Situation
Implantée sur le boulevard des Dames, à l’angle du quai de la Joliette, l'agence de la compagnie maritime est construite en bordure des quais où elle possédait des hangars particuliers. Pour embarquer, les passagers empruntaient la passerelle, existante avant 1929, accessible par un escalier extérieur en béton armé associé à un monte-charge. La passerelle franchissait les quais ou circulaient trains, tramways et camions. Le monte-charge, après avoir été surélévé, constitue toujours la base de la tour-horloge. L'aile principale sur le boulevard des Dames se prolonge en retour sur les quais et la rue Mazenod pour occuper l’ensemble de l’ilot par l’aménagement d’ateliers et d’entrepôts. A l’extrémité de l’ilot, sur la rue Lecat, s’élève un immeuble de bureaux et de logements de la compagnie maritime.
La façade
Le programme du bâtiment réunit les fonctions administratives, techniques et commerciales de l'agence qui se traduisent par des accès différenciés. Au rez-de-chaussée, les entrées sont distinctes en fonction du trafic de passagers : émigrants, 3ème et 4ème classes accèdent à leurs guichets depuis la rue Mazenod, l'entrée disposée à l’angle donne accès à la salle des passages de première et deuxième classe. Le portail central sur le boulevard est réservé aux services administratifs et donne accès aux guichets du fret commercial. Les bureaux de recrutement et le service médical sont accessibles depuis le quai. Les dispositions de la façade reflètent aussi cette organisation des services. Le rez-de-chaussée est doté sur la rue de larges baies horizontales protégées de grilles. Le premier étage qui accueil les services administratifs est percé de fenêtre régulières. Le bow-window qui surplombe l’angle du bâtiment, signale l’emplacement du bureau de la direction. Le premier étage est couronnées d’une large bande, aveugle à l’origine, ornée de croisillons en relief. Cette surface permet d’afficher le nom de la compagnie en lettres monumentales, flanqué de son chiffre en fer forgé. Ce chiffre est reproduit sur le bow-window et les ouvrages de ferronneries des baies et de la porte centrale. La façade principale sur le boulevard des Dames est parcourue sur toute sa longueur d’une marquise en béton armé garnie de pavés de verre. Les baies du rez-de-chaussée sont horizontales et séparées par des trumeaux ornés de cannelures rudentées (motif dit en tuyaux d’orgues).
La structure du bâtiment associe des planchers de béton armé, portés par des poteaux, renforcés de nervures et voutains de béton, et une maçonnerie de moellons entièrement enduite en façade. Les modénatures extérieures sont moulées (croisillons) ou tirées au gabarit (cannelures) dans le ciment. La porte d’entrée et les grilles des baies, dessinées par le maître ferronnier Raymond Subes, combinent différents motifs végétaux géométrisés (tiges de lotus, motifs concentriques du bouton de porte). Depuis le vestibule, décoré de deux cartes des lignes commerciales de
la compagnie (zone Atlantique et zone Méditerranée) on accède à un vaste hall, délimité par quatre piliers de section octogonale. Ces supports en béton armé sont entièrement revêtus de pierre d’Echaillon, des cannelures rudentées ornant les angles. L’accès du public aux services du fret se faisait sur la droite. Le hall se prolonge par une élégante cage d’escalier éclairée par un lanternon zénithal. L’escalier tournant à deux volées droites comprend une marche de départ ondulée et en volute. Le jeu de lignes ondulantes est accentué par le dessin des ferronneries de la rampe d’appui, des gardes corps et des portes d’ascenseur exécutées par Raymond Subes : motif de fontaine jaillissante, de lignes d’onde. Ce maître ferronnier est un des créateurs du décor du paquebot Ile-de-France, mis en service en 1927, qui a contribué au renouveau des arts décoratifs. Les décors en staff des plafonds (détruit), les revêtements des sols et des murs contribuaient à ce parti décoratif global, ils ont fait l’objet de dessins particuliers de la part de l’architecte. La salle des passages, destinée aux passagers de 1ère et 2ème classe, était décorée de boiseries et de carreaux de céramique dans le gout mauresque.
Les étages sont réservés aux services administratifs et à la direction : salle de conférence, bureaux, archives. Ils regroupaient près de 200 employés. Ces espaces sont distribués par de larges galeries, le revêtement de sol en carreaux de grès permet de distinguer l’affectation des différents espaces. Le bureau de direction, parqueté en panneaux de chêne, possède une cheminée en marbre vert et jaune.
L’attention portée à l’organisation rationnelle des circulations, à l’éclairage, à l’aération, aux équipements sanitaires, témoigne d’une volonté de concevoir un modèle organique de l’agence de transports maritimes. A l'époque de sa construction, le bâtiment conçu par Gaston Castel introduit dans ce quartier d’entrepôts et d’immeubles haussmanniens les formes d’une architecture très contemporaine. Il développe sur le boulevard sa façade blanche aux lignes horizontales affirmées, flanquée d’une tour-horloge qui tient lieu de signal urbain pour cette compagnie de navigation. Cet édifice témoigne d’une recherche décorative globale de l’architecte. Le répertoire de formes, volontairement restreint, appartient à un vocabulaire classique (cannelures, palmettes), les formes sont simplifiées par leur transposition dans les enduits de ciment (croisillons, tuyaux d’orgue). Le caractère géométrique de cette architecture propose une formulation sobre de l’art déco encore basé sur des formes classiques. On peut s’interroger sur l’influence de ce chantier sur les bâtiments construits à proximité, pour la simplification poussée des formes (pan coupé, géométrisation), des modénatures, des parements. On peut citer le siège de la compagnie de navigation Paquet construit au 11, rue Mazenod par Rozan (1935), et l'hôtel des Douanes en collaboration avec Jean Rozan et Marius Dalest 1929-1930.
Architecte diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris. Grand blessé de guerre en 1914, prisonnier puis transféré en Suisse en 1916 lors d'un échange de prisonniers. Architecte du Département des Bouches-du-Rhône à partir de 1926, il a la charge des grands chantiers de commande publique mais il est aussi l'architecte du logement social. Révoqué en 1941, il sera réintégré dans ses fonctions en 1945 mais se consacre alors à son agence avec son fils. Il participe à la reconstruction du Vieux-Port de Marseille.