Commentaire historique
Cette ferme est isolée à plus de 5 kilomètres au sud-est du bourg de Ribiers, au bord du Buëch et au pied du site castral de Saint-Etienne, à une altitude d'environ 470 mètres. Elle est composée d'un grand bâtiment principal, de trois dépendances agricoles disjointes, d'un colombier et d'une fontaine.
Son origine remonte sans doute à la fin du 17e siècle ou au début du 18e siècle. Néanmoins, l'ensemble a été remanié à la fin du 18e siècle ou au début du 19e siècle. C'est de cette époque que date le bâtiment principal, y compris l'escalier extérieur à deux volées et son garde-corps en ferronnerie caractéristique de cette période.
Sur le terrier de 1755 (plan n° 44), le bâtiment principal (parcelle 2199) est mentionné comme « maison, grange, étable et appartenances ». Il est flanqué à l'ouest par un « four » (parcelle 2198) et une dépendance disjointe mentionnée comme « maison, grange et écurie » l'accompagne au nord-est (parcelle 2196) ainsi qu'une aire à battre (parcelle 2195). Un jardin ordonnancé se développe devant la façade du bâtiment principal, organisé en « élévation potagère » et « jardin et treille en berceau ». Un « pigeonnier » est installé à l'angle sud-ouest de ce jardin (parcelle 2202), auquel est adossé un « réservoir » (parcelle 2203) alimenté par une fontaine ; la position de ces derniers apparaît différente de leurs emplacements actuels. Une croix est dessinée à l'entrée du chemin d'accès au domaine.
L'ensemble est mentionné comme étant la « propriété d'Elisabeth Boin veuve en première noce de sieur Claude Latil et en seconde noce de sieur François La Plane » (D. Faure-Vincent, 2014).
Plans visuels de la terre et seigneurie du Bourg de Ribiers, 1755. Détail du plan 44.
En juillet 1804 (thermidor an XII), des fouilles sont entreprises dans les ruines du Rocher de Saint-Etienne, où sont trouvés « des bagues portant le monogramme du Christ, des fers de lances et de flèches ». En outre, les fouilleurs rapportent aussi de « prétendues inscriptions grecques et romaines », déclarées trouvées « dans un petit abri voûté » ou « cave », qui consistent en « quatre inscriptions, trois latines et une grecque, relatives à la victoire de Marius sur les Cimbres ». Toutefois elles sont très rapidement déclarées fausses. D'abord datées du 14e siècle par Millin et Visconti, J. Roman précise en 1888 qu'elles ont en réalité été « fabriquées par celui qui les avait découvertes ; c'était un faussaire émérite ». Depuis leur « découverte », ces inscriptions sont conservées dans le parement d'une dépendance agricole de la « maison de campagne du Virail ». (J. Roman,1888 ; 1892).
Hangar sud-est. Elévation ouest, premier niveau. Eléments lapidaires avec inscription gravée. Hangar sud-est. Elévation ouest, premier niveau. Eléments lapidaires avec inscription gravée. Hangar sud-est. Elévation ouest, premier niveau. Eléments lapidaires avec inscription gravée.
Sur le cadastre de 1823, la ferme est mentionnée comme une « maison, cour et colombier » de 1 290 m² au sol (parcelle J1 22), accompagnée d'une aire à battre de 1 580 m² (parcelle J1 23) et d'un jardin de 4 640 m² (parcelle J1 19). Ce dernier est toujours dessiné avec son ordonnancement structuré par deux allées. La fontaine et le réservoir ne sont pas figurés. Cet ensemble appartient à LAPLANE Edouard, qui possède également un grand domaine agricole d'un peu plus de 45 hectares, organisé d'un seul tenant autour de la ferme. Il est probable que cette propriété était encore plus grande, s'étendant en partie sur le territoire de Sisteron.
Ce domaine était constitué à plus de 46,5 % par des terres labourables (21 ha), 39 % de bois taillis (plus de 17,5 ha), 6% de landes (plus de 2,5 ha), 3,5 % de prés (plus de 1,5 ha), 2,5 % de vignes (1 ha) et 1 % de friches (4 250 m²). Il comprenait également une « écurie » de 140 m² au sol (parcelle J1 11), actuellement appelée Bergerie du Virail sur la carte IGN au 1/25 000e.
Plan de masse et de situation d'après le plan cadastral de 1823, section J1. Echelle d'origine 1/2500e. Extrait de la carte IGN au 1/25 000e, montrant l'étendue du domaine agricole d'après le cadastre de 1823.
A cette époque, le plan de masse cadastral montre qu'a priori seul le bâtiment principal et son extension nord-ouest existaient. Ceci est néanmoins contradictoire avec les informations données par J. Roman quant à l'existence de la dépendance agricole sud-est, sur laquelle ont été scellées les pseudo-inscriptions antiques.
Dans son aspect actuel, la dépendance nord date de plusieurs époques : 19e siècle pour la partie centrale maçonnée, fin du 19e siècle ou début du 20e siècle pour la remise ouverte avec piliers en brique, milieu et deuxième moitié du 20e siècle pour le reste. La bergerie orientale date du dernier quart du 20e siècle.
Le domaine agricole du Virail a été racheté en 1957 par la famille qui l'exploite actuellement, après son expropriation suite à la construction du barrage de Serre-Ponçon. La tradition orale rappelle que le rez-de-chaussée du colombier abritait une chapelle.
