La Citronneraie est un jardin de toute première importance pour l'agrumiculture. On y assure depuis plusieurs décennies une production agricole de très haute qualité, entre autres à travers la culture de citrons de la variété Citron de Menton (citrus x limon SRA 625), dont le jardin est devenu un véritable conservatoire au cours du 20e siècle. La vocation agricole du site est cependant beaucoup plus ancienne.
I. DESCRIPTION
I.1 Topographie
Le jardin est situé sur les flancs de la colline de l'Annonciade, à environ 3 kilomètres au Nord-Ouest de la vieille ville de Menton et de la Méditerranée. Il couvre une superficie d'environ 22 000 mètres carrés et occupe un terrain aux contours irréguliers, qui s'étire en longueur en suivant une diagonale Nord-Ouest/Sud-Est. Il est délimité par une courbe de la corniche André-Tardieu au Nord, par les parcelles des propriétés voisines à l'Est et par un sentier public au Sud. Ce sentier est un prolongement du chemin des Mulets, dont un long tronçon délimite le jardin à l'Ouest. Le terrain présente une pente très abrupte et un dénivelé de près de 30 mètres. Il domine le vallon de Caréï, localisé en contrebas à l'Est et accessible par le sentier public. L'ensemble du jardin bénéficie d'une exposition Nord-Est.
I.2 Composition générale
La Citronneraie a été réalisée sur des terrasses agricoles initialement occupées par un verger. Ce premier verger était principalement consacré à la culture des oliviers (il subsiste une grande partie des aménagements du verger initial et de nombreux oliviers séculaires). A la fois verger et jardin d'agrément, La Citronneraie est un jardin mixte comportant un important couvert de jardin intégrant aujourd'hui plus de 450 citronniers de la variété Citron de Menton (ce cultivar, citrus x limon SRA 625, est apparenté à la variété italienne citrus x limon Femminello). Les terrasses agricoles anciennes, en partie orientées vers l'Est, composent l'essentiel de l'assiette du jardin. Elles structurent la composition et leurs murs de soutènement témoignent encore aujourd'hui de la grande diversité de conception dont elles ont été l'objet au cours des siècles : murs en terre dont le fruit forme un talus, murs en terre dont le talus est renforcé par des fascines (panneaux en osier tressé), murs en maçonnerie (moellons de calcaire avec ou sans enduit à pierres vues). Le jardin est divisée en deux zones principales par un vieil escalier muletier qui est parallèle à la pente et qui forme un axe Est-Ouest. La première zone est tout d'abord occupée par une partie boisée comportant l'entrée de la propriété, accessible de la corniche André-Tardieu. Depuis cette partie, un escalier d'accès, perpendiculaire au relief, traverse à mi-pente une première série de terrasses de culture. Il est complété par un sentier dallé, qui longe la façade Ouest de la maison principale pour relier l'escalier muletier. Au-delà de celui-ci, la seconde zone du jardin comprend en partie basse une grande terrasse en terre-plein qui est surplombée d'un sentier dallé perpendiculaire à la pente. Ce sentier est directement relié à l'escalier muletier. Il occupe la terrasse inférieure d'une seconde série de terrasses de culture et dessert les aménagements de la piscine, au fond du jardin. Le jardin n'est pas clôturé sur l'ensemble de son périmètre. Au Nord, la partie boisée de l'entrée surplombe le mur de soutènement de la corniche André-Tardieu qui fait office de clôture. A l'Est, c'est principalement les murs de soutènement des différentes terrasses, complétés de gardes-corps et de végétation, qui sécurise les limites du jardin. Enfin, à l'Ouest, un vieux mur de clôture en moellons longe le chemin des Mulets et se poursuit côté Sud, où une petite porte dessert le sentier public au niveau de la grande terrasse. En traversant le jardin de la corniche André-Tardieu au chemin des Mulets, les aménagements se succèdent donc en intégrant les structures anciennes : entrée, terrasses de culture Nord, escalier muletier, grande terrasse, terrasses de culture Sud, piscine.
I.3 Entrée
L'entrée de la propriété est traversée par une allée carrossable. Cette allée, dont la pente prononcée dessine une légère courbe, relie la voie publique et le garage situé un peu plus haut. Elle est bordée côté Sud par un mur de soutènement en moellons, en partie recouvert d'un enduit blanc, qui stabilise le relief à proximité du garage. Devant le garage, l'allée carrossable s'élargit pour former une aire de stationnement. De très grands oliviers composent le couvert boisé de cette partie, A l'opposé du garage, côté Nord, une petite remise a été érigée à proximité d'un très vieil olivier, aujourd'hui isolé au centre d'une petite clairière dont le sol a été aplani et recouvert de gravier. Cet olivier isolé serait l'arbre le plus ancien du jardin.
I.4 Terrasses de culture Nord
La première série de terrasses de culture, qui constitue la partie la plus étendue du jardin, est traversée par un escalier d'accès dont le tracé sinueux est marqué de larges paliers. Cet escalier est entièrement dallé de grandes pierres irrégulières, tout comme le sentier qui le complète. Il relie l'aire de stationnement à la maison d'invités et à la maison principale, qui sont en contrebas, et dessert certaines terrasses de culture qui lui sont contigües. Il permet d'accéder à l'escalier muletier, auquel il est raccordé à mi-pente par le sentier. L'escalier d'accès est bordé d'une abondante végétation : vieux oliviers, agrumes variés, bananiers, palmiers, dont quelques beaux spécimens de trachycarpus fortunei, bambous nains taillés, pâquerettes des murailles (erigeron karvinskianus) et divers cultivars de fleurs d'ornement (pélargoniums à fleurs rouges. capucines aux fleurs de couleurs variées). En surplomb de l'escalier d'accès, de nombreuses terrasses de culture (on en dénombre au moins six aménagées l'une au-dessus de l'autre) accueillent la plus grande partie des agrumes présents dans le jardin ainsi que de nombreux autres arbres fruitiers. Ces terrasses, dont les murs de soutènement présentent une grande diversité de traitement et de matériaux, sont agrémentées des mêmes fleurs d'ornement que celles présentes le long de l'escalier d'accès, ainsi que de quelques cycas (cycas revoluta).
I.5 Escalier Muletier
L'escalier muletier, qui constitue l'épine dorsal du jardin, relie le chemin des Mulets, autrefois accessible par une porte percée dans le mur de clôture, et la terrasse d'agrément de la maison principale, située en contrebas. Ses marches basses et très profondes, appelées pas d'âne, sont plus ou moins inclinées. La partie antérieure de chacune de ces marches est constituée de grandes pierres de taille calcaire Ces pierres maintiennent un revêtement de moellons très grossièrement équarris qui forment de véritables pavés. Associé à l'inclinaison des pas d'âne, ce traitement des marches favorise le ruissellement de l'eau lors des intempéries. L'escalier muletier contribue ainsi à diriger les eaux pluviales vers les terrasses de culture pour les irriguer et à alimenter les aménagements hydrauliques (Référence du dossier : IA06003101). La partie inférieure de cet escalier est abritée sous une pergola rustique dont la structure est composée de grandes cannes de bambou. Cette pergola est dépourvue de végétation.
I.6 Grande terrasse
Le pied de l'escalier muletier et la terrasse d'agrément de la maison principale sont reliés à la grande terrasse, située en contrebas, par un petit escalier perpendiculaire à l'escalier muletier. Ce petit escalier droit, à une seule volée en maçonnerie, comporte sur un seul de ses côtés une rampe d'appui rustique formée de cannes de bambou (l'autre côté n'est pas sécurisé). La grande terrasse à laquelle il permet d'accéder est une longue terrasse en terre-plein aux hauts murs en pierre. Cette terrasse a la particularité d'être relativement large, ce qui la différencie des terrasses de culture du jardin. Elle aurait acquis son aspect actuel lors de l'aménagement de la piscine, dont elle serait contemporaine (la terre prélevée pour la réalisation de la piscine aurait servi à remblayer la grande terrasse). Elle se caractérise par un important découvert de jardin occupé par une pelouse qui forme un grand tapis vert. A l'extrémité Nord de ce tapis vert, à proximité du petit escalier droit, un bassin circulaire en pierre, au centre duquel est érigée une vasque en terre cuite, se détache sur une aire dallée. Cet aménagement constitue l'unique fontaine d'agrément du jardin.
L'aire dallée, composée de grandes pierres irrégulières, est prolongée par un long sentier étroit réalisé avec les mêmes matériaux. Ce sentier traverse la totalité du tapis vert en longeant le pied du haut mur de soutènement qui domine la terrasse. A l'exception d'une section ancienne en moellons, à proximité du petit escalier droit, ce mur est en grande partie constitué d'un appareillage polygonal formé de blocs calcaires plus ou moins réguliers, qui est visiblement contemporain des dallages. Il est principalement agrémenté de différents cultivars de bananiers, de fuschias et de pélargoniums. Du côté du val de Caréï, la terrasse est sécurisée par un garde-corps rustique fait de cannes de bambou. Ce garde-corps est bordé de quelques grands arbres, directement plantés sur le tapis vert. La grande terrasse est complétée au Sud-Est par un second escalier en pierre qui la relie à la piscine. Ce petit escalier, dont tout un côté de l'unique volée prend appui sur le mur de soutènement de la grande terrasse, comporte sur le côté opposé une rampe d'appui en tubes métalliques peints en blanc. Au-delà de cet escalier, un étroit sentier en terre battue, bordé de grands bambous, permet d'accéder à la porte qui dessert le sentier public prolongeant le chemin des Mulets. Cette porte est ombragée par un grand eucalyptus.
I.7 Terrasses de culture Sud
Surplombant le haut mur qui domine la grande terrasse, un long sentier dallé, au tracé légèrement sinueux, occupe la totalité d'une ancienne terrasse de culture qui constitue la terrasse inférieure d'une seconde série de terrasses agricoles. Ces terrasses, pour la plupart maçonnées, sont aujourd'hui majoritairement plantées d'espèces ornementales. Elles intègrent divers sentiers dallés, complétant celui de la terrasse inférieure, des escaliers secondaires en maçonnerie et d'importants aménagements hydrauliques (Référence du dossier : IA06003101). Les cheminements variés de cette seconde partie du jardin relient la maison principale et la piscine. Tout comme l'escalier d'accès et le sentier de la grande terrasse, les sentiers dallés sont revêtus de grandes pierres irrégulières. Le sentier dallé de la terrasse inférieure est complété par un tronçon en terre battue que s'élargit à proximité de la piscine. On y retrouve des pâquerettes des murailles (erigeron karvinskianus).
I.8 Piscine
L'espace consacré à la piscine occupe une salle de verdure trapézoïdale. Le trapèze, au dessin irrégulier, est formé par des haies soigneusement taillées et dominé par le mur de soutènement d'une terrasse de culture côté Sud. Les haies délimitent un découvert de jardin qui est occupé par une grande terrasse d'agrément, comportant un bassin de natation complété d'un plongeoir. Cette terrasse, dallée de pierres irrégulières, est ponctuée de deux massifs de cycas (cycas revoluta). Les abords immédiats du bassin comporte une dallage de couleur différente, à dominante beige (tous les autres dallages sont à dominante grise). Le poolhouse occupe l'angle Sud-Est de la salle de verdure. L'angle Nord-Ouest, à l'opposé, accueille une salle à manger extérieure comportant une grande cheminée métallique directement intégrée au centre d'une table circulaire protégée par un parasol fixe. Cet aménagement est dominée par de vieux oliviers. Entre cette salle à manger et le poolhouse, un escalier droit en moellons, avec rampe d'appui en fer forgé peint en blanc, à décor de volutes, relie la salle de verdure à la terrasse de culture qui la surplombe. L'escalier a été érigé parallèlement au mur de soutènement de cette terrasse de culture, sur lequel il s'appuie en grande partie. La salle à manger communique avec le tronçon en terre battue qui complète le long sentier dallé au pied des terrasses de culture Sud. Elle est bordée d'un garde-corps identique à la rampe d'appui de l'escalier.
II. NOTE DE SYNTHESE
La Citronneraie est un jardin exceptionnel à plus d'un titre. On y constate tout d'abord un véritable souci de préservation des aménagements anciens. La présence de terrasses agricoles, dont certaines ont la rare particularité d'avoir conservé leur aspect initial, d'un pittoresque escalier muletier et d'importants aménagements hydrauliques est à signaler. En effet, ces éléments constitutifs ont souvent été modifiés ou reconstruits dans nombre d'autres jardins. Par ailleurs, François Mazet a densifié les plantations en ajoutant différents sujets exotiques (palmiers, cycas, bauhinia...) et surtout de nombreux agrumes, en grande partie constitués de citronniers de la variété Citron de Menton. Désormais principalement destiné à la culture de cette variété, ce jardin est devenu un véritable conservatoire du citron, ce qui lui a valu son nom. La végétation foisonnante, qui contraste avec les structures anciennes d'une grande régularité et forme ainsi un jardin mixte, confère à La Citronneraie un agréable aspect de jardin jungle, qui est renforcé par une gestion privilégiant la permaculture. 
Enfin, la situation dominante du jardin ménage de très beaux points de vue sur les montagnes environnantes qui sont traversées par un monumental ouvrage d'art : le viaduc du val de Caréï (autoroute A8). Un véritable dialogue a ainsi été établi avec le paysage, entre autres par le biais de la pergola de l'escalier muletier, dont les cannes de bambou évoquent la structure en béton armé du viaduc. Ce jardin, réaménagé au moment où ce secteur de la côte subit une mutation profonde, met donc en valeur à la fois une tradition teintée de régionalisme, tout en affichant une modernité affirmée (grande terrasse, piscine, dallage des parties réaménagées), respectueuse du passé mais tenant compte des récentes évolutions de la seconde moitié du 20e siècle.
Photographe de l'Inventaire, région Sud-Paca.