équipement organique se résume en un ventilateur à bras (encore en place dans l'ouvrage; les cages à lanternes sont regroupées dans un alvéole) prenant l'air pur à l'extérieur et l'insufflant dans la casemate de mitrailleuse (isolée de la galerie par porte étanche en tôle non blindée) et les locaux. Pas de dispositif de filtration des gaz autre que les appareils individuels. On note en outre une tinette et un système d'éclairage constitué par lampes à pétrole sous cages vitrées (encore en place dans l'ouvrage, les cages à lanternes sont regroupées dans un alvéole) de modèle uniforme spécifique aux ouvrages d'avant-poste.

Ventilateur de l'ouvrage. Lanternes d'éclairage intérieur de l'ouvrage.

L'ensemble, bien conservé, reflète des conditions de vie sévères, qui expliquent qu'en temps normal et période calme, la garnison vivait en baraquement extérieur pour ne s'enfermer dans l'ouvrage qu'en cas de nécessité absolue.

Actuellement l'ouvrage, propriété de la commune d'Isola, est fermé, électrifié et surveillé. Il abrite des appareils de sismographie. Bien que ne comportant aucun point d'intérêt particulièrement significatif, il est très représentatif de sa catégorie: sa promotion touristique éventuelle ne soulèverait ni difficultés ni dépenses de remise en état et ajouterait un complément militaire au patrimoine civil et religieux du pittoresque village.