Description architecturale
Vue de situation prise du sud-ouest. Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
Bâtiment principal
Le bâtiment principal est de plan rectangulaire, avec une extension à l'angle nord-ouest. Il comporte un rez-de-chaussée, un étage carré et un étage de comble.
Bâtiment du logis, partie orientale. Elévation sud.
Le rez-de-chaussée de l'extension est occupé par une cuisine – dans laquelle était anciennement installé le four à pain dont ne subsiste que la porte déposée – et une chambre ; ailleurs, il abrite des étables et resserres. L'étage carré, réservé au logis, est accessible côté sud par un escalier extérieur à deux rampes, disposant d'un palier sur logette ; cet escalier dispose d'une rambarde en ferronnerie. L'étage de comble est dédié aux greniers et séchoirs.
Porte du four à pain, déposée.
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de galets, avec des chaînes d'angles en gros moellons équarris. Les élévations conservent un enduit lisse, avec un décor peint de faux encadrements et de fausses fenêtres en trompe-l’œil. Sur le pignon ouest, une cloche (probablement en airain) est fixée sur un bâti métallique. Elle possède un mouton en bois actionné depuis le sol par une chaîne et elle est couverte par une petite bâtière en tôle de zinc festonnée.
Sur l'élévation sud, la porte du logis possède un encadrement en pierre de taille calcaire, avec une plate-bande lisse. Les encadrements des ouvertures sont façonnés au mortier de gypse, avec un linteau droit en bois. Quelques fenêtres conservent des contrevents en planches simples ou à cadre.
Bâtiment du logis, partie orientale. Elévation sud, deuxième niveau. Décor peint de fausses fenêtres. Bâtiment du logis, partie occidentale. Elévation sud, deuxième niveau. Décor peint de fausse fenêtre, détail. Bâtiment du logis, partie orientale. Pignon ouest, troisième niveau. Cloche. Bâtiment du logis, partie occidentale. Elévation sud, troisième niveau. Fenêtre occultée par des contrevents en planches simples.
Ce bâtiment est couvert par un toit à longs pans récemment refait et légèrement surélevé. L'extension nord-ouest possède un toit à un pan.
Une bergerie a été adossée au mur nord, sur un niveau unique ; elle est construite en parpaings creux de béton et est couverte par un toit en appentis.
Dépendances
Une cour fermée se développe au sud du bâtiment principal. Enclose par un muret, elle est accessible par un portail adossé à l'extension nord-ouest. Celui-ci possède des piédroits en pierre de taille calcaire, avec un linteau droit en bois, et il est couvert par un toit en bâtière en tuile creuse.
Au sud-est du bâtiment principal, une dépendance agricole abrite deux étables en rez-de-chaussée et un fenil en étage. Cet étage était à l'origine laissé ouvert, le toit étant soutenu par des piliers en pierre de taille ; il a été fermé a posteriori. Les élévations de ce bâtiment conservent un enduit rustique avec un décor lissé et peint de bandeau de sous-toiture et les encadrements des ouvertures sont façonnés au mortier de gypse. Sur l'élévation ouest, on observe les quatre blocs sur lesquels se trouvent les inscriptions prétendument découvertes en 1804. Cette dépendance est couverte par un toit à longs pans en plaques ondulées de fibro-ciment. L'avant-toit est constitué de deux rangs de génoise peints en blanc.
Dépendance sud-est. Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
Au nord du bâtiment principal, une autre dépendance agricole comporte une partie centrale maçonnée de deux niveaux, à usage de resserre et de fenil. Ce petit bâtiment est prolongé à l'ouest par une remise ouverte dont le toit est soutenu par des piliers en brique pleine, elle-même accompagnée d'une petite extension sur piliers en béton armé. A l'est et au nord, des hangars à piliers métalliques ont été ajoutés. L'ensemble est couvert par un toit à longs pans asymétrique en plaques ondulées de fibro-ciment. La petite extension occidentale possède un toit à un pan en tuile plate mécanique.
Hangar nord. Vue d'ensemble prise du sud-est.
A l'est du bâtiment principal, une grande bergerie à structure métallique et remplissage en parpaings creux de béton est couverte par un toit à longs pans en plaques ondulées de fibro-ciment.
Installée au sud-ouest du bâtiment principal, la fontaine est adossée à un bassin maçonné qui est protégé par une grille en ferronnerie à barreaux fleuronnés. La fontaine possède un bassin monolithe en pierre de taille calcaire. Son buffet d'eau, fait du même matériau, est surmonté d'un entablement galbé sur lequel repose une urne monolithe. Ce buffet dispose de deux canons en laiton qui encadrent un mascaron en marbre blanc, sculpté en bas-relief d'une tête féminine. Malheureusement, l'ensemble est très encroûté de tuf, masquant les détails de la sculpture.
Fontaine. Vue d'ensemble. Fontaine. Mascaron sculpté en marbre. Bassin et fontaine. Treille de vigne sur la barrière du bassin.
Ce réservoir est alimenté par un captage situé au bord de la R.D. 948, presque en face du chemin d'accès à la ferme. Cet aménagement consiste en un mur maçonné longeant la route, qui protège une source naturelle, laquelle est couverte par un unique voûtain en brique creuse.
Entre la RD 948 et la ferme, le chemin d'accès est bordé d'une allée de tilleuls et cerisiers. Trois platanes et deux autres tilleuls bordent le côté ouest de la ferme.
Source captée. Vue d'ensemble. Source captée. Vue de volume de la galerie de captage.Allée, vue prise de l'est. Allée de marronniers.