HISTORIQUE
Les mentions de l'église Notre-Dame de Limaye sont, comme celles du village lui-même, rares. On ne trouve guère, dans le cas présent, que la donation qui fut faite de cette église par Hugues, archevêque d'Aix, à l'abbaye de Psalmody en 1170 1 et son inscription sur les tables synodales du diocèse d'Aix à trois reprises, vers 1300 et vers 1350 2. En revanche, cette église ne figure pas sur les comptes des décimes de 1274 et 1351. Après la disparition du village et la ruine de l'édifice, la dîme de la paroisse de Limaye fut réunie à celle du prieuré Saint-Marcel, autre possession de Psalmody.
DESCRIPTION
Situation
Édifice assis sur le versant nord de la colline en pente accentuée : on peut estimer la dénivelée à 3 mètres environ du sud au nord et de l'ouest à l'est.
Le rocher affleure aux angles sud-ouest et sud-est.
Matériaux et leur mise en œuvre
Les matériaux pierreux des parties dégagées appartiennent à trois types :
Nature | Mise en oeuvre | Localisation dans l'édifice |
Type A Calcaire gris compact | Petit appareil réglé de moellons grossièrement équarris. Dimensions moyennes : H : 12 à 18 cm L : variable | Le gros-oeuvre des murs conservés. A noter la présence, dans le mur sud de la nef, de pierres de taille mêlées aux moellons. |
Type B Molasse coquillière jaune | Moyen appareil de pierres de taille aux parements très plans. Fines traces d'outils parallèles sur les parements. Dimensions moyennes : H : 20 à 25 cm L : variable. | -Angle intérieur sud de l'abside (appareillé en besace) -Pile collée dans l'angle sud-est de la nef, contre l'angle sud de l'abside. -Pile sur le mur sud : chaînes d'angle et partie gauche de la base de cette pile. -Chaîne de l'angle sud-ouest de la nef. -Angle extérieur sud-est de la nef : chaîne et son ancrage sur le mur de l'abside. -Mur sud de l'abside : base du piédroit gauche d'une fenêtre. |
Type C Calcaire jaune englobant de gros morceaux de coquillage | Moyen appareil de pierres de taille. Dimensions moyennes : H : 30 cm L : 25 à 45 cm | -Mur de soutènement occidental -Angle nord-est du mur de soutènement nord. |
Analyse des vestiges
Les pans de murs dégagés permettent d'en percevoir le parti général : une nef unique et une abside semi-circulaire ; le plan est normalement orienté. Les murs ont une épaisseur variant de 1 m (abside) à 0, 80 m (mur sud).
A. La nef
-mur Ouest : il n'en reste que la base qui ne dépasse pas 1 m de hauteur ; seul son contour extérieur a été dégagé. L'angle sud est assis sur le rocher ; l'angle nord n'est pas visible.
Une porte est visible dans la partie médiane, mais l'appareil des piédroits n'est pas net, si bien qu'il est difficile d'en apprécier la largeur exacte ; l'appareil du seuil a disparu.
- mur sud : c'est le mieux conservé puisque son parement intérieur est visible sur une hauteur moyenne de 2 m. Extérieurement, il est encore en grande partie recouvert par le remblai, sauf les angles sud-ouest et sud-est ; ce dernier est soigneusement appareillé (type B).
L'appareil du parement intérieur, surtout dans la partie supérieure, contient des pierres de taille mêlées aux moellons grossièrement équarris qui forment le gros- œuvre ; ce détail suggère une reconstruction partielle de ce mur.
Forment relief sur le nu du mur, de gauche à droite :
(b) pile appareillée collée dans l'angle sud-est, sur l'angle de l'abside (a) ;
(c) massif d'escalier collé contre le mur ; il était porté à l'ouest par un arc appareillé dont on voit la naissance ;
(d) base d'une pile dont la partie gauche est bien appareillée et présente un ressaut qui n'a pas son symétrique à droite ; la pile est munie d'une base
- profilée en biseau à gauche
- rectangulaire à droite.
Tous ces détails indiquent que cette pile a été élargie elle paraît collée contre le mur sur toute sa largeur.
- mur nord : il est encore en majeure partie sous le remblai. Seul a été dégagé l'angle nord-est, mais à un niveau nettement inférieur à celui du sol intérieur : il s'agit donc d'un mur de soutènement destiné à contenir la terrasse aménagée pour asseoir l'édifice.
