La mention portée par la reine Victoria dans son journal intime à la date du Ier mai 1899 reflète les sentiments de nombre de ses sujets qui retournaient année après année passer leurs hivers dans un climat plus doux et permettant une abondance de fleurs. Les plaques commémoratives dans l'église St Michael's church portent l'éloquent témoignage de leur colonisation de cette côte.
Les premiers colons Anglo-saxons des années 1870, comme Georges et Sarah Baird en 1 878, n'avaient trouvé guère plus qu'un petit village de pêcheurs entouré d'oliviers ; mais, l'ouverture de la route de la côte et l'arrivée d'une voie ferrée au cours de la décade précédente avait ouvert la voie pour d'autres visiteurs qui résidaient dans l'unique hôtel, Le Beaulieu, avant d'acheter du terrain à des petits propriétaires et de commencer à faire construire d'imposantes villas dans un endroit encore sans électricité ou même sans l'eau courante.
Les Baird furent rapidement suivis par d'autres familles, dont celle d'Henry (plus tard sir Henry) Samuelson M. P. (1845-1937) que sa santé obligea à rechercher l'air stimulant de Beaulieu [ ...J. Un autre fut l'ingénieur du chemin de fer et magnat de l'acier, James Livesey (1831-1925), inventeur entre autres du commutateur (?) et d'une machine à plier les journaux. Il vécut lui aussi plus de 90 ans. Ils s'établirent pendant les hivers dans des villas dessinées pour eux par l'architecte niçois A. Messiah et construites par l'entrepreneur local de SaintJean, Toussaint Giuge. A ce noyau, s'ajoutèrent de nouveaux hôtels - l'Hôtel des Anglais et Le Bond, fondé par John Bond, ancien maître d'hôtel des Baird, qui recevaient les familles assez audacieuses pour affronter le voyage de trente-trois heures et qui, à leur retour, cherchaient de nouveaux terrains à bâtir dans les collines couvertes d'oliviers où Samuelson et Livesey avaient construit leurs résidences au nom approprié, La Montagne et Casa del Monte.
[Avec l'afflux d'Anglais, se posa la question du service religieux, d'abord rendu par un pasteur de Nice, qui officia à l'Hôtel Beaulieu, puis à l'Hôtel des Anglais et dans un bâtiment provisoire sur l'emplacement de l'actuel Square Marinoni.]
En 1889, Samuelson présenta le projet d'une église permanente au premier ministre, qui ne le jugea pas opportun. En 1892, des personnages importants de la colonie, comme Baird, Samuelson et Livesey, décidèrent que le moment était venu d'équiper le village d'une église. Les initiateurs furent Samuelson et le révérend John Otter Stephens (1832-1925), qui deviendra chanoine de Beaulieu. Livesey offrit un terrain sur la route conduisant au Vallon de la Muerta. Plus de 1500 E furent rassemblées par Baird, Samuelson, Livesey, deux résidents Mr. Wolffram et Col. Harry McCalmont M. P., ainsi que Salisbury lui-même et sa nièce par alliance, Miss Mildred Beresford-Hope.
La construction put commencer en avril 1893. Bien que Stephens ait choisi un architecte anglais, Temple Moore (1856-1920), il opta pour un projet en accord avec les églises italiennes locales du XV Ile siècle, baptisé incorrectement par les contemporains « style Lombard ». En fait, le style était davantage baroque que roman lombard, comprenant un portique, un clocher, une nef « ionique », des bas-côtés et une abside. Ce plan est inhabituel pour Moore, élève de George Gilbert Scott qui adopta le gothique pour les quelques quatre-vingts églises qu'il bâtit, agrandit ou restaura. La première campagne de construction, menée par l'omni-présent Toussaint Giuge sous la direction de Messiah, comprenait seulement la nef et le choeur, qui coûtèrent 1078 E et fut complétée à la fin de l'année.
Pour la fête de l'Epiphanie de 1894, l'évêque de Gibraltar, Dr. Sandford, vint à Beaulieu pour consacrer l'église St Michael, dont la construction avait été entièrement financée par les souscriptions de sa congrégation.
Moins d'un an après sa consécration, l'église fut embellie par un bel autel en marbre, don de la nièce du Premier ministre, et par des fonts baptismaux en marbre et du mobilier ancien en bois sculpté du XVIle siècle.
Dans les deux ans suivants, elle reçut un magnifique panneau peint de La Crucifixion, un autel en bois de la Renaissance et une belle statue du XVe siècle du saint patron de l'église terrassant le dragon, dont une réplique fut placée sur la façade. XXXXXXXXXX En 1897, un tableau de l'Ascension, commandé à l'artiste contemporain florentin Bellandi, fut placé derrière l'autel.
Le choeur fut fermé par une clôture en chêne sculpté trouvée par le chanoine dans une brocante londonienne ; une fois débarrassée des sept couches de peinture qui le recouvraient, apparut un véritable monument de sculpture, fleurs, oiseaux, angelots et l'Agnus dei, que l'on pense inspiré par les dessins de Jean Bérain.
La nef fut décorée par une chaire à prêcher du XVIIe siècle, en chêne sculpté rehaussé d'or, ornée de fleurs et de fruits et de panneaux avec les statues des Evangélistes.
Tout ce mobilier fut consacré par l'évêque de Gibraltar pour Pâques 1897.
La communauté anglicane participa également à la construction de la nouvelle église catholique de Beaulieu par l'abbé Gilletta.
Lors du service célébré pour la mort de la reine Victoria, il devint évident que l'église était devenue trop petite. Il fut décidé de compléter l'édifice suivant le plan originel de Moore, avec les bas-côtés et le clocher, de façon à pouvoir accueillir 300 fidèles. Les travaux commencèrent en mai 1903, grâce aux dons de Sir Henri Samuelson, de Sir Blundell Maple, du magnat de la presse James Gordon Bennet et de Lord Salisbury, qui ne devait pas voir l'église achevée. Ils furent terminés dans l'année et l'on programma une consécration pour décembre, remise en cause par le décès de l'évêque de Gibraltar. L'archevêque d' York, en résidence d'hiver à Bordighera fut autorisé à célébrer la cérémonie le 1 7 décembre 1903, avec l'assistance du clergé anglican local et des évêques (églises épiscopales) de Nice et de MonteCarlo.
De 1911 à 1913, le nouveau pasteur, B. Pleydell-Bouverie (1845-1926) manifesta des dons pour l'aquarelle et la sculpture sur bois et sur marbre. Il peignit la rose sur le mur ouest et exécuta les quatre panneaux en plâtre de l'abside représentant les archanges Michel, Gabriel, Raphaël et Uriel. Comme le montrent les photographies de journaux de 1904, l'aspect intérieur de l'église, mis à part deux dons postérieurs de sièges pour le choeur et l'installation de plaques commémoratives est pratiquement le même qu'à l'époque Edouardienne.
LISTE RECAPITULATIVE DU MOBILIER (dans sa localisation en 2001)
NEF
Deux orgues de Norman & Beard, inaugurés en 1903, donnés par Henry Samuelson en mémoire de sa mère et sa soeur.
Une statue italienne en bois peint du XVe siècle, Saint Michel terrassant le dragon, offerte par Mr. Samuelson en 1895.
Une rose peinte par le chanoine B. Pleydell-Bouverie, chapelain de 1911 à 1913.
Un pupitre et un lutrin du XVIIe siècle, offerts par la congrégation en 1894.
Une chaire à prêcher italienne du XVIle siècle, en chêne sculpté et rehaussé d'or, offerte en 1897 par Barbara Tate, en mémoire du capitaine H. Pennel Tate de la Marine Royale.
BAS-COTES
Fonts baptismaux en marbre, du XVIIe siècle, achetés par souscription en 1894. Côté nord.
CHOEUR
Clôture de choeur du XVIIe siècle, française, en chêne sculpté, offerte en 1897 par des souscripteurs en mémoire de Miss Mildred Beresford Hope, nièce du Marquis de Salisbury.
Autel en marbre, offert en 1894 par Miss Beresford Hope.
Crédence, offerte en 1894 par le Rev. J. O. Stephens.
Lutrin du XVIIe siècle, offert par souscription en 1894.
Autel Renaissance, offert en 1895 par le Rev. W. F. Latrobe-Bateman, vicaire de St. John, Norwood.
Sièges de choeur offerts par Sir Henry Samuelson et par le Rev. E. F. W. et Lady Kathleen Eliot.
Panneau peint espagnol, la Crucifixion, offert par l'Hon. Fitzroy Stewart en 1895.
Tableau au-dessus de l'autel : l'Ascension, du professeur Bellandi, de Florence, offert en 1897 par Mrs. Fanning, plus tard Mrs. Harry McCalmont, en mémoire de son mari.
Panneaux de plâtre peint, représentant les quatre archanges, exécutés et offerts par le chanoine B. Pleydell-Bouverie.
Des plats de quête du XVIIe siècle, offerts en 1894 par Mrs. J. O. Stephens.
Une croix d'autel et des chandeliers en cuivre, des vases, offerts en 1894 par Mrs. Stanley Dent, en mémoire de son mari.
Chercheur au service régional de l'Inventaire de 1974 à 2007, spécialisée dans l'étude du mobilier (civil et religieux). Chargée d'études documentaires à la Conservation régionale des Monuments historiques à partir de 2007, puis au centre national des archives d'outre-mer.