1717, 31 octobre. Visite pastorale de l’évêque de Senez Jean Soanen.
(…) nous nous sommes rendus de grand matin à Saint-Honoré de Clumanc (…) nous avons trouvé toutes choses à peu prez dans le même état qui a été marqué dans un grand détail par notre visite de mil sept cens trois, à laquelle nous nous rapportons pour abréger, excepté ce qui sera dit dans celle-cy par forme d’addition et de règlement nouveau comme il s’ensuit.
I. Pour le spirituel, il n’y a de changement dans le clergé que quant au vicaire, qui est maintenant le sr Joseph Gros et le sr Izoard, son devancier, est aujourd’huy chapelain de Saint-Jean. Les laïques, au nombre de 350 communians dans douze hameaux, ont fait leur devoir pascal et ils n’ont plus le grand procès d’autrefois, mais la charité n’est pas moins refroidie, ni les profanations des saints jours moins ordinaires, ny la cupidité des biens temporels moins violente.
II. 1. L’église paroissiale, sous le titre de saint Honoré, bâtie dans le hameau du Riou, est en fort mauvais état et menace d'une prochaine ruine. Dans le presbytère, en particulier, le sol est fort dérangé, les murs mal blanchis, les deux petites portes ordonnées cy-devant pour fermer le balustre n’ont point été faites, les deux troux du clocher sont mal bouchez. La muraille qui sépare le maître-autel est ouverte, le tableau n’a point été rebouché au bas, le surciel tombe en pouriture, le crucifix toujours trop petit. Les vases sacrés consistent en un calice et patenne d’argent dorez en dedans, un calice qui sert de soleil avec un pied commun et trop petit comme en 1703 et il n’a été ajouté depuis qu’une petite boete d’argent pour porter le saint viatique à la campagne, car les chandeliers de leton, l’encensoir et navette et la lampe sans feu sont comme alors. Il y avoit neuf chasubles en 1703 et il n’y en a plus que sept, dont trois ont besoin de réparation. Il y avoit cy-devant quatre aubes et il n’y en a que trois avec leurs amits et cordons, la 4e étant tout-à-fait hors d’usage. Il y a un pluvial et deux chapes aujourd’huy, mais il y en a une, savoir la noire, qui ne peut plus servir absolument. Il y avoit sept voiles et il n’y en a que cinq. Les trois devants d’autel sont les mêmes qu’alors. Les quatre dalmatiques camelot noir et blanc sont en bon état. Il y a cinq napes bien usées, trois bourses, peu de purificatoires, deux missels comme alors. Il n’y avoit enfin en 1703 ni bénitier portatif, ny clochette pour l’Elévation, ni pupitre pour le chœur, ni livres pour le chant, ni napes pour la communion, ni tapis pour l’autel, ni rideau pour le tableau au tems de la Passion, ni serrure pour l’armoire des calices, ny réparation pour la voûte du sanctuaire quoyque cela ait été ordonné en 1703 et même dix ans devant et rien n’est encore fait depuis vint-un ans. Il en est de même de la sacristie, il y a fort longtemps que son couvert est fort mauvais et que sa muraille est toute entrouverte dedans et dehors par les deux côtez et son état est le même aujourd’huy.
2. Pour la nef, il n’y a de bon que les fonts baptismaux, le reste est en mauvais état. Au dehors, le mur de la grande porte du côté de l’Epitre est entre-ouvert de haut en bas. Le côté de l’Evangile est encore entammé, vers le bas les pierres sont fort dérangées par les pluyes et durant l’hyver, faute d’un canal le long de la nef, l’eau entre dans l’église. Le toit est encore plus mauvais et au dedans de la nef la voûte a beaucoup de fente, le pavé fort inégal, la tombe, malgré toutes nos défenses est encore relevée.
3. Le cimetière sera toujours exposé aux profanations tant qu’il servira de passage. La croix est tombée et le mur du côté du septentrion est trop bas en quelques endroits, la porte est rompue et sans serrure, le portail de l’entrée est en ruine et le terrain du côté du nord gâte le mur.
4. Il n’y a point de maison claustrale fixe parce que depuis longtems les srs vicaires, étant natifs du lieu, ont habité dans leur maison paternelle.
III. 1. Quant à l’état du prieuré, tout ayant esté examiné à fond dans notre visite de 1703, nous nous y raportons (…)
2. Quant à la vicairie de Saint-Honoré, quoyque l’on nous ait soutenu qu’elle ne fut établie réellement qu’en l’an 1612 par un acte qu’on dit être dans les écritures de Guiton, notaire de Clumanc, et que ce fut par les religieux de Lérins avec un prétendu droit de patronage, ce qui mérite d’être examiné en tems et lieu, de même que d’autres documents qui sont chez mr Tornière, avocat de Digne, touchant les deux paroisses. Néanmoins ce bénéfice est appellé vicairie dans la cotte du sr de Brandis en 1516 et dans la visite de mr Martin en 1606, où il est marqué que le prieur de Saint-Honoré estoit vrai prieur-curé chargé du soin des âmes, mais ayant alors deux vicaires pour les deux paroisses. Cette vicairie de Saint-Honoré a 2 ou trois terres qui luy apartiennent, marquées par nous en 1703 et que les srs vicaires ont abandonnées au sr prieur en luy demandant leur congrue.
3. La chapellenie de saint Jean-Baptiste, dottée par un fond de neuf cens livres, dont notre visite de 1703 fait le détail, est aujourd’huy possédée par le sr Izoyard sur la présentation des consuls qui se disent patrons et elle est chargée de quatre messes par semaine. Et ayant visité la chapelle, nous avons trouvé que la chasuble est fort usée et l’aube hors de service, mais le plus grand mal est dans le bâtiment qui vient en ruine pour être trop prez du torrent et nous avons fixé pour rebâtir la chapelle un lieu plus propre qui nous a été offert gratuitement par la piété d’un des habitans.
IV. 1. Pour les chapelles et confréries, nous avons trouvé celle de l’Annonciade du côté de l’Evangile n’a point exécuté notre sentence de 1703 ny pour s’unir à celle du Rosaire, ni pour remédier à l’humidité et à l’indécence où est son autel, sans pierre sacrée, tableau tout mouillé, devant d’autel tout déchiré, point de crucifix, ni missel, ny ornements, une seule chasuble blanche, un marchepied, une lampe et quatre chandeliers de leton. La culture de son fond de terre est trop négligée, de même ce qui est du par deux particuliers.
2. Dans la chapelle du Rosaire, nous avons observé que la fente n’a guère augmenté au dedans depuis les clefs de bois, mais l’extérieur est fendu en deux endroits et donne lieu de craindre. Le reste est comme en 1703, excepté qu’on a acheté un rideau pour le tableau, une onsième nape, un te-igitur et ses accompagnemens, un devant d’autel de bon cuir doré, une table fermée pour les ornemens, une seule chasuble de tafetas rouge, étolle, manipule, aube, cordon, amict, mais au lieu de la lampe d’argent qui fut inventoriée dans notre dernière visite, nous n’en avons trouvé qu’une de leton.
(…)
6. Pour l’école et les enfans, nous ne pouvons assez gémir en voyant le peu d’amour de la communauté pour cette bonne œuvre, à laquelle on ne donne que 12 £ pendant qu’on prodigue de grandes sommes pour des procez.
Sentence
1. (…)
II. 1. Pour les réparations du sanctuaire, comme nous avons vu avec douleur que le sr Imbert, prieur de Clumanc, n’a exécuté entièrement durant vint-un ans aucune de nos sentences de visite, nous sommes forcez en renouvellant celle de 1697 de luy ordonner d’acheter un soleil d’argent avec un pied plus grand qui ne serve qu’à cet usage, un petit graduel de Lyon et un antifonaire de même. Comme aussi en confirmant celle de 1703 nous luy enjoignons comme nous fismes alors de rétablir la voûte du presbytère, de bien boucher les ouvertures des cordes, de rendre le sol égal, de faire repasser le toict et rajuster le bas du tableau, de mettre deux petites portes au balustre (barré : une croix d’argent au ciboire), un crucifix plus grand à l’autel en gardant le petit pour les malades, d’avoir une clochette pour l’Elévation, un pupitre pour le missel, un lutrin pour le chant, une nape pour la communion (barré : un tapis pour couvrir l’autel), un rideau pour voiler le tableau au tems de la Passion, faire brûler toujours la lampe devant le Saint Sacrement, puisqu’il y a des habitans auprès de l’église pour la garder. Et quant aux nouveaux besoins survenus par sa négligence depuis tant d’années, nous luy ordonnons par notre visite d’aujourd’huy d’acheter une chasuble de camelot noir et un voile de même couleur, une écharpe pour les bénédictions, une étolle blanche et violette pour les baptêmes, une nape pour l’autel, six essuy-mains, autant de purificatoires, de faire racommoder la chape noire, de fournir des cierges pour le maître-autel, d’oster le surciel qui est tout pourri et en mettre un meilleur, de songer incessament à la sacristie qui presse, d’en réparer le toit, d’en mieux soutenir les murs qui s’entrouvent des deux côtez, de doubler la porte, d’y mettre une bonne serrure de même qu’à l’armoire des calices avec une petite fontaine d’étain pour laver. Et parce que toutes nos sentences jusqu’à présent et mêmes les saisies faites de notre autorité selon l’édit de 1695, article 44, n’ont pu avoir tout leur effet à beaucoup prez, nous chargeons notre promoteur, au cas que la moitié desdites réparations ne soit pas accomplie dans trois mois de la signification des présentes, de se pourvoir à mr le Lieutenant de Digne pour faire saisir de l’autorité du Roy le tiers des revenus du sr prieur de Clumanc et our procéder à l’enchère desd. réparations si dans les trois autres mois elles ne sont pas entièrement achevées.
2. Quant aux réparations de la nef et du cimetière, comme la communauté en est chargée selon les édits et qu’elle n’a rien exécuté de notre dernière visite, nous en renouvellons et répétons tous les articles et ordonnons aux srs consuls d’acheter un drap noir de camelot, de faire des ais une représentation pour les services funèbres, de fermer la grande porte par une bonne serrure et un gros verouil, de rendre tout le pavé mieux uni sans aucun égard aux tombes élevées contre les canons, dans lesquelles nous défendons au sr vicaire sous peine d’interdit ipso facto d’enterrer personne qu’aprez qu’on aura justifié par écrit d’une permission légitime et qu’on aura égalé entièrement le tombeau au reste du sol. Chargeons encore les srs consuls de réparer la voûte et le coin extérieur de la grande porte du côté du midy comme étant devenu dangereux depuis notre dernière visite, de racomoder le bas du côté du nord, de songer sans délay au toit où le mal est plus grand, de mettre une croix de pierre dans le cimetière, d’en défendre l’entrée dez animaux par une claye sur la terre à la grande porte, de bâtir à chaux et à sable un mur suffisant qui puisse soutenir le terrain du nord, de former un canal pour empêcher les eaux d’entrer dans l’église durant l’hyver. Et attendu l’inexécution de toutes nos visites précédentes, nous ordonnons par celle-cy qu’au cas que toutes les réparations cy-dessus ne soient point achevées par les srs consuls dans six mois de la signification des présentes, nous interdisons dez maintenant pour le tems d’alors l’église paroissiale de Saint-Honoré et par conséquent son cimetière comme étant contigu, transportons le service dès le lendemain à la chapelle de Saint-Jean-Baptiste et voulons que les corps de ceux qui mourront soient portez dès lors au cimetière le plus prochain.
3. (…) Chargeons pareillement le chapelain de Saint-Jean-Baptiste de remplir fidellement les devoirs attachez à son bénéfice (…). Et comme lad. chapelle est menacée de ruine par le ruisseau voisin, nous ordonnons qu’elle soit rebâtie quand on le pourra par le produit des questes sur le terrain plus élevé qui nous a esté offert par un habitant et les messes de lad. chapelle seront dites jusqu’alors dans l’église de Saint-Honoré (…).
4. Pour le règlement des confréries, nous confirmons l’union par nous ordonnée en 1703 de celle de Notre-Dame de l’Annonciade à celle du Rosaire, si mieux n’aiment les marguillers avancer leur autel et leur tableau d’un bon pied loin du mur, auquel encore pour plus de sûreté ils attacheront quelques ais, se pourvoiront d’une pierre sacrée, d’un devant d’autel, d’un crucifix, d’un missel et jusqu’alors nous interdisons l’autel (…).
5. Nous ordonnons aux marguillers du Rosaire de remédier incessament aux fentes qui sont dans les dehors de leur chapelle, d’acheter un missel, de nous faire certifier par le sr vicaire dans un mois ce qu’est devenue la lampe d’argent que nous trouvâmes en 1703 (…).
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.