Commentaire historique
Cette maison est adossée à l'enceinte médiévale de la fin du 14e siècle qui borde le côté oriental du bourg (voir dossier IA05001550). La maçonnerie de cette muraille est ici conservée sur au moins deux mètres de haut, avec une épaisseur de 115-120 cm. Au-dessus, il s'agit manifestement d'une reprise postérieure intégrant le jour en fente du cellier.
Elévation est.
Elévation est, premier niveau. Maçonnerie médiévale.
Elévation est, premier niveau. Porte de la resserre.
Elévation sud (sous le passage couvert), petite pièce adossée au parement interne de l'enceinte médiévale.
En effet, l'origine de cette maison pourrait remonter au moins au 16e siècle, avec des reprises au 17e siècle, notamment la façade ouest avec l'encadrement de l'actuelle porte du logis. Hormis sa base médiévale, la partie nord de l'élévation orientale date aussi de cette époque et il est encore possible de deviner l'organisation des percements : jour en fente au premier niveau, baie à demi-croisée au deuxième niveau (retaillée et modifiée en porte-fenêtre), baie à croisée au troisième niveau (pour partie murée, pour partie disparue). A l'intérieur, au rez-de-chaussée surélevé, le jambage de cheminée et la poutre à arêtes moulurées remontent également à cette période.
Elévation est, deuxième niveau. Fente de jour.
Elévation est, troisième niveau. Fenêtre reperçant une baie à croisée murée.
En revanche, la partie sud de cette élévation orientale a été rebâtie en même temps que la maison mitoyenne intégrant le passage couvert, c'est-à-dire manifestement au cours du 18e siècle. D'ailleurs, on observe encore l'arrachement de l'ancienne maçonnerie qui montre que l'étage carré s'étendait auparavant sur tout le bâtiment et que celui-ci a été abaissé lors de sa reconstruction. Comme certaines fenêtres de la maison mitoyenne au sud, la porte murée de la façade ouest date de ce 18e siècle. C'est peut-être aussi le cas de la voûte qui couvre aujourd'hui l'étage de soubassement : sa maçonnerie a été collée sur les murs et remplace possiblement un plancher originel.
Dans les cadastres de 1570 et 1699, l'actuelle Petite Rue s'appelle « rue Coynelle » alors que le passage couvert aménagé dans l'enceinte est appelé « le Portallet ». C'est par ce passage que, au moins depuis la fin du 16e siècle – et probablement avant – on accède depuis le bourg intra muros aux jardins situés en contrebas. En 1699, cette maison semble appartenir à Jean Fériaud et l'enceinte fortifiée sur laquelle elle s'appuie est désignée comme les « murailles du lieu » (f° 195). A cette date, un « cloaque » (décharge) installé au pied de la rampe du passage couvert (côté Grande Rue) appartient à François d'Ize, seigneur de Rosans. Cette rampe est appelée « montée du Portallet » (f° 232 v°).
Sur le plan cadastral de 1839, la parcelle possède un plan identique à l'actuel. Elle est mentionnée comme une « maison » de 74 m² d'emprise au sol, possédant 4 ouvertures et imposée dans la 5e catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à la veuve de l'aubergiste Antoine Bonfils, qui possède également un bâtiment agricole en haut de la Grande Rue (parcelle 1839 F1 145).
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
En 1847, la maison appartient à Jacques Bonfils. En 1878, elle devient la propriété de François Faure, militaire, et si elle demeure dans la même classe fiscale qu'en 1839 elle compte désormais 5 ouvertures (percement de la fenêtre de l'élévation ouest ?). Puis elle passe en 1895 à Auguste Faure, demeurant à Saint-André-de-Rosans, et en 1906 à Xavier Cabouret, du même lieu.
En 1907, c'est Antoine Givaudan, demeurant à Rosans, qui en devient propriétaire. Après sa mort, en 1948, l'acte de succession du notaire Debard à Serres décrit l'ensemble de ses biens : « un entier petit corps de domaine dont le centre d'exploitation est situé à Rosans composé de maison à usage d'habitation et d'exploitation en très mauvais état, cour, remise, prés, terres, landes et bois ».
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison, située dans la partie est du bourg intra muros, est installée dans le long îlot correspondant à la courtine orientale de l'enceinte fortifiée médiévale. Traversante, elle est adossée perpendiculairement au sens de la pente et est mitoyenne sur ses pignons nord et sud. Ce dernier côté correspond dans sa partie inférieure à un passage couvert traversant l'enceinte.
Elle comporte un étage de soubassement et un rez-de-chaussée surélevé pour lesquels le plan au sol est identique, ainsi qu'un étage carré – qui n'existe pas sur le quart sud du bâtiment. La forme de la parcelle correspond à l'emprise au sol de l'étage de soubassement et de son couvrement voûté. Au rez-de-chaussée surélevé et à l'étage, les pièces débordent de ce plan et l'on note des différences de niveau de sol entre elles, témoignant d'une fusion progressive de différentes parties anciennement indépendantes. Ce même phénomène explique la variation qui existe dans la forme du toit.
Vue d'ensemble prise du sud-est.
Elévation est.
Elévation ouest.
Plan schématique du bâtiment : étage de soubassement.
Coupes schématiques de l'étage de soubassement du bâtiment, selon les points AB et CD indiqués sur le plan schématique.
Fonctions et aménagements intérieurs
Etage de soubassement
L'étage de soubassement est accessible depuis la rampe du « Portallet » par une porte piétonne traversant l'épaisse muraille médiévale. Il communique aussi avec le rez-de-chaussée surélevé grâce à un escalier raide occupant l'angle sud-ouest de la parcelle. Tournant à son départ, puis droit à mi-parcours, ses marches en gros moellons de grès équarris sont maçonnées sur un massif plein. Seules les dernières marches sont soutenues par de courtes, mais robustes, sections de troncs non équarries, installées sur une poutre en diagonale.
Etage de soubassement, angle sud-ouest. Départ de l'escalier menant au rez-de-chaussée.
Etage de soubassement, cellier. Angle nord-ouest, dessous de l'escalier tournant menant au rez-de-chaussée.
Couvert par une haute voûte en berceau plein-cintre coffrée, l'espace est divisé en L au moyen d'un mur de refend maçonné et enduit, associé à une cloison perpendiculaire construite à pans de bois et mortier. Dans la partie sud-est, à laquelle on accède en premier depuis l'extérieur, le sol est plus bas. Cette pièce accueillait peut-être un pressoir mais elle pouvait aussi faire office d'étable.
Etage de soubassement, cellier sud. Vue de volume.
Etage de soubassement, cellier sud. Cloison ouest, en pans de bois.
Etage de soubassement, cellier sud. Mur est et fente de jour.
Etage de soubassement, angle sud-est. Séchoir aménagé au-dessus de l'embrasure de la porte.
Ailleurs, le sol est plus haut d'environ un mètre. La partie nord accueillait le cellier avec une cuve vinaire maçonnée adossée au mur ouest. Elle est aujourd'hui détruite, mais subsiste l'arrachement des carreaux de terre cuite vernissés qui assuraient son étanchéité. Au-dessus de cette cuve, une petite trappe est aménagée dans la voûte pour permettre d'y déverser la vendange depuis le rez-de-chaussée. Des cerclages de tonneaux sont conservés dans la pièce.
Etage de soubassement, cellier nord. Vue de volume prise de l'est.
Etage de soubassement, cellier nord. Trappe vinaire aménagée dans la voûte.
Le long du mur ouest, entre la cuve vinaire et l'escalier menant au rez-de-chaussée surélevé, l'espace est aménagé en resserre.
Rez-de-chaussée surélevé et étage
Le rez-de-chaussée surélevé et l'étage carré sont réservés au logis. On accède au rez-de-chaussée de plain-pied depuis la Petite Rue par une porte piétonne ouverte dans le mur ouest. Côté est, une porte-fenêtre donne accès au balcon. Un élément lapidaire est conservé (en place ?) dans le mur nord de la pièce : il s'agit sans doute d'un jambage de cheminée, avec socle galbé mouluré, montant arrondi et arrachement du corbeau. Une inscription semble être gravée sur le socle (date : 1680 ?) et le corbeau brisé qui le termine est surmonté de deux pièces de bois sculptées.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, jambage et corbeau de cheminée.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, jambage de cheminée. Détail de la base avec date gravée (1680 ?).
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, corbeau de cheminée et éléments en bois sculptés.
Flanquant cet élément, un placard-niche possède deux vantaux à panneaux sculptés de grands losanges. Une poutre du plafond, remployée, possède des arêtes moulurées.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, placard-niche.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Poutre à arrête moulurée.
Un escalier intérieur droit, en menuiserie, mène à l'étage. L'espace sous le toit, trop bas pour être un véritable étage de comble était néanmoins utilisé comme séchoir, ventilé par un jour et deux aérations faites de tuiles creuses installées bord à bord.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons de grès, complétés par quelques blocs calcaires. C'est seulement dans la partie haute de la maison, qui dépasse le bâtiment mitoyen, que l'on observe des chaînes d'angle, lesquelles sont réalisées en gros moellons équarris. Les élévations ne sont pas enduites.
Au premier niveau de l'élévation ouest, l'encadrement de la porte du logis est en pierre de taille de grès. Il possède des piédroits en quart-de-rond avec congés inférieurs et supérieurs en large bec ; le linteau droit monolithe est à arêtes vives. Au dernier niveau de la façade orientale, subsiste la moitié de l'encadrement en pierre de taille de grès d'une baie à croisée chanfreinée, murée et repercée.
Elévation ouest.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis, détail de l'encadrement.
Le balcon installé au deuxième niveau de l'élévation oriental est supporté par une poutrelle métallique en U. Une dalle en béton remplace l'ancienne structure de sol en briques. Le garde-corps est en ferronnerie avec des barreaux droits.
Sur les trois-quarts nord de la maison, le toit est à longs pans, mais il est à un seul pan sur le quart sud. La couverture est en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. Seul l'avant-toit occidental est conservé, il est constitué d'un larmier en lauzes de grès.
Pignon sud.
Elévation ouest, avant-toit constitué d'un larmier en lauzes.