Le hameau du 18e siècle
La carte des frontières de l’est de la France, dressée entre 1764 et 1778, montre que le hameau du Collet était bordé par une route menant au moulin de Bargème. Trois ilots de bâtiments y sont représentés : un situé au nord du chemin traversant le hameau, un de plan-masse carré implanté au sud du hameau et l’ilot central. Le plan-masse de ce dernier est plus allongé que celui des deux autres ilots et sa forme irrégulière suggère que des bâtiments sont accolés au nord du corps de bâtiment principal.
Le cadastre de Bargème, dressé entre 1700 et 1730, permet de connaître avec précision la nature des édifices composant le hameau, ainsi que leurs propriétaires. Le Collet accueillait à cette époque 4 « maisons », 7 « bastiments », 3 « estables fenières », 1 « fenière » seule. Le nombre de maisons fait du Collet le plus important hameau d’habitations à cette époque, les autres lieux-dits de la paroisse ne possédant jamais plus d’une maison. Cette fonction est confirmée par la présence d’un four jouxtant une habitation. Parmi les maisons, deux sont désignées seulement comme maison, une comme « maison estable fenière » et la dernière comme « maison-estable ». Un « bastiment » est décrit comme « ayant entrée au midi et au septentrion ». La rareté des mentions de cet ordre laisse penser que ce type de distribution était à cette date exceptionnel. La description des édifices par confronts montre la densité et l’enchevêtrement des propriétés. De ce fait, il apparaît impossible de proposer une restitution planimétrique du hameau, même schématique, ou de faire correspondre les édifices mentionnés avec les plans-masses des ilots de la carte des frontières de l’est. Les familles propriétaires étaient les Lions (Joseph, Jacques, Antoine, Laugier, Jean), les Pélissier (Antoine, Joseph), les Cola (Pierre) et les Lambert (Antoine).
Le hameau en 1842
Le plan cadastral dressé en 1842 montre un hameau dont les dispositions sont proches de celles visibles sur la carte des frontières de l’est dessinée un siècle plus tôt et quasiment identiques à l’organisation actuelle. Le hameau se compose alors de 18 parcelles bâties – 13 maisons, 2 étables, une étable-grange, un four et une bastide. Si ce nombre est proche de celui que l’on déduit du cadastre du 18e siècle, qui décrit 15 parcelles bâties sans le four, la proportion de maisons par rapport à celle des bâtiments agricoles a nettement augmenté.
Le changement le plus notable entre le plan-masse de la carte des frontières de l’est (1764-1778) et le plan cadastral de 1842 est l’apparition sur ce dernier d’un corps de bâtiment à l’est du hameau qui est qualifié de « bastide » et appartient à Honoré Lions. Il semblerait donc qu’il s’agisse d’une ferme implantée postérieurement aux autres édifices du hameau, ce qui explique à la fois sa position excentrée et sa possession par un propriétaire unique. Celle-ci a été largement agrandie entre 1842 et aujourd'hui.
Plan-masse du hameau du Collet en 1842, d'après le plan du cadastre ancien, section D, feuille 4.
Ferme orientale, vue depuis le sud.
Analyse architecturale
Le manque de datations absolues claires ne facilite pas l’établissement du phasage du hameau. Quelques remarques peuvent néanmoins être faites.
Phasage schématique des bâtiments du hameau du Collet.
Le vestige le plus ancien se trouve sur la façade sud de la maison occupant les parcelles 1018 et 1019 du cadastre napoléonien. Il s’agit d’un encadrement de porte en calcaire blanc en plein-cintre qui ouvrait sur la pièce du rez-de-chaussée surélevé. La baie est aujourd’hui murée et l’escalier qui y menait a disparu – l’accès à la maison s’effectue désormais de plain-pied, par des bâtiments accolés du côté nord. Cet encadrement date vraisemblablement du 17e siècle, comme le suggère la comparaison avec d’autres encadrements de ce type datés dans la commune. Les limites de ce premier édifice sont marquées par les chaînes d’angle, nettement visibles. Le sens de ces dernières indique que les bâtiments est et ouest sont postérieurs. Cet édifice, large de 7 m, était composé d’un étage de soubassement (accueillant une étable ?), d’un rez-de-chaussée surélevé (logis ou fenière ?) et d’un étage de comble aéré d’une petite fenêtre dont les jambages et l’appui de calcaire blancs sont conservés. Il a été divisé en deux parcelles avant 1842. Le bâtiment occupant la parcelle 1020 et doublant en profondeur cet édifice est qualifié de maison en 1842. Une crèche et un jour d'aération trahissent toutefois la fonction d’étable que son rez-de-chaussée a occupé.
Ilot central, partie ouest vue depuis le sud ; au centre, les chaînes d'angle délimitent un bâtiment antérieur aux autres.
Porte haute en plein-cintre (17e siècle ?), parcelle 1018 du cadastre de 1842.
Les façades sud des bâtiments situés sur les parcelles 1004 et 1002 conservent partiellement ou totalement des encadrements de portes en calcaire blanc. La position de ces derniers à hauteur du rez-de-chaussée surélevé révèle un accès à la pièce de vie ou de stockage par un escalier extérieur, qui a disparu. L’entrée dans la maison de la parcelle 1002 s’effectue désormais de plain-pied par le nord, via une baie d’aspect plus récent. L’encadrement de porte de la parcelle 1002 date vraisemblablement du 18e siècle comme en témoigne le linteau à arc segmentaire. Les chaînes d’angle laissent penser que les parcelles 1001 et 1002 ne formaient qu’un seul édifice, postérieur à celui occupant les parcelles 999 et 1000. L’étage de comble de la parcelle 1002 était aéré du côté nord par une petite fenêtre à encadrement en calcaire blanc, aujourd’hui murée mais qui laisse supposer la présence d’un fenil.
Ilot central, maison-étable orientale, porte haute à arc segmentaire du 18e siècle (parcelles 1001 et 1002 du cadastre de 1842).
Partie ouest de la ferme située au nord du hameau, détail des jambages de l'ancienne porte haute (18e siècle ?) sous la fenêtre.
En 1873, les bâtiments occupant les parcelles 1007, 1008 et l’arrière de la parcelle 1009 ont été reconstruits pour former une maison plus étendue avec remise en rez-de-chaussée.
Les importants remaniements des autres corps de bâtiments, concernant notamment les baies, empêchent une lecture plus précise. De manière globale, il peut toutefois être relevé que l’ilot central est implanté perpendiculairement à la pente, ce qui permet un accès de plain-pied aux niveaux de soubassement du côté sud, dont on devine qu’ils ont pu servir d’étable. Les vestiges de portes hautes laissent penser qu’à la période moderne l’accès aux rez-de-chaussée surélevés, dont les fonctions originelles n’ont pu être déterminées, se faisait par un escalier extérieur situé contre les façades sud. Au 19e siècle, on a préféré à celui-ci un accès de plain-pied du côté nord. L’accès aux fenils situés aux troisièmes niveaux s’effectue systématiquement du côté nord.
Photographe Inventaire général.