• enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
édifice logistique dit Magasin général
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Toulon
  • Dénominations
    édifice logistique
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Historique, topographie et typologie générale

La conception des arsenaux promue par Colbert, qui influencera durablement l’organisation de la marine, faisait du magasin général le siège administratif de la gestion de tous les approvisionnements de l’arsenal. C’était également un lieu dans lequel étaient conservées les matières les plus précieuses 1. L’encyclopédie méthodique marine de Panckoucke (éd. 1786) donne du magasin général la définition suivante : « se dit, dans les arsenaux de marine, collectivement de tous les lieux dans lesquels on renferme, ou conserve toutes les marchandises, munitions, ustensiles, &c. dont on fait provision pour le service. Ce terme s’entend, dans une acception plus resserrée, d’un grand bâtiment où l’on tient les objets peu volumineux … C’est dans le magasin général et ses dépendances que sont déposés tous les objets que l’on reçoit pour le compte du roi ; c’est là où on les prend pour les délivrer ».

Dans le projet d’arsenal élaboré par Vauban en 1682, le bâtiment du magasin général, à deux niveaux, formé d’un corps central rectangulaire assez étroit de sept travées de fenêtres, encadré de deux gros pavillons de quatre travées de fenêtres, saillants (fortement) seulement sur la façade nord, était jumelé à un autre bâtiment parallèle, au nord, identique en symétrie inversée. Ces bâtiments jumeaux, à l’ouest du chantier de construction navale, devaient avoir leur pendant symétrique du côté oriental de ce chantier, ce que l’inaboutissement du projet de Vauban de ce côté ne permit pas de réaliser, l’emplacement restant occupé par le pavillon de l’horloge et les anciens magasins de désarmement utilisés comme ateliers. Seul sur les quatre, le bâtiment bientôt affecté au magasin général est construit en 1686 par l’entrepreneur Boyer. Il est qualifié alors sur les plans, à l’instar de celui qui devait lui être jumelé, de « plusieurs boutiques et atelier », mais aussi, en partie d’ « estuve ». Il voisine, au sud, avec la halle aux futailles et le magasin aux cordages, répartis sur deux côtés du chantier des futailles. En 1699, le plan d’état des lieux dressé par Antoine Niquet, alors qu’il n’est plus question de construire les trois autres bâtiments semblables du projet Vauban, ni même celui directement jumeau au nord, porte pour le bâtiment réalisé, la mention : « magasin général ». Dans le pavillon oriental, toujours indiquée : « estuve » 2.

L’ordonnance architecturale des façades de cet édifice, adoptant l’ordre colossal et des fenêtres à doubles croisées de pierre, était d’un style baroque quelque peu démodé pour l’époque.

Le 17 décembre 1793, avant d’évacuer Toulon, les Anglais tentent d’incendier l’arsenal et les vaisseaux présents dans le port. Les toits et les planchers du magasin général sont détruits par le feu, réduisant à des pans de murs en ruines, état documenté par plan-relief de Toulon ; le pavillon oriental, seul voûté en maçonnerie, est seul jugé récupérable.

Au début de 1796 (pluviôse An IV) un marché est adjugé pour la main-d’œuvre relative à la couverture de « l’aile droite » (pavillon est) du magasin général incendié 3. Trois ans plus tard, la remise en état des planchers et charpente de l’édifice sont évalués à plus de 100 000 francs. Le port propose au ministre de la marine de financer la main-d’œuvre correspondante sur les fonds des soldes de la marine. Le premier projet graphique connu pour la restauration du bâtiment est établi le 26 germinal An XI (16 avril 1803) par l’ingénieur Carron, chef des travaux maritimes de Toulon 4. Il sera suivi d’une série d’autres projets concurrents.

Projet de reconstruction d'un magasin général dans l'arsenal de Toulon. Façade au midi [...]. Façade au nord en regard de la corderie. 1803.Projet de reconstruction d'un magasin général dans l'arsenal de Toulon. Façade au midi [...]. Façade au nord en regard de la corderie. 1803.

