Dossier d’œuvre architecture IA83001469 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie de Léoube
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Bormes-les-Mimosas
  • Lieu-dit Cap de Léoube

Construction et armement

L’établissement d’un ouvrage de défense sur la pointe de Léoube a pour origine l’avis de la commission de visite des défenses côtières entre Marseille et Savone que le comité de salut public avait créée le 23 brumaire an III (14 novembre 1794). Le citoyen Legrand, rapporteur de la commission 1, propose alors en ce point la mise en place d’une batterie destinée à battre la rade d’Hyères en diagonale depuis le nord-est, en croisant ses feux avec une autre batterie également à créer en bordure est des salins des Pesquiers, sur la presqu’île de Giens.

Ce projet de principe ne semble avoir été suivi d’exécution que d’une manière très restreinte, par la mise en place à Léoube d’une batterie de deux pièces seulement 2. En application du programme de réorganisation générale des batteries de côtes, lancé par Napoléon en 1810, la séance du comité des fortifications du 11 avril 1812 confirme la création de la batterie de Léoube, qu’il est prévu d’organiser pour un armement considérable de dix-huit pièces 3 ; dans les faits, cet armement est réduit de moitié, soit huit pièces dont cinq canons de 36 livres 4, un de 18, et deux mortiers « à la Gomer » (à chambre tronconique), dont un à grande portée. La batterie doit être non pas ouverte, mais fermée et retranchée à la gorge, compte-tenu de son importance. Le comité signale que des travaux sont commencés pour la construction d’une tour-modèle qui doit être achevée en 1813 5, soit, compte-tenu de l’armement, une tour réduit carrée n° 2 ou n° 3, pour loger un effectif de 30 ou de18 hommes.

L’achèvement, voire l’exécution même de cette tour sont sujets à caution, faute de preuves, et parce qu’aucun vestige n’en reste dans les ouvrages reconstruits postérieurement. L’ouvrage semble avoir été laissé dans un état inabouti.

Vue de la batterie vers le fort de Brégançon.Vue de la batterie vers le fort de Brégançon.Une commission d’armement des côtes, de la Corse et des îles est constituée le 11 février 1841, pour reconsidérer de façon globale l’artillerie et les capacités défensives des batteries de côte. Les travaux de cette commission conduiront à la programmation d’un projet d’une ampleur sans précédent, qui sera mis en œuvre à partir de 1846, sur la base d’une typologie normalisée de batteries de côte pour les ouvrages neufs ou largement refaits, appliquée à l’ensemble des côtes du territoire national. Les batteries côtières les plus complexes et solides parmi celles qui existent déjà sont conservées et simplement améliorées.

Dans ce cadre, en 1846, la commission étudie les améliorations qu’il convient d’apporter à l’ouvrage de Léoube. La batterie existante, jugée au premier degré d’importance et d’urgence, est à réorganiser pour la doter de trois canons de 30 livres 6, de trois obusiers de 22 cm et d’un mortier de 32 cm ; elle doit être fermée à la gorge, comme il était déjà prévu en 1812. Les bâtiments existants comportent au moins une caserne, visible sur un plan de projet, mais il est prévu d’y ajouter un réduit conforme aux modèles-type récemment définis, en l’occurrence une tour-réduit n°2, adaptée à 40 hommes et à une batterie de huit pièces.

Le projet pour 1848 est rédigé, comme celui de la batterie du Cap Blanc, par le capitaine Schoenagel, sous la direction du capitaine en chef du génie aux îles d’Hyères, Victor de Malglaive 7. La tour est d’abord prévue immédiatement à la gorge du fer-à-cheval à pans formé par l’épaulement de la batterie, avec façade d’entrée vis-à-vis de cette batterie, face au sud. Le bâtiment de caserne, situé à l’arrière, côté terre, est conservé. L’armement n’a pas changé, mais, selon les directives du général Vaillant, inspecteur du génie, l’effectif pour le servir étant de 35 hommes, non de 40, le corps de garde défensif projeté n°2 doit être réalisé dans une variante modifiée adaptée à ce chiffre.

