Dossier d’œuvre architecture IA06003544 | Réalisé par
Prédal Christophe (Rédacteur)
Prédal Christophe

Responsable de la cellule "inventaire du patrimoine architectural et paysager" à la ville de Nice, depuis septembre 2018.

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Aliotti Jean-Marc (Rédacteur)
Aliotti Jean-Marc

Architecte du patrimoine. Prestataire extérieur pour l'opération de repérage du patrimoine de la villégiature de Menton en 2013-2014, de Beausoleil (06) et de Roquebrune-Cap Martin (06) en 2016 et 2017, de Nice en 2017.

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  • recensement du patrimoine balnéaire, patrimoine de la villégiature de Nice
Promenade des Anglais
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Ville de Nice

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Nice - Nice
  • Commune Nice
  • Lieu-dit Rue de France, Baumettes, La Californie, Fabron
  • Adresse promenade des Anglais
  • Cadastre 2017 KV  ; 2017 KT  ; 2017 KW  ; 2017 MO
  • Dénominations
    promenade
  • Appellations
    des Anglais

Avant la promenade proprement dite.

La naissance de la promenade des Anglais en tant que lieu de villégiature fait généralement référence à l’année 1787, moment de l’édification sur les bords de la Méditerranée de la villa de Lady Penelope Rivers. A cette date pourtant, seul un étroit chemin est alors tracé sur la grève. Quant à la villa, elle protège ses plantations d’agrumes derrière une double haie de cyprès parallèle au rivage, rendant de fait la mer invisible depuis ses fenêtres. Le rapport demeure ainsi distant entre les bâtiments les plus proches de la mer et cette dernière. En effet, pendant le XVIIIe siècle et au premier tiers du XIXe, les maisons proches de la mer prennent place le plus au nord de leur parcelle, édifiées généralement à l'aplomb de la grande route de Gênes à Paris (actuelles rue de France et avenue de la Californie). Le trait du bord de mer est mouvant. La limite entre la plage et la grève n'est pas fixée et les jardins que le cadastre de 1812 nous décrit comme complantés d'orangers et d'arbres fruitiers se terminent souvent, côté mer, par des espaces vacants et, à certains endroits, des murs de protection. Si la villa Rivers constitue la première villa de villégiature édifiée par un commanditaire d’origine étrangère, certaines de ces maisons de bord de mer, appartenant à des familles locales, pouvaient accueillir des ressortissants britanniques depuis le milieu du XVIIIe siècle.

Naissance sous l'égide de la communauté britannique.

Fait remarquable, la naissance d’un lieu de promenade aménagé en bord de mer est le produit d’une initiative privée, celle de deux britanniques, le révérend Lewis Way (1772–1840) nommé pasteur de l’église anglicane de Nice en 1822, et la riche veuve Lady Olivia Barnard Sparrow (1778-1863), habitués des promenades en bord de mer britanniques. L’histoire a retenu le caractère philanthropique de l’épisode, afin de donner du travail à une population locale appauvrie par de mauvaises récoltes. S’il y a sans doute une volonté originelle de mise en place d’un système aumône contre travail dans le sens des Work houses protestantes, la communauté anglicane recherche aussi l’estime de l’élite et de la population locale, ces dernières critiquant notamment le prosélytisme (pourtant interdit) de certains de ses membres. L’histoire personnelle de Lady Sparrow, ayant perdu un fils de la tuberculose et dont les autres enfants étaient de santé fragile 1, ajoute sans doute à l’ensemble une portée hygiéniste de promenade médicale. La « beachroad » est finalement l’œuvre de terrassiers professionnels, ce qui permet d’ailleurs un achèvement rapide au début 1824. A cette date, il s’agit d’un chemin de deux mètres de large, depuis l’embouchure du Paillon jusqu’à l’actuelle rue Meyerbeer, avec retour sur la route de France.

Extension et aménagements publics.

De privée, la question du bord de mer va devenir publique. Consciente que la question de la villégiature passe aussi par un développement du bord de mer, la municipalité s’empare du « camin dei Inglesi », d’autant plus qu’elle en est, depuis 1835, propriétaire par lettres patentes du souverain. Mentionnée sur le plan régulateur de 1836 jusqu’au fleuve Magnan, la ville entreprend des travaux de prolongement de cette voie de prestige à finalité contemplative en 1843. Son développement est concomitant avec l’ouverture des voies du secteur et le quadrillage en îlots organisé par le plan régulateur.

La municipalité, à travers son Conseil d'Ornement (Consiglio d'Ornato), prend dans le même temps des dispositions réglementaires afin d'assurer un développement harmonieux de la nouvelle promenade, appréciée des hivernants. La municipalité procède tout d'abord dès 1836 à la vente de terres maritimes aux propriétaires des parcelles donnant sur la mer, afin d'aboutir à un alignement de la route littorale, et cela à des prix jugés excessivement bas par certains 2. La municipalité institue dans le même temps un retrait jardiné, de sept mètres, comme sur d'autres voies importantes de la ville :

« celle-ci [la route littorale] sera sous peu une promenade publique parmi les plus agréables et les plus fréquentées de la ville et il incombera en conséquence au Consiglio d’Ornato de veiller à sa conservation et à son amélioration. [...] La promenade de la route littorale tire une grande partie de son agrément des nombreux jardins présents au nord. Si ces jardins ou terrains vagues venaient à être occupés par des bâtisses alignées en bordure de la rue, non seulement cela priverait cette promenade de l’avantage indiqué, mais, en outre, les bâtisses ainsi construites seraient trop près de la mer [...] ; il serait donc nécessaire de laisser à usage de jardins un espace approprié de terrain entre le bord nord de la rue et l’alignement des nouvelles maisons. »3

Les dispositions relatives à l'aspect des bâtiments s'appliquent également :

« Car si la ville laissait à la discrétion des bâtisseurs le choix de la ligne et de la forme des bâtiments à construire le long de la susdite rue du littoral, cela ferait disparaître le motif principal qui l’a conduite à vendre ses terrains le long de la plage à un prix infime et le but qu’elle recherchait, à savoir principalement l’embellissement de cette partie du faubourg de Saint-Pierre d’Arène tellement fréquentée par les nombreux étrangers qui se retrouvent dans cette ville » 4

 Accompagné de ces prescriptions, le prolongement de la route littorale se poursuit. Elle atteint la villa Rivers en 1844, élargie à quatre mètres, le Magnan en 1856, élargie à dix mètres. Désormais nommée « promenade des Anglais », elle rejoint Sainte-Hélène en 1878, Carras en 1882 et aboutit à l’hippodrome près du Var en 1903. Après le rattachement de 1860, elle est organisée avec un trottoir de trois mètres bordant les jardins privatifs 5, une voie carrossable de dix mètres et une promenade pour piétons de douze mètres de large. Le trottoir sud est agrémenté de plantations de Phytolacca, palmiers-dattiers, lauriers roses et pittosporum. La construction en 1864 du pont Napoléon sur l’embouchure du Paillon entraîne le réaménagement du quai du Midi selon les mêmes dispositions. Des établissements de bains s’installent sur la plage (bains Georges en 1870, bains Lambert en 1872) ; leurs aménagements demeurent fortement réglementés afin de ne pas obstruer le panorama.

Quant aux villas de bord de mer ; elles ne se positionnent pas en bordure de promenade mais plutôt au centre de parcelles disposées perpendiculairement au rivage. La limite sud des terrains est souvent agrémentée de kiosques ou de terrasses surélevées permettant de bénéficier d'une vue mer depuis un surplomb. Seuls les hôtels de voyageurs édifient leur façade principale à l’aplomb du retrait obligatoire, comme l’Hôtel Victoria, le premier, en 1854 6 ou l’hôtel Dalmas en 1865 7.

Modernisations des années 1930

L’accroissement de la circulation automobile et le besoin de moderniser une façade maritime désuète conduisent à un réaménagement de la Promenade, inauguré en janvier 1931. Afin de fluidifier la circulation, deux chaussées de neuf mètres sont séparées par une plate-bande de cinq mètres, plantée d’arbres, interrompue par des ronds-points et trottoirs dallés. Le trottoir sud est également élargi. Au total, quinze mètres sont gagnés sur la plage, servant d’annexes aux établissements de bains (au départ des parkings souterrains étaient prévus sous dalle). Afin de s’accorder avec les édifices de style art déco qui fleurissent sur ses bords (Palais de la Méditerranée, immeuble du Forum, projet inabouti de l’Imperator...), on y installe un nouveau mobilier urbain : dés lumineux offrant une lumière rasante sur la chaussée, candélabres, pylônes décoratifs, vasques et fontaines lumineuses, le tout recouvert de « Lap », pierre reconstituée aux riches coloris (rose, argent, ocre) imitant le marbre 8. L’effet de nuit est particulièrement étudié, la Promenade étant dans les années 1930, davantage qu’au début du siècle, le lieu des soirées et événements nocturnes. Trois pergolas sont installées en 1935 et le caractère exotique des végétaux plantés est accentué.

Après 1945, la Promenade ne connaît plus d'aménagements conséquents dans sa partie proche du centre-ville mais elle est remodelée à l'ouest, dans les secteurs de Carras, Ferber et à proximité de l'aéroport, en lien avec les plans d'urbanisation de ces secteurs (développement de l'aéroport, création de la station d'épuration Haliotis et du quartier d'affaires Arénas). Le mobilier urbain art déco disparaît progressivement après 1950, les lampadaires actuels sont installés dans la décennie 1950. Les chaises bleues, déplaçables ou pas selon les lieux ou les périodes, apparaissent en 1948. Après être devenue voie de transit et exutoire de l’Autoroute A8 après 1955, avoir vu ses trottoirs transformés en stationnement, la Promenade mise aujourd’hui sur le retour d’une déambulation apaisée.

1KIRALY Judith. « Holy Trinity Anglican Church, l’église anglicane de la Sainte-Trinité rue de la Buffa ». Dans : Le quartier anglais de la Croix-de-Marbre, Nice Historique, octobre-décembre 2012, p. 353-3712BROCK Emile. « Un royal cadeau d’une municipalité royale ». Dans : Nice Historique, 1974, p. 115-119.3Délibération du Consiglio d’Ornato du 29 novembre 1844. In BUSSI Betsabea, Nice ville de villégiature, dossier candidature Nice patrimoine mondial.4Acte consulaire de la ville de Nice du 2 mai 1845. In BUSSI Betsabea, Nice ville de villégiature, dossier candidature Nice patrimoine mondial. 5Trottoir « formé d’une mosaïque de petits cailloux gris et blancs, disposés en carré ou en losange, aux couleurs alternées ». BOREA Guillaume. « La promenade des Anglais ». Dans : Nice Historique, décembre 1929, p. 150.6Actuel hôtel West-end.7Actuel hôtel Westminster.8Il s'agit d'une technique permettant la cristallisation du ciment et la fixation quasi-inaltérable des couleurs. Le brevet a été déposé en 1923 par la soprano-peintre Speranza Calo-Seailles (1885 - 1949).

Officiellement née en janvier 1823, avec un premier étroit et court tronçon élaboré par les hivernants britanniques, la Promenade des Anglais poursuit son développement, notamment dans la seconde moitié du 19e siècle. Elle connaît en 1931 une remise à niveau de ses infrastructures, en style art déco, afin de bénéficier d'un deuxième souffle. Depuis les années 1990, elle tente de faire oublier l'effet d'autoroute urbaine qui se dégage de ses nombreuses voies de circulation.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 19e siècle
    • Principale : 2e moitié 19e siècle
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1823, daté par source
    • 1931, daté par source

La promenade des Anglais résonne de sa renommée internationale. Elle représente un front de mer alliant nature et architecture, paysage et urbanité.

Son tracé en bord de mer suit la courbe douce du rivage et accueille sur une largeur confortable différents modes de locomotion : trottoirs, voies carrossables, terre plein végétalisé de palmiers entre les voies, piste cyclable, promenade, rivage. La situation permet la vue étendue sur les limites de la colline du château à l'est (dans le prolongement du quai des Étas-Unis) et l'aéroport à l'ouest. Vers le sud se forme le panorama de la mer et au nord le front urbain varié des immeubles en représentation.

Le front de mer symbolise le flanc urbain et architecturé de la promenade. Si la première moitié est (à partir du jardin Albert 1er) aligne de manière plus ou moins rigoureuse des immeubles, des hôtels emblématiques, parfois des maisons avec jardin ou des palaces aux styles variés, la dominante est éclectique, art déco et fonctionnaliste. La seconde moitié, au-delà du Palais de l'Agriculture (embouchure du fleuve Magnan), semble plus diluée au fil de l'avancée vers l'aéroport. La rigueur de l'implantation en léger retrait de l'alignement par des clôtures, des murets permettent autant d'aménager des terrasses de commerces, que des entrées abritées ou des mises en scène. Parfois des clôtures plus présentes s'élèvent. Dans tous les cas, les élévations demeurent sur un vélum plutôt haut avec des façades d'apparat ou ostentatoires symbolisant une certaine image architecturale de la ville.

L'aménagement de la promenade reste majoritairement minéral, malgré la bande végétalisée entre les doubles voies. Elle comporte 3 x 3 voies de circulation automobile de l'embouchure du Paillon jusqu'à Ferber (croisement avec la rue Frémont), puis 4 x 4 voies jusqu'à l'embouchure du fleuve Var. Elle permet, avant le rivage en contrebas, l'insertion d'un mobilier fait de pergolas, de chaises, de bancs et de tout un dispositif de limite, utile à la définition des tracés respectifs.

  • Mesures
    • : 7 000 m (longueur)
    • : 75 m (largeur)
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Éléments remarquables
    pergola
  • BROCK Emile. Un royal cadeau d’une municipalité royale. Dans : Nice Historique, 1974, p. 115-119.

Bibliographie

  • La Promenade des années 30. Dans : Nice Historique, 1993, n°1-2, 81 p.

  • BARELLI, Hervé, De la promenade des Ponchettes à la Promenade des Anglais, le premier triomphe de la société des loisirs, in REYNES, Julie (dir.), Promenade(s) des Anglais, catalogue de la biennale Nice 2015 Promenade(s) des Anglais, Paris Nice : Lienart - ville de Nice, 2015, p. 68-81.

  • BOREA Guillaume. La promenade des Anglais. Dans : Nice Historique, décembre 1929, p. 150.

  • KIRALY Judit. Holy Trinity Anglican Church. L'église anglicane de la Sainte Trinité, rue de la Buffa. Dans : Nice Historique, n°4, 2012, p.352-371.

  • MASSIMI, Michel. La promenade des Anglais : son histoire, hôtels, palais et villas. Sophia-Antipolis : éditions Campanile, 2016. 288 p.

Documents figurés

  • Pianta dei terreni [...] a partire dalla foce del Paglione fino al vallone di Magnan, Consiglio d'ornato. / Plan en couleur par Giuseppe-Antonio Scoffier. 1836. Archives communales, Nice : D 35-143.

  • Strada del litorale, progetto d'ampliazione e sistemazione, piano della località - [Route du littoral, projet d'extension et d'aménagement]. / Encre et aquarelle sur papier entoilé, non signé, plan topographique géométral [avant 1860 et enregistré en 1861], 42 x 205 cm. Archives communales, Nice : 1 Fi 67-1.

  • [La Promenade des Anglais, vue prise depuis l'embouchure du Paillon]. / Photographie positive par Jean Andrieu. [1863]. Collection particulière.

  • Chariots de bains sur la Promenade des Anglais. / Photographie positive par Théodore Walburg de Bray. 1863. Bibliothèque de Cessole, Nice.

  • Vues principales du réseau P.L.M. N°88 Nice Promenade des Anglais. / Carte postale anonyme, J.L. photo, [circa 1890]. Archives communales, Nice : 10 Fi 667.

  • [La Promenade des Anglais et le Palais de la Méditerranée de nuit, circa 1930]. / Carte postale anonyme, Nice : Rella, [circa 1930]. Archives communales, Nice : 10 Fi 1148.

  • [Promenade des Anglais, Nice, plage], 1948. / Négatif anonyme, 1948, 6 x 6 cm. Archives communales, Nice : 1064 W 177.

  • [Promenade des Anglais avec pergola, Nice, circa 1950]. / Carte postale, Nice : Monluet, [circa 1950]. Archives communales, Nice : 10 Fi 672.

Date d'enquête 2017 ; Date(s) de rédaction 2017
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
(c) Ville de Nice
Prédal Christophe
Prédal Christophe

Responsable de la cellule "inventaire du patrimoine architectural et paysager" à la ville de Nice, depuis septembre 2018.

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Aliotti Jean-Marc
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Architecte du patrimoine. Prestataire extérieur pour l'opération de repérage du patrimoine de la villégiature de Menton en 2013-2014, de Beausoleil (06) et de Roquebrune-Cap Martin (06) en 2016 et 2017, de Nice en 2017.

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