GENERALITES
A. Situation
- Facteurs historiques
L'agglomération actuelle de Saint-Martin-de-la-Brasque a été fondée, en même temps que celle de Peypin-d'Aigues, par l'acte d'habitation du 22 janvier 1506 1. Le vieux village, progressivement abandonné au cours du XVe siècle, ne comptait en effet plus assez d'habitants pour faire valoir le terroir. Fidèle à la politique des précédents barons de La Tour-d'Aigues, qui avaient déjà repeuplé successivement Lourmarin, Cabrières-d'Aigues et La Motte-d'Aigues, Antoine-René de Bouliers, au nom de son fils François seigneur de La Tour-d'Aigues et de sa baronnie, encore mineur, conclut avec quatorze chefs de famille originaires de La Tour-d'Aigues, Grambois, Lourmarin et Volonne un contrat prévoyant la remise en valeur et la réhabilitation des terroirs de Peypin-d'Aigues et de Saint-Martin-de-la-Brasque. Chacun des quatorze contractants recevait, sous réserve de prêter hommage au seigneur et de lui payer diverses redevances en argent et en nature, des terres cultivables, des droits de pâturage et des emplacements à bâtir dont les dimensions étaient fixées à six cannes (douze mètres) sur quatre (huit mètres). Il ne s'agissait donc pas de reconstruire les anciens villages mais de créer de nouvelles agglomérations. Ce que ne dit pas l'acte d'habitation, malheureusement, c'est la raison de ce parti- pris de nouveauté et la façon dont furent choisis les sites des villages. Ces sites, en tout cas, ont des points communs évidents : à Peypin comme à Saint-Martin, le terrain est plat, en bordure du même grand chemin allant de La Motte-d'Aigues à La Bastide-des-Jourdans et à proximité immédiate d'un cours d'eau, le ravin des Hermitans à Peypin, le ravin de Riou à Saint-Martin ; l'agglomération, dans les deux cas, a pris forme autour d'un axe (la rue principale) orienté nord-sud.
Quant au quadrillage régulier que suppose la distribution de parcelles constructibles de dimensions égales, il apparaît nettement à travers le réseau des rues et le parcellaire actuels malgré les multiples déformations imposées par plusieurs siècles de construction anarchique : la régularité encore visible du plan provient en effet du lotissement initial et non d'un véritable schéma d 'urbanisation, l'aménagement de chaque parcelle étant laissé à l'initiative des propriétaires.
Aux quatorze contractants de 1506 s'ajoutèrent, dans les années suivantes, plusieurs familles d'immigrants piémontais attirés dans cette région par les barons de La Tour-d'Aigues , eux-mêmes originaires d'outre-mont. L'installation de ces nouveaux habitants - beaucoup plus nombreux,en fin de compte, que ceux de 1506 - se fit au fur et à mesure de leur arrivée, par des contrats particuliers passés sur la base de l'acte d'habitation 2. En 1540, le village comptait seize maisons habitées 3.
Les archives communales de Saint-Martin-de-la-Brasque faisant totalement défaut pour toute la période antérieure à la fin du XVIIe siècle, il n'est pas possible de retracer avec exactitude l'histoire de cette localité avant la révocation de l’Édit de Nantes.