Le projet, renouvelé pour 1851-1852 par le chef de bataillon du génie Pichon, a notablement évolué : la batterie proprement dite, toujours en fer-à-cheval mais asymétrique (axée sud-ouest), est réalisée, avec son mur de genouillère, mais la tour n’est toujours pas commencée, malgré un début de travaux de déblais du rocher pour préparer son assiette. Elle est prévue désormais nettement plus au nord, en arrière de l’emplacement proposé en 1847, avec façade d’entrée placée latéralement, vers l’est. Un couvre-face ou traverse couvrante destiné à défiler la tour-réduit de ce côté est, commencé, est à prolonger au nord. Les travaux déjà réalisés ont consommé et dépassé le budget initial de 20 000 francs : soit 19.430 francs en 1848-1849, et 9000 francs en 1850.

La continuation du chantier sur le plan modifié consomme 21500 francs alloués en 1851, et le coût global de la batterie, achevée en 1852 par la tour 8, se monte, selon un bilan dressé en 1856, à 75 757 francs 9, sans comporter une véritable fermeture à la gorge autre que la tour-réduit et son fossé laissant un passage vers la batterie côté est. Un mémoire sommaire de 1858 précise que, malgré ce coût relativement important de l’ouvrage, « on ne peut pas dire qu’il soir réussi, comme l’ont observé les divers inspecteurs généraux qui l’ont visité depuis son achèvement » 10. Les défauts proviennent de ce que « la tour réduit (…) bien qu’enterrée (…) à des profondeurs considérables, qui en quelques points atteignent 9 mètres (…) ne voit absolument rien de la batterie, sauf par les quelques créneaux du parapet de la terrasse, et ces créneaux sont en prise à tous les coups des vaisseaux de haut bord, à la distance de moins de 300 m… »

La batterie fait l’objet d’une importante réorganisation à la fin des années 1870, en réponse aux progrès de l’artillerie navale motorisée, remaniement réalisé en continuité de travaux effectués en 1877 sur la batterie du fort de Brégançon. Ces deux ouvrages sont privilégiés sur ceux du Cap Blanc et du Cap Bénat, laissés en l’état, sans doute jugés moins efficaces pour défendre la rade et la passe.

Cette campagne de 1878-1879, d’un coût de 50 000 francs, a fait l’objet d’un premier projet en 1876 qui ne modifiait en rien la tour, proposant seulement de creuser, à partir de son fossé, une courte branche de fossé vers l’est, jusqu’au couvre-face à prolonger, le tout suffisant à retrancher l’ensemble de la batterie à la gorge. Les principaux apports de ce premier projet consistaient à ajouter trois traverses-abri sur le rempart en fer-à-cheval de la batterie, une sorte d’épaulement avec abri casematé entre la tour et le front ouest de la batterie, et une traverse sur le rocher défilant naturellement la tour à l’ouest. 11 La batterie est conçue pour trois canons de 24 cm.

Le projet réalisé à partir de 1878 est un peu plus complexe et moins économe de moyens que ce premier parti : le couvre-face est n’est pas modifié, les trois traverses sont reformulées et réalisées, deux d’entre elles seulement (côté ouest, vers la rade) comportant des abris casematés. L’aire intérieure est davantage compartimentée entre les rampes, les passages et les trois emplacements de tir bien individualisés. Le principal changement concerne la tour-réduit et le front de gorge : pour remédier à la vulnérabilité de la première, signalée en 1858, et compte-tenu de sa capacité de défense à peu près nulle vers la batterie, les faces sud et ouest de cette tour sont masquées par une importante masse couvrante, régnant plus haut que la plate-forme. Une galerie voûtée à deux niveaux est réservée entre les terres et les murs de la tour, celle du bas dans l’ancien fossé ; ce dernier est également couvert et voûté en continuation de la galerie basse du côté est. En revanche le fossé nord de la tour est laissé à ciel ouvert, élargi et étendu de part et d’autre pour créer le véritable front de gorge retranché qui manquait à la batterie, bien que proposé dans les projets antérieurs. Ce front de gorge comporte un mur d’enceinte sur trois côtés (une face au nord et deux flancs en retour est et ouest), avec fossé à contrescarpe et deux tourelles d’angle circulaires 12.

Un projet non daté, mais probablement postérieur à 1892, proposait une extension de l’ouvrage au nord du fossé de retranchement, avec deux nouvelles positions de tir dans cet espace, au-dessus d’un souterrain en caverne avec magasins et monte-charge relié par une galerie longue de 85 mètres à l’un des abris de traverse de 1879, cette galerie voûtée passant transversalement sous le fossé de front de gorge 13. Ce projet coûteux n’a pas été réalisé.

La batterie, désarmée, est remise à titre temporaire par le département de la Guerre à celui de la Marine en janvier 1919, parmi d’autres ouvrages analogues. La cession définitive est réalisée en juin 1932 14.

Par la suite, le site semble avoir été mis à disposition de particuliers, à en juger par des plantations d’agrément qui y ont été réalisées.

Dans l’état actuel, le site, difficile d’accès du fait de la dégradation complète des voies carrossables, est bien conservé, mais à l’abandon ; les constructions sont peu vandalisées.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

A l’ouest de la double pointe du cap Bénat et du cap Blanc, soit de la grande passe orientale de la rade d’Hyères, la côte rocheuse nord regardant vers l’intérieur de la rade comporte deux avancées successives, Brégançon d’abord, qui est un îlot très proche de la côte, et la pointe de Léoube ensuite, séparée de Brégançon par une anse. La batterie de Léoube est le dernier ouvrage défensif côtier de ce côté de la rade, avant les salins et le mouillage d’Hyères (séparés d’elle par une anse non vue de Brégançon). La fortification occupe tout l’espace disponible sur la pointe rocheuse au relief et aux contours tourmentés, à 25,5m d’altitude pour ce qui est du sol interne au point le plus bas de la batterie, et à 31, 70m d’altitude pour ce qui est de la tour-réduit, située à 50m de distance au nord de ce point bas. Il en résulte qu’à la différence du cas de l’ouvrage du cap Blanc, très comparable en plan dans sa conception de 1848 (batterie avec rempart en fer-à-cheval à pans et tour-réduit à la gorge), la tour-réduit de Léoube commande très nettement (de plus de 6m) la batterie, sans visibilité pourtant, du fait d’un affleurement rocheux intermédiaire non ravalé, qui atteint 35m. La tour n’occupe cependant pas le point le plus haut de la pointe, qui comporte un petit sommet rocheux culminant à 38m immédiatement au nord-ouest du fossé de retranchement du front de gorge, et à l’ouest du chemin d’accès à la porte de la batterie (qui règne à 31, 70m).

Les emplacements de tir de la batterie croisaient leur feux en travers de la rade, vers le sud-ouest, avec ceux de la batterie de la Badine sur la presqu’île de Giens, et avec ceux de la batterie de Lequin à Porquerolles. Côté est / sud-est, la batterie offre des vues directes sur le fort de Brégançon à travers l’anse, que divise une petite pointe rocheuse de moindre hauteur.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

La batterie de Léoube, comme celle du cap Blanc, à peu de distance sur la même côte, ou comme celles de Galeasson et de Bagaud, sur les îles d’Hyères, était représentative des batteries de côte ouvertes créées en 1811 et remaniées par adjonction d’une tour-type 1846 crénelée servant de réduit.

L’ouvrage de Léoube est le moins simple de cette série dans sa topographie. Compte-tenu du pendage de l’assiette naturelle du nord au sud, et d’une crête rocheuse intermédiaire laissée plus haute que le rez-de-chaussée de la tour-réduit et aménagée en terrasse, la communication entre la batterie et la tour-réduit passe par un chemin couvert en rampe descendante (compensant 6m de dénivelé, de la cote 31,70m devant la tour à la cote 25, 60m dans la batterie) taillé en réserve dans le roc de cette crête à la manière d’un fossé. Cette disposition limitait la visibilité de la batterie depuis la tour au niveau de la plate-forme de celle-ci, comme il est mentionné en 1858.

Chemin couvert taillé dans le roc entre la batterie et sa tour-réduit.Chemin couvert taillé dans le roc entre la batterie et sa tour-réduit.La réorganisation importante de 1878-1879, décrite ci-dessus, a rendu l’ouvrage plus complexe et moins immédiatement compréhensible, malgré son étendue relativement limitée (100m environ du nord au sud, pour 75m de largeur maximum).

Dans son état définitif, la batterie de Léoube peut être considérée comme une batterie fermée, même si elle n’est que partiellement enveloppée d’une enceinte fossoyée, au nord, sur le front de gorge ; en effet, les escarpements naturels, ceux -en terres rapportées- de la batterie proprement dite, et le couvre-face est (aujourd’hui masqués par le couvert végétal), continuent dans une certaine mesure cette enceinte, interdisant tout accès depuis la côte.

Dans cet état final, le plan en fer-à-cheval à pans donné en 1848 au rempart ou épaulement de la batterie est largement transformé, du fait du morcellement de son parapet et de sa banquette en trois emplacements de tir bien dissociés, séparés ou couverts par trois grosses traverses de forme irrégulière, celle du sud-ouest, en particulier, prenant la forme d’un cavalier.

De plus, le chemin de communication taillé dans le roc, bordé et dominé à l’est par le merlon couvre-face rectiligne (qui s’élevait à la cote 36,5m), n’aboutit plus dans une petite cour ou place d’armes, mais se ramifie après un coude à droite, d’une part en deux branches de chemin de distribution conduisant chacun à la façade d’un des abris de traverses ouest et sud-ouest, d’autre part à trois rampes étroites montant à chacun des emplacements de tir, qui règnent 1,30m environ au dessus du chemin. En outre, à droite au bout du chemin de communication descendant, en strict retour parallèle, une rampe plus large et pentue monte sur la terrasse aménagée sur l’affleurement rocheux central. Cette terrasse en pente (32, 10m à 35,80m d’altitude), revêtue vers la tour-réduit, vient chemiser et défiler en grande partie les faces sud et ouest de cette dernière (plate forme à la cote 37m). Le chemisage dégageait un vide intermédiaire correspondant à la largeur du fossé et d’un chemin bordant sa contrescarpe, mais ce vide est comblé depuis 1878-1879 par la masse couvrante à galeries casematées créée alors.

L’ensemble des profils en remblai des remparts, épaulements, traverses, couvre-face, est aujourd’hui très érodé et déformé.

La tour-réduit crénelée n° 2

Du type 1846, elle est dans l’ensemble bien conservée, en dépit des remaniements lourds que lui ont apporté la fermeture de trois côtés de son fossé et l’ajout de cette masse couvrante, qui masque deux façades sur quatre. Elle reste donc reconnaissable dans son identité première, d’autant que les deux murs de soutènement ou de profil de la masse couvrante prolongent l’un sa façade d’entrée, l’autre sa façade nord sur fossé, en dégageant bien l’angle de la tour d’origine. Sa physionomie caractéristique a surtout été altérée par la suppression des organes défensifs du parapet de sa plate-forme : bretèches, créneaux et embrasures, remplacées par un parapet simple et uni, deux fois moins haut que celui d’origine, réduit à un simple garde-corps.

Tour-réduit crénelée n° 2 type 1846, façade d'entrée, à gauche masse couvrante à galerie interne.Tour-réduit crénelée n° 2 type 1846, façade d'entrée, à gauche masse couvrante à galerie interne.Cette tour offre par ailleurs toutes les caractéristiques propres au modèle-type : un plan presque carré de 14, 60m sur 15, 20m hors œuvre, une élévation à trois niveaux, sur 9,10m de hauteur depuis le fond du fossé jusqu’à la tablette du parapet actuel (rabaissé) : étage de soubassement et étage d’entrée casematés, plate-forme à parapet maigre.

Les deux étages casematés sont divisés dans l’axe principal, soit celui de la porte, par une circulation en corridor, et transversalement, par deux murs de refend portant les sommiers du voûtement. Cette partition définit quatre chambres, cloisonnées ou non sur le corridor, et deux travées plus petites au revers de la façade d’entrée et de part et d’autre du sas de la porte à pont-levis. Chacune de ces deux petites travées dessert au fond un étroit escalier réservé dans le mur, à ¼ tournant sur mur-noyau arrondi aux angles, descendant à l’étage de soubassement, tandis que la travée de droite seule dessert aussi, au-dessus de la volée descendante, une volée de même plan montant à la plate-forme. En symétrie de la porte de cette volée montante, une porte dans la travée de gauche dessert un réduit. Les chambres du soubassement, prenant jour sur le fossé par des soupiraux, sont affectées aux magasins (vivres, artillerie), dont le magasin à poudres (travée du fond, à droite) avec évent en chicane au lieu des soupiraux, la petite travée à droite servant de cuisine. Sous les trois petites travées est creusée en sous-sol une citerne tripartite assez basse sous voûte, avec trop-plein sur le fossé.

A l’étage de l’entrée, les chambres abritent le casernement, y compris la loge du chef de poste, près de l’entrée. Cet étage est largement percé de créneaux de fusillade à ébrasement extérieur en trémie : les quatre de façade d’entrée, groupés par deux de chaque côté de la porte, sont remplacés depuis 1878 par deux fenêtres aussi larges que le cumul de leurs ébrasements jumelés. Cinq autres créneaux règnent sur les faces latérales, à raison de deux par travée de chambre et d’un donnant dans l’escalier, la façade postérieure (ouest) en comptant six en face postérieure. Au-dessus de ces créneaux, la prise de jour des chambres est ou était assurée par des baies hautes en imposte demi-circulaires (arc sur appui), à raison d’une par chambre, dans les faces latérales, ou par petite travée, en façade d’entrée. La face postérieure, donnant sur une salle unique actuellement décloisonnée, n’a aucune fenêtre au-dessus de ses six créneaux, car elle prend suffisamment jour par ses petits côtés. La mise en place de fenêtres hautes sur cette face aurait d’ailleurs imposé des pénétrations dans la voûte en berceau transversal, ce qui est évité pour les fenêtres de la façade d’entrée par le voûtement longitudinal des petites travées. Le percement des deux fenêtres de 1878 à la place des créneaux de la façade d’entrée a entraîné la condamnation des deux fenêtres hautes d’origine, dont reste l’arc muré en façade et l’arrière-voussure dans les petites travées. En revanche, l’ensemble des autres créneaux et fenêtres hautes est bien conservé dans son état primitif, y compris sur les côtés sud et ouest, où cette partie d’élévation extérieure est bien dégagée et visible depuis la galerie voûtée en demi-berceau réservée au rez-de-chaussée dans la masse couvrante de 1878, même si ce dispositif en a neutralisé le fonctionnement. Le sol de cette galerie règne à peu près au niveau d’appui des créneaux de 1851, un peu au dessous pour les quatre du sud, un peu au-dessus pour les six de l’ouest, dont l’ébrasement est plus grand. Tour-réduit crénelée, détail d'un créneau de la face postérieure.Tour-réduit crénelée, détail d'un créneau de la face postérieure.

La porte à pont-levis comporte un sas peu profond, ouvert sur l’extérieur quand le pont-levis était baissé (soit en temps ordinaire), qui accueillait, avant fermeture du fossé en 1878, le système de levage à chaînes sous sa voûte percée d’un créneau de pied ; ce sas est flanqué en outre d’un créneau-judas de chaque côté, desservi depuis les petites travées (escalier, loge). Une porte bien fermée d’un vantail le sépare d’un vestibule carré, point de départ de la distribution des étages.

L’une des particularités de la tour normative de Léoube, commune à celle du Cap Blanc, est son enfoncement dans le fossé, un peu supérieur à la moyenne, le seuil de la porte à pont-levis étant au niveau du sol extérieur et non légèrement au-dessus comme c’est souvent le cas. De plus, à Léoube, la terrasse revêtue qui surplombe et chemise ce fossé au sud et à l’ouest, obtenue en retaillant le rocher et en le complétant d’un couvre-face à l’ouest, exagère l’encaissement de la tour dans le terrain. Ce trait répond au souci de défiler au mieux cette tour-réduit, pour la mettre à l’abri des tirs des vaisseaux ennemis de haut bord susceptibles de s’être engagés dans la rade, car la batterie proprement dite ne pouvait assurer ce défilement, étant trop distante et implantée trop bas sur le site.

La galerie voûtée basse de 1878, occupant trois des quatre côtés du fossé (sud, est et ouest), était munie de son propre escalier, volée libre à ¼ tournant montant dans la section sud et traversant sa voûte pour communiquer à la galerie du rez-de-chaussée, qui, elle, est limitée aux faces sud et ouest. En effet, aucun des deux niveaux de galerie ne communiquait directement avec l’intérieur de la tour : la galerie du rez-de-chaussée a sa propre porte percée dans le mur de profil de la masse couvrante, côté est ; le défoncement d’un des six créneaux de l’ouest pour procurer une porte vers la galerie est un remaniement relativement récent.

Les deux abris casematés des traverses

Ajoutées à la batterie en 1878, ils sont bien conservés. Celui de la grosse traverse sud-ouest, le plus spacieux, comporte deux vaisseaux jumelés voûtés en berceau longitudinal, séparés par un mur de refend, munis chacun d’une niche au sol sur un petit côté, et d’une cheminée d’aération au centre du voûtement. La porte est percée sur le grand côté d’un des deux vaisseaux, très décentrée, une arcade ménagée en vis-à-vis dans le mur de refend communiquant avec le second vaisseau. Ce dernier est lui-même divisé par un mur transversal dont le raccord aux parois incorpore de chaque côté un évent deux fois coudé, indice de l’usage de magasin à poudres donné à la travée du fond de ce vaisseau.

L’abri de la traverse ouest, plus simple, ne comporte qu’un vaisseau allongé voûté en berceau, lui aussi ouvert, vers la ruelle étroite encaissée entre traverse et emplacement de tir surhaussé, par une porte latérale, très décentrée. Ce vaisseau est divisé en deux travées inégales par un mur transversal : la salle antérieure est percée de deux niches au sol, une sur le petit côté, l’autre en vis-à-vis de la porte, et reçoit la cheminée d’aération ; la travée postérieure, plus petite, communiquant par une porte d’axe, est aveugle et sans air, et servait sans doute de magasin de munition. On remarque dans la voûte des crochets pour pendre des sacs.

Le mur d'enceinte

Enceinte, front d'entrée, détail la porte à pont-levis avec corbeaux du tablier et culée.Enceinte, front d'entrée, détail la porte à pont-levis avec corbeaux du tablier et culée.Le mur d’enceinte à trois pans ou courtines fermant le front de gorge est fondé au niveau du fond du fossé de retranchement, qui est –on l’a vu­ une extension du fossé nord de la tour-réduit 1846. La porte de la batterie est ménagée dans ce mur crénelé à l’est (à gauche en entrant) de la tour, et donne lieu à une arcade d’entrée plus haute que le mur lui-même, et jadis équipée d’un pont-levis à chaînes jouant sur roues avec contrepoids intérieur. Seul le garde-corps en fer de ce pont a en partie subsisté, indépendant du tablier disparu, qui s’appuyait sur des corbeaux encore en place, avec gorge pour le pivot. Le reste du garde-corps est encore fixé vers l’extérieur à un montant en fer scellé au sol de la culée sur laquelle retombait ce tablier. La contrescarpe du fossé n’est revêtue que du côté est, à partir de cette culée de la porte ; face à la tour et du côté est, elle est taillée à même le roc.

Du côté est, la tourelle d’angle est relativement importante (6m de diamètre hors œuvre à la base) et creuse, y compris en soubassement, cet étage étant percé de deux gros créneaux de flanquement du fossé, à la manière d’une caponnière double ; le rez-de-chaussée de cette tourelle est équipé de créneaux de fusillade à fente simple (Fig. 21), comme ceux des courtines.

La tourelle d’angle nord-ouest est beaucoup plus petite, et pleine ; elle a pu servir de support à des latrines, comme le suggère une dalle carrée qui semble conçue pour porter une superstructure de même plan, et non le garde-corps actuel.

Structure et mise en œuvre

La tour-réduit, comme tous les autres édifices du même type, est solidement construite en maçonnerie employant des matériaux de provenance locale, au moins pour les cœurs de murs et les parements ordinaires montés en blocage de moellons sommairement calibrés de granite et de schiste, tirés des rochers alentours. Les éléments classiquement réalisés en pierre de taille emploient une roche calcaire blanche dure qui a très bien résisté au temps, employée dans des parties raidissantes, porteuses ou structurantes : chaînages d’encoignures réguliers en besace, bandeau courant à la base du parapet de la plate-forme, encadrement de la porte à pont-levis (y compris la porte dans le sas, et le parement tout pierre de taille qui règne entre l’arc plein-cintre de cette porte et la voûte du sas), encadrement des fenêtres hautes de l’étage d’entrée, formées d’un arc plein-cintre sur appui saillant. L’encadrement rectangulaire à ébrasement extérieur « en trémie » des créneaux emploie pour l’essentiel cette même pierre, combinée avec de la brique pour la fente et la partie intérieure de l’ébrasement ; l’ébrasement côté salles, plus petit et à appui surhaussé, est entièrement encadré en brique, matériau qu’on retrouve pour l’encadrement de la plupart des portes de communication internes, couvertes en plein-cintre. Seul, le couvrement rampant du départ de la partie voûtée des volées descendantes de l’escalier se distingue par sa stéréotomie raffinée, associant une partie supérieure en arc monolithe et une assise inférieure clavée en trois pierres, le tout finement bouchardé.

L’encadrement des deux fenêtres en arc segmentaire repercées à la place des créneaux de la façade d’entrée de la tour est en briques ou maçonnerie enduite. L’embrasure intérieure est en maçonnerie en moellons en recharge de celle, en briques, des anciens créneaux : dans la petite travée de droite, la plus dégradée de l’édifice, le décollement de la maçonnerie de 1878 laisse reparaître celle d’un créneau en briques de 1851. L’encadrement de la porte de la galerie enveloppante 1878 du rez-de-chaussée est en pierre blanche dure, avec linteau en bâtière à bandeau-larmier. Les marches d’escalier, la tablette du mur de profil dans lequel s’ouvre la porte de la galerie emploie la même pierre. Tour-réduit crénelée, façade d'entrée, porte à tableau de pont-levis donnant sur le sas d'entrée.Tour-réduit crénelée, façade d'entrée, porte à tableau de pont-levis donnant sur le sas d'entrée.

Les sols intérieurs des salles sont revêtus de tomettes de terre cuite, ceux de la galerie sont une simple forme empierrée en béton.

La porte de la tour, conforme au modèle-type, fait l’objet d’un travail soigné de taille de pierre. L’arcade d’entrée en plein-cintre est inscrite dans le tableau rectangulaire d’encastrement du tablier du pont-levis, et les claveaux de l’arc se continuent d’un bloc dans le couvrement horizontal (en plate-bande) de ce tableau, pour les trois claveaux de tête et pour les sommiers (mais pas pour les pierres d’angle de l’encadrement). Les pierres formant sommier sont incisées de la base de la fente de passage des chaines du pont-levis.

Les enduits couvrants, enduit extérieur gratté et enduit intérieur blanc lisse avec badigeon, sont dans l’ensemble fort bien conservés, sauf dans quelques rares parties côté entrée soumises à des suintements d’eaux pluviales, ce qui atteste de la qualité de leur mise en œuvre. La teinte de l’enduit extérieur varie du gris soutenu au gris ocre, pour les façades dégagées, à l’ocre jaune, pour façades masquées, où l’enduit d’origine est intact, signe de réfection ou d’un assombrissement naturel.

Les magasins abri des traverses de 1878 présentent des caractéristiques de mise en œuvre assez comparables à ceux de la tour : réalisation principale en blocage de moellons locaux avec enduit (mal conservé sur l’unique façade de chaque magasin), enduit blanc lissé et badigeonné sur les volumes internes voûtés, emploi concurrent de la pierre de taille dure et de la brique pour les encadrements de baies. La porte de l’abri sud-ouest est en briques avec arc segmentaire, la porte de celui de l’ouest en belle pierre de taille. On remarque un détail de mise en œuvre très raffiné pour le bandeau torique en saillie formant linteau (en trois pierres) de la porte de l’abri de la traverse ouest : sa face supérieure est creusée dans la masse d’un caniveau qui se retourne en gouttière-larmier finement taillée à ses extrémités.

Les parois taillées en fossé dans le roc du chemin d’accès de la tour à la batterie sont en partie non revêtues, en partie revêtues d’un parement de maçonnerie. Enceinte, front d'entrée, détail de la tourelle d'angle creuse avec son créneau flanquant.Enceinte, front d'entrée, détail de la tourelle d'angle creuse avec son créneau flanquant.

La mise en œuvre des courtines et tourelles d’angle du front de gorge contraste avec celle de la tour par sa facture rustique en «opus incertum » de pierre brute schisteuse locale, dépourvue d’enduit en parement, mais souligné de joints ruban. Les créneaux qui y sont ménagés sont encadrés de briques, tout comme la porte de la batterie, qui constitue l’élément le plus soigné de cette enceinte : c’est une sorte de mur-écran avec arcade plein-cintre encadrée de dosserets ou pilastres simplifiés, et couronné d’un entablement avec corniche à modillons, les seuls éléments en pierre de taille calcaire blanche étant la clef de l’arc millésimée 1879, les deux assises des jambages et les corbeaux d’appui du tablier en-dessous. Ces blocs de pierre calcaire dure se retrouvent au sol de la culée extérieure de l’ancien pont-levis.

Hormis les éléments déjà signalés du garde-corps en fer du pont-levis de cette porte, il reste très peu d’éléments de second-œuvre de type menuiserie, presque partout arrachés, le vandalisme ayant surtout touché les petites travées au revers de la façade. On note pourtant la conservation de la plupart des barreaux et menuiseries de bois des impostes des fenêtres hautes en demi-cercle du rez-de-chaussée de la tour-réduit. Cette conservation sélective a été favorisée par la position haute de ces fenêtres, incommode pour le pillage.

1Toulon, Service Historique de la Marine, Commission du septième arrondissement des côtes, 23 brumaire an 3 (renseignement B. Cros) 2Toulon, Service Historique de la Marine, 4 B1 4, mémoire sommaire de 1858 sur la batterie de Léoube (communiqué par Bernard Cros) 3Voir note 2 4Les calibres exprimés en livres indiquent le poids du boulet. 5Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 4, section 2, carton 8. 6Les calibres exprimés en livres indiquent le poids du boulet. 7Toulon, Service Historique de la Marine 4B1 16. Projet 1848. (renseignement B. Cros) 8Plan de la tour pour exécution vu et vérifié par le chef de bataillon du génie en chef Pichon, le 12 décembre 1851, Toulon, Service Historique de la Marine 4B1 17. 9Toulon, Service Historique de la Marine. (renseignement B. Cros) 10Toulon, Service Historique de la Marine, 4 B1 4, op. cit. note 2. 11Toulon, Service Historique de la Marine 4B1 23. Plans du projet 1876. (communiqués par B. Cros) 12Plan d’état des lieux en 1880, Toulon, archives du Service d’infrastructure de la défense, direction de Toulon (ex-direction des Travaux Maritimes) ; plan d’état des lieux en 1892, Vincennes, Archives du génie, Série V, E.G. Nice (chefferie génie), Place de Toulon, Art. 2, 8914, n° 39. 13Plan et coupes du projet, Toulon, archives du Service d’infrastructure de la défense, direction de Toulon (ex-direction des Travaux Maritimes, communiqués par B. Cros) 14Toulon, archives du service d’infrastructure de la défense : Procès-verbal de remise à titre de concession temporaire du 1er janvier 1919.

Le projet d’établissement d’un ouvrage de défense sur la pointe de Léoube remonte à 1794. Cette batterie est destinée à battre la rade d’Hyères en diagonale depuis le nord-est, en croisant ses feux avec une autre batterie également à créer en bordure est des salins des Pesquiers, sur la presqu’île de Giens. Une première batterie de deux pièces seulement est construite, puis en 1812 fait l'objet d'un projet d'accroissement par la construction d'une tour-modèle dont il ne reste pas de trace. En 1846, il est prévu d’y ajouter un réduit conforme aux modèles-type récemment définis, en l’occurrence une tour-réduit n°2, adaptée à 40 hommes et à une batterie de huit pièces. Le projet, plusieurs fois modifié, est finalement achevé en 1852 par la construction de la tour réduit, selon les plans établis par le chef de bataillon du génie Pichon. La batterie fait l’objet d’une importante réorganisation en 1878-1879 : trois traverses-abris sont construites sur le rempart, la tour réduit et le front de gorge sont renforcés.

Batterie représentative des batteries de côte ouvertes créées en 1811 et remaniées par adjonction d’une tour-type 1846 crénelée servant de réduit. Elle comporte une enceinte et 3 abris traverses dont 2 possèdent des abris casematés formé de vaisseaux voûtés en berceau longitudinal. L'ensemble est construit en maçonnerie de moellons de granite et de schiste enduite, avec chaînages et encadrement en pierre de taille calcaire ou en brique.

  • Murs
    • granite moellon sans chaîne en pierre de taille enduit
    • schiste moellon sans chaîne en pierre de taille enduit
    • calcaire pierre de taille
    • brique
  • Couvrements
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Couvertures
    • terrasse
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • Mémoire sommaire de 1858 sur la batterie de Léoube. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 B1 4.

  • Projet 1848 [batterie de Léoube]. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 B1 16.

  • Plan du projet 1876 [batterie de Léoube]. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 B1 23.

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    P. 114.
  • FRIJNS, M., MALCHAIR, L., MOULINS, J.-J., PUELINCKX, J. Index de la fortification française, Métropole et Outre-mer, 1874-1914. Welkenraedt : 2008.

    P. 290.
Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers