HISTORIQUE
En 1925, Yvan Misson, alors consul de Belgique, achète en vue de s'y retirer, le vaste Domaine de la Nartelle (une centaine d'hectares) dont il souhaite entreprendre l'exploitation agricole. Seul le parc et son système d'irrigation par des canalisations en fonte avec bouches d'eau et le système de drainage avaient été aménagés, vers 1911. Après des travaux de débroussaillage, d'élagage des chênes-liège et de plantation de trois vignes, face à l'énormité de la tâche, il change de projet.
Il s'associe avec Willy Lamot, consul de Belgique à Nice et Monaco, dans la société fondée par ce dernier, la S.T.F.C. (Société Terrienne de France et des Colonies). Le Domaine est loti en un parc résidentiel collectif (approuvé en préfecture le 24 décembre 1927). Entre-temps, Yvan Misson fait construire une villa pour lui-même dont il demande les plans aux architectes Henri Bret et Henri Draperi en 1926.
Les travaux semblent avoir été très rapides compte-tenu de l'importance de la maison. Des échanges de courriers entre le commanditaire et les différents prestataires nous permettent d'en suivre le déroulement. En janvier 1926, les architectes demandent un relevé du terrain. Ils fournissent un premier devis approximatif le 30 mars (le devis définitif n'est pas daté). En octobre les carrelages sont en cours de pose et une facture du 30 novembre 1926 fait référence à des tentures de toile de Jouy pour les murs de la chambre.
La villa est vendue en 1940 à monsieur Henri Falleur, également citoyen belge, accompagnée de 17000 mètres carrés de terrain. En 1950, son appellation était villa Françoise. C'est actuellement Fontanellato.
DESCRIPTION
1.2. Situation et composition d'ensemble
La villa est située au quartier de la Nartelle. Elle a été construite sur un vaste domaine d'une centaine d'hectares sur lequel n'existait alors que la bastide L’Hermitage. Lors du lotissement du domaine, elle conserve 17ooo mètres carrés de terre, ramenés aujourd'hui à 13270 mètres carrés. Elle est située à environ 300 mètres de la mer et possédait une plage avec un garage à bateaux et une cabine de bains.
Plan-masse de la parcelle.La parcelle peut être divisée en trois parties : le quart nord avec la villa et ses annexes, le quart ouest (jardin d'utilité) et la moitié sud-est (jardin d'agrément). Elle est limitée au sud-ouest par un ruisseau bordé d'eucalyptus et de mimosas.
L'accès se fait par un portail architecturé à double entrée (piétonne et automobile) dans le même style que la villa, aux vantaux en fer forgé. L'on accède à une aire en terre recouverte de gravier entourée par la villa, le garage, la conciergerie et un pigeonnier. Le garage pour deux voitures est complété d'un atelier attenant. La conciergerie était constituée d'un rez-de-chaussée au-dessus de trois caves pour les réserves et le stockage des fruits. L'appartement avait trois pièces, 1 W-C, une buanderie et un atelier à outils pour le jardinier. La conciergerie a été surélevée d'un étage.
Le jardin d'utilité est structuré par deux allées se coupant à angle droit en délimitant trois carrés de vigne de raisin de table et un potager. On y trouve également une serre et un château d'eau relié à un bassin et un système d'arrosage. Lorsque le domaine était plus vaste il produisait également des fruits exotiques et continentaux et des fraises.
Le jardin d'agrément présente un jardin à l'anglaise et un jardin à la française. Ce dernier est traversé par une allée centrale ponctuée par des escaliers indépendants et un bassin. L'ensemble du jardin est planté d'essences diverses, principalement des pins et des palmiers de différentes espèces mais aussi des cèdres (bleus, atlantica, déodora, du Liban), des sapins, des mimosas...
La villa domine le jardin du haut d'une terrasse en terre-plein. Elle est en relation avec celui-ci par une allée en pente douce ou par un escalier en fer-à-cheval.
3. Matériaux
La maison est construite en moellons de schiste directement extraits dans la propriété, au-dessus de fondations en béton. Les chaînes d'angle et les encadrements de baies sont en parpaings de béton ou en pierre, non visibles. L'ensemble est revêtu d'un crépi moucheté "à la tyrolienne" ocré (rouge) dans la masse. Par endroits, des moellons équarris de granite du Dramont (rouge ou bleuté) sont laissés apparents à des fins décoratives. Certains éléments hors-œuvre, comme les balcons ou la pergola, sont en béton armé.
Les toits sont en tuiles creuses provenant de Grasse, fermés par deux rangs de génoise.
4. Structure
Vue de volume prise du sud-est.
La villa occupe une surface au sol d'environ 193 mètres carrés. Elle se présente comme un alignement de trois blocs juxtaposés de trois, deux et un niveau au-dessus d'un sous-sol. Le caractère massif de la bâtisse est compensé par les décrochements de la façade nord-ouest, par les différences de niveau et par l'aération donnée par les porches de la façade antérieure, par la loggia et le portique de la façade d'agrément, au sud-est, et surtout par la terrasse qui couvre une grande partie du rez-de-chaussée avec sa pergola.
L'ensemble de la demeure est desservi par un escalier dans-œuvre, en chêne massif, tournant à retours autour d'un jour.
5. Élévations extérieures
L'élévation nord est irrégulière, marquée par la double travée de fenêtres éclairant l'escalier, et le porche de l'entrée principale à l'arc en plein cintre étayé par un contrefort.
La façade d'agrément (sud-est) se caractérise au rez-de-chaussée par la succession des baies plein-cintre des deux fenêtres surmontées de larmiers de tuiles creuses, des trois arcades du portique et de la porte d'accès à l'escalier extérieur menant à la terrasse. Au premier étage, les colonnes de la pergola répondent à celles du portique.
6. Distributions intérieures
- Sous-sol
Une description de la fin des années 1930 nous dit que le sous-sol est occupé par : une cave à provisions, une cave à vins, une cave à vins fins avec loges, une cave à charbon avec déversoir extérieur, une chaufferie avec deux chaudières, une pour l'hiver alimentant le chauffage central et l'eau chaude, une pour l'été fournissant seulement l'eau chaude.
- Rez-de-chaussée
Hall inspiré par la chapelle de l'ancien hospice des Arcs.
Grand salon-bibliothèque. Vue prise vers le sud-ouest.
L'entrée principale, sur la façade antérieure, au nord-ouest, est sous porche. Elle introduit dans un hall, couvert d'une voûte d'arêtes, qui serait inspiré par une petite chapelle romane de l'ancien hospice des Arcs (83). Le carrelage est en marbre blanc. La bordure de marbre noir provient de Belgique.
Le hall dessert à l'ouest la cage d'escalier sous lequel ont été aménagés un vestiaire et un W.C., et à l'est un grand salon-bibliothèque dont l'ornement principal est une cheminée monumentale (IM83002041). La pièce est parquetée en chêne. Elle ouvre sur le portique. Au sud, le hall est prolongé par un petit salon.
L'angle nord-ouest de la maison est occupé par les pièces de service qui possèdent une entrée indépendante : la cuisine avec la plonge, un W.C. pour les domestiques et l'office qui assure le lien avec la salle à manger dans l'angle sud-ouest. La salle à manger est également accessible à partir de l'escalier et du petit salon. Elle est parquetée de chêne et le plafond est à poutres de remploi en chêne. Elle est ornée d'une cheminée en brique et pierre. Elle prend jour par un triplet constitué d'une grande baie centrale en plein cintre et de deux petites baies latérales carrées. Comme la fenêtre du petit salon, celle de la salle à manger est fermée par un volet roulant à fermeture automatique.
- Premier étage
Le premier étage est occupé par quatre chambres de maîtres disposées autour du palier. Chacune possédait un cabinet de toilette et il y avait une salle de bain et un W.C. communs. Les deux chambres nord-est ouvrent sur la terrasse qui est également accessible par un escalier extérieur.
- Deuxième étage
Il n'occupe que 90 mètres carrés. Il s'agit d'une chambre de maître avec cabinet de toilette, ouvrant sur une loggia et de deux chambres pour le personnel avec un poste d'eau sur le palier.
Toutes les pièces étaient munies d'appels de sonnerie pour le personnel.
Dans les combles se trouve une réserve d'eau alimentaire "de la ville" de 7200 litres.
NOTE DE SYNTHÈSE
La villa La Nartelle a été publiée dès les années qui ont suivi sa construction dans diverses revues et les articles y sont toujours très élogieux : "ce sont de telles villas qui provoquent l'admiration de tous ceux qui peuvent s'offrir un séjour à la Côte d'Azur et les étrangers se plaisent également à reconnaître le talent de nos architectes..." (La Parure de la Côte d'Azur, avril 1935).
Vue d'ensemble prise du nord-ouest.Elle est alors qualifiée de "pur style provençal" et d'"une des plus belles villas néo-provençale de la Côte d'Azur." Elle possède effectivement certains éléments repris de l'architecture rurale provençale : un plan et une volumétrie composites produits par la juxtaposition de plusieurs volumes de formes et de hauteurs différentes pour simuler les agrandissements successifs des maisons rurales, le crépi rugueux ponctué de moellons apparents, les contreforts, les arcs en plein cintre, les larmiers de tuiles creuses, les toits en pente douce couverts de tuiles creuses fermés par des génoises, le pigeonnier simulé sur la façade sud-est. La référence à la bastide est par ailleurs renforcée par la présence d'un véritable pigeonnier à l'entrée de la propriété.
Pigeonnier.
Ces caractères se combinent cependant à d'autres éléments plus italianisants et issus d'une architecture plus "noble" comme le portique, la loggia ou la terrasse à pergola. Cette villa est un parfait exemple de l'approche néo-provençale du début du 20e siècle qui tire ses références d'un monde traditionnel et rural pour les adapter aux besoins de l'architecture de villégiature.
L'article susnommé qualifie la décoration intérieure "d'esprit roman et renaissance". En effet cette villa se caractérise par un goût de la copie et du remploi. Le hall, couvert d'une voûte d'arêtes, serait inspiré par une petite chapelle romane de l'ancien hospice des Arcs (83). Le pigeonnier serait copié d'un pigeonnier de Brignoles. Les vantaux du portail et de la porte d'accès à l'escalier extérieur, de même que les ferrures des portes seraient forgés sur des modèles provenant de la région. La cheminée du grand salon serait remployée du couvent des Ursulines de Bruges et tous les lambris et boiseries de ce même salon étaient des volets en chêne d'époque Renaissance provenant de maisons hollandaises (les lambris du salon ont disparu), de même que les menuiseries de la maison. Les solives et les encadrements des portes proviendraient de démolitions au palais de justice de Bruges. (Ces indications proviennent d'une notice dactylographiée vers 1935. Elles semblent fondées car un devis du menuisier marseillais Frédéric Gemy fait effectivement allusion pour les lambris et les portes à une réutilisation de volets.
Photographe de l'Inventaire, région Sud-Paca.