Peuplé en majorité par ces immigrés vaudois, le village dut connaître le sort des autres communautés protestantes de la région : mis à sac le 16 avril 1545 lors de la campagne organisée par le parlement d'Aix en exécution du fameux "Arrêt de Mérindol" 4, il fut, comme les villages voisins, immédiatement réhabilité et reconstruit par ses habitants qui s'étaient réfugiés dans la montagne. Il continua, par la suite, de se développer de façon régulière, comme le prouvent les quelques indications d'ordre démographique fournies par les visites pastorales. Saint-Martin-de-la-Brasque eut, semble-t-il, un temple (il formait une annexe de Cabrières-d'Aigues) dès1560 5 : ce lieu de culte devait être, comme dans la plupart des villages protestants, non un édifice spécialement construit pour cet usage, mais une simple salle aménagée dans un bâtiment appartenant à la communauté. Le régime de tolérance établi par l’Édit de Nantes fut de courte durée. La reconquête catholique du pays d'Aigues, amorcée dès les premières années du XVIIe siècle par les archevêques d'Aix, se matérialisa à Saint-Martin-de-la-Brasque par la construction d'une église neuve aux portes du village en 1626, bien que le lieu ne comptât alors que trois familles catholiques. En 1661, le règne effectif du roi Louis XIV s'ouvrit par une série de mesures visant à réduire les avantages concédés aux protestants : entre autres, le 14 juillet 1661, un arrêt du conseil du roi, rendu à la requête des syndics et clergé d'Aix et de l'évêque de Marseille, supprima l'exercice du culte réformé à Peypin-d'Aigues et à Saint-Martin-de-la-Brasque et ordonna la démolition des temples de ces deux villages, sans que les commissaires royaux chargés de vérifier la bonne application des édits de pacification eussent été consultés 6. Les persécutions qui se succédèrent dans les années suivantes - exclusions des charges municipales, confiscations , etc ... - aboutirent, en 1685, à la conversion forcée de la quasi totalité des protestants. L'histoire de Saint-Martin- de-la-Brasque par la suite se réduit pratiquement à celle de la résistance opposée par les "nouveaux catholiques" et leurs descendants (dont beaucoup, sans doute, continuaient clandestinement l'exercice du culte réformé) à l’Église, qui tentait de les soumettre à ses rites, aux agents de l'autorité royale, qui voulaient les écarter des charges municipales 7 et à leur seigneur, qui prétendait réduire les droits d'usage concédés aux habitants par l'acte d'habitation de 1506 ; sur ce dernier point, le conflit, qui portait essentiellement sur l'usage des bois du Lubéron 8 et des eaux des sources de Mirail et des Hermitans, dont le captage servait à l'alimentation de l'étang de la Bonde, rebondit pendant la révolution à la suite des prétentions élevées par les communes de Saint-Martin et de Peypin, à la propriété de la forêt et des sources : le tribunal d'Apt, en 1813, en ordonna le partage entre ces communes et Pauline de Caumont, née de Bruny, héritière du dernier baron de La Tour-d'Aigues 9.
Fait notable, cette communauté d'intérêts amena les officiers municipaux des deux villages jumeaux de Peypin d'Aigues et de Saint-Martin-de-la-Brasque à tenir des conseils communs, qui furent tenus de façon assez régulière au hameau de Font Joyeuse, sur le terroir de Peypin, près de la limite des deux communes.
Sur le développement de l'agglomération elle-même, les informations manquent, la commune n'ayant pas conservé de cadastre antérieur à celui de 1838.
Après cette date, les extensions sont d'ailleurs assez limitées. L'habitat dispersé, en revanche, peu considérable avant 1838, tend actuellement à se renforcer.
- Facteurs topographiques
Le site du village, dénué de toute valeur stratégique et peu favorable du point de vue climatique, a été choisi en raison de sa commodité d'accès et d'aménagement et de la proximité du cours d'eau.
- Grands axes de circulation
Le village est établi à faible distance au sud du chemin départemental n° 27 qui relie La Motte-d'Aigues à Grambois et en bordure (à l'est) du chemin départemental n° 91 reliant le précédent à La Tour-d'Aigues. La rue principale, qui constitue l'axe de l'agglomération, est parallèle au C.D . 91.
Ces deux chemins existaient certainement avant la fondation du village : il est seulement permis de se demander si le chemin de La Tour-d'Aigues (aujourd'hui C.D. 91) ne passait pas à l'origine par l'actuelle rue principale, dont le tracé sinueux s'accorde mal avec la régularité du parcellaire construit ; en ce cas le C.D. 91 aurait été, pour une raison et à une date que nous ignorons (de toute façon avant la confection du cadastre de 1838, qui n'en porte pas trace), dévié légèrement vers l'est, à l'extérieur du village.
B. Site et aspect d'ensemble
- Milieu naturel : le village s'est établi dans un site de plaine, sur le bord d 'un ravin. Le terrain, plat dans sa majeure partie, à l'exception de sa bordure orientale qui présente une légère déclivité, ne paraît pas avoir exercé de contrainte notable sur son implantation.
- Milieu construit : l'agglomération forme un quadrilatère assez régulier d'environ lOO m d'est en ouest sur 160 du nord au sud. Les maisons sont construites toutes à peu près sur le même plan, sauf celles qui bordent le côté est, vers le ravin de Riou, qui se trouvent en contrebas d'un niveau par rapport aux autres. Très serrées les unes contre les autres au centre et à l'est du quadrilatère, elles s'éparpillent davantage sur le côté ouest où elles alternent avec des espaces non construits (cours, jardins).
C. Renseignements d'ordre économique, démographique
Évolution de la population
Il est difficile de savoir combien, des quatorze chefs de famille qui ont passé avec le baron de La Tour-d'Aigues le contrat d'habitation de 1506, sont venus se fixer à Saint-Martin-de-la-Brasque et combien de nouveaux immigrants se sont, dans les années suivantes, joints à ces premiers habitants. L'affouagement de 1540 signale à cette date seize maisons ou bastides habitées dont la plupart, sans doute, agglomérées - il ne doit guère y avoir plus d'une ou deux bastides à ce moment là - 10. Un accroissement assez vif se manifeste dans la première moitié du XVIIe siècle : de 20 maisons habitées en 1620 11, on passe à 38 familles en 1656 12, soit presque 200 habitants. E. Arnaud, dans son Histoire des protestants de Provence 13, indique, sans donner la source de son information, que Saint- Martin-de-la-Brasque comptait en 1682 250 réformés (50 familles) ; ce chiffre paraît un peu fort en regard de ceux que fournit l'affouagement général de 1698 : 60 maisons habitées, 86 chefs de famille 14.
Le début du XVIIIe siècle connaît, en revanche, une diminution sensible de la population probablement due autant aux conséquences de la révocation de l’Édit de Nantes qu'à la conjoncture générale (les populations catholiques des villages voisins marquent, à cette date, un léger fléchissement ou tout au moins une stagnation) : l'affouagement de 1728 porte bien 61 maisons habitées, mais seulement 65 chefs de famille 15, tandis que l'Etat des paroisses du diocèse d'Aix rédigé vers 1730 estime la population à environ 130 personnes (100 nouveaux convertis et 30 catholiques) 16.
Cette baisse démographique est suivie d'une forte hausse, qui porte en 1765 l'effectif des habitants à 321 personnes et celui des maisons habitées à 81 17. L'accroissement se poursuit ensuite régulièrement, quoique plus lentement : 393 habitants en 1836 18, 407 en 1842 (avec 113 maisons) 19, 411 en 1857 20.
Une nouvelle baisse, amorcée dans le dernier quart du XIXe siècle - 330 habitants en 1896 21 - et continue jusqu'à une date assez récente - 266 habitants en 1960 22 paraît aujourd'hui en voie de stabilisation.
Cette population a été dès le départ et est restée jusqu'à nos jours essentiellement et exclusivement agricole .
URBANISME
A. Limites.
Le village de Saint- Martin-de-la-Brasque n'a jamais eu d'enceinte.
Ses accroissements successifs restent mal connus, faute de documents. Les derniers en date se situent du côté ouest, en bordure du C.D. 91.
B. Circulations.
Le quadrilatère que forme l'agglomération est limité, à l'ouest, par le C.D. 91, seule véritable voie de circulation du village. Les autres rues, très étroites, sont secondaires et ne servent qu'à la desserte des habitations. La rue principale, au centre, qui vraisemblablement constituait à l'origine l'axe unique de circulation, se trouve aujourd'hui à l'écart.
C. Répartition des fonctions.
Le déplacement de l'axe de circulation a entraîné celui du centre vital du village : la mairie et l'école se trouvent construites en bordure du C.D. 91, ainsi que l'emplacement du petit Marché d'Intérêt National qui fonctionne chaque année à la saison des vendanges (il intéresse uniquement le commerce des raisins de table) ; en outre, une petite place, ornée d'une fontaine, a été aménagée sur son parcours, à l'entrée de l'agglomération.
Les commerces, très peu nombreux, sont restés dans la rue centrale.
ANALYSE ARCHITECTURALE
La partie centrale du village, la plus ancienne, ne conserve pas de maison véritablement ancienne. La plupart des constructions sont assez tardives (XIXe siècle) ou complètement remaniées. Seule a été étudiée une maison curieuse, dont la façade a été ornée d'éléments de pierre sculptée provenant d'un édifice disparu du XVIe siècle.
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.