Dossier d’œuvre architecture IA06002431 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage mixte du Cap-Martin, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Dénominations
    ouvrage mixte
  • Appellations
    du secteur fortifié des Alpes-Maritimes
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Intérêt stratégique

L’ouvrage du Cap Martin est le plus méridional et le plus bas placé des dix gros ouvrages mixtes du Secteur fortifié des Alpes Maritimes (S.F.A.M.) jalonnant la « Position de résistance » mise en place entre 1930 et 1935 dans le cadre d’une loi-programme par la Commission d’organisation des régions fortifiées (C.O.R.F.) sur une zone nord-sud longue de 22 km et distante de 5-8 km de la frontière italienne. Il est le seul directement établi sur le littoral.

La construction de l’ouvrage, conduite de 1930 à 1933, a consommé un budget total de 17 000 000 Francs. Sa capacité d’accueil de personnel était de 298 hommes. L’armement se composait de 4 mortiers de 81mm Brandt modèle 1932 de casemate (tir courbe pointé à 45°), 4 canons de 75 mm modèles 1929 inclinable (tir tendu de -9° à + 40°) sous casemate, à pivot réel ; 3 jumelages de mitrailleuses Reibel (JM) et 6 fusils mitrailleurs (armes automatiques). L’équipement logistique comporte 3 groupes électrogènes diesel Renault de 77cv.

En juin 1940, l’avancée des troupes italiennes entraîna le pilonnage de l’ouvrage du Cap Martin qui reçut en 4 jours 1500 obus de divers calibres, notamment le bloc de barrage (bloc 2) criblé, qui garde trace de 8 gros impacts dont un atteint le ferraillage. Un de ses canons de 75 modèle 1929 fut endommagé. L’ouvrage s’est défendu par un tir nourri : les 3 canons de 75 restant ont tiré 893 grenades, les mortiers 1095 obus. A leur retraite en octobre 1944, les allemands on saboté le bloc 3 de l’ouvrage en faisant sauter à l’intérieur une charge d’explosifs qui l’a éventré et a soulevé sa cloche GFM d’un mètre.

Dans l’état actuel des lieux, l’ouvrage appartient à la ville de Roquebrune qui le garde et l’entretient avec l’appui d’une association loi de 1901.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

L’ouvrage Maginot est implanté dans le versant est /nord-est et à la racine du Cap Martin, à la cote d’altitude maximum de 70m, ses vues prenant en enfilade la baie et la ville de Menton. Il est desservi par la branche haute de la route du Cap, après son passage au-dessus du tunnel du chemin de fer. Il occupe un secteur assez densément loti, dès avant sa construction, de grandes parcelles de villa avec jardins paysagers.

Plan , distribution spatiale, circulations et issues

Le Cap Martin est un éperon rocheux relativement escarpé sur son versant est / nord-est. L’ouvrage Maginot est creusé dans ce versant, ses galeries en caverne sont peu développées et suivent l’axe nord-ouest/sud-est de ce versant. Il ne comporte aucune galerie traversant le cap jusqu’au versant ouest. C’est un ouvrage de moindre étendue et moins ramifié que celui de Roquebrune, ses trois blocs émergeants à faible distance l’un de l’autre exclusivement sur le versant est / nord-est. A la différence de l’ouvrage de Roquebrune, les galeries de distributions et les locaux techniques et casemates de casernement qu’elles desservent sont creusées plus de 10m en contrebas du bloc d’entrée. Néanmoins, il a fallu recharger en béton une partie de l’escarpement rocheux naturel du versant pour asseoir le bloc d’artillerie nord (bloc 3)

L’accès au bloc d’entrée de l’ouvrage se fait par une allée d’accès de type non militaire, mais semblable à celles qui desservent des villas privées du littoral, avec portes-grilles d’entrée entre murs de terrassement et piliers en pierre de pays. Cette allée aboutit à une rampe d’accès descendante curviligne encaissée entre deux murs de terrassement en maçonnerie de moellons parementée en opus incertum, qui viennent buter contre la façade du bloc d’entrée, en limitant le développement (Fig. 1). La façade est surmontée des potences métalliques de l’antenne radio. Le bloc d’entrée est placé au sud-est du dispositif d’ensemble et sa porte s’ouvre au nord, en sorte que le sentier d’accès passe inhabituellement au-dessus des galeries en caverne de l’ouvrage avant d’aborder le bloc.

Rampe d'accès encaissée entre murs et bloc 1 d'entrée, surmontée d'une cloche GFM et d'une cloche LG.Rampe d'accès encaissée entre murs et bloc 1 d'entrée, surmontée d'une cloche GFM et d'une cloche LG.

Bloc 1.

Ce bloc d’entrée, encaissé du côté de sa façade comme vers l’ouest dans des terrassements, présente le dispositif d’entrée mixte munitions et hommes (EMH), propre aux ouvrages du Sud-Est, à pont-levis sur fossé diamant, associé à une poterne pour le personnel, ici percée à droite et très rapprochée de la porte des munitions, du fait de l’étroitesse de la façade (Fig. 2).

Le pont-levis est en bon état, et a été repeint récemment, mais la passerelle métallique amovible de l’entrée des hommes a été remplacée (vers 1960 ?) par une passerelle fixe en ciment. Cette étroite façade est flanquée à gauche (comme à l’ouvrage de Roquebrune) d’un classique saillant de forme plus ou moins arrondie, sur lequel va s’appuyer la visière de plan oblique qui couvre les portes. Ce saillant est équipé d’un créneau de flanquement pour fusil mitrailleur, et porte une cloche GFM surveillant le littoral (Fig. 1).

Le hall de déchargement pour camion est classiquement couplé avec une entrée des hommes à chicane crénelée, type EH 1930, mais ces accès ne se développent pas en profondeur vers des galeries de plain-pied, à la différence des cas les plus fréquents.

Le hall d’entrée est suivi d’un vestibule logé dans le flanc ouest du bloc, qui distribue les galeries circulant 10 à 20 m en contrebas par l’intermédiaire d’une cage d’escalier à rampes droites tournant au carré autour d’un monte-charge, le tout restauré et repeint, y compris les gaines de collecte de l’air gazé (couleur verte) et de l’air pur (couleur rouge) ; on notera la signalétique d’accès aux blocs 2 et 3 au départ de l’escalier (Fig. 3).

Bloc 1, intérieur : vestibule avec cage d'escalier descendant autour d'un monte-charge, tuyaux de ventilation.Bloc 1, intérieur : vestibule avec cage d'escalier descendant autour d'un monte-charge, tuyaux de ventilation.

Outre les ressources habituelles des blocs d’entrée mixtes, comme le corps de garde avec local radio, ce bloc 1 du Cap Martin se distingue nettement de la norme par son statut cumulé de bloc d’artillerie actif.

En effet, son front est / nord-est est aménagé en contrebas du niveau du seuil d’entrée en casemate d’action frontale pour 2 mortiers de 81, tirant en direction de Menton, avec les classiques embrasures à trémie contre-plongeantes masquées par un fossé diamant. Outre sa cloche GFM, ce bloc est aussi pourvu dans sa partie sud-est, vers le large, d’une cloche LG (lance-grenades) ; ce front sud comporte en effet un point faible, car il est percé d’une large ouverture d’aération protégée par une forte grille de fer.

L’unique galerie de distribution en caverne comporte un faible développement au sud-est du bloc 1, avec des casemates latérales, dont la salle de neutralisation (purification de l’air gazé pour distribution dans l’ouvrage). Le plus grand développement s’étend au nord, desservant les casemates de casernement, disposées en branches perpendiculaires de part et d’autre de la galerie, et les locaux de service et de logistique habituels. On note en particulier la salle de l’usine ou central électrogène, avec ses trois massifs et compacts moteurs diesel Renault inhabituellement disposés en épi (Fig. 4) ce qui dégage de l’espace latéralement, facilitant la circulation et permettant d’accueillir dans le même volume des réservoirs pour le liquide de refroidissement. Fait tout aussi inhabituel : cette casemate des groupes électrogènes est carrelée, non seulement au sol (grès) mais sur les parois (céramique blanche) (Fig. 5).

Les restaurations associatives récentes ont comporté la remise en peinture (grise) des diverses boites électriques, régulateurs et transformateurs (Fig. 6).

On notera au passage que l’ouvrage comporte une branche de galerie abandonnée en cours de forage (Fig. 7) , peut-être destinée à desservir un bloc d’infanterie jamais réalisé.

Central électrogène ou usine de l'ouvrage, avec moteurs diesel Renault.Central électrogène ou usine de l'ouvrage, avec moteurs diesel Renault.

Bloc 2.

Situé au milieu du développement de l’ouvrage, il s’agit d’un bloc de barrage abritant un observatoire ou poste optique sous cloche VDP (vision directe et périscopique). C’est un bloc peu monumental (Fig. 8), mais de structure nettement bipartite. Il comporte en effet deux sections d’armes différentes sous casemates indépendantes ; la section d’artillerie, au milieu de l’ouvrage, précédée au dehors d’un fossé diamant encadré de deux saillants, dessert une embrasure d’action frontale est / nord-est pour un canon de 75, protégée par une visière oblique en béton. La section d’infanterie, dans l’angle rentrant au sud-est du bloc, au-dessus du fossé diamant est un poste de flanc avec deux créneaux à trémie pour JM (jumelage mitrailleuses) flanqués d’un créneau pour FM en tir croisé, avec basse visière horizontale de béton. Au nord le bloc forme un gros saillant arrondi avec créneau flanquant pour JM, surmontée d’une visière semi-circulaire ; c’est ce saillant qui porte la cloche observatoire périscopique. Ce secteur avait subi des restaurations après les impacts de 1940.

Le bloc 2 vu du nord / nord-est, avec la cloche VDP de son poste optique.Le bloc 2 vu du nord / nord-est, avec la cloche VDP de son poste optique.

Bloc 3.

C’est un bloc d’artillerie étroit et assez frêle (Fig. 9), pour le flanquement réciproque avec l’ouvrage de Roquebrune. Comme tous les blocs de flanquement, il a un front actif de plan en crémaillère. Ce front actif, à la différence de celui des deux autres blocs, n’est pas tourné vers la mer, mais fait face au nord-est, avec tirs de flanquement au nord ; il comporte deux casemates en épi pour canon de 75, classiquement superposées à deux autres pour mortier de 81 avec embrasures contre-plongeantes dans un fossé diamant. Il comportait deux cloches GFM, dont celle qui a été soulevée d’un mètre par l’explosion de 1944.Le bloc 2 vu du nord / nord-est, avec la cloche VDP de son poste optique.Le bloc 2 vu du nord / nord-est, avec la cloche VDP de son poste optique.

Construit entre 1930 et 1933, l'ouvrage mixte du Cap Martin est le plus méridonal des ouvrages de la ligne de défense du secteur frontalier des Alpes-Maritimes. C'est le seul implanté directement sur le littoral.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • GARIGLIO, Dario, MINOLA, Mauro. Le fortezze delle Alpi occidentali [Les forteresses des Alpes occidentales]. Cuneo : L'Arcière, 1995.

    vol. II, Dal Monginevro al Mare, p. 282-283.
  • MARY, J.-Y. La ligne Maginot, ce qu’elle était et ce qu’il en reste. – Paris : Sercap, 1985.

  • PANICACCI, J.L. La ligne Maginot dans les Alpes-Maritimes. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes. Paris : Association Vauban, 2004, p. 97-107.

  • PANICACCI, J.L. La bataille pour Menton (10-25 juin 1940). Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995, p. 215-220.

  • SPIRAL, P. La ligne Maginot de l’Est et des Alpes, 1939-1945. Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995, p. 199-214.

  • TRUTTMANN, Philippe. La muraille de France ou la ligne Maginot. – Thionville : édition Gérard Klopp, 1988, 627 p.

Date d'enquête 2005 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers