Commentaire historique
Cette maison est adossée perpendiculairement à l'enceinte fortifiée médiévale de la fin du 14e siècle (voir dossier IA05001550), dont la maçonnerie est ici conservée sur les deux premiers niveaux du pignon sud avec une épaisseur d'environ 140-150 cm. Son origine remonte au moins à l’Epoque moderne (16e siècle ou 17e siècle). C'est à cette période qu'il faut rattacher la porte charretière de la façade occidentale, qui était ornée d'un motif sculpté sur sa clef. Celui-ci a été plus tard bûché, probablement en 1767, alors que toute la surface de cet encadrement a été retravaillé par un bouchardage.
Dans le cadastre de 1570, cet emplacement fait partie d'un quartier appelé « la Frache », toponyme qui fait référence à une brèche pratiquée dans la muraille d'enceinte, monumentalisée un siècle et demi plus tard avec l'encadrement du portail tout proche qui porte la date « 1727 ».
D'après le cadastre de 1699, un passage existait du côté sud de cette maison, rejoignant la placette installée au niveau du passage des Aires. A cette époque, la maison est traversante d'est en ouest. Elle appartient alors à Pierre Gros et est désignée comme « maison, écurie, chasal et régaille ».
La maison a été largement reprise au troisième quart du 18e siècle, comme l'indique la date « 1767 » gravée deux fois sur la façade ouest. Cette datation est confortée par la présence d'encadrements en arc segmentaire. La tradition orale indique que cette maison était occupée par la gendarmerie à la fin du 18e siècle.
Elévation ouest, premier niveau. Petite baie en arc segmentaire portant une date gravée (1767).
Elévation ouest, premier niveau. Petite baie en arc segmentaire, détail de la date gravée (1767).
Elévation ouest, premier niveau. Elévation ouest, premier niveau. Porte de l'étable-remise avec encadrement chanfreiné, détail de la date gravée (1767).
Sur le plan cadastral de 1839, la parcelle possède un plan identique à l'actuel mais elle englobe en plus une maison mitoyenne à l'est. Elle est mentionnée comme une « maison » de 182 m² d'emprise au sol, comptant 10 ouvertures et imposée dans la 2e catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à Augustin Corréard, boulanger, qui possède également un jardin proche (parcelle 1839 F1 293). Il est également propriétaire de plusieurs terrains, notamment aux quartiers de la Baumelle, la Rebière, le Fraysse, les Combettes, les Rosières, les Coings, etc.
En 1845, une partie de cette maison (70 m² d'emprise au sol, 6 ouvertures) est cédée à Jean Truphémus, fils de Michel. Augustin Corréard conserve le reste (112 m² au sol, 4 ouvertures), qui est partagé en 1869 entre ses deux fils, Gustave Corréard (37 m², 1 ouvertures) et Paul Corréard (75 m², 3 ouvertures). La part de ce dernier semble correspondre à la maison mitoyenne à l'est, aujourd'hui détachée de la parcelle. En 1880, la partie de Jean Truphémus passe à Marie Truphémus, demeurant à Saint-Sauveur (Drôme). Mais, dès 1882, elle est rachetée par Gustave Corréard. En 1911, celui-ci regroupe ses deux parts en une même entité foncière, qui paraît correspondre à la maison ici étudiée.
Les aménagements anciens conservés (sols, cheminées, pile d'évier) remontent à la seconde moitié du 19e siècle.
Plan de masse et de situation d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison située dans la partie nord-ouest du bourg intra muros longe une courte impasse débouchant dans la rue du Passet. De plan rectangulaire orienté nord-sud, son extrémité sud s'appuie sur la maçonnerie de la fortification médiévale. Mitoyenne au nord, à l'est et au sud-ouest, elle comporte un rez-de-chaussée, deux étages carrés et un étage de comble. L'angle nord-est du bâtiment est occupé sur toute sa hauteur par une cage d'escalier. Là, des portes aujourd'hui murées attestent que cet escalier desservait également les maisons mitoyennes, illustration du morcellement foncier et de l'imbrication des propriétés qui a pu exister.
Elévation ouest.
Elévation ouest.
Plan schématique du bâtiment au niveau du rez-de-chaussée (partie non grisée) et des constructions mitoyennes (parties grisées).
Fonctions et aménagements intérieurs
Le rez-de-chaussée était anciennement occupé par une étable, accessible de plain-pied par une porte charretière ouverte côté ouest, dans l'impasse. Cette pièce, couverte par trois travées de voûte d'arêtes, dispose d'une longue banquette maçonnée adossée au mur oriental qui accueillait la mangeoire.
Rez-de-chaussée, remise-étable. Vue de volume prise du nord.
Rez-de-chaussée, remise-étable. Vue de volume prise du sud.
Dans l'angle nord-est, une porte basse ouvre sur un petit réduit qui occupe la base de la cage d'escalier mentionnée plus haut. Il s'agit possiblement de l'ancien cachot (?) de la gendarmerie, ensuite converti en cellier. Quelques tonneaux y sont encore conservés, dont un qui est cerclé en bois (voir dossier IM05004534). Cette pièce, couverte par une voûte en berceau segmentaire, est aérée par un conduit maçonné vertical qui débouche sur le toit.
Rez-de-chaussée, resserre (cachot ?) installée sous l'escalier. Vue de volume prise de l'ouest.
Rez-de-chaussée, resserre (cachot ?) installée sous l'escalier. Cheminée d'aération.
Dans l'angle nord-ouest, un escalier tournant permet de rejoindre la cage d'escalier principale et le premier étage. Dans l'angle sud-est, un autre escalier tournant donne également accès au premier étage. Les deux sont maçonnés, avec des marches monolithes qui remploient parfois des pierres à bossages provenant de l'une des deux tours médiévales du bourg. Enfin, à l'angle sud-ouest, le long de la muraille médiévale, une porte donne accès à la maison mitoyenne à l'ouest, via une pièce de pièce de cuvage où était installée une petite cuve vinaire en ciment (détruite).
Rez-de-chaussée, remise-étable. Angle nord-ouest, escalier.
Premier étage, angle nord-ouest. Départ de l'escalier.
Les deux étages sont réservés au logis. Les sols anciens, conservés ou remployés in situ, sont en carreaux de terre cuite carrés ou rectangulaires ou en planchers à chevrons. Au premier étage, on note la présence d'une cheminée à demi-engagée dans le mur nord, avec un habillage (chambranle et manteau) en marbre mouluré. Dans cette même pièce, une niche aménagée dans l'angle nord-ouest accueille une pile d'évier, simplement constituée d'une dalle inclinée vers l'extérieur ; son évacuation est réalisée par une tuile creuse.
Deuxième étage, sol en carreaux de terre cuite.
Deuxième étage, mur nord. Cheminée en marbre.
Deuxième étage, mur ouest. Lauze d'évier.
Elévation ouest, troisième niveau. Petite baie d'évier et sortie de pile en tuile creuse.
L'étage de comble était réservé au séchoir et accueillait sans doute un pigeonnier. Il est éclairé par des jours complétés par quelques trous d'aération aménagés au niveau du sol.
Structure et matériaux
L'ensemble du bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès. Sur le pignon sud, le parement de moellons équarris et assisés est celui de l'enceinte fortifiée médiévale.
Tous les encadrements anciens sont placés sur la seule façade ouest. Ils sont en pierre de taille de grès à arêtes vives, avec un couvrement en arc segmentaire, et datent de la seconde moitié du 18e siècle. Celui de la porte charretière, en arc plein-cintre à arrêtes chanfreinées est plus ancien (17e siècle ?) mais il a été remanié. La surface des pierres de taille a été bouchardée et sa clef légèrement saillante a été bûchée afin de recevoir la date gravée « 1767 ». Cette même date se retrouve aussi sur le couvrement de la porte piétonne partiellement murée située à côté.
Elévation ouest, premier niveau. Porte de l'étable-remise avec encadrement chanfreiné portant une date gravée (1767).
Elévation ouest, deuxième et troisième niveaux : jours d'évier ; quatrième niveau : aérations du séchoir.
Le toit à un pan est couvert en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. L'avant-toit est constitué de trois rangs de génoise installés sur une rangée de carreaux de terre cuite et peints en blanc.