Le programme iconographique des décors de gypseries du château de Castellet-Saint-Cassien se déploie dans l'escalier et sur trois cheminées (lacunaires pour deux d’entre elles). Il est réalisé dans le 3e quart du 17e siècle, avec deux dates points de repère : 1659 (date portée sur la cheminée n°1) et après 1666 (cf. blason de la cheminée n°3), sans doute sur une commande d’Honoré II de Glandèves, seigneur du Castellet-Saint-Cassien.
Les modèles semblent être issus d’un même recueil de gravures constitué à partir de deux éditions des Métamorphoses d’Ovide, de 1557 et 1619 (majoritairement), dont les graveurs sont respectivement Bernard Salomon et Jean Mathieu dit Matheus.
L’escalier: l'Amour profane
L'iconographie se développe sur le thème de l'amour profane. Elle comprend à la fois des scènes figurées et une ornementation foisonnante. Au rez-de-chaussée, une figure féminine mêlant les attributs traditionnels de la Fortune et de Vénus, est juchée sur une sphère ailée et tient de ses deux mains, au-dessus de sa tête, un voile gonflé par le vent. A côté d'elle, démesurément grand, un singe tenu en laisse est assis : il symbolise les instincts maîtrisés, la luxure tenue en bride. Au premier étage, sur le palier de cet étage noble, à l'entrée des deux plus belles pièces du château, deux figurations de l'Eros de Platon (l'amour charnel) avec, au nord, une femme partiellement dénudée tenant dans ses bras un tout jeune homme, Vénus et Adonis, et, au sud, un faune enlaçant une jeune femme nue (Vénus et Pan?). Le premier couple est représenté d'après une gravure des Métamorphoses d'Ovide publié en 1619 : Adonis aimé de Vénus. Comme pendant à la Vénus du rez-de-chaussée, toujours sur ce thème de l'amour profane, au départ de la voûte de l'escalier vers le deuxième étage, est représenté le fils de cette dernière, Cupidon avec son carquois et ses flèches, fruit de ses amours avec Mars. Cupidon tient dans sa main droite le départ du rinceau qui va de déployer en volutes, suivant la voûte de l'escalier, bordant le noyau.
Ce rinceau à volutes est constitué de feuilles de vignes et de pampres. Il est habité de nombreux oiseaux picorant du raisin, ou encore du singe précédemment cité mais aussi d'un écureuil, animal réputé gourmand.
Les clés des voûtes d'arêtes ainsi que les dessus de portes du deuxième étage, sont ornés de mascarons. Les clés des paliers et du rez-de-chaussée sont constituées de motifs en très haut-relief, sur fond de décor incisé de rinceaux feuillagés. Au premier étage, il s'agit d'une figure grimaçante, les cheveux bouclés portant un diadème perlé. Les départs de voûtes, au-dessus des portes du palier du deuxième étage, portent des figures de faunes, cornues, moustachues, à la chevelure mêlée de feuilles d'acanthe.
Cheminée n°1 : Mercure tuant Argos
Du programme iconographique initial ne subsiste que celui réalisé sur la hotte (le manteau a disparu). Le trumeau porte la scène principale, elle est entourée d'une très large bordure ornée de motifs en haut-relief. La scène de Mercure tuant Argos demeure très fidèle à la gravure source d'inspiration. Au premier plan, sur la gauche, Mercure debout tue Argos endormi en lui coupant la tête de son glaive. Toujours sur la gauche, à l'arrière-plan, Junon assise recueille les yeux de la tête d'Argos et en couvre les plumes de son oiseau (paon). A droite, au second plan, Jupiter assis, tenant dans la main gauche le sceptre du ciel vient de transformer Io en génisse, peut-être sous les yeux de Junon qui se trouvait au sommet de la composition.
Le trumeau est placé dans un cadre orné de cuirs, au centre d'un décor très chargé qui orne tout l'espace restant de la face de la hotte. Dans la partie inférieure un mascaron, très proche de ceux représentés sur les voûtes des paliers de l'escalier, est encadré par des trophées guerriers, rappelant ceux de la cheminée n°3 ; sur les montants des chutes de fruits alternent avec les cuirs ; dans la partie supérieure, le blason est accoté de palmes puis d'angelots debout et de rameaux d'olivier.
Sur la jouée droite, un personnage nu, figuré en pied, est surmonté du cartouche portant les inscriptions : 1659 et H D G.
Cheminée n°2 : Adieu d’Enée à Didon ( ?)
L'identification de la scène est incertaine : il pourrait s'agir des adieux d'Enée à Didon à Carthage. Les deux personnages principaux, une femme, peut-être Didon, et un soldat, Enée, se tiennent debout et enlacés désignant chacun de l'index ou de la main un endroit opposé. Il se trouve au port où une nef occupée par trois personnages (dont une vigie) est amarrée et semble attendre l'embarquement d'Enée. Derrière eux, une procession de quatre personnages (une femme et trois soldats) portant des récipients circulaires est abritée par un petit édifice constitué d'un toit bombé reposant sur quatre colonnes corinthiennes. Dans le fond, est figurée d'une ville avec enceinte crénelée et toits de diverses formes.
Cheminée n°3 : Ophée, Mercure et Minerve (?), glorification de la famille de Glandèves
Le programme iconographique de la cheminée se développe sur trois niveaux. Au niveau du foyer tout d’abord, les jambages sont constitués de deux personnages représentés nus, debout, les mains sur les hanches, le dos arrondi sous le poids : un atlante à la barbe et aux cheveux bouclés, une cariatide aux très longs cheveux ondulés.
Ensuite la face du linteau est constituée de trois parties. En premier lieu, au centre, Orphée charme les animaux. Dans sa composition, cette scène reste très fidèle aux gravures : dans un cadre champêtre, Orphée, au centre, assis, tient sa lyre sur ses genoux avec, de part et d'autre des animaux couchés, dont une licorne sur la gauche. Au même niveau, à l'aplomb des jambages, deux sirènes stylisées, pourraient être une allusion au voyage des Argonautes au cours duquel Orphée permit à l’expédition, grâce à son chant, de résister au danger de celui des sirènes, surpassant leur pouvoir de séduction. Toujours au niveau du linteau mais sur les jouées cette fois, deux scène qui peuvent être lues en correspondance, comme un jeu de mots : à droite un personnage, assis, dévore des membres humains éparpillés autour de lui, il pourrait s’agir de Cronos dévorant ses enfants. Sur la jouée gauche, un personnage allongé, endormi, à côté d’un sablier : peut-être Chronos cette fois, personnification du temps.
Enfin, troisième registre de lecture, la hotte à proprement parler est le support de la glorification de la famille de Glandèves. Sur le trumeau, un médaillon central, aujourd'hui vide, est surmonté du blason de la famille de Glandèves (fascé d'or et de gueules de six pièces), timbré d'un heaume taré de front et grillé, heaume réservé aux grands officiers du royaume, Honoré II de Glandèves est en effet nommé Sénéchal en 1666.
A la base de la composition se trouvent deux animaux adossés, de part et d'autre du médaillon deux bustes (un féminin un masculin) gainés, sur l'épaulement du médaillons, deux putti, enfin, de part et d'autre des armoiries, deux pots à fleurs. Sur les montants et les jouées, la gloire militaire est mise à l’honneur. Sur les montants de la hotte, de part et d’autre du trumeau, sont figurés, en pied, sur fond de trophées d'armes : à gauche, un soldat et à droite une figure féminine, peut-être Mercure et Minerve ? Ces deux figures sont en effet souvent associés : l'éducateur de l'Amour mais aussi le dieu du commerce et des échanges, et la déesse de la sagesse qui est aussi une déesse guerrière. Leurs représentations, tout comme leurs positions sur la cheminée, est ici assez proche de celle de la cheminée du château d'Allemagne-en-Provence.
Sur la jouée gauche, un personnage assis sur un canon souffle dans une trompette, toujours sur fond de trophée d'armes : cela pourrait être une représentation de la Renommée. Sur la jouée droite, un soldat en armure, debout, brandit un sabre.
Conservateur en chef du patrimoine en poste au Service régional de l'Inventaire à la DRAC de Poitiers de 2002 à 2005, puis au Service de l'Inventaire de la DRAC d'Aix-en-Provence. En poste au Service de l'Inventaire et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d'azur depuis 2008.