- abside : plan semi-circulaire prolongé par une courte section droite. Seule la section sud est visible sur une hauteur d'environ 1 m. Son angle intérieur (a) est appareillé en besace (type B). Son ancrage extérieur sur l'angle de la nef est harpé dans le même appareil. A 1, 68 m de cet angle, grosse pierre de taille (appareil type B) dont le parement est forme un angle aigu avec le parement extérieur ; il est placé sur une autre pierre de même appareil, qui se prolonge à l'est. Il semble qu'il s'agisse de la base du piédroit d'une fenêtre à ébrasement intérieur. On retrouve deux pans du parement extérieur de l'abside :
-à l'est, au sommet du mur de soutènement ;
- au nord-est, derrière ce mur et en partie recouvert par le remblai.
Le mur de l'abside est construit sur un replat artificiel que maintient un mur de gros moellons (type C) taluté prenant appui au sud sur le rocher : chaque lit est assis en retrait (5 à 10 cm) sur le lit inférieur, ce qui confère à ce mur un profil en escalier. Les assises supérieures de ce mur devaient englober la base du mur de l'abside et l'épauler, jouant ainsi le rôle de contrefort.
L'appareil de ce mur de soutènement diffère nettement de celui de l'abside ; faut-il y voir la preuve d'une adjonction postérieure, ou bien une particularité de construction ? Contre le mur sud, entre le massif de l'escalier et la pile, une cuve monolithe est conservée. Elle est taillée dans un bloc de calcaire où sont englobés de gros morceaux de coquillage (matériau apparenté au type C) ; elle a la forme d'un gros mortier.
On ignore l'emplacement exact où elle a été trouvée ainsi que sa fonction d'origine ; notons seulement qu'une cuve tout à fait comparable par sa forme et son matériau, mais de dimensions plus réduites sert de fonts baptismaux dans l'église de Mirabeau.
NOTE DE SYNTHESE
A partir des éléments mis au jour, et dans l'attente de fouilles qui permettraient de compléter ces informations, on peut tenter une reconstitution du plan primitif en supposant au nord une disposition symétrique à celle qui est visible au sud.
La pile médiane (d) paraît en place, du moins pour ce qui concerne sa partie gauche (on peut toutefois s'étonner que cet élément porteur ne soit pas ancré dans le mur auquel il est adossé). Si on la suppose centrée sur le mur et si l'on reproduit à droite le symétrjque de la partie conservée, on obtient un pilastre et son dosseret la base profilée en biseau du pilastre fait ressaut sur le dosseret. Une telle pile porte généralement - dans les édifices romans de la région - un arc doubleau à un seul rouleau et deux grandes arcades ; l'existence de ces dernières, qui supposerait la présence d'une petite pile engagée dans les angles de la nef, n'a pu être prouvée ; l'angle sud-ouest n'est pas visible et l'angle sud-est est rhabillé par la pile (b) qui y a été collée. L'hypothèse d'un doubleau à double rouleau parait improbable : on ne rencontre généralement une telle disposition que concurremment avec de grandes arcades elles-mêmes à double rouleau.
On ne possède aucune information sur le voûtement : la nef était vraisemblablement couverte par un berceau longitudinal et l'abside voûtée en cul-de-four.
La construction d'un tel édifice est difficile à dater, compte-tenu de l'état des vestiges. Il semble en tout cas s'inscrire dans la tradition des petites églises romanes provençales du XIIe siècle dont il présente les caractéristiques : nef à deux travées et abside de plan semi-circulaire.
Il apparaît évident qu'il a été en partie reconstruit à une époque qu'il est impossible de préciser : le mur sud a été en partie relevé, le voûtement probablement modifié comme l'indique le remaniement de la pile adossée centrale (d) et le collage d'une autre pile dans l'angle sud-est (b). L'escalier édifié à l'intérieur contre le mur sud est difficile à expliquer : on peut y voir l'accès principal à une époque où l'édifice aurait déjà été en partie enterré et où une porte aurait été percée dans le mur sud ; ou bien la trace d'un aménagement intérieur qui aurait recoupé le volume par établissement d'un étage desservi par l'escalier.
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.