Le pavillon oriental est conservé dans ce projet, le reste de l’édifice dont les « pierres éclatées et calcinées exigent que la démolition soit faite de fond en comble» étant à reconstruire sur son plan primitif, mais selon une élévation à la fois plus sobre et plus moderne, avec fronton sur le pavillon refait à neuf, et en alignant la façade nord du corps central à celle des pavillons, dont la saillie est par-là supprimée. Cet alignement des façades permet de donner à tout le bâtiment la même largeur, subdivisée en trois nefs voûtées d’arêtes au rez-de-chaussée.

L’approbation du ministre au projet précise : « on ne touchera rien à ce qui existe et le corps de bâtiment sera continué sur la ligne et largeur du pavillon conservé 5 ». Toutefois, un dessin de projet non signé portant la mention approuvé, très différent de celui de Carron, figure un bâtiment entièrement neuf et régulier avec façade très sobre et uniforme centrée sur un portail en simple arcade plein cintre, dans laquelle ne se distinguent plus de pavillons 6, et dont les pignons son traités en frontons néoclassiques. Un autre dessin d’élévation donne une alternative à ce projet, plus conforme aux consignes du ministre, dans lequel l’édifice doté de cette même façade neuve ne remplace que les parties détruites et se greffe au pavillon du XVIIe siècle, avec lequel il fait fortement contraste 7.

Elévation de la partie actuelle du Magasin général [...] et Nouvelle élévation à construire en remplacement de la partie incendiée. 1803.Elévation de la partie actuelle du Magasin général [...] et Nouvelle élévation à construire en remplacement de la partie incendiée. 1803.

Un an plus tard, l’ingénieur Carron soumet à l’amiral Ganteaume, préfet maritime, sans demande d’approbation ministérielle, le principe d’une d’augmentation de la capacité du magasin, imposant au bâtiment neuf une plus grande longueur et un étage supplémentaire, ce qui crée une rupture d’échelle de proportions avec le pavillon ancien à conserver, comme on le voit sur le dessin en élévation datée de l’an XII (1804) 8.

[Magasin général. Elévations] An XII. 1804.[Magasin général. Elévations] An XII. 1804.Ce contraste est aussi stylistique, car le nouveau bâtiment dessiné est encore plus dépouillé que celui du projet précédent, avec fenêtres plus petites, haut soubassement en pierre de taille, voûtes plus robustes, et trois grandes arcades d’entrée au centre de la façade (pavillon ancien compris) au lieu d’une seule. Carron propose aussi une variante –non approuvée- de ce dessin comportant la suppression du pavillon ancien, une longueur de 17 travées, un rez-de-chaussée voûté à trois nefs, dans laquelle il ne reste plus rien, en plan, de la tripartition corps central et pavillons dont les premiers projets avaient hérité de l’édifice antérieur. Cette variante 2 du projet était sans doute fortement souhaitée par l’ingénieur architecte, qui, en concevant la nouvelle élévation, cherchait manifestement à démontrer par l’effet de contraste inesthétique manifeste sur la variante 1, l’inadéquation de la conservation du pavillon relique du bâtiment de 1686.

Parallèlement à ce projet, le chantier s’amorce sur la base de celui de l’an XI, et pour la seule phase préliminaire (démolition de la partie ruinée de l’ancien magasin), entraîne une dépense de 118 971 francs 9 arrêtée en février 1805, date à laquelle il s’interrompt du fait de l’épuisement des crédits, affectés à d’autres réalisations jugées prioritaires.

En janvier 1806 l’amiral Emeriau, nouveau préfet maritime, défend le projet alternatif de Carron auprès du ministre : « Il serait de cette manière infiniment plus commode et il offrirait beaucoup moins de danger en cas d’événement 10 ». Le 14 mars, les vues de l’architecte ont triomphé, mais c’est une nouvelle version du dessin de l’an XII, dans sa variante 2 sacrifiant le pavillon de 1686, qui recueille l’approbation ministérielle. Le plan et les façades figurés sur le dessin de 1806, ne se différencient guère de ceux de l’an XII que par la forme des fenêtres, l’appareil à bossages du soubassement, et par le traitement en halle des baies du rez-de-chaussée de la façade sur cour. De plus, le principe du voûtement n’est plus réservé au rez-de-chaussée, mais aussi appliqué aux étages. Ce dessin définitif ne serait pourtant plus l’œuvre de Carron, mais de l’ingénieur en chef Charles-François Mandar, ancien professeur de fortifications à l’école militaire de Pont-le-Voy et ingénieur des ponts et chaussées, affecté depuis 1800 à l’inspection générale des Travaux maritimes. C’est au moins ce que l’on peut inférer rétrospectivement de considérations incluses dans un rapport de 1821 signé de l’ancien chef de service à Toulon de cet ingénieur, l’inspecteur général Sganzin 11.

