Dossier d’œuvre architecture IA83001461 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie de Carqueiranne
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Le Pradet
  • Lieu-dit la Colle Noire

Construction et armement

Après la reprise de Toulon aux anglais par l’armée républicaine dirigée par Bonaparte en décembre 1793, Armand Samuel Marescot, chef de bataillon, commandant du génie de « Port la Montagne » (= Toulon) adapte un grand projet général antérieur du général d’Arçon, pour améliorer la défense de cette place forte et en faire « un des plus forts boulevards de la République », comportant le perfectionnement des forts détachés existants. Le premier germinal an 2, est dressé un état des batteries de côtes extérieures à la place forte, qui propose l’établissement d’une batterie pour quatre canons de 36 et pour un mortier à grande portée à la pointe de Carqueiranne 1. Ce projet est précisé et augmenté dans un rapport du 23 brumaire an 3 : « Il conviendrait d’établir une bonne batterie armée de quatre pièces de gros calibre et deux mortiers à grande portée sur la pointe de Carcairane pour interdire aux frégates ennemies la faculté qu’elles ont de venir jusqu’à l’entrée du goulet et y observer ce qui se passe en grande rade ».2

Cette batterie de côte fut construite de 1795 à 1796.

La commission mixte d’armement des côtes, de la Corse et des îles, instituée le 11 février 1841, propose des principes normatifs pour les batteries de côtes ; dans le projet du 5° arrondissement maritime (Toulon), est précisé : « La batterie de Querquerane sera appropriée. Cette batterie donne des feux à gauche sur les approches de la rade de Giens, devant elle sur l‘entrée de la rade de Toulon, à droite elle défend la plage de la Garonne. (…) L’épaulement existant devra être agrandi, le corps de garde en mauvais état sera utilisé aux nouvelles constructions. 3»

Les travaux de la commission de 1841 font l’objet d’un rapport général présenté au ministre de la guerre le 5 avril 1843, mais la mise en application du programme proposé ne peut être lancée qu’à partir de juillet 1845, grâce à l’affectation de fonds spéciaux, après approbation par le comité de l’artillerie, par le comité des fortifications et par une commission Marine.

Les modèles-type normatifs alors adoptés et fixés définitivement en 1846 comportent des réduits de batterie de deux types : des tours crénelées et des corps de garde défensifs, types déclinés chacun en trois modèles de taille dégressive : réduit pour 60, 40 ou 20 hommes.

La batterie de Carqueiranne, adaptée pour un armement de deux canons de 30 et de deux obusiers de 22, est dotée en conséquence d’un réduit de type corps de garde défensif crénelé 1846 n° 3, soit pour 20 hommes, effectif adapté à une batterie de quatre pièces d’artillerie. Les travaux de refonte et de construction de cette batterie sont conduits de 1846 à 1849, pour un coût de 18697, 55 francs.4 En mars 1854, l’ouvrage abrite deux canons de 30 livres et 2 obusiers de 22 cm, et quatre affûts de côte en fer, le tout entreposé mais pas placé en batterie.

Les plates-formes des pièces d’artillerie ne sont réalisées qu’en 1862.

Le programme décidé en 1873 par la commission de révision de l’armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon, et actualisé par le plan de défense de la rade de Toulon du 4 avril 1877, prévoit la conservation de la batterie de Carqueiranne, indispensable au même titre que six autres pour battre les vaisseaux ennemis approchant l’entrée de la grande rade. Toutefois, sa sécurité impose de « solidement occuper » le massif de Carqueiranne (ou de La Colle Noire) pour empêcher que cette batterie puisse être prise à revers.

Les missions des batteries de côte alors programmées, soit d’anciennes rénovées, soit de nouvelles, se répartissent entre des batteries de bombardement, placées en altitude, pour le tir plongeant courbe sur les ponts des navires, des batteries de rupture, pour le tir tendu bas battant l’accès des passes et des rades contre les coques des navires, ces deux catégories adaptées aux canons de gros calibre, et des batteries de moyen calibre et de mortiers (gros calibre à tir vertical parabolique), pour l’action plus rapprochée.

Ce programme est mis en œuvre à partir de l’année 1878, en phase avec la construction de forts détachés distants assurant, selon les principes de Séré de Rivières, la défense terrestre de la place forte de Toulon, dont le fort de la Colle Noire et le fortin de la Gavaresse en amont de la pointe de Carqueiranne.

La réorganisation de la batterie de la Carqueiranne comme batterie de rupture défendant la grande rade, réalisée dans l’année 1878 et terminée en 1879 moyennant 229590 francs, est radicale, sa puissance et son ampleur étant triplées. L’emplacement de la batterie de 1846 est réoccupé par une des trois batteries mitoyennes alors réalisées : celle de gauche ; ces trois batteries échelonnées sur le site sont réunies dans une enceinte commune, la tour crénelée n°3 de type 1846 étant recouverte par un épaulement de terre dans la batterie de gauche. L’armement initialement approuvé le 4 avril 1877 se composait de 6 canons de 190mm, ce qui correspond à la capacité de la seule batterie de gauche, mais dès avant le 28 novembre 1879, cet armement était porté à 4 canons de 240mm et 8 canons de 190 mm 5. Cette artillerie était répartie de la façon suivante : 6 canons de 190mm sur la batterie de gauche, dont deux tirants vers le large, deux canons de 190 mm et 4 canons de 240 mm dans la batterie de droite, la batterie centrale étant désarmée.

Au 1er juin 1881, l’état de l’armement est confirmé, et les nouvelles dépenses prévues pour les aménagements et armements complémentaires sont estimées à 230490 francs. 6

L’un des réaménagements importants est le creusement, sous la batterie centrale, d’une galerie souterraine desservant des magasins en caverne pour stocker les projectiles et les poudres, réalisé en 1889, soit cinq à six ans avant la création d’équipements analogues au fortin de la Gavaresse et à la batterie de la Bayarde. Les autres réaménagements, sans doute réalisés aussi vers 1889, sont la réorganisation complète de la batterie centrale avec création d’emplacements de tirs individualisés pour six canons de 95mm, modèle 1888 marine, sur affuts tournants (portée 8200 m), la mise en place de six emplacements de tir pour canons de 240mm, modèle 1876 (portée 10500 m) sur affuts GPC (grand pivot circulaire) dans la batterie de droite, et de six autres analogues, pour pièces de 190mm, modèle 1875-1876 (portée 9765 m) dans la batterie de gauche, dont l’armement n’a donc pas changé depuis 1879 7. Cette artillerie est mentionnée en 1898, avec en outre deux pièces de 5, modèle 1873. Le personnel jugé nécessaire en 1898 au service de cette importante batterie de côte est de 190 sous officiers et artilleurs et 156 auxiliaires.

Après 1911, l’armement de la batterie perdra deux de ses canons de 240, les quatre restants étant replacés sur des affuts C modèle 1911.

En 1930, la marine fait réaliser des essais de camouflage anti-aériens, jugés peu probants, à la batterie de Carqueiranne 8. A la même époque, le projecteur chercheur destiné à localiser les bateaux ennemis la nuit, existant dans un bâtiment à l’extérieur et à distance de la batterie du côté droit, est remplacé par un nouveau dispositif creusé à même la falaise. Le nouveau feu projecteur de 1,50m de diamètre sur roues est placé en balcon dans la falaise en bas d’un puits d’accès vertical.9

En 1944, la batterie est occupée par l’armée de l’air allemande (Luftwaffe) qui y installe une station radar, dont un radar wutzbürg sur l’ancienne batterie de 240.

Après la seconde guerre mondiale, des années 1950 aux années 1980, de nombreux bâtiments à usage de bureaux, de lieux de réunion et de séjour sont bâtis tant dans l’aire intérieure de l’ancienne batterie qu’au pourtour, entraînant des démolitions partielles (emplacements de tir, traverses, tronçons d’enceinte)

Analyse architecturale

Site et implantation générale

La batterie de Carqueiranne est implantée sur le bord même de la côte rocheuse escarpée, du côté ouest de la pointe de Carqueiranne qui sépare la rade de Giens de la grande rade de Toulon, au pied du massif de la Colle Noire. Les trois batteries juxtaposées qui la composent sont disposées en éventail dans une même enceinte, face à la baie dite de la Garonne et à l’entrée de la grande rade de Toulon, centrées sur une petite crique. Le socle rocheux des ouvrages en front de mer n’est pas régulièrement nivelé. L’altitude moyenne des sols de chemins de distribution interne varie de la cote d’altitude 46m au plus bas, au pied de la batterie de droite (nord-ouest) à la cote c. 53m au pied de la batterie de gauche, au pied de la batterie centrale et au seuil de la porte d’entrée de l’ensemble. Le point le plus haut, soit les épaulements de la batterie centrale, culminaient à environ 62m. La batterie destinée aux plus grosses pièces d’artillerie était donc la plus basse.

Le chemin d’accès actuel de la batterie est une route droite montant d’est en ouest depuis la route côtière directement vers le front de gorge et traversant une clôture de sécurité avec poste de gardien mise en place vers les années 1960. Ce chemin n’existait pas encore jusqu’à la seconde guerre mondiale. La desserte d’origine se faisait par un chemin longeant le front de gorge de l’ensemble de la batterie en parallèle et décrivant une large boucle étendue de plusieurs centaines de mètres tant au nord (avec embranchement de desserte du premier local de projecteur) qu’au sud-est (avec embranchement de desserte du second projecteur en puits)

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Adossée à la découpe rentrante de la côte, la triple batterie de Carqueiranne n’est renfermée dans un mur d’enceinte que du côté du front de gorge, l’escarpement rocheux naturel en falaise côté mer constituant un retranchement suffisant. Le mur d’enceinte suit le tracé échelonné des trois batteries : la batterie du centre, dans l’axe de la petite crique qui repousse son assiette en arrière, forme une saillie que contournent quatre pans de l’enceinte du front de gorge. Les deux batteries latérales encadrant cette saillie à la manière d’une aile droite et d’une aile gauche en retrait et légèrement rentrantes, sont bordées à la gorge par la continuité rectiligne du mur d’enceinte, en retour d’angle rentrant de la saillie centrale, ce mur se refermant en retour d’angle droit aux deux extrémités du front, jusqu’au bord de l’escarpement en falaise.

L’enveloppe à quatre pans de la batterie centrale rappelle par son plan, avec deux flancs et front à deux faces réunies en angle obtus flanqué d’un bastionnet, le plan-type des forts et batteries fermées pentagonales Séré de Rivières, en appliquant au front de gorge la configuration qui, dans le modèle-type, est propre au front d’attaque. Les deux branches d’enceinte divergentes enveloppant les batteries latérales se terminent par un angle rentrant doté d’un demi-bastionnet flanquant les retours de mur ou flancs extrêmes de l’enceinte ; dans le modèle-type normatif pentagonal, ce demi-bastionnet occupe les angles du front d’attaque. De plus, le modèle-type de batterie fermée Séré de Rivières est fossoyé et préfère aux bastionnets des caponnières assurant la défense du fossé. Enceinte : extrémité branche droite et demi-bastionnet revêtant la batterie de droite.Enceinte : extrémité branche droite et demi-bastionnet revêtant la batterie de droite.

La batterie de Carqueiranne s’éloigne dans le principe du modèle de la batterie close par ce que son enceinte se limite à un simple mur crénelé sans fossé et pratiquement jamais directement adossé aux batteries pour former revêtement, sauf au revers du flanc et du demi-bastionnet de la branche droite. Ce mur est à peu près partout isolé des batteries soit par le chemin carrossable de distribution générale, soit par un chemin de ronde piéton en pied de mur, le plus souvent par ces deux chemins cumulés. Le chemin de ronde se dissocie alors du chemin carrossable par ce qu’il est surhaussé sur une maigre banquette de terre adossée au mur, discontinue. Ce chemin de ronde, surhaussé ou non (il ne l’était pas à l’extrémité et sur le flanc de la branche gauche de l’enceinte) dessert les créneaux en fente ébrasée vers l’intérieur, percés non systématiquement dans le mur pour la défense rapprochée côté terre par le tir d’infanterie. Dans l’état actuel de ce qui reste du mur d’enceinte, la banquette est très largement éboulée.

La porte de la batterie est ménagée dans ce mur d’enceinte au flanc gauche (sud) de l’enveloppe de gorge de la batterie centrale. C’est un portail monumental inscrivant une grande arcade couverte d’un arc segmentaire (arrière-voussure de même forme) dans une façade-écran plus haute que le mur d’enceinte, avec pilastres plaqués et entablement. Cette arcade n’était fermée que d’une paire de vantaux probablement en fer et en partie à claire-voie, aujourd’hui supprimés.

Le bastionnet d’axe de l’enceinte adopte un classique plan pentagonal. Initialement ouvert à la gorge et découvert (le toit actuel et son surcroît sont ajoutés au XXe siècle), il ne comporte qu’un niveau défensif actif dont le sol sur soubassement massif règne avec celui du chemin de ronde sur banquette desservant les créneaux du mur d’enceinte. Le front de ce bastionnet, à deux faces réunies en angle très obtus et arrondi, est percé de quatre créneaux de fusillade en fente ébrasée, analogues à ceux du mur d’enceinte, tandis que dans ses flancs s’ouvrent deux créneaux de pied (pour jet de grenades) formant au-dehors deux baies horizontales jumelles avec arc segmentaire masquant l’orifice vertical et couvrant le court talus. La partie du mur d’enceinte immédiatement voisine de chacun des flancs du bastionnet est percée d’un triplet de créneaux en fente (semi-ruiné du côté nord du bastionnet). La petite terrasse qui enveloppe le soubassement du bastionnet au dehors est une création récente (fin XXe siècle). Portail d'entrée de l'enceinte de la batterie, vue extérieure.Portail d'entrée de l'enceinte de la batterie, vue extérieure.

Le demi-bastionnet terminant la branche droite du front de gorge et flanquant le flanc de cette branche est un ouvrage terrassé non crénelé, avec simple parapet garde-corps à tablette.

Passée la porte d’entrée, à droite de laquelle un corps de garde ou logement du gardien de batterie s’adossait au mur d’enceinte (aujourd’hui englobé dans des bâtiments étendus au-dehors du dernier tiers du XXe siècle), on pouvait prendre le chemin de distribution à gauche, en longeant le flanc gauche de la batterie centrale, pour accéder à la batterie de gauche par une large rampe, et monter aux emplacements de tir de la batterie de gauche et de la batterie centrale par deux rampes opposées. D’autre part, on pouvait prendre le chemin à droite, contourner la batterie centrale à la gorge en distribuant au passage ses souterrains, pour desservir le casernement casematé qui occupe dès l’origine (millésime 1878) le flanc droit de cette batterie. De là, une rampe douce s’amorçant à droite montait à la batterie de droite, avec un retour de rampe vers la batterie centrale.

Cette batterie de droite répartissait ses six pièces de canon de 240mm -dont cinq tirant ouest/sud-ouest vers la passe de la grande à la petite rade- en quatre sections d’artillerie séparées par trois traverses-abri, les deux sections médianes accueillant chacune deux pièces. La dernière section, dominant le flanc et le demi-bastionnet de la branche droite de l’enceinte, adoptait un plan semi-tronconique.

La batterie de gauche comportait également quatre sections d’artillerie à traverses-abri pour six pièces de canon de 190mm dont trois, dans la moitié droite (double section médiane, simple section d’angle) tiraient ouest/sud-ouest. Une quatrième, dans une section d’angle gauche, tirait vers le sud/sud-ouest, les deux dernières, dans une double section de flanc gauche, tiraient au sud-est, vers le large. Cette batterie de gauche était dominée par un cavalier central formant parados, constitué en ensevelissant la tour crénelé type n° 3 de 1846, réduit de la première batterie, dont deux façades restaient visibles. Les locaux casematés normatifs de cette tour, comportant une citerne, demeuraient en service pour loger une partie de la garnison, et qualifiés de « réduit ». Ils étaient desservis par un couloir voûté ajouté lors de la mise en place du cavalier-parados recouvrant l’édifice pour dégager sous le remblai les deux côtés enterrés de cette tour. La batterie de 1846 se limitait à l’emprise de cette batterie de gauche à réduit.

Ces deux batteries latérales ne sont conservées que pour leur massif général en remblai terrassé, mais les remaniements, destructions et constructions intensives de bâtiments parasites en béton de la seconde moitié du XXe siècle en ont fortement altéré les dispositions anciennes, nivelées ou méconnaissables et inaccessibles (traverses-abri, emplacements de tir à pivot central, cavalier recouvrant la tour crénelée 1846)

La batterie centrale est défigurée par une vaste construction moderne en rotonde qui en occupe le centre et oblitère les anciens emplacements de tir de 95mm en quatre sections : deux médianes simples tirant sud-ouest, deux d’angle, doubles, celle de droite tirant au sud (vers le Cap Cépet), celle de gauche à l’ouest.

Cette batterie centrale demeure pourtant plus intéressante que les autres dans son état actuel pour la bonne conservation de son casernement de 1878 et de ses magasins en caverne de 1889. Le casernement casematé typique des ouvrages Séré de Rivières, de plan rectangulaire présente un grand et un petit côté traités pour former façade donnant sur le chemin de desserte élargi en cour dans ce secteur. Trois travées majeures de casernement pour la troupe occupent les trois-quarts de la longueur du bâtiment. Ces trois vastes casemates transversales voûtées en berceau segmentaire débouchent sur cour en formant trois grandes arcades chacune refermée par une façade-écran percées au centre d’une porte assez large pour se dédoubler en cas de division interne de la casemate dans l’axe par une cloison, de deux fenêtres encadrant symétriquement la porte, et d’une fenêtre imposte au-dessus de la porte. Les écoinçons de retombées des voûtes, au-dessus des murs de refend, sont évidés intérieurement d’une sorte de canal voûté d’où partaient des cheminées de prise d’air traversant la banquette de terre qui couvrait le toit du bâtiment. Ce dispositif tirait l’air des cheminées à l’usage des chambrées des casemates. Le tiers est/nord-est du casernement comporte deux casemates jumelles plus petites d’axe perpendiculaire aux grandes casemates, pour le logement des sous-officiers, formant deux arcades dans la façade du petit côté, avec mur-écran de fermeture percé d’une porte simple flanquée d’une fenêtre, le tout surmonté d’une imposte. Cette façade est un peu moins haute que celle des trois grandes casemates, la tablette d’arase des murs de façade rampant au-dessus du côté de cette travée double, côté percé de deux petites portes desservant la citerne ménagée sous les travées des sous-officiers.

L’effectif ordinaire à loger dans cette partie était d’un officier, six sous-officiers et 64 hommes.

Casernement, adossé au flanc droit de la batterie centrale.Casernement, adossé au flanc droit de la batterie centrale.

Les magasins en caverne de 1889 (magasin de munition et magasin à poudres) comportent deux niveaux et deux accès distincts : l’accès principal est un grand escalier de 36 marches descendant parallèlement au flanc gauche de la batterie centrale, en vue de la porte d’entrée de l’enceinte et face à l’ancien corps de garde. Cet escalier dont l’arcade de passage à la partie voûtée est surmontée du millésime 1889, dessert à angle droit une galerie qui débouche obliquement dans une autre galerie perpendiculaire communiquant à droite en chicane avec un grand magasin caverne (munitions) d’une capacité de 61200kg, précédé d’un sas. Au fond de ce magasin s’amorce une autre branche de galerie obliquant à droite (vers la gorge de la batterie) qui aboutit dans un local rectangulaire dont la voûte est percée d’une large trémie monte-charge qui traverse un étage supérieur également enterré pour aboutir dans un abri casematé bétonné ouvrant directement sur la terrasse de desserte de la batterie de 95mm. Ce monte-charge permettait de hisser poudres et munitions à l’air libre sur cette batterie. Le local souterrain inférieur du monte-charge est relié à celui du dessus par un étroit escalier de communication coudé de 26 marches sous voûte rampante. De ce second étage de monte-charge enterré sous la batterie, une large galerie débouche perpendiculairement et en légère montée dans le talus de gorge en glacis du massif de la batterie, vers le chemin de distribution générale à l’air libre, après avoir franchi une porte, entre deux murs de soutènement évasés. A gauche après être entré dans cette galerie par la porte de gorge, on trouvait avant le monte-charge deux petites portes successives, la seconde, réduite de moitié en largeur (demi-arcade plein cintre), desservant le couloir d’accès au grand magasin à poudres enterré, tandis que la première communique au couloir d’isolement voûté du magasin. Ce magasin à poudres en caverne d’une capacité de 96900 kg a ensuite été mis en communication directe vers l’extérieur par une nouvelle issue percée près du fond de la salle des poudres et traversant le couloir d’isolement, débouchant aussi vers le chemin et entre murs de soutènement à travers le talus de gorge de la batterie. Plus tard, seule cette issue du magasin a été conservée, la porte initiale qui donne dans la galerie voûtée aboutissant au monte-charge, étant condamnée par murage. Les communications internes des deux magasins aux deux niveaux du monte-charge étaient facilitées, dans l’état des lieux au début du XXe siècle, par des wagonnets sur rails de type Decauville, dont les rainures sont en partie conservés au sol.

Magasins en caverne 1889 : façade extérieure d'issue directe du magasin à poudres.Magasins en caverne 1889 : façade extérieure d'issue directe du magasin à poudres.

A l’extérieur de l’enceinte de la batterie existaient et subsistent des aménagements annexes :

Immédiatement a l’extérieur de la branche droite, un complexe de locaux dans un mur de clôture de plan trapézoïdal, est qualifié de « poste des machines » sur un plan d’état des lieux vers 1930 ; il devait s’agir de générateurs et transformateurs électriques à l’usage de la batterie et de ses projecteurs, lui permettant une autonomie à l’égard de l’électricité civile publique. Dans l’état actuel, ce secteur ne conserve pas de vestiges de cet ensemble, mais en revanche on observe aux abords extérieurs du bastionnet d’axe de l’enceinte une construction plus orthogonale, sans étage, découverte parce que ruinée ou inachevée, dont la distribution à couloir central distribuant symétriquement dix cellules latérales identiques dénonce un quartier carcéral. Il s’agit probablement d’un aménagement de la seconde guerre mondiale.

La structure d’accueil du projecteur mobile sur châssis à roulettes, construite vers 1930 à une centaine de mètres au sud/sud-est de la batterie, est bien conservée. Il s’agit d’un puits foré dans la falaise et cuvelé en béton, d’un peu moins de 5m de diamètre, descendant de plus de 16m pour desservir une galerie basse en caverne débouchant en balcon vers le bas de la falaise. Cette galerie, en partant du puits, dessert à droite la niche de garage du projecteur sur châssis à roulettes, puis elle s’élargit pour former un poste de démontage (maintenance du projecteur), pour aboutir à la plate-forme demi-circulaire en balcon, couverte d’une coupole métallique qui servait de support et de masque du projecteur en position de recherche. Le puits est couvert d’une coupole surbaissée en béton peu émergeante du sol avec oculus zénithal à verrière. Accessible par un décaissement du rocher desservant une large porte du côté opposé à la mer, il comporte un escalier métallique hélicoïdal longeant la paroi et dégageant un vide central cylindrique assez ample dévolu au monte-charge du projecteur (pour mise en place, enlèvement ou remplacement).

Structure et mise en œuvre

Les parements courants des murs d’enceinte de la batterie, ouvrages flanquants compris, comme ceux des façades sur cour du casernement, sont réalisés avec soin dans un moyen appareil polygonal très caractéristique, employant des moellons calibrés trapézoïdaux ou pentagonaux appareillés à joints assez minces sans aucun réglage d’assise à l’horizontale. Les joints actuels sont soit dégarnis (aile droite et demi-bastionnet), soit refaits au ciment en ruban (mur autour de la porte) ou beurrés (bastionnet d’axe). Cet appareil polygonal est réservé aux parties vues de l’élévation ; le parement des parties inférieures masquées par la banquette du chemin de ronde, aujourd’hui dégagé par endroits du fait de la ruine de cette banquette, est un blocage de moellons plus sommaire et traditionnel percé de chantepleures.

La pierre de taille dure locale bouchardée, d’une veine blanche ou jaune locale, est employée en chaînages d’angle, appareillée en besace, pour les tablettes de couvrement d’arases, profilées en appentis (y compris les tablettes rampantes des murs de soutènement des portes des souterrains), et pour les encadrements de baies. Les pierres de taille d’encadrement des créneaux ordinaires, fente extérieure et ébrasement intérieur, et créneaux de pied, sont au nu du parement coutant polygonal, les créneaux ordinaires étant directement couverts par la tablette. Les grandes arcades encadrant en façade les casemates du casernement sont d’une facture plus soignée, avec clef passant l’extradossement de l’arc segmentaire et traitée en bossage avec finition rustique au grain-d’orge. Le cartouche millésime 1878 surmonte la clef de l’arcade centrale. Les jambages sont appareillés en harpe. Les façades des casemates incluses dans ces arcades, sont, excepté la plinthe, construites tout en briques. L’encadrement des baies dans ce parement en brique forme un chambranle en relief. On retrouve la brique en encadrement des deux portes extérieures d’accès au magasin à poudres, et à l’encadrement d’une petite baie de débouché d’égout avec gargouille monolithe demi-cylindrique, dans le revêtement du bout de la branche droite de l’enceinte, près du demi-bastionnet. Casernement de la batterie centrale, détail clef d'arcade et millésime.Casernement de la batterie centrale, détail clef d'arcade et millésime.

Le portail d’entrée est entièrement en pierre de taille de moyen appareil en assises réglées, taillées au grain-d’orge avec liseré apparent. Le grand arc segmentaire de la porte est extradossé en escalier, dégageant sous l’entablement chanfreiné un registre occupé par deux grandes pierres symétriques au lit de pose en escalier, formant frontispice portant l’inscription « Batterie de Carqueiranne ». Les pilastres saillant au milieu des piédroits sont appareillés à bossage et amortis d’un pseudo-chapiteau plat avec astragale torique. L’extrados de l’arrière-voussure est également en escalier, mais en relief sur le parement du revers de façade, plus petit et médiocre que celui de la façade, et qui était sans doute destiné à être enduit.

L’entrée principale en escalier des magasins en caverne, millésimée 1889 au-dessus de la porte, offre un parement mural (façade d’entrée et murs de terrasse latéraux de l’escalier) plus simple que celui des ouvrages de 1878, petit appareil cubique très sommaire de grès brun, aux moellons sommairement échantillonnés et assisés. L’arc d’entrée en plein cintre tranche par son extradossement impeccable et ses voussoirs réguliers en pierre de taille dure blanche ; cette pierre est aussi employée pour les tablettes et les marches de l’escalier.

Les parements intérieurs des casemates du casernement sont enduits, à la différence ceux des magasins en caverne et de leurs galeries et escaliers, au mieux jointoyés gras ou badigeonnés. Ces parements intérieurs, parois et voûtes, sont pour la plupart en opus incertum de moellons grossièrement équarris ou en petit appareil cubique. Les encadrements de portes internes au souterrain, avec feuillures de grilles ou vantaux, sont en pierre de taille bouchardée, avec claveaux saillants un sur deux. Celui de la porte d’entrée initiale du magasin à poudre, murée, est un chambranle formant une curieuse demi-arcade plein-cintre. Le magasin aux munitions est entièrement revêtu d’un contre-parement et d’une sous-voûte tout en brique en simple épaisseur, dissociés des parois et de la voûte en pierre par un vide technique de plusieurs dizaines de centimètres, dispositif sans doute destinés a absorber en partie le souffle d’une possible explosion, selon un principe proche de celui du couloir d’isolement du magasin à poudres. Les galeries conservent au moins une niche murale pour lanterne permanente à fenêtre carrée anciennement vitrée avec ébrasement enduit blanc, évent et porte de réglage. Les sols et les escaliers des magasins-cavernes sont cimentés, avec caniveau latéral (à l’étage supérieur) et rails. Toutes les portes anciennes, métalliques, ont disparu, seuls les gonds restent en place. Le quartier carcéral hors enceinte est de construction traditionnelle, en blocage de petits moellons de tout-venant liés au ciment, mais les encadrements de portes y sont en brique creuse industrielle.

Ruines d'un quartier carcéral XXe siècle hors enceinte.Ruines d'un quartier carcéral XXe siècle hors enceinte.

1Vincennes, SHD, Art. 8, Toulon, carton n° 9.2Vincennes, SHD, Fonds Marine, Toulon, rens. Bernard Cros.3Vincennes, SHD, Fonds Marine, Toulon, rens. Bernard Cros.4Rapport de la commission spéciale chargée de préparer un projet d’armement du port et de la rade de Toulon, 14 juin 1853, Vincennes, SHD, Fonds Marine, Toulon, rens. Bernard Cros.5Vincennes, SHD, E.G. Nice, Place de Toulon, Art. 2, 8914, n° 22, plan6Vincennes, SHD, Fonds Marine, Toulon, rens. Bernard Cros.7Toulon, dir des Travaux Maritimes, plan d’état des lieux en 1903.8B. Cros, Citadelles d’Azur, p. 1429Toulon, dir des Travaux Maritimes, plans et coupe non datés.

Construction d'une première batterie de côte de 1795 à 1796. A la suite des recommandations de la commission mixte d’armement des côtes, de la Corse et des îles instituée en 1841, des travaux sont réalisés de 1846 à 1849 pour doter la batterie d'un réduit de type corps de garde défensif crénelé 1846 n° 3, soit pour 20 hommes. Les plates-formes des pièces d’artillerie ne sont réalisées qu’en 1862.

La réorganisation comme batterie de rupture défendant la grande rade, réalisée dans l’année 1878 et terminée en 1879 est radicale, sa puissance et son ampleur étant triplées. L’emplacement de la batterie de 1846 est réoccupé par une des trois batteries mitoyennes alors réalisées ; ces trois batteries échelonnées sur le site sont réunies dans une enceinte commune, la tour crénelée n°3 de type 1846 étant recouverte par un épaulement de terre dans la batterie de gauche.

L’un des réaménagements importants est le creusement, sous la batterie centrale, d’une galerie souterraine desservant des magasins en caverne pour stocker les projectiles et les poudres, réalisé en 1889. Les autres réaménagements, sans doute réalisés aussi vers 1889, sont la réorganisation complète de la batterie centrale avec création d’emplacements de tirs.

En 1930, le projecteur chercheur destiné à localiser les bateaux ennemis la nuit, existant dans un bâtiment à l’extérieur et à distance de la batterie du côté droit, est remplacé par un nouveau dispositif creusé à même la falaise. Le nouveau feu projecteur de 1,50m de diamètre sur roues est placé en balcon dans la falaise en bas d’un puits d’accès vertical.

En 1944, la batterie est occupée par l’armée de l’air allemande (Luftwaffe) qui y installe une station radar.

Après la seconde guerre mondiale, des années 1950 aux années 1980, de nombreux bâtiments à usage de bureaux, de lieux de réunion et de séjour sont bâtis tant dans l’aire intérieure de l’ancienne batterie qu’au pourtour, entraînant des démolitions partielles (emplacements de tir, traverses, tronçons d’enceinte).

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 18e siècle
    • Principale : 2e quart 19e siècle, 3e quart 19e siècle
    • Secondaire : 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1899, porte la date, daté par source

Ensemble de trois batteries dont les deux batteries latérales ne sont conservées que pour leur massif général en remblai terrassé, les remaniements, destructions et constructions intensives de bâtiments parasites en béton de la seconde moitié du XXe siècle en ayant fortement altéré les dispositions anciennes. La batterie centrale est défigurée par une vaste construction moderne en rotonde qui en occupe le centre et oblitère les anciens emplacements de tir. Son casernement casematé est typique des ouvrages Séré de Rivières. De plan rectangulaire, il présente 3 vastes casemates transversales voûtées en berceau segmentaire. Le tiers est/nord-est du casernement comporte deux casemates jumelles plus petites d’axe perpendiculaire aux grandes casemates, pour le logement des sous-officiers. Les magasins en caverne de 1889 (magasin de munition et magasin à poudres) comportent deux niveaux.

Les parements courants des murs d’enceinte de la batterie, ceux des façades sur cour du casernement, sont réalisés dans un moyen appareil de moellons. La pierre de taille dure locale est employée en chaînages d’angle et pour les encadrements de baies. Les façades des casemates sont construites tout en briques.

Le portail d’entrée est entièrement en pierre de taille de moyen appareil. L’entrée principale en escalier des magasins en caverne offre un parement mural (façade d’entrée et murs de terrasse latéraux de l’escalier) de petit appareil cubique très sommaire de grès brun. L’arc d’entrée en plein cintre est en pierre de taille dure blanche ; cette pierre est aussi employée pour les tablettes et les marches de l’escalier. Les parements intérieurs des casemates du casernement sont enduits. Ces parements intérieurs, parois et voûtes, sont pour la plupart en opus incertum de moellons grossièrement équarris ou en petit appareil cubique.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • grès moellon
    • brique
  • Couvrements
    • voûte en berceau segmentaire
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    P. 142.
  • Quel avenir pour la batterie de Cap Garonne? Par P.-H. Coste. Dans Nice-Matin, 7 décembre 2016.

Documents figurés

  • Batterie de Carqueiranne [plan et coupes]. / Dessin, lavis, 1879. Service Historique de la Défense, Vincennes : EG Nice, Toulon, art. 2 8914, n° 22.

  • Batterie de Carqueiranne [Plan d'état des lieux]. / Dessin. 1903. Ministère de la Défense, Direction des travaux maritimes, Toulon, service d'infrastructure.

  • Batterie de Carqueiranne [Plan et coupes]. / Dessin. Non daté [ca 1930]. Ministère de la Défense, Direction des travaux maritimes, Toulon, service d'infrastructure.

Date d'enquête 2009 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble