Saint-Estève : église et habitat
La chapelle est mentionnée sous le vocable de "sancti stephani de rianz" dès 1092, parmi une liste de biens dont l'appartenance au chapitre de Saint-Sauveur fut confirmée par l'archevêque d'Aix. En 1165, le cartulaire de Saint-Victor conserve la trace d'une transaction, suite à un litige, entre le monastère de Saint-Victor de Marseille et le chapitre de Saint-Sauveur d'Aix. Les moines sont contraints, sur décision de l'archevêque, d'abandonner aux chanoines tous leurs biens situés dans le castrum de Rians et "in burgo sancti-Stephani", en échange de quoi les chanoines leur donnent les biens qu'il possèdent dans la vallée de Brue. Un bourg, formé autour de l'église, est donc attesté dès le 12e siècle. En outre, en 1186, l'appartenance de l'église Saint-Estève "cum villa" à l'évêché d'Aix est confirmée par le pape Urbain III. Dans cette continuité, une "villa sancti stephani" est mentionnée en 1204, puis en 1232 - 1244. L'église Saint-Estève continue d'apparaître sous ce vocable dans les comptes du diocèse métropolitain d'Aix durant la seconde moitié du 13e siècle, en 1251 (compte de l'archiprêtre d'Aix, redevance payée pour la sainte Luce), 1264 (prébende du chapitre d'Aix), 1274 (compte de la vicairie, chapitre d'Aix). Vers 1300, le compte de la taxe synodale mentionne à nouveau l'église Saint-Estève (redevance payée pour la sainte Luce). En 1256, le seigneur de Rians vend un tiers de Saint-Estève à la cour comtale (la nature des biens n'est pas précisée). La chapelle Saint-Estève, mentionnée dès le 11e siècle, est donc associée à un habitat au cours des 12e et 13e siècles. Codou situe au 13e siècle la construction de l'édifice actuel, sur la foi d'une analyse architecturale (facture de la porte, retombées des doubleaux, arcatures latérales reposant sur des bases chanfreinées).
Un prieuré rural : Saint-Etienne
À la fin du Moyen Âge (1439), l'édifice est désigné comme prieuré. Ce prieuré est arrenté par le prévôt du chapitre d'Aix en 1556. À l'époque moderne, les visites pastorales mentionnent l'édifice comme prieuré de saint Etienne, dépendant du chapitre de saint Sauveur d'Aix (mais les archives communales restent muettes à son sujet). La visite de 1582 indique que son toit et sa porte ont besoin d'être réparés. L'édifice semble négligé, puisque les consuls demandent qu'une messe y soit dite lors des dimanches et des fêtes, soulignant la distance du lieu vis-à-vis du bourg de Rians et le nombre important des métairies exploitées : "sur tout le long de l'année y fond résidence grand nombre de peuple." La sentence ordonne en conséquence de faire réparer le toit et les murailles, de doter la porte d'une serrure, et de faire dire annuellement dans l'église une messe tous les dimanches et les fêtes durant une période comprise entre la croix de mai et la croix de septembre.
En 1620, l'évêque arrente le prieuré et le baille à ferme pour 550 livres annuels, durant trois années, à un fermier chargé d'en payer le service religieux. Toujours arrentée par le prévôt de Saint-Sauveur, le toit et les murs de la chapelle doivent être à nouveau réparés en 1633 et 1638, et les consuls demandent l'augmentation du service religieux (1633). Ces injonctions sont renouvelées en 1651 (mur et toit à entretenir et service à faire par le prieur). En 1662 ce sont non plus les consuls, mais les propriétaires des bastides du quartier Saint-Etienne qui demandent que la cloche soit sonnée tous les dimanches. Le toit, les murs, la porte, les fenêtres doivent être réparés, et le sol pavé. C'est aussi à cette date que l'on trouve la dernière mention de la chapelle comme prieuré. En 1676, le pavement est endommagé en plusieurs endroits, les fenêtres sont sans vitres, la serrure est défaillante, mais l'ensemble est en bon état. Les habitants des bastides, soulignant leur éloignement du bourg de Rians, demandent toujours que le service religieux soit effectué tous les dimanches et fêtes de l'année, ou du moins "depuis l'invention de Sainte-Croix jusqu'à l'Exaltation". Ils réclament qu'une cloche soit installée au clocher "pour appeler le peuple desdites bastides voisines à l'assistance de la messe", conformément à une précédente sentence (1671). En 1682, l'édifice doit toujours être réparé (pavé, vitres à mettre aux fenêtres) et le clocher pourvu d'une cloche, une "coquille de mer" étant utilisée pour avertir les fidèles de la messe. La terre s'est accumulée devant la porte, causant des inondations en cas de pluie. Il est toujours dit que la chapelle est très fréquentée par les habitants environnants, la paroisse en étant très distante. En 1698, il est dit que la messe y est célébrée durant cinq mois de l'année, depuis la Croix de mai jusqu'à la Croix de septembre. La clé de la porte doit être gardée par le prêtre en charge du service, en dehors de cette période elle sera remise au rentier de la bastide la plus proche où est conservée "la caisse des ornements et vases sacrés". En 1711, le service religieux n'est plus assuré à la chapelle, alors que les habitants des bastides proches réclament à l'archevêque d'Aix la remise en état de l'édifice et la célébration des offices. Cependant, au moment où Achard (1787-1788) écrit, le service est assuré durant six mois de l'année et la chapelle conserve ses fonts baptismaux.
Ainsi, la chapelle est associée à un habitat et constitue un lieu d'occupation humaine dès l'époque médiévale ("burgo", "villa"). Son vocable désigne un habitat d'écart : à proximité, l'actuel "château Vignelaure" portait le nom de Saint-Estève. À l'époque moderne, l'édifice dessert les bastides environnantes d'un quartier agricole, éloigné de la paroisse. On peut lire dans les visites pastorales son mauvais état récurrent, traduisant la négligence du prieur prébendé du chapitre, négligence contrebalancée par la forte volonté des fidèles, demandant presque systématiquement à l'évêque une célébration des offices durant toute l'année. En effet, à partir de 1582 et durant toute l'époque moderne, le service y était assuré tous les dimanches et fêtes de la croix de mai à la croix de septembre, soit du 3 ou 7 mai au 14 septembre1. Il semblerait que la chapelle ait été délaissée après la Révolution. Elle n'est rendue au culte qu'en 1860 (bénédiction le 5 juillet), après que le curé Amédée Jaubert y ait fait faire des réparations. Une cloche offerte par M. Brunier, propriétaire de la ferme voisine de Saint-Estève, est bénie à cette occasion le 2 août 1860. Les offices sont à nouveau interrompus en 1871 suite au décès du curé officiant. Les réparations cessent dès 1886. En 1912, le propriétaire d'une bastide voisine demande l'acquisition de la chapelle (appartenant à la commune) et de sa parcelle. La vente est autorisée par le conseil, qui demande également la désaffectation de l'édifice. La parcelle sur laquelle se trouve la chapelle appartient aujourd'hui à un particulier, tandis que l'édifice demeure propriété de la commune. En mauvais état, il subit une restauration en 1995, alors que les tuiles de sa couverture sont remplacées par des lauzes, et ses parements repris. En 2000 survient la restauration de son intérieur : on installe des dalles de terre cuite, la porte d'entrée, les vitraux (disparus). En 2001, la chapelle est rendue au culte. Le peu de mobilier qu'elle conserve est récent.
Curé-doyen de Rians de 1850 à 1862. Promut chanoine honoraire en 1856, puis archiprêtre à Fréjus en 1862.