Plan et élévation du magasin général à construire au Port de Toulon. 1806.Plan et élévation du magasin général à construire au Port de Toulon. 1806.

Les travaux de construction ne reprennent qu’en 1809, mais avec un budget toujours non prioritaire et par conséquent amoindri par rapport aux besoins. Une somme de 68 589,25 francs est dépensée jusqu’à la chute du premier empire, sans que cela se traduise par un avancement très significatif du chantier. En 1813, treize des dix-sept travées des murs d’enveloppe sont construites sur la hauteur du rez-de-chaussée, à partir du mur pignon est/sud-est, mais l’exécution du voûtement n’est pas commencée. Faute de moyens, cet état stagne jusqu’en 1816, la reprise des travaux ne faisant qu’achever cette enveloppe du rez-de-chaussée.

L’intendant de Lareinty prend alors des mesures énergiques pour approvisionner correctement le chantier en pierres de taille. Les piliers, impostes, arceaux extérieurs et la cage d’escalier sont construits en 1819. A la même époque, sous la direction de l’ingénieur Raucourt, successeur de Mandar et issu comme lui du corps des ponts et chaussées, 47 voûtes du plancher du premier étage sont presque achevées. Au début de 1820, la dépense totale depuis 1803 s’élève à 377 018,37 francs.

Lareinty prend la décision d’affecter les forçats aux travaux de construction immobilière dans les arsenaux ; auparavant, ils contribuaient essentiellement aux travaux de manutention en relation avec la construction navale et les mouvements portuaires. Désormais, de nombreux condamnés sont affectés aux constructions que le budget de la marine ne permet pas de réaliser classiquement à l’entreprise, à une époque où les évolutions de la marine accroissent les besoins en infrastructure. Pour le magasin général, les forçats exécutent essentiellement les masses de maçonnerie 12, mais les voûtes sont confiées à un entrepreneur de maçonnerie, le sieur Biguet. Des problèmes d’approvisionnement de pierre de taille affectent la bonne marche du chantier : les carrières de Cassis, alors généralement mises à contribution, sont dans l’incapacité de fournir des pierres d’un échantillon suffisant pour l’appareillage des voûtes. L’ingénieur Bernard, qui a pris la suite de Raucourt, explore la région de Saint-Chamas et y trouve une carrière convenant aux travaux et moins onéreuse que celles, voisines, de Calissane. Sous l’impulsion de Lareinty, les travaux conservent un rythme régulier et continu.

La poursuite de la construction est marquée par des péripéties au sujet de la conception des grands escaliers. En septembre 1826, l’avancement est suffisant pour permettre l’occupation du magasin. Le 3è étage est complètement occupé, les emménagements (cloisons, grilles, caissons de stockage) du 2è sont sur le point de se terminer, le 1er étage n’est pas encore disponible et le rez-de-chaussée est presque totalement occupé 13.

Dernier en date des bâtiments monumentaux édifiés dans l’arsenal dans la continuité d’esprit des réalisations de l’âge classique, le magasin général reste à peu près inchangé jusque la seconde guerre mondiale.

Le premier raid aérien allié contre Toulon a lieu le 24 novembre 1943. A cette occasion l’édifice est touché à son extrémité orientale par une bombe. Les destructions se font en entonnoir vertical, ce qui épargne le pignon du bâtiment.

A la suite du déblaiement sélectif des ruines l’hiver 1945 - 1946, le bâtiment perd cinq travées, sacrifiées. Il est toujours utilisé comme magasin pour les services du Commissariat des armées. Sa vocation la plus connue au sein de la base navale est celle de salon d’habillement des marins. Il est protégé au titre de la ZPPAUP créée en 2007 et transformée, depuis, en AVAP.

Analyse architecturale

Dans son état actuel, le bâtiment du magasin général, parallèle à la corderie, est amputé de son mur pignon est/sud-est 14 et des cinq travées attenantes, ce qui réduit son développement et déséquilibre sa composition, les trois travées centrales étant désormais décentrées. Le mur pignon qui, en 1946, a refermé l’édifice coupé après la douzième travée, ne cherche en rien à imiter l’ordonnance de la construction initiale et laisse apparents et saillants, au rez-de-chaussée, les départs de la treizième travée, en sorte que la mutilation n’a pas été aggravée par une volonté de la nier ou d’en édulcorer les effets par un pastiche. Par ailleurs bien conservé malgré ses recloisonnements internes et l’altération infligée à sa façade sur cour (sud/sud-ouest) par la greffe, en retour d’équerre, d’un bâtiment en ossature béton, l’édifice peut être décrit en tenant compte de son état complet, en comptant les travées à partir du mur pignon d’origine en place ouest/nord-ouest. Mur pignon créé après 1944 en retrait de l'ancien de 5 travées, et façade nord/nord-ouest, sur rue.Mur pignon créé après 1944 en retrait de l'ancien de 5 travées, et façade nord/nord-ouest, sur rue.

Le parti architectural, réalisé principalement entre 1812 et 1826, paraît en tous points conforme au dessin du projet approuvé le 14 mars 1806.

L’élévation intérieure comporte quatre niveaux voûtés. Le dernier, ou troisième étage, est un étage de comble qui, pourtant spacieux, n’est nullement trahi par les volumes extérieurs, les élévations des façades principales superposant trois niveaux de fenêtres, et ne comportant pas de lucarnes dans les versants du toit à faible pente. Revêtus de tuiles canal, ceux-ci sont seulement équipés de discrets châssis tabatières. La hauteur sous voûte est dégressive d’un niveau sur l’autre, jusqu’au second étage, ce qui se répercute dans les façades par une diminution de la taille des fenêtres, réduites à des jours rectangulaires moins hauts que larges au second étage.

Le rez-de-chaussée voûté d’arêtes est divisé en trois nefs par deux rangées de piliers carrés, chaque travée comportant trois voûtes d’arêtes de plan carré, excepté dans les travées 6-7 et 11-12, où la nef latérale nord/nord-est, accueille deux cages d’escalier disposées symétriquement de part et d’autre du portail central à trois arcades par lequel le magasin donne sur la « rue » intérieure de l’arsenal, parallèle à la corderie. Cette disposition existait déjà dans le projet de l’an XII, mais les cages d’escalier n’y occupaient qu’une travée chacune.

Les deux grandes façades sont dissemblables au niveau du rez-de-chaussée : du côté de la rue (nord/nord-ouest), le soubassement, haut de neuf assises réglées de moyen appareil, les trois premières lisses, les cinq suivantes à bossages en table, la dernière formant bandeau ou imposte, est continu, comme sur les murs pignons, et seulement recoupé par les piédroits des trois arcades du portail central, occupant les travées 8-9-10, couvertes au-dessus de l’imposte d’un arc plein-cintre extradossé, également à bossages. Les autres travées ne prennent jour que par des fenêtres hautes en demi-cercle, au-dessus du bandeau du soubassement qui leur sert d’appui, fenêtres identiques à l’arc des trois baies du portail.

Dans la façade sur cour, chaque travée est ouverte d’une arcade identique à celle du portail recoupant le soubassement, qui s’en trouve réduit à des piliers, ce qui donnait au rez-de-chaussée de ce côté le caractère d’une halle. On note cependant la présence d’un mur d’allège maigre en retrait dans ces arcades, empêchant un accès de plain-pied, sauf dans les trois baies centrales (8-9-10), pendant du portail sur rue. A l’origine, ces arcades étaient refermées dans le tympan par une menuiserie dormante vitrée en demi-cercle, à divisions rayonnantes, la partie rectangulaire étant fermée d’une grille à claire-voie, ouvrante dans les trois travées centrales. Aujourd’hui, la plupart de ces arcades sont refermées par un remplage de maçonnerie maigre percé de deux niveaux de petites fenêtres, car le rez-de-chaussée est entièrement entresolé (l’entresol est occupé par les magasins et atelier d’habillement de la marine). Le plancher intermédiaire règne à peu près au niveau du bandeau ou imposte : soit au-dessus, soit une assise au dessous, le niveau d’entresol n’étant pas constant d’un bout à l’autre), et les voûtes d’arêtes, en bel appareil régulier de pierre blanche, ne sont plus visibles que depuis l’entresol, de même que les fenêtres en demi-cercle de trois des quatre côtés. Ces fenêtres, et les tympans des arcades complètes non remaniées, sont pourvues de menuiseries vitrées et de grilles aux divisions en éventail, qui ne sont peut-être pas celles d’origine mais peuvent remonter au XIXe siècle. Façade sur cour (sud/sud-ouest), arcades du rez-de-chaussée et fenêtres d'étage, vues du sud-est.Façade sur cour (sud/sud-ouest), arcades du rez-de-chaussée et fenêtres d'étage, vues du sud-est.

Le second étage est moins haut sous voûtes que le premier, ce qui, on l’a vu, se traduit par la forme des fenêtres en façades : fenêtres rectangulaire à chambranle un tiers plus haute que large, sommée d’une corniche, au premier -celles de la façade sur cour ont presque toutes été remaniées-, fenêtres à chambranle simple de même largeur mais moitié moins hautes, au second. Les voûtes proprement dites, cependant, sont semblables dans ces deux étages carrés : voûtes d’arêtes plus légères (en brique enduite ?) que celles du rez-de-chaussée, et surtout fortement surbaissées, sur piliers plus grêles.

Les plans du XIXe siècle montrent que dans les trois travées correspondant au porche du rez-de-chaussée (8-9-10), les voûtes de la nef centrale, aux trois niveaux, étaient percées d’une ouverture zénithale circulaire assez large qui servait de monte-charge.

Le troisième étage, sous comble, se distingue par un voûtement original, presque « basilical » sans doute construit en briques plâtrières légères : la nef centrale, la plus haute, car joignant la panne faîtière du toit, est couverte d’un berceau brisé longitudinal retombant sur deux files de piliers semblables à ceux des deux précédents étages, et elle est encadrée de bas-côtés cloisonnées entre eux, et contrebutée par le voûtement de ceux-ci, entre demi-berceau et berceau rampant, portant directement les chevrons du toit. Ce volume original est aujourd’hui en partie masqué par un entresolement. Les bas-côtés ne prennent jour, on l’a vu, que par des châssis tabatières, tandis que la nef centrale était éclairée à ses deux extrémités par une grande fenêtre tripartite de type Serlienne (avec arc central à bossages), aux références palladiennes, qui s’ouvre à l’extérieur au centre du pignon formant fronton. Cette fenêtre n’existe plus aujourd’hui que dans le mur pignon ouest/nord-ouest, l’autre ayant disparu, et elle y a été un peu modifié par l’abaissement de l’appui du jour central, qui recoupe la corniche courante du bâtiment formant base du fronton-pignon.

L’un des deux escaliers d’origine est bien conservé, dans les travées 6-7, formant une cage que des murs maigres séparent des volumes voûtés contigus. Entre le rez-de-chaussée-vestibule à trois portes et le premier étage, il forme deux volées droites en pierre en retour l’une de l’autre, séparées par un mur-noyau épais. La première, longeant le mur sur rue, a un repos intermédiaire, avant le repos entre deux volées, qui dessert au passage l’entresol (y compris par une coursive créée sur l’arase du mur noyau). Au dessus, les volées desservant les étages supérieurs, toujours en marches monolithes auto-portantes, sont un peu plus étroites et dégagent un vide central qui remplace le mur-noyau ; les repos sont portés par une voûte en berceau surbaissé, le dernier sous la voûte en demi berceau rampant du bas-côté de l’étage de comble. Les rampes d’appui, très simples, en fer forgé, remontent à la construction d’origine. Premières volées de l'escalier, sur mur noyau, partant du vestibule centralPremières volées de l'escalier, sur mur noyau, partant du vestibule central

1Aux termes de l’article 3 du Règlement fait par le roi pour la police générale des arsenaux de marine il est dit : « le magasin général sera construit assez grand et assez spacieux pour recevoir et contenir avec facilité toutes les marchandises dont l’arsenal doît être pourvu pour les distribuer ensuite aux magasins particuliers des vaisseaux et autres lieux, où elles auront à être mises en œuvre et consommées ». 2Plans d’état des lieux par Niquet, 1699, Vincennes SHD, 1VH 1831. 3Vincennes SHD Marine DD² 1022 Rapport du 27 ventôse An IV (17 mars 1796). 4Vincennes SHD Marine DD² 1022. 5Vincennes SHD Marine DD² 1022, rapport de l’inspecteur général Sganzin du 10 floréal An 11 (30/4/1803, apostillé par le ministre. 6Toulon SHD 2K² 72 n° 6. 7Toulon SHD 2K² 72 n° 8. 8Toulon SHD 2K² 72 n° 1. 9 Vincennes SHD Marine DD² 1022 Etat des dépenses au 1er ventôse an 13 et Mémoire du 14 avril 1820 sur la reconstruction du magasin général. 10SHD Marine DD² 1022 Lettre du 16 janvier 1806. 11Rapport relatif aux escaliers du magasin général, Sganzin , 11 avril 1821. SHD Marine DD² 1022. 12Ils confectionnent les briques creuses mises en œuvre par l’entreprise pour les rampants de couverture. 13 Lettre du 25 septembre 1826, Vincennes HD Marine DD² 1022. 14 Je donne ici les orientations exactes, et non les orientations simplifiées, à la différence du choix fait pour la description de la corderie.

La conception des arsenaux promue par Colbert faisait du magasin général le siège administratif de la gestion de tous les approvisionnements de l’arsenal, et le lieu dans lequel étaient conservées les matières les plus précieuses. Dans le projet d’arsenal élaboré par Vauban en 1682, le bâtiment du magasin général, composé d'un corps central rectangulaire étroit de sept travées, encadré de deux gros pavillons de quatre travées, en forte saillie sur la façade nord, était jumelé au nord à un autre bâtiment parallèle, identique en symétrie inversée. Le magasin général seul est construit en 1686, par l’entrepreneur Boyer ; son pavillon oriental abrite une étuve. Il voisine, au sud, avec la halle aux futailles et le magasin aux cordages. Il est ruiné par l'incendie allumé par les Anglais dans l'arsenal lors de leur retraite, le 17 décembre 1793. Le pavillon oriental, seul voûté en maçonnerie, est alors jugé récupérable, et réparé en 1796.

En 1803 et 1804, plusieurs projets et contre-projets de rétablissement du magasin général sont proposés, la plupart signés de Carron, ingénieur en chef des travaux maritimes de Toulon. Ces projets déclinent deux variantes, une dans laquelle le pavillon existant est conservé (à la demande du ministre de la Marine) et prolongé par un bâtiment neuf de même largeur que lui, voûté à l'intérieur en trois nefs, mais d'un style néoclassique plus moderne et sobre, et une dans laquelle le pavillon ancien disparait. Les premiers projets conservent l'emprise en longueur du bâtiment ancien, tandis que ceux de 1804 proposent pour la partie reconstruite à neuf un plus grande longueur (17 travées dans la variante sans le pavillon ou 15 en plus du pavillon) et un étage supplémentaire, ce qui crée, sur les dessins, une rupture d’échelle de proportions avec le pavillon ancien à conserver. Ce contraste est aussi stylistique, car le nouveau bâtiment dessiné est plus dépouillé que celui du projet précédent, avec fenêtres plus petites, haut soubassement en pierre de taille, voûtes plus robustes, et trois grandes arcades d’entrée au centre de la façade au lieu d’une seule. La partie ruinée du bâtiment de 1686 est rasée en 1805, et le nouveau préfet maritime, l'amiral Emériau, obtient du ministre l'approbation d'une reconstruction à neuf sacrifiant le pavillon ancien. Le nouveau projet approuvé, variante de celui de 1804 se distinguant par la forme des fenêtres, l’appareil à bossages du soubassement, et par le traitement en halle des baies du rez-de-chaussée de la façade sur cour, serait dû au nouvel ingénieur en chef des travaux maritimes Charles-François Mandar.

Les travaux de construction, lancés en 1809, sont conduits avec lenteur et interruptions de chantier, du fait de restrictions budgétaires, en sorte qu'en 1816, seuls sont réalisés les murs d'enveloppe du rez-de-chaussée. En 1819, sous l'impulsion de l'intendant de la marine Lareinty, et sous la direction de l’ingénieur général Raucourt, puis celle de son successeur Bernard, le chantier reprend plus efficacement : les piliers, les voûtes, les arceaux extérieurs et la cage d’escalier sont construits. Des forçats sont affectés aux constructions que le budget de la marine ne permet pas de réaliser classiquement à l’entreprise. Pour le magasin général, ils exécutent essentiellement les masses de maçonnerie ordinaires, mais les voûtes sont confiées à l'entrepreneur Biguet. Des problèmes d’approvisionnement de pierre de taille et des difficultés techniques pour la conception des escaliers ne permettent d'aboutir à un achèvement quasi complet, et à une occupation du bâtiment, qu'en septembre 1826.

Le premier raid aérien allié contre Toulon, le 24 novembre 1943, ruine l'extrémité orientale du bâtiment, dont les cinq travées sont sacrifiées par la campagne de restauration qui fait suite au déblaiement des ruines de l’hiver 1945 - 1946.

Dans son état actuel, le bâtiment du magasin général, parallèle à la corderie, est amputé de son mur pignon est/sud-est et des cinq travées attenantes, ce qui réduit son développement et déséquilibre sa composition. Le mur pignon qui, en 1946, a refermé l’édifice coupé après la douzième travée, ne cherche en rien à imiter l’ordonnance de la construction initiale et laisse apparents et saillants, au rez-de-chaussée, les départs de la treizième travée.

L’élévation intérieure comporte quatre niveaux voûtés. Le dernier est un étage de comble dont l'ampleur n’est pas perceptible de l'extérieur, les élévations des façades principales superposant trois niveaux de fenêtres, et ne comportant pas de lucarnes dans les versants du toit à faible pente. Revêtus de tuiles canal, ceux-ci sont seulement équipés de discrets châssis tabatières. La hauteur sous voûte est dégressive d’un niveau sur l’autre, jusqu’au second étage, ce qui se répercute dans les façades par une diminution de la taille des fenêtres, réduites à des jours rectangulaires moins hauts que larges au second étage.

Le rez-de-chaussée voûté d’arêtes est divisé en trois nefs par deux rangées de piliers carrés, chaque travée comportant trois voûtes d’arêtes de plan carré, excepté dans les travées 6-7 et 11-12, où la nef latérale nord/nord-est, accueille deux cages d’escalier disposées symétriquement de part et d’autre du portail central à trois arcades par lequel le magasin donne sur la « rue » intérieure de l’arsenal, parallèle à la corderie. Au rez-de-chaussée, les deux grandes façades sont dissemblables : du côté de la rue, le soubassement en assises réglées de moyen appareil, en partie à bossages en table, est continu, seulement recoupé par les piédroits des trois arcades du portail central. Les autres travées ne prennent jour que par des fenêtres hautes en demi-cercle, au-dessus du soubassement. Tous les arcs sont extradossés et à bossages. Dans la façade sur cour, chaque travée est ouverte d’une arcade identique à celles du portail recoupant le soubassement, qui s’en trouve réduit à des piliers, ce qui donnait au rez-de-chaussée de ce côté le caractère d’une halle. Aujourd’hui, la plupart de ces arcades sont refermées par un remplage de maçonnerie maigre percé de deux niveaux de petites fenêtres, le rez-de-chaussée étant entresolé.

Le second étage est moins haut sous voûtes que le premier, ce qui se traduit dans la forme des fenêtres en façades. Les voûtes d’arêtes sont plus légères (brique enduite ?) que celles du rez-de-chaussée, et surtout fortement surbaissées, sur piliers plus grêles.

Le troisième étage, sous comble, se distingue par un voûtement original, presque « basilical » sans doute construit en briques plâtrières légères : la nef centrale, la plus haute, car joignant la panne faîtière du toit, est couverte d’un berceau brisé longitudinal retombant sur deux files de piliers, et encadrée de bas-côtés voûtés en berceau rampant, portant directement les chevrons du toit. La nef centrale était éclairée à ses deux extrémités par une grande fenêtre tripartite de type Serlienne, aux référence palladiennes, qui s’ouvre à l’extérieur au centre du pignon formant fronton.

L’un des deux escaliers d’origine est bien conservé, dans les travées 6-7, il forme deux volées droites en pierre en retour l’une de l’autre, séparées d'abord par un mur-noyau épais, puis, à partir du premier étage, par un vide central ; les repos sont portés par une voûte en berceau surbaissé. Les rampes d’appui, très simples, en fer forgé, remontent à la construction d’origine.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • calcaire pierre de taille
    • brique enduit
    • ciment
  • Toits
    tuile creuse mécanique, tuile creuse
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    2 étages carrés, étage de comble
  • Couvrements
    • voûte à arêtes doubles
    • voûte en berceau
    • voûte en berceau brisé
    • voûte en berceau segmentaire
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier tournant à retours avec jour
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Sites de protection
    zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager

Dernier en date des bâtiments monumentaux édifiés dans l’arsenal dans la continuité d’esprit des réalisations de l’âge classique (corderie), le magasin général conserve l'essentiel de son unité architecturale, représentative du vocabulaire architectural néoclassique du premier Empire.

Documents d'archives

  • Rapport de l'inspecteur général Sganzin relatif aux escaliers du magasin général de l'arsenal de Toulon, 11 avril 1821. Service Historique de la Défense, Toulon : Fonds de la Marine DD² 1022.

Documents figurés

  • Projet de construction d'un magasin général dans l'arsenal de Toulon. / Dessin encre et lavis, an XI (1803). Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (6).

  • Elévation de la partie actuelle du Magasin général [...] et Nouvelle élévation à construire en remplacement de la partie incendiée. / Dessin encre et lavis, 1803. Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (8).

  • Projet de reconstruction d'un magasin général dans l'arsenal de Toulon. Façade au midi [...]. Façade au nord en regard de la corderie. / Dessin encre et lavis, signé Carron, 26 germinal an 11 (16 avril 1803). Service Historique de la Défense, Toulon : Marine DD2 1022 (22).

  • [Magasin général. Elévations] / Dessin encre et lavis, an XII (1804). Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (1, 4).

  • Port de Toulon. An 12. Projet proposé pour la reconstruction du nouveau magasin général. Elévations, coupe. / Dessin encre et lavis, 1804. Service Historique de la Défense, Vincennes : Marine DDe 711 V 15A.

  • Port de Toulon. An 12. Plan proposé pour la reconstruction du nouveau magasin général et de ses dépendances. 1804. / Dessin à l'encre. Service Historique de la Défense, Vincennes : Marine DDe 711 V (15).

  • Plan et élévation du magasin général à construire au Port de Toulon. / Dessin encre et lavis, 1806. Service Historique de la Défense, Vincennes : Marine DDe 711 V (22).

  • Plan et Elévation du Magasin Général en construction au Port de Toulon. 1813. / Dessin encre et lavis, signé Martret, 11 mai 1813. Service Historique de la Défense, Vincennes : Marine DDe 711 V (22a).

  • Coupes en travers du Magasin Général en Construction. / Dessin encre et lavis, 1820. Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (16).

  • Elévation du Magasin Général en Construction. / Dessin encre et lavis, 1820. Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (10).

  • Plan du Magasin Général. / Dessin encre et lavis, 1820. Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (9).

  • Plan du comble du Magasin Général. / Dessin plume et encre en couleur, 1824. Echelle de 0,005 pour 1 mètre. Service Historique de la Défense, Toulon : 2 K 2 72 (23).

  • Port de Toulon. Magasin Général. 1844. / Dessin encre et lavis, 1844. Service Historique de la Défense, Toulon : Marine non coté.

Date d'enquête 2014 ; Date(s) de rédaction 2015
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble