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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    maison, cellier
  • Aires d'études
    Guillestre
  • Adresse
    • Commune : Guillestre

Les maisons intra-muros

La maison guillestrine telle qu'on peut l'observer aujourd'hui n'offre guère d'éléments de datation clairement identifiables, Dans ses aspects les plus visibles, elle ne remonte pas au-delà de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècle, En effet, les percements de rue, les remaniements de façades, les enduits récents et les modifications intérieures tendent à occulter le bâti ancien, Cependant, la confrontation du repérage de terrain et l'étude des sources nous aide à mieux appréhender l'aspect de la maison guillestine des périodes anciennes et fait apparaître des éléments de continuité.

Les premiers textes connus qui nous renseignent sur l'aspect des maisons de Guillestre datent de la première moitié du XVIe siècle, Avant cette date, seules quelques mentions apparaissent dans le cadastre de 1469, sous la forme « unam domum cum grangiam » (AD, 05 : CC 186). Il ne s'agit jamais de descriptions précises, mais de quelques détails donnés à l'occasion de transactions immobilières.

Dans les sources, plusieurs termes sont utilisés pour désigner l'architecture domestique. On l'a vu (cf supra), le cadastre de 1469 distingue l'habitation (domus) des parties agricoles (grangia). Le rédacteur du cadastre de 1698 utilise quant à lui six termes différents pour caractériser les parcelles à déclarer : maison, chambre, bâtiment, chazal, grange, écurie, cave, Chaque terme recouvrant sans doute une fonction différente, qu'il est toutefois difficile de préciser pour chacun d'eux.

Bâtiment semble être un terme générique, commode pour désigner un ensemble comprenant plusieurs corps, Ainsi l'article concernant la propriété de l'avocat Jacques Dalmas désigne t-il un « bâtiment consistant en maison cave grange grenier basse cour jardin et tour» (AD, 05 : CC 187, fol. 12). Parfois, l'auteur précise «bâtiment de maison» (fol. 31) ou « bâtiment de grange» (fol. 42, 482). Bâtiment est également utilisé indifféremment à la place de maison, Mais la plupart du temps, ce terme désigne un édifice dont la vocation reste indéterminée.

La chambre désigne clairement une pièce d'habitation dans une maison. Elle est distinguée du reste de l'habitation dans le cas d'un partage ou d'une location. Grange, écurie et cave peuvent désigner des parties de maison ou des bâtiments isolés. C'est le cas en 1632 lorsque Jean Bonin, maître-maçon à Guillestre, s'engage à construire une cave, derrière la maison Albert (Guillaume, 1916, p, 448).

Le chasal est une parcelle vide ou contenant un bâtiment démoli. En 1455, Turin Gontier acquiert une maison en ruine (domum seu casale). En 1698 on dénombre 43 chasals dans le bourg dont 22 rien que pour le quartier de Ville-Vieille, Même si des chasals sont dénombrés dès le XVe siècle, il semble que des maisons construites avant la fin du XVIIe siècle aient été abandonnées entre temps. Une baisse démographique peut expliquer ce phénomène, Là encore, les textes peuvent apporter des éléments d'explication, En effet, en 1634, une vente passée par la communauté concerne « divers biens tombés en déshérence à la suite de la peste de 1630, et notamment d'un chasal sis au bourg» (AD, 05: 1 E 1351; Guillaume, 1916, p. 449-450).

Elévations de façades sur la rue Petite-Fontaine, Guillestre.Elévations de façades sur la rue Petite-Fontaine, Guillestre.L'observation de terrain révèle une architecture très modeste. Du point de vue de la taille des édifices tout d'abord. Le module le plus simple comprend une façade étroite, à deux portes en rez-de-chaussée ou rez-de-chaussée surélevé, correspondant à l'entrée du logis et à l'entrée de la cave ou de l'étable. Les étages sont éclairés par de modestes fenêtres rectangulaires, une par étage, et sans organisation en travée. Le comble est percé d'une baie fenière conservant quelquefois un treuille nommé localement «gruatte ». Ces parcelles longues et étroites, que l'on trouve très répandues dans la rue de la Petite-fontaine et autour de la rue Sainte-Catherine, au nord de la rue Maurice Petsche, correspondent à ce que l'on connaît ailleurs des parcelles du XIVe siècle, issues d'un processus de lotissement, à la suite d'une décision seigneuriale. C'est ce qui caractérise les villes neuves du Moyen Age.

Il existe peu de bâtiments de grandes dimensions. On peut citer, à partir du cadastre de 1698, la propriété de la famille Dalmas, rue Frairie (cf. dossier MAISON de notaire), celle de Joseph Paris donnant sur le rempart, à proximité de la porte Sainte-Catherine, celle de Joseph Deville jouxtant la rue principale ou encore celle d'Abraham Garein en face de la cure. A l'heure actuelle, seule la maison Dalmas se distingue encore des autres par un traitement particulier de son architecture, avec son passage couvert et son bel escalier à décor de gypserie. Cette relative absence de grosse demeure s'explique peut-être par le peu de familles nobles recensées à Guillestre. Seuls trois nobles sont mentionnés comme propriétaires au XVe siècle. Noble Jacques Amici, notaire d'Embrun et propriétaire d'une maison jouxtant le cimetière (A.D. 05: DD 2 ; Guillaume, 1906, p. 294). Noble Turin Gontier qui l'acquiert quelques années plus tard et apparaît dans le cadastre de 1469, ainsi que M. et P. David, qualifiés de seigneurs et dont la propriété jouxte celle de Turin Gontier (dépouillement F. Mouthon). Les nobles semblent disparaître des archives du XVIe siècle. Les notables quant à eux, notaires, avocats, médecins, sont un peu plus nombreux.

Les matériaux utilisés dans toutes les constructions et leur mise en oeuvre dénotent également une architecture très modeste. Les bâtiments sont construits en blocage de moellons et de galets noyés dans un mortier de chaux. Les encadrements des baies sont en pierre pour le logis et en bois pour les parties agricoles ou à vocation de réserve. Les escaliers en pierre sont rares, de même que les éléments sculptés en façade.

Le parcellaire

L'analyse des textes notariés, ainsi que la reconstitution du cadastre de 1698 et sa superposition avec le plan de 1830 font apparaître plusieurs caractéristiques : un bâti serré (cf. dossier VILLE de Guillestre), des parcelles imbriquées, de nombreux partages de propriétés, une relative permanence des fonds entre 1698 et 1830.

En 1698, l'habitat guillestrin apparaît dense et serré, avec une extension de l'habitat équivalente, dans le bourg, à celle que l'on connaît pour le début du XIXe siècle. Entre 1469 et 1698, le nombre de parcelles bâties intra-muros a augmenté d'une centaine. Le réseau des parcelles bâties apparaît également comme relativement complexe. Plusieurs textes des XVIe et XVIIe siècles évoquent en effet des maisons dont les rez-de-chaussée sont imbriqués. En 1545, un échange entre Guillaume et Barthélémy Joue indique que l'étable «dessous ladite maison passe dessous la fogaigne tirant vers la partie un pas et demi dans la maison de Guillaume Joue» (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 61). Le cadastre de 1698 mentionne quant à lui une trentaine de passages entre les différentes propriétés du bourg. Ce qui ne va pas sans créer quelques problèmes.

Le 8 février 1546, une transaction est passée devant le notaire Pierre Isnel, à propos d'un litige concernant « un passage entre deux chasals et une pare, entre le chasal et maison desdites parties» (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 46).

Un autre phénomène mis en évidence par les textes est celui du partage des parcelles, détenues en commun ou bien divisées lors de ventes ou d'échanges. Le 26 mars 1545, Esprit et Claude Girard se partagent «leurs biens meubles et immeubles tant de l'héritage de leur père que de leur mère». Les deux frères deviennent propriétaires de la moitié de chaque parcelle (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 69 verso). Les frères Guillaume et Barthélémy Joue font de même le 24 février 1547 (AD 05: 2 Mi 138, fol. 63 verso). Le 9 février 1546, Claude Blanc vend à André Delort une partie de chambre, «un canton d'une salle ». Les travaux d'aménagement engagés pour séparer les deux habitations seront partagés par le vendeur et l'acquéreur, tandis que l'escalier sera mis en commun (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 45 verso). Le 18 juin 1546, Pierre Isnel enregistre la vente de la moitié d'une grange (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 146). Dans le cas des ventes, on constate que les propriétaires cèdent souvent une partie seulement de leur bien immobilier. Ainsi, le 18 janvier 1546, Jacques Brun vend deux chambres situées au-dessus d'un cellier qu'il conserve (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 18). Au mois de mars suivant, Antoine Fornier vend deux chambres situées à Ville-Vieille. La seconde sera partagée entre deux personnes qui pourront y faire un mur et construire une cheminée (Ibid., fol. 80 verso).

Les partages se font le plus souvent dans le sens d'un découpage vertical de J'habitation. En 1547, Jean Broyon échange avec Jean et Antoine Laurent la moitié d'une maison à Fontloube « de haut en bas et de bas en haut» (Ibid. : 2 Mi 138). On l'a vu (cf supra), le 24 février de la même année, les frères Joue partagent dans le sens de la hauteur la maison qu'ils possèdent en indivis comprenant « toute la fogaigne avec la moitié de l'estable dessous ladite fogaigne » (Ibid., fol. 63 verso). Ces nombreux partages, souvent mentionnés dans les textes du XVIe siècle, peuvent être l'indice d'un essor démographique durant cette période précédant la peste de 1630. Les divisions continuent aux siècles suivants. Elles sont visibles à travers la comparaison du cadastre de 1698 et celui de 1830, mais elles s'équilibrent avec les réunions de parcelles. Dans l'ensemble, on constate donc une grande continuité entre les deux cadastres, qu'il a été relativement facile de superposer.

Les bâtiments

L'aspect extérieur des bâtiments est mal connu, les textes donnant peu de précisions à ce sujet. Les matériaux utilisés pour la construction sont rarement cités, voire pas du tout évoqués. En ce qui concerne toitures et charpentes, il est fort probable que le mélèze ait été utilisé comme c'est le cas à Ceillac par exemple. Quant aux murs, une vente passée devant le notaire Pierre Isnel en 1545 parle d'une grange «avec ses causes assises chaulhes et murres, située dans le fort de Guillestre» (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 95). On a par ailleurs plusieurs témoignages sur des maçons installés à Guillestre et sollicités pour des constructions. Entre 1547 et 1561, plusieurs actes concernent Mathieu de Guras, tantôt qualifié de gippier, maçon ou encore peyrier de Guillestre. Le 10 décembre 1547, il reçoit quittance de 40 florins « pour prix d'une maison» (AD. 05: 1 E 2235 ; Guillaume, 1916, p. 409). Le 27 juillet 1705, prix-fait est passé à François Mercier et à Jean Roufin "de la val d'Oste en Savoye, maistres massons et plâtriers", pour réparer une maison récemment acquise dans Guillestre (AD. 05: 1 E 896; Guillaume, 1916, p. 491).

Il semble qu'il n'y ait pas eu dans le bourg de construction comprenant une partie en charpente importante, du type des fustes que l'on rencontre dans d'autres communes comme Ceillac, ou même dans certaines fermes de Bramousse.

Rien n'est précisé ni sur la forme ni sur le nombre des ouvertures.

D'après les textes et l'observation de terrain, la maison guillestrine compte au moins trois niveaux d'élévation. Le logement, qui comprend une cuisine ou fougaigne (pièce avec le foyer), se trouve à l'étage. Certaines habitations comportent en plus de la cuisine une ou plusieurs chambres. C'est le cas de la maison vendue le 23 juillet 1545 par Claude Marchis « contenant deux chambres de ault en bas et de bas en ault» (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 120 verso-122 recto).

Le rez-de-chaussée ou rez-de-chaussée surélevé est généralement occupé par une étable, tandis que la grange est aménagée dans le comble. Le 16 mars 1545, Guillaume et Barthélémy Joue échangent « leur maison de haut en bas et de bas en haut contenant fogaigne, stable, grange » contre « une maison avec grange, étable et fogaigne » (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 61). Ces descriptions indiquent que la maison guillestrine, tout comme la ferme des hameaux, rassemble sous un même toit la fonction d'habitation, de stockage des denrées et du fourrage et de stabulation du bétail. Dès le XVe siècle, cette organisation apparaît à travers la « domum cum grangiam » du cadastre de 1469.

Une cave ou un cellier peuvent également compléter les pièces annexes en sous-sol ou en rez-de-chaussée. Le 7 octobre 1545, le notaire Pierre Isnel signe un acte de vente concernant « toute une maison sive chambre de ault en ault excepté le cellier de dessous ladite chambre lequel est réservé, situé dans les murailles de Guillestre » (Ibid. : 2 Mi 136, fol. 147 verso). De même, un inventaire dressé par le notaire Philippe Crévolin entre 1630 et 1660 mentionne une cave et une arrière-chambre (Guillaume, 1916, p. 447). Le cadastre de 1698 quant à lui recense dix-huit caves.

Plusieurs textes mentionnent également des rez-de-chaussée occupés par des boutiques (cf dossier VILLE).

Certaines maisons pouvaient comporter quatre niveaux d'élévation. C'est ce que laisse supposer l'acte de vente passé entre Paulet de Garganicque et les frères Richier, le 24 janvier 1545 (AD. 05: 1 E 2233). Il y est question d'une maison située sur la Grand'Rue Droite qui comprend, en plus de la boutique du rez-de-chaussée, trois parties : une au-dessus qui correspond au logement, une au-dessous donc en sous-sol ou plus vraisemblablement en étage de soubassement, qui correspond à l'étable ou cellier et une au dernier niveau, c'est à dire dans le comble, qui sert de grange. Cette structure correspond à la description de la grande majorité des édifices repérés dans la ville intramuros.

Il existait également des étables séparées des maisons. Outre le cadastre de 1469, les archives du notaire Pierre Isnel entre 1545 et 1547 et les muanciers au cadastre de Guillestre pour les années 1564 et 1573 mentionnent quatorze granges (grangia) dont quatre situées dans le quartier de la rue Frairie. Le 9 février 1546, Pierre Isnel traite la vente d'une "grange et stable tout ensemble" (A.D. 05 : 2 Mi 137, fol. 45). En 1830, vingt-neuf écuries sont encore mentionnées dans le bourg (cf ci-dessous: tableau n°II). Plus de la moitié d'entre elles se situe dans la moitié nord-est de la ville. Les autres sont disséminées dans le quartier entre l'actuelle rue Maurice-Petsche et la porte du SaintEsprit, le plus ancien de la ville. Deux seulement sont signalées au nord-ouest de la place.

L'organisation intérieure

Quant à l'organisation intérieure des maisons, elle est encore plus mal connue que leur aspect extérieur, car peu décrite dans les textes et peu lisible sur le terrain. Seul un dépouillement systématique des inventaires après décès et des prix-faits en permettrait une meilleure connaissance.

L'étude de terrain a cependant permis de repérer des éléments signalés dans les sources. Une quarantaine d'étables voûtées, en rez-de-chaussée ou étage de soubassement, ont ainsi pu être visitées. Elles se répartissent de manière assez uniforme sur tout le territoire du bourg. Une seule a été repérée au sud du Rif-Bel. Il s'agit de grands espaces (jusqu'à 14 m de profondeur), voûtés en berceau à pénétration ou voûtés d'arêtes, la plupart du temps sur au moins deux travées en largeur et en profondeur. Dans ce cas, la retombée se fait sur un pilier central (AA 181, AA 212, AA 208). La voûte enduite et construite en blocage de petits moellons et de galets conserve très souvent des traces de coffrage. Ces étables sont accessibles depuis la rue par une porte à double battant à linteau en bois droit ou cintré (AA 100, 102, 103).

Village. Placette. Parcelle 2001 AA 103 : élévation nord-est.Village. Placette. Parcelle 2001 AA 103 : élévation nord-est.

Les exemples les plus anciens reposent sur des coussinets en pierre moulurés. Certains de ces rez-de-chaussée conservent des râteliers attestant leur vocation agricole jusqu'à des périodes récentes.

Village. Rue Sainte-Catherine. Parcelle 2001 AA 181 : détail d'un chapiteau sculpté au rez-de-chaussée.Village. Rue Sainte-Catherine. Parcelle 2001 AA 181 : détail d'un chapiteau sculpté au rez-de-chaussée.La parcelle 2001 AA 181 conserve un rez-de-chaussée particulièrement intéressant dont les voûtes d'arêtes retombent sur une colonne centrale en pierre marbrière de Guillestre à chapiteau sculpté de têtes humaines et de motifs décoratifs. Il en est de même pour la parcelle AA 129 (cf. dossier FERME, rue des Pénitents). L'étable s'accompagne parfois d'une arrière pièce voûtée en berceau. A l'angle de la rue des Pélerins et de la Placette (2001 AA 107 ; cf. dossier FERME) une maison conserve à la fois une cave et un cellier voûtés d'arêtes en sous-sol, une étable voûtée en berceau en rez-de-chaussée et une petite piéce aveugle contenant l'arche à grains, à l'arrière de la cuisine, elle-même voûtée. L'inventaire des meubles, dressé à la requête de Jacques Assaud et d'Esprit Gauthier, par le notaire Philippe Crévolin, entre 1630 et 1660, évoque une telle disposition. En effet, une « arrière chambre » contenant deux arches (coffres-réserves à nourriture) se trouve à côté de la cave (Guillaume, 1916, p. 447).

A l'étage, les pièces d'habitation sont petites et peu nombreuses. Elles comportent rarement des cheminées. Ces dernières lorsqu'elles sont conservées sont très simples, à hotte droite en plâtre.

Des voûtes en berceau ont été repérées à l'étage, rue Sainte-Catherine notamment (AA 192, AA 195), mais cette structure semble avoir été relativement rare.

Les étages sont desservis dans la majorité des cas par un escalier droit en maçonnerie de blocage et contremarches en bois, situé à droite ou à gauche de la façade. Cinq escaliers en vis ont été repérés (AA 107, 137, 43, 47, 171), dont un seul au nord de la rue Maurice-Petsche. Deux d'entre eux, refaits à une période récente, se trouvent dans une tourelle en demi-hors-oeuvre, en façade (AA 47, 137 ; fig. 10, Il ; cf. dossier VILLE de Guillestre : fig. 8). Un autre est construit dans l'angle saillant de la parcelle AA 171, entre la rue Petite-Fontaine et la rue Sainte-Catherine. Le quatrième escalier en vis est d'un intérêt tout particulier (AA 43). Il a été repéré dans la Première Grand'Rue, dans une maison par ailleurs très modifiée. Contrairement aux autres escaliers, il se trouve en milieu de parcelle. Il est en mortier et la vis s'enroule autour d'un noyau central constitué de trois colonnettes à chapiteau sculpté, disposées en triangle. Ces escaliers datent probablement de la fin du XVIe siècle. On trouve la mention d'un escalier en vis dans une vente du 9 février 1546, entre Claude Blanc et André Delort. Détail intéressant, cette vis appartient en commun aux deux propriétaires qui se partagent la maison (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 45 verso). Un autre exemple de l'usage commun d'un escalier concerne Jean Baptiste. Celui-ci possède une cave sous la boutique d'Esprit Brun et partage en indivision avec André Richand les degrés qui y mènent (AD. 05 : CC 187, fol. 154 v). On retrouve jusqu'au XIXe siècle l'usage collectif de l'escalier, notamment dans plusieurs grosses maisons de la rue Maurice-Petsche.

Il reste à signaler la présence de deux passages desservant des maisons privées. Le premier concerne la maison de Jacques Dalmas, il est encore visible aujourd'hui (2001 AA 8 ; cf dossier MAISON de notaire). Le second est signalé dans un échange du 12 avril 1459, passé entre les consuls de Guillestre et Turin Gontier. Ce dernier reçoit une parcelle confrontant le passage allant à sa maison, « passata domus ejusdem Turini ... et uno pilhono lapideo subtus dictam passatam, juxta carreriam publicam » (AD. 05 : DD 2 ; Guillaume, 1906, p. 295).

La réalité archéologique de l'architecture antérieure au XIXe siècle est très difficile à cerner. Les maisons dont parlent le cadastre de 1469 et les actes notariés du XVIe siècle ont été très remaniées et les vestiges architecturaux anciens sont très ténus.

Village. Placette. Parcelle 2001 AA 103 : détail du coussinet sculpté.Village. Placette. Parcelle 2001 AA 103 : détail du coussinet sculpté.

Quelques linteaux en pierre, sculptés en accolade, ont été repérés, ainsi que des coussinets moulurés. Des éléments sculptés sur des piliers d'étable, les escaliers en vis déjà mentionnés, des dates portées de la seconde moitié du XVIe siècle sont les éléments archéologiques encore visibles les plus anciens de l'habitat guillestrin. Dans l'ensemble, rien qui remonte au-delà du XVIe siècle. Les XVIIe et XVIIIe siècles n'ont pas laissé beaucoup plus de vestiges matériels. Tout au plus quelques éléments de structure (cf. maison du notaire Albert). La plus grande permanence se lit donc sans doute dans le parcellaire.

Les celliers

Comme dans d'autres sites fortifiés de l'Embrunais, les celliers sont nombreux à l'intérieur des remparts de Guillestre. Ils apparaissent dans les textes à partir du XVe siècle. En 1469, Turin Gontier déclare un cellier dans la ville, évalué à 94 deniers et confrontant à la rue, à la maison de J. Reymond, forgeron, à celle de P. Salvi et à la maison ou cloître à l'arrière (domum et claustre de retro) [dépouillement Fabrice et Nathalie Mouthon]. Un acte de partage passé entre Esprit et Claude Girard, le 26 mars 1545, mentionne deux celliers situés dans la ville : le premier partagé entre les deux frères confronte le second qui appartient à Michel Girard. Ce dernier jouxte d'une part les fortifications et d'autre part une grange-étable appartenant à Paulet de Garganicque (A.D. 05 : 1 E 2233 et 2 Mi 136, fol. 69 verso). Le 7 juillet 1556, Antoine Assault, marchand de Guillestre vend « un cellier avec son treuil garni comme vis, pierre, albre (sic), tout ensembles dans le fort de Guilhestre » (AD. 05 : 1 E 2238 ; Guillaume, 1916, p. 413). S'il semble qu'au XVIe siècle certains celliers aient été associés à des boutiques, comme celui appartenant à Jean Reymond et à son épouse (A.D. 05 : 2 Mi 138, fol. 313 verso), la présence de tels édifices à Guillestre, dès la fin du Moyen Age, s'explique d'abord par l'importance de la viticulture dans l'économie locale. De longue date, les membres des communautés montagnardes acquièrent des parcelles du vignoble de haute Durance. C'est le cas des habitants de Bramousse, Ceillac, Vars et Escreins qui possèdent des vignes près de Guillestre et qui ont un local dans le bourg, afin de pouvoir fabriquer leur vin dans la vallée, avant de le monter en altitude.

C'est pourquoi, dès la fin du Moyen Age, de nombreuses transactions concernent les habitants de ces villages. Le 30 décembre 1551 Barthélémy Hélis donne « un cellier sis à Guillestre » à Claude Fornier, notaire de Ceillac (AD. 05 : 1 E 2237 ; Guillaume, 1916, p. 411).

Le cellier est habité de manière saisonnière lors des périodes de vendange ou de culture de la vigne, mais sert aussi pendant les grandes foires d'automne et de printemps. Les celliers des propriétaires forains ont donc en plus de la cave proprement dite, une pièce pour le mulet et une chambre pour le logement de l'exploitant. Les guillestrins quant à eux ont un cellier attenant à leur habitation. L'inventaire des biens de Guillaume Gendre établi le 16 avril 1619 spécifie, après les biens de la maison, que dans le cellier se trouvent « 6 tonneaux, 1 pressoir avec son arbre et sa presse, 10 setiers de vin blanc et 4 charges de clairet, 1 paire de cordes avec les lyayres, 1 souastre, etc. » (AD. 05 : 1 E 3308; Guillaume, 1916, p. 428).

Pour les périodes les plus anciennes, on ignore la répartition des celliers dans la ville. Celui que Barthélémy Hélis échange contre une boutique en 1551 se trouve près de la maison du prieuré (AD. 05 : 1 E 2237 ; Guillaume, 1916, p. 411), donc en plein centre. Un autre, vendu le 7 octobre 1545 se trouve sous le logis « dans les murailles de Guillestre » (AD. OS : 2 Mi 136, fol, 147 verso). Pour le XIXe siècle, il est difficile de connaître la situation exacte, car dans le registre du cadastre de 1830, les celliers ne sont pas mentionnés en tant que tels. Il est donc difficile de différencier les maisons des fermes et des celliers. D'après l'origine des propriétaires, la répartition semble se faire essentiellement entre les quartiers du Saint-Esprit, au sud-ouest de la ville, au débouché de la route de Vars, proche des rives du Rif-Bel, et à l'opposé, au nord-est, le long des rues Frairie, Sainte-Catherine et de la Petite-Fontaine. Dans le premier, on dénombre 24 maisons appartenant à des Ceillaquins, 3 à des habitants. de Bramousse et 6 à des Varsenqs. Dans le second, les Ceillaquins sont également les plus nombreux avec 14 propriétés, contre une seule appartenant à un Varsenq et 5 à des habitants de Bramousse. Les celliers appartenant à des forains forment dans ces deux zones de petits îlots plus ou moins regroupés. Trois autres maisons appartenant à deux babitants de Bramousse et un Ceillaquin étaient situées dans le pâté aujourd'hui détruit, à l'emplacement de l'actuelle place du Colonnel-Bonnet. Ainsi, il faut remarquer que les trois zones où l'on trouve des traces de celliers appartenant à des non guillestrins sont également celles où sont attestées des écuries.

Plusieurs anciens celliers ont pu être repérés. Situés sur des parcelles longues et étroites perpendiculaires à la rue, les celliers utilisés de manière saisonnière par les non guillestrins comprennent en plus du sous-sol réservé à la vinification, un petit logement accessible par quelques degrés en façade. Les bâtiments s'élèvent sur 3 ou 4 niveaux. Chaque niveau est éclairé par une petite ouverture et le comble possède une ouverture fenière. Ces constructions comportent toutes une cave enterrée qui contenait le pressoir et les tines, un niveau de logement, un petit galetas et quelquefois une petite étable pour le mulet. La cave, la plupart du temps voûtée d'arêtes ou en berceau, contenait les cuves et un pressoir permettant la vinification sur place. A l'intérieur, l'accès aux niveaux supérieurs, pièce d'habitation avec cheminée et combles, se fait par un escalier en bois très simple, sans contremarche. Le rez-de-chaussée communique directement avec le cellier grâce à une trappe, par laquelle on versait le raisin directement dans le pressoir. C'est le cas pour deux celliers repérés dans le quartier nord-est (M 215, AA 216). Les celliers de ce quartier ont la particularité d'avoir plus de trois niveaux d'élévation, contrairement à ceux du quartier sud-ouest, sans qu'il soit possible d'y associer une raison particulière ou une chronologie précise.

Il semblerait, d'après l'observation du parcellaire, que dès le 14e siècle, le bâti de Guillestre intra-muros se soit fixé dans sa physionomie actuelle, même s'il n'en n'existe pas de trace architecturale visible mis à part le module des parcelles étroite et en lanière du quartier neuf. Les dates portées les plus anciennes remontent en effet à la deuxième moitié du 16e siècle et concernent des éléments d'architecture mineurs (linteaux de porte ou de fenêtre, escalier). Après cette période, il ne semble pas y avoir eu de constructions nouvelles intra muros, mais plutôt des aménagements intérieurs ou des transformations des façades au cours des 17e et 18e siècles. Il faut ensuite attendre les 19e et 20e siècles pour voir de nouvelles maisons se développer dans les faubourgs de la ville. Les celliers quant à eux ont été utilisés de façon saisonnière par les habitants de Vars, Bramousse et Ceillac possédant des vignes dans la vallée de la Durance. Ces constructions étaient utilisées par les habitants des villages d'altitude pendant les foires à bestiaux de Guillestre. Les bâtiments attestés par les textes dès le 16e siècle ont été utilisés jusqu'à la crise du phylloxera au début du 20e siècle.

  • Période(s)
    • Principale : 14e siècle
    • Principale : 16e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Secondaire : 17e siècle
    • Secondaire : 18e siècle
    • Secondaire : 20e siècle

Peu de maisons de la fin du Moyen-Age conservent leur structure d'origine. Seulement quatre escaliers en vis ont été repérés. Il s'agit d'escaliers dans-oeuvre refaits à une période récente. L'un d'eux en marbre de Guillestre (1940 E1 252) conserve sa structure d'origine avec trois colonnettes centrales. La grande majorité des maisons construites dans le quartier au nord de la rue Maurice-Petsche possède un étage de soubassement voûté en berceau accessible depuis la rue par une porte à double battant. Les étages supérieurs sont desservis par un escalier droit en maçonnerie de blocage et contremarches en bois. Des voûtes en berceau ont également été repérées à l'étage, rue Sainte-Catherine notamment. Les maisons construites dans les faubourgs correspondent quant à elles au type de la maison urbaine à plusieurs étages carrés et façade ordonnancée. Les celliers sont construits sur des parcelles très étroites et s'élèvent sur 3 ou 4 niveaux. Ils comportent tous une cave enterrée qui contenait le pressoir et les tines, un niveau de logement, un petit galetas et quelquefois une petite étable pour le mulet.

  • Toits
    tôle nervurée, tôle ondulée
  • Murs
    • galet enduit
    • crépi
  • Décompte des œuvres
    • repérés 107
    • étudiés 2

Documents d'archives

  • Cadastre de Guillestre. 1469. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : CC 186.

  • Cadastre de Guillestre, répertoire des noms de tous les cotisés. 1698. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : CC 187.

  • Propriétés communales de Guillestre, ventes. 1455-1460. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : DD 2.

  • BRUN, Esprit (notaire). Prix-fait donné par Ennemond Meynier à François mercier et jean Roufin. 27 juillet 1705. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 896.

  • CREVOLIN, Philippe (notaire). Vente des consuls de Guillestre à Jean-Baptiste Mottet. 15 février 1534. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 1351.

  • Registres de Pierre Isnel, notaire, 1545-1547. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 2233, 1 E 2234, 1 E 2235, 1 E 2236, 1 E 2237, 1 E 2238 (2 Mi 136, 2Mi 137, 2 Mi 138).

  • ISNEL, Pierre (notaire). Quittance. 10 décembre 1547. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 2235.

  • Echange entre Barthélémy Hélis et Claude Fornier. 30 décembre 1551. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 2237.

  • ISNEL, Pierre (notaire). Vente d'un cellier de Guillestre. 7 juillet 1556. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 2238.

  • ROBERT, Jacques (notaire). Inventaire des biens meubles et immeubles de feu Guillaume Gondre. 16 avril 1619. Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 1 E 3308.

Bibliographie

  • GUILLAUME, Paul (abbé). Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790. Hautes-Alpes. Archives de Guillestre. 1906.

    p. 294-295, 445-446
  • GUILLAUME, Paul (abbé). Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Série E. 1916.

    p. 403, 404, 409, 411, 413, 428, 447-450, 491
Date d'enquête 2000 ; Date(s) de rédaction 2002