Commentaire historique
Avant la construction
Sur le terrier de 1755, le dessin montre clairement que la route menant à Sisteron fait ici un coude et emprunte le tracé de l'actuel chemin de Préparadis et une croix rayonnante est symbolisée. L'emplacement de cette maison se trouve sur une très grande parcelle désignée comme une terre appartenant « au Seigneur Marquis du Muy Comte de Ribiers ». Ce quartier est alors désigné comme le « Clot du Seigneur ».
Si la disposition viaire reste la même sur le cadastre de 1823, la grande terre seigneuriale a été partagée en plusieurs parcelles et le quartier est nommé « l'Enclos ». Toutefois, aucun bâtiment ne figure encore à cet emplacement, qui correspond au quart nord-est d'une parcelle de terre labourable (parcelle 1823 E2 830, 4 830 m²) appartenant au notaire MAGUET Joseph. Celui-ci possède au bourg de Ribiers une grande maison installée à l'angle de la rue du Barry et de la rue du Château (1823 E2 528), accompagnée d'une dépendance agricole disjointe (E2 438, actuelle médiathèque), mais aussi la ferme du Villaret et son domaine agricole.
En 1836, ses possessions passent à sa GONTARD Hypolitte, puis en 1841 à sa veuve MAGUET Virginie Caroline. Celle-ci les cède en 1848 à AMAT Jean Joseph, avoué à Gap. En 1893, ils sont acquit par ROMAN Joseph, avocat à Picomtal (commune des Crottes, aujourd'hui les Crots au sud-ouest d’Embrun).
Construction de la maison et de la dépendance agricole
C'est en 1904 que la parcelle est partagée. Sa plus grande partie (3 000 m²), où est bâtie la maison, passe aux frères EVÊQUE Désiré et EVÊQUE Antonin, facteurs à Paris. En 1908, ceux-ci cèdent 17 m² de leur terrain à la voie publique. Dans la pièce du cuvage au sous-sol, on remarque qu'une des poutrelles métalliques du couvrement en voûtains porte encore l'inscription peinte en lettres capitales « LOUIS EVEQUE », qui indiquait le destinataire de ces matériaux.
Ribiers. L'avenue de Sisteron. [Vue de situation de la maison prise du nord-est], début du 20e siècle (après 1907).
Sous-sol, cellier. Poutrelle métallique du couvrement avec marque peinte « LOUIS EVEQUE ».
D'après la tradition orale, cette maison a été construite entre 1902 et 1904, par les frères EVÊQUE. Toutefois, la matrice des propriétés bâties n'enregistre pas de construction neuve à cet emplacement à cette date. Mais il peut s'agir d'un décalage administratif, les archives cadastrales disponibles s'arrêtant en 1911. On remarque les vestiges d'une date portée, gravée dans l'enduit du mur ouest du jardin : 1912.
Quoi qu'il en soit, l'organisation interne de cette maison traduit cette co-propriété par le dédoublement de certaines fonctions ou pièces, chacune réservée à l'un des deux foyers (cuves vinaires, cuisines, séchoirs) et expliquant les partitions internes du logis. Cette partition se retrouve également dans la dépendance agricole disjointe, organisée en symétrie.
On remarque quelques évolutions dans le bâti, probablement réalisées vers le milieu du 20e siècle. Il s'agit notamment de la reconstruction totale de l'escalier intérieur desservant les étages – qui remplace manifestement un escalier antérieur plus raide à paliers intermédiaires – ainsi que la condamnation des deux portes qui permettaient d'accéder au sous-sol depuis l'extérieur. Quelques autres transformations mineures ont également été effectuées : percement de petits jours supplémentaires, installation ou remplacement de la marquise, etc. C'est sans doute à cette même époque que le bâtiment de la dépendance agricole a été ajouté au sud du jardin. En outre, il existait une petite remise à véhicules côté nord, aujourd'hui détruite.
Description architecturale
Cette maison est située à l'entrée sud du village de Ribiers, au carrefour de la route de Sisteron et du chemin de Préparadis. Installée dans un jardin clos, elle comporte un sous-sol, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et deux étages de comble. Elle est complétée par une dépendance agricole disjointe au sud.
Vue de situation prise du nord-est.
Pignon est.
Pignon ouest.
La maison
Fonctions et circulations
Le sous-sol était originellement accessible par deux portes piétonnes percées dans les élévations sud et nord, aujourd'hui murées. Désormais desservi depuis le rez-de-chaussée surélevé par un escalier tournant en bois, il est séparé en trois pièces par des cloisons en brique creuse. A l'ouest, au débouché de l'escalier, se trouve le cuvage avec ses deux cuves vinaires maçonnées. De plan rectangulaires, elles disposent chacune d'un petit jour extérieur qui permettait leur remplissage. Des échelons métalliques sont scellés sous ces jours à l'intérieur des cuves. Leurs parements intérieur et extérieur sont enduits.
Les deux autres pièces se partagent la partie orientale de ce sous-sol. Il s'agit de resserres alimentaires servant également de cellier ; des madriers sont posés au sol, ils servaient à accueillir les tonneaux de vin. Chaque pièce dispose d'un jour horizontal.
Plan schématique du sous-sol.
Sous-sol, cuvage. Escalier menant au rez-de-chaussée surélevé.
Sous-sol, cuvage. Angle sud-ouest, cuve vinaire et porte murée.
Sous-sol, cuvage. Angle nord-ouest, cuve vinaire. Soupirail et échelons.
Sous-sol, cellier. Cloison en brique creuse.
Le rez-de-chaussée surélevé est desservi côté est par un escalier extérieur symétrique qui mène à une large porte à deux vantaux. Côté ouest, un autre escalier extérieur, beaucoup plus modeste, mène à une porte piétonne simple qui ouvre dans la cage de l'escalier.
La porte orientale ouvre sur un vestibule qui dessert la cage de l'escalier, située dans son prolongement ouest, et distribue au nord et au sud deux salons chacun prolongés côté ouest par une chambre.
Plan schématique du rez-de-chaussée surélevé.
Rez-de-chaussée surélevé, vestibule. Vue de volume prise de l'ouest.
Rez-de-chaussée surélevé, vestibule. Sol en carreaux de ciment.
Dans ce vestibule, les murs détapissés ont révélés les anciennes peintures murales, composées de panneaux à angles ornés de motifs floraux (marguerites et roses) posés sur un soubassement imitant le marbre.
Rez-de-chaussée surélevé, vestibule. Décor peint à panneaux et motifs floraux et porte de la pièce nord-est.
Rez-de-chaussée surélevé, vestibule. Décor peint à panneaux et motifs floraux.
Rez-de-chaussée surélevé, vestibule. Décor peint à panneaux et motifs floraux. Détail.
Les sols sont en carreaux de ciment à motif géométrique ou en tomettes dans la chambre nord-ouest. Les murs et les plafonds sont enduits. Chaque pièce dispose d'une cheminée engagée avec console et chambranles en marbre rose ou noir. Les portes de communication disposent de menuiserie en noyer à panneaux moulurés. Les fenêtres sont à deux vantaux vitrés, munis d'une fermeture à espagnolette.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce nord-est. Porte du vestibule.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce nord-est. Mur est, fenêtre.
Rez-de-chaussée surélevé, sol en carreaux de ciment (pièce nord-est) et en tomettes (pièce nord-ouest).
L'escalier menant à l'étage est construit en menuiserie. Tournant, il dispose d'une rambarde en serrurerie dont la main courante en bois a disparu. Cet organe de circulation est une reconstruction dont la mise en place dans la cage d'escalier oblitère partiellement la porte ouest et qui a supprimer les paliers originellement éclairés par les fenêtres de ce même mur ouest.
Rez-de-chaussée surélevé, départ de l'escalier menant à l'étage.
Rez-de-chaussée surélevé, détail de la balustrade de l'escalier.
Le premier étage est occupé par quatre pièces. Celle du sud-ouest est une cuisine, disposant d'une cheminée adossée dont la hotte maçonnée paraît anachronique car d'un style plus ancien que le reste des aménagements de cette maison. Cette cheminée est flanquée d'une pile d'évier et est accompagnée d'un placard-niche. Les autres pièces sont à usage de chambre. Les sols sont en carreaux de ciment décorés, les murs et les plafonds sont peints. Les chambres disposent de cheminée engagées en marbre.
Plan schématique du premier étage.
Etage, palier de l'escalier.
Etage, cuisine. Vue de volume prise du nord-est.
Etage, chambre nord-est. Mur nord, cheminée.
Etage, chambre sud-ouest. Mur ouest, cheminée.
L'étage de comble est réservé aux séchoirs, séparés par des cloisons en briques creuses. La pièce centrale a été transformée en chambre.
Plan schématique de l'étage de comble.
Etage de comble, cage de l'escalier.
Etage de comble, séchoir sud. Vue de volume partielle.
Structure et matériaux
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de galets. Les élévations portent un enduit lisse, avec un décor façonné et gravé de fausse chaîne d'angle. La façade principale se développe sur le pignon oriental, rythmée par trois travées d'ouvertures, avec une porte centrale. Celle-ci est desservie par un escalier extérieur maçonné, à deux volées symétriques. Les encadrements des ouvertures sont composites, en pierre de taille calcaire et brique, avec une plate-bande légèrement segmentaire. Sur le pignon est, la porte possède une menuiserie à deux vantaux symétriques, à panneaux moulurés, surmontée d'un tympan vitré en bois. Elle est protégée par une marquise en ferronnerie et couverture vitrée. Les fenêtres sont équipées de persiennes métalliques et de garde-corps en fonte.
Vue d'ensemble prise de l'est.
Pignon est, détail de l'encadrement de la porte.
Pignon est, premier niveau. Marquise en ferronnerie.
Pignon est, détail d'un garde-corps de fenêtre.
A l'intérieur, tous les couvrements sont réalisés en voûtains de brique sur poutrelles métalliques. Celles-ci portent l'inscription moulée « Aciéries de Longwy ». Dans la partie logis, ces voûtains sont masqués par un plafond droit en plâtre. Dans les séchoirs de l'étage de comble, la face supérieure des poutrelles métalliques reste visible, l'extrados des voûtains étant comblé par une chape de mortier.
La charpente repose sur une ferme centrale, à poinçon sur entrait, avec un assemblage boulonné. Elle supporte des pannes portant les chevrons de la couverture. Le toit à longs pans est couvert en tuiles plates mécaniques, issues des productions des Tuileries de la Méditerranée (Marseille). L'avant-toit est constitué du débord de charpente, souligné en rive par un lambrequin en bois. Les souches des cheminées sont en briques pleines.
Pignon est, lambrequin de rive.
Couverture en tuile plate mécanique sur liteaux.
Souche de la cheminée.
La dépendance agricole
Installée au sud du jardin et appuyée sur son mur de clôture, ce bâtiment étroit orienté est-ouest est composé d'un unique rez-de-chaussée occupé par quatre boxes à cochons, séparés par deux remises à outils. Le bâtiment est construit en béton banché. Le toit à un pan est soutenu par une charpente à panne. La couverture en tuile plate mécanique repose sur des chevrons et des liteaux.
Dépendance agricole. Vue d'ensemble prise du nord-ouest.
Dépendance agricole. Vue de volume d'une des étables à cochon.
Dépendance agricole. Couverture en tuile plate mécanique.
Le jardin
Entourant la maison, il est planté de quelques grands arbres, dont trois tilleuls, et de haies basses en buis taillés. Le terrain est clos par un muret maçonné. Côté est, le long de la route de Sisteron, il est surmonté de piquets en fer forgé terminés en torsade sur lesquels est fixé un grillage. Le portail principal se trouve de ce côté : ses piliers sont façonnés au mortier, en une imitation de pierre de taille, et il est muni de deux vantaux en ferronnerie. Un autre portail s'ouvre à l'angle nord-ouest du jardin, où le muret devient mur, avec des piédroits en pierre de taille calcaire. Côté sud et côté ouest, le mur de clôture est entièrement maçonné, avec un couvrement bombé façonné au mortier. Un troisième portillon est percé au sud-ouest du jardin.
Mur de clôture et portail du jardin.
Extrémité d'un des piquets de la clôture du jardin.
Mur de clôture et portail nord du jardin.
Mur de clôture du jardin, côté sud.