Bruno ANCEL- archéologue C.C.S.T.I.
Résumé
Le gîte cuivreux de St Véran (Hautes-Alpes) a été exploité dès la proto-histoire et sans doute à l'époque romaine. Il a été l'objet de plusieurs reprises d'exploitation durant le XXe s., entre 1900 et 1970. La minéralisation est associée à un complexe ophiolitique et sa couverture sédimentaire métamorphisée. Elle consiste essentiellement en bornite et cuivre natif.
A partir des rapports d'ingénieurs et des observations archéologiques réalisées dans les ouvrages souterrains de la reprise moderne, il est possible de circonscrire l' étendue des travaux anciens. Ils s'ouvrent au jour par une exploitation par tranchée vers 2700 m d' altitude sur 2 principales colonnes minéralisées parallèles. Ils s'enfoncent suivant le pendage de la couche (40 à 70°) jusqu'à 50 m de profondeur : une sortie horizontale par le versant n'est pas à exclure mais la plupart des traces de l'exploitation en surface sont effacées. Les ouvrages anciens encore accessibles consistent en des chantiers larges de 1 à 3 m en grande partie remblayés par des éboulements ou un remplissage fin riche en débris de bois. Le toit des travaux, les fronts de taille et les piliers tournés portent des traces d'abattages : fines stries laissées par des outils effilés,marques d'impacts et dépressions étroites et allongées (racloir ?).
En 1995, dans le cadre du programme INTERREG "Valorisation du Patrimoine Minier", l'équipe de recherche du CCSTI de L' Argentière-La-Bessée a été amené à intervenir dans l'étude de la mine de cuivre des Closis à St Véran. Cette intervention a porté sur les points suivants : recherche en archives sur l'histoire technique de la mine ; relevé topographique au1/200 du réseau souterrain ; traitement informatique 3D du relevé souterrain (logiciel Limelight / Toporobot@) ; relevé de surface de la tranchée des Anciens et relevé sommaire de la laverie moderne.
Parallèlement, afin de garantir la sécurité des scientifiques amenés à fréquenter le réseau souterrain, une mission de mise en sécurité légère a été confiée à des spéléologues miniers du Groupe d'Etude du Neuenberg. Les voies de circulation verticales reliant le TB 5 au TB 2bis ont été équipées en cordes fixes et mains courantes. Environ 400 m de cordes ont été installés, très souvent fixés à l'aide d' ancrages profonds et collés, compte tenu de la qualité de la roche. D'autre part les sommets de puits et de montages ont été équipés d'ancrages pour permettre leur visite et leur relevé. Désormais il est recommandé de n'accéder aux parties hautes de l'exploitation qu'avec un équipement adéquat (baudrier, etc ... ) et d'utiliser les cordes en place pour franchir les passages dangereux. En 1996 l'entrée du TB 2 a été mis en sécurité grâce à la réalisation d'un porche boisé. En 1997 une escalade a permis de clore les relevés souterrains et l'entrée du TB 5 a également été boisée.
Cadre géologique
Le gisement cuprifère appartient à l'ensemble des formations ophiolitiques et sédimentaires de la zone piémontaise (Ayoub, 1984), affecté par un métamorphisme de haute pression. La minéralisation stratiforme se répartit en plusieurs lentilles, hectométriques en extension latérale et décimétriques à plurimétriques en épaisseur. Elle est intercalée entre un substratum océanique (serpentinite...) et une couverture sédimentaire de métaradiolarites (quartzites) et de calcaires (marbres). Son origine paraît être liée à un hydrothermalisme océanique. Le minerai exploité est constitué de bornite (sulfure de cuivre) ; il est accompagné par d'autres sulfures de cuivre et d'oxydes de fer, et localement de cuivre natif en lentilles isolées. Cette minéralisation hyposulfurée montre des paragénèses et des remobilisations liées à une intense tectonique. En effet les formations régionales sont affectées par 4 phases combinant plissements, foliation métamorphique, cisaillement des schistosités et basculement tardif. Il en résulte que le gîte se présente sous la forme d'un synclinal très pincé et déversé vers l'Est.
La redécouverte du gîte au XIXe s.
Les plus anciennes mentions du gîte cuivreux de St Véran remontent au milieu du XIXe siècle. Les sources les plus anciennes ont perdu toute mémoire des premières exploitations. Ainsi en 1265 dans une enquête sur le domaine delphinal à St Véran, le texte envisage la possibilité d'une présence accidentelle de mines métalliques, sous entendu qu'il n'y a pas de mines connues.
En 1842, alors que l'activité minière tend à se développer dans le Briançonnais (mines de charbon) l'administration nomme à Briançon un garde mine chargé de la surveillance des exploitations et de rendre compte des travaux de recherches de métaux et de combustibles. Durant l'été 1843 cet agent du service des mines, dénommé ALBERT, entreprend de prospecter les montagnes du Queyras ; il est probablement l'un des premiers géologues à arpenter minutieusement tous les recoins du massif. Il redécouvre ainsi le gîte. "En parcourant les montagnes de St Véran j'ai rencontré souvent des échantillons de cuivre panaché, carbonaté et natif. Les habitants en ont également trouvé et en trouvent encore tous les jours. Ce cuivre doit se trouver en place quelque part. D'après ce que j'ai vu il formerait de petits filons dans les roches de serpentine."
Dans les années qui suivent, sans doute suite au repérage d'ALBERT, des habitants de St-Véran tentent des fouilles dans les anciens travaux : "Les habitants de St Véran m'ont dit qu'ils avaient essayé d'ouvrir une galerie dans cette dépression du terrain, qu'ils avaient trouvé quelques morceaux de bois et qu'ils avaient extrait une quantité considérable de terre verdâtre. Ces nouveaux travaux étaient pratiqués dans le sens de la direction de la dépression du terrain, ils n'ont rien pu trouver qui n'eut pas déjà été exploré, ils n'ont du reste fort peu avancé". C'est ainsi que le garde-mine juge cette tentative lors d'une seconde mission en 1849. Cette année-là il reconnaît dans le Queyras 6 massifs présentant des indices de cuivre, tous situés au contact de serpentines et de schistes talqueux calcaires. Le plus important est évidemment celui de la vallée de Font-Gillarde à St Véran et ALBERT ne manque pas de décrire les anciens travaux. "On remarque à la surface que déjà des travaux de recherches ont été entrepris ; ils sont caractérisés par une dépression allant du Sud au Nord suivant le banc d'euphotide qui renferme du cuivre pyriteux ; cette dépression a 100 m environ de longueur et de 2 à 3 m largeur, elle découvre très bien les euphotides mais les schistes talqueux et surtout leur jonction avec la couche verdâtre dont j'ai parlé restent cachés."
ll encourage également les habitants à poursuivre leurs sondages. Ainsi en 1852, Joseph MATHIEU, Antoine FINE et Barthélémy MARTIN entreprennent quelques travaux de recherches sur l'affleurement supérieur mais abandonnent rapidement. En 1860 LORY cite dans son ouvrage la découverte de riches échantillons de cuivre panaché et de cuivre natif, un de ces derniers pesant 2 kg.
La reprise de l'exploitation au XXe s.
En 1900 le Commandant MAZUE, en villégiature à St Véran, et deux de ses amis, MM. LESUEUR et ANDRIEU, s'intéressent au gîte. Le 8 novembre ils obtiennent de la commune un permis exclusif de fouilles pour minerais divers pour une durée de 3 ans. Le 15 juin 1901 ils entreprennent 3 sondages dans le quartier de Penillère au dessus du grand canal.
Le premier sondage est situé dans la partie amont de l'ancienne dépression, assez large. Il nerencontre que des éboulis et est stoppé à la profondeur de 4 m. Le sondage n°2 est ouvert 30 m plus au Sud, dans une zone rétrécie de la tranchée, et s'enfonce de 6 m en rencontrant les mêmes déblais ; les difficultés d'avancement sont augmentées par la présence d'assez nombreux blocs éboulés. Le sondage n°3, 70 m encore plus au Sud vers la base de la dépression ancienne, débute en travers-bancs et doit rapidement rejoindre la tranchée. Malgré la présence des anciens travaux éboulés, les exploitants sont convaincu de l'avenir du gisement, considérant "qu'il n'est pas admissible que les anciens aient pu épuiser le gÎte".
Ouverture du TB 1
Fin août, le sondage n°3 a été arrêté et repris quelques mètres plus bas en bénéficiant des services d'un boiseur. Cette galetie (le TBl) a ainsi pu s'avancer de 20 m dans les anciens travaux, larges de 0,60 à 1 m et fortement inclinés. On signale près de l'entrée, au mur (à l'est), des travaux anciens qui partent sur une direction divergente. On mentionne également un autre sondage abandonné situé plus en aval de la tranchée des anciens. Au vu des premiers résultats, RIVIERE estime que le gîte peut rendre 2 tonnes de minerai de cuivre à 30-40% par mètre de galerie, et promet un bénéfice considérable dès lors que l'on aura dépassé les vieux travaux. Durant l'hiver une société est constituée : la Société Anonyme des Mines de cuivre de St Véran, au modeste capital de 35000 francs.
En 1902, dans la galerie on finit par dépasser les travaux anciens à 23 m de l'entrée et atteindre la roche en place avec du cuivre panaché en filets irréguliers ou en nodules épars. Au milieu de septembre, les travaux doivent être interrompus à cause des intempéries.
Les travaux d'exploration reprennent vers mi-juin. La galerie, dite "galerie supérieure", est d'abord rectifiée et consolidée, puis l'avancement est poursuivi. La minéralisation reste décevante, quand vers le 26ème mètre on rencontre encore des travaux anciens : "ils consistent en une sorte de descenderie plongeant d'environ 45° vers le sud, haute d'environ 2 met large de 2,50 m, elle finit en cul-de-sac à environ 0,50 du sol de la galerie." Vers le 31e mètre la galerie est de nouveau en roche vive mais le minerai y paraît plus rare. A 40 m de longueur la minéralisation ayant disparu, on oblique la galerie vers l'est.
Ouverture du TB 2
Vers mi-juillet 1902, pour explorer plus en profondeur le gisement, on ouvre un travers-bancs (le TB 2) au sud-ouest et 25 m plus bas que la galerie supérieure. L'ouvrage, long de 35 m, arrive sur le filon vierge, puissant de 40 cm de minerai tenant de 35 à 55% de cuivre. On lance des allongements vers le nord et le sud ; les premières tonnes de minerai s'accumulent sur le carreau. En hauteur un montage suivant l'inclinaison de la minéralisation rencontre au bout de 8,50 m la base comblée des anciens travaux. L'ingénieur BERATO estime alors que l'exploitation ancienne de la lentille mise en évidence (branche ouest) a dépilé environ 250 m2 de filon et produit 1260 tonnes de minerai à fondre.
Durant l'année 1903 les travaux de recherche sont activement poursuivis. A l'extrémité du TB2 l'allongement nord est poussé sur 28 m en suivant la trace minéralisée, puis la galerie est tournée sur la gauche pour rejoindre le contact des serpentines. Dans l'allongement sud la minéralisation étant trop pauvre on entreprend une recoupe vers l'est. A 15 m elle rencontre une seconde colonne de Vieux Travaux, puis 7 m plus loin, une troisième colonne également dépilée par les anciens, mais beaucoup moins large que les 2 premières. Cette dernière colonne de travaux anciens est alors traversée vers le nord sur 13 m puis l'on retrouve la roche en place où le filon est presque stérile. Dans les travaux anciens, du côté sud, on trouve une pelle en bois et des morceaux de bois à demi consumés. L'ingénieur BERATO constate donc qu'il y a plusieurs passées minéralisées dont au moins 3 colonnes principales déjà exploitées par les anciens.
Début 1904 on poursuit le travers-bancs vers l'est à travers les calcschistes sur une vingtaine de mètres sans résultats. On prolonge le travers-bancs d'entrée afin de rejoindre directement le filon oriental. On fonce un puits de 18 m sur ce filon, à la limite nord des travaux anciens ; une subite arrivée d'eau interrompt les recherches. La découverte de la colonne orientale incite les exploitants à ouvrir une recherche 65 m au-dessus du TB 1 sur un affleurement au contact des calcschistes qui aurait peut-être été déjà gratté en 1852 : les résultats sont décevants et cette recherche est rapidement suspendue.
Ouverture du TB 3
Un nouveau travers-bancs est ouvert 51 m plus bas, en bordure du touent de Pinnilière, en contrebas de la "caserne" des ouvriers. On considère qu'au dessus du TB 2 le gîte est épuisé et qu'entre le niveau 2 et 3 on peut compter sur une réserve de 550 t. de minerai. En septembre1906 le T.B. 3 a atteint la longueur de 167 m et a traversé 3 zones minéralisées lesquelles n'ont pas donné les résultats escomptés. Les travaux sont interrompus en début d'année 1907 et la société est dissoute.
La mine reste en sommeil durant 5 ans. A l'initiative des liquidateurs de la société dissoute, les travaux reprennent le 5 juin 1912. Dans le TB 2 on creuse un puits sur la 1ère colonne, de 6 m de profondeur. 6 tonnes de minerai à 30-40% sont extrait durant l'été. En 1913 on extrait encore 16 tonnes de minerai, puis à la fin de l'année les travaux sont à nouveau suspendus.
Ouverture du TB 2bis
Le 22 octobre 1915, André VINCENT, ingénieur à Paris et actionnaire de sociétés minières et métallurgiques, demande en sa faveur la mutation de la concession des Closis. Cette mutation est autorisée par décret le 3 avril 1917. Les travaux reprennent en 1920 : on ouvre alors une nouvelle galerie entre les niveaux 2 et 3 : le TB 2 bis. Puis l'activité est supendue en février 1921.
Les travaux reprennent à nouveau le 25 mai 1923 sous la direction de l'ingénieur Pierre ISNEL. En arrivant sur la 3ème colonne le TB 2 bis perce la base des travaux anciens où l'on découvre notamment du côté sud des pieux en bois, des paquets de baguettes de résineux, des tas de cendres, des débris charbonneux et même une écope en cuir (ISNEL 1935). Aucune trace d'outil métallique n'est observée. On admet alors que l'exploitation ancienne a pu produire près de 4000 t de minerai.
La suite de l'exploitation moderne en profondeur
Jusqu'en 1927 on poursuit les travaux d'exploration et l'on reconnait entre le TB 2 bis et le TB3 une importante colonne minéralisée, prolongement de la 3ème colonne du TB 2 ; la colonne 1 exploitée en surface par la tranchée des Anciens disparaît en profondeur. Les niveaux 2, 2 bis et 3 sont mis en communication par des descenderies.
Jusqu'en 1931 on dépile la minéralisation jusqu'au niveau du TB 3, soit sur une hauteur de 30 m. Une laverie est construite en contrebas du gisement aux abords de la route. De 1938 à 1944, l'exploitation s'enfonce encore de 100 m (niveau TB 4). Une dernière reprise de 1953 à 1961 voit l'achèvement d'une galerie de base (TB 5) mais la teneur en cuivre du gîte ne cesse de décroître depuis la surface et dans les profondeurs l'exploitation ne s'avère plus rentable.
La production totale de la mine moderne a été de 3286 tonnes de minerai trié ou lavé, tenant de 10 à 50% de cuivre métal. La production de cuivre a été estimé à 1258 tonnes. 85% de cette production résulte des exploitations de Vincent (1924-1931) et de la Société d'Industrie Minérale (1939-1943) ; ils correspondent pour l'essentiel aux travaux de dépilage effectués entre les TB 2bis et TB 4.
Les vestiges de l'extraction ancienne en surface
Au-dessus du niveau du TB 2bis (alt. 2428 m, cote de référence O dans cet article) on peut reconnaître les traces discontinues de travaux à ciel ouvert sur une longueur de 300 m et une dénivellée de 120 m, qui se répartissent sur les 2 branches du synclinal.
La branche occidentale montre du Nord vers le Sud ; une dépression à + 72 (puits ?), une tranchée de +68 à +58, des grattages jusque vers +50. La tranchée dite des Anciens s'étend sur environ 70 m, est presque parallèle au versant, large de 5 à 6 m, et présente plusieurs petits entonnoirs d'effondrement (passage du TB 1 éboulé).
La branche orientale montre au Nord-Est une courte tranchée de 15 m vers + 120 puis l'affleurement de la minéralisation disparaît. On retrouve des vestiges à +50 à la base de la Tranchée des Anciens près de l'entrée éboulée du TB 1 et de la petite maison qui la côtoie : une légère dépression, suivie vers l'aval par 2 grands entonnoirs d'effondrement ; sans ces effondrements et la connaissance du souterrain cette exploitation à ciel ouvert orientale passerait pour invisible tant la dépression est comblée et les déblais dispersés par les mouvements de sol (éboulis, solifluxion). A la faveur du plus grand des effondrements, on peut constater qu'il s'agit d'une large tranchée ouverte dans la roche en place. Le bord aval de cet entonnoir serait le point bas d'accès à l'exploitation.
Les vestiges de l'extraction ancienne en souterrain
Grâce aux reprises modernes, l'exploitation ancienne a pu être reconnu par l'intérieur au moyen de 3 niveaux de galeries, dont 2 sont aujourd'hui accessibles. Un relevé précis sous terre et en surface permet de bien corréler les différents vestiges (ANCEL 1996).
Le TB 1 est effondré mais les rapports anciens décrivent son avancement. Rappelons que cette galerie d'allongement est poussée à travers le comblement de la Tranchée des Anciens sur 23 m, qu'elle atteint alors le filon stérile en place, puis perce encore le cul-de-sac d'une "sorte de descenderie plongeant d'environ 45° vers le sud, haute d'environ 2 met large de 2,50 m".
Le TB 2 s'ouvre par un travers-bancs qui traverse l'ensemble de la structure synclinale. Sur la branche occidentale un montage perce vers +33 la base des travaux anciens comblés, soit à 13 m sous la surface, vers la base de la Tranchée des Anciens. Cette lucarne ne permet pas de bien examiner les travaux anciens. La branche orientale est recoupée 27 m plus à l'Est : des travaux anciens comblés y sont reconnus sur une distance de 10 m et semblent se poursuivre plus vers le sud. Dans cette partie la galerie moderne est boisée et traverse intégralement l'exploitation ancienne. En 1903 on y a découvert une pelle en bois et des morceaux de bois à demi consumés. Entre les 2 branches on reconnaît une troisième colonne dépilée, de direction divergente et de pendage prononcé. Les travaux anciens y sont très effondrés et paraissent se raccorder en hauteur avec ceux de la branche orientale.
Le TB 2bis atteint en 130 m la branche orientale où il télescope la base des travaux anciens (cote+4 à +2) sur une longueur d'environ 40 m. On y découvre en 1923 des pieux en bois, des paquets de baguettes de résineux, des tas de cendres, des débris charbonneux et une écope en cuir (ISNEL 1935). A l'origine boisé, le plafond de cet allongement s'est effondré entraînant un décolmatage partiel des travaux anciens, ce qui explique les effondrements visibles en surface et la présence de déblais et de mobiliers anciens à la base des chambres modernes au niveau du TB 3 (-25). D'après les relevés des exploitants, la base des travaux anciens accusait une pente douce vers le sud, jusqu'à atteindre le niveau du TB 2bis : cette portion de l'exploitation était donc noyée.
Trois effondrements de remblais permettent d'accéder en hauteur à des vides de chantiers anciens. Le premier s'ouvre au sommet d'un éboulis à l'aplomb de l'arrivée du TB 2bis. On peut ainsi s'élever à +15 m en parcourant un chaos de blocs coincés arrosés de petites venues d'eau. On remarque alors qu' il s'agit d'un seul chantier présentant de fortes variations de pendage et des ramifications dont la représentation graphique est difficile. Le second passage s'ouvre au plafond, au-dessus du premier puits moderne (escalade avec corde en place). Cette montée est dangereuse à cause des remblais compactés qui forment un mur de plus de 3 m de hauteur, renfermant une grosse lame de roche. On prend pied dans une salle déclive assez spacieuse bordée de quelques ramifications. Du coté sud on peut s'avancer de quelques mètres en progressant sur des blocs coincés qui surplombent le niveau du TB 2bis. Après aménagement cette salle se prêterait bien à une fouille fine des remblais et une analyse architecturale. A l’extrême sud, une troisième escalade (corde en place) donne accès à un chantier ancien assez redressé qui coiffe le chantier moderne. Le toit des travaux anciens est ainsi dégagé sur plusieurs dizaines de mètres-carrés. On remarque des remblais en place encore retenus par des étais. Au pied de ces travaux on a trouvé un fragment de poutre présentant une encoche qui rappelle celles des kletterbaum.
Caractéristiques des chantiers anciens
Seuls des chantiers d'abattage sont attestés sur le site ; aucune galerie ou boyau n'est visible. Leur puissance varie de 0,60 à plus de 3 m. Leur contour est complexe et s'adapte à la présence de la minéralisation, plus ou moins massive, plus ou moins épanchée dans les épontes. Au TB2bis on peut s'élever de plus de 15 m dans plusieurs chaos de blocs, et réaliser ainsi que l'on parcourt un même chantier partiellement effondré avec quelques rares piliers de minerais en place. Ces piliers sont généralement très pauvres en minerais, sauf au-dessus du niveau de galerie du TB 2bis, où des piliers minéralisés constituent des reliques de la base des travaux anciens : le minerai massif y présente une puissance de 40 cm.
Le chantier proto-historique peut être décrit comme une juxtaposition de volumes arrondis, coalescents et localement bordées "d'absidioles", qui suivent la direction et le pendage ( 40 à70°) de la minéralisation. Il résulte d'un abattage systématique de la minéralisation jusque dans ses moindres digitations. Les vides aujourd'hui accessibles sont souvent des portions de chantiers protégés du remblaiement par des piliers ou des surplombs. Les parois des chantiers ne montrent pas d'attaque au feu bien que ce procédé semble attesté par l'abondance de charbon de bois. Au contraire elles présentent les traces d'un travail manuel bien conservées sur les "fronts de taille" et les surplombs : fines rainures laissées par des outils effilés (bois de cervidés ?), impact de percussion (maillets en pierres ?), larges cannelures arrondies associant percussion et abrasion qui suivent des filonets de bornite et recoupent la stratification des quartzites. Actuellement l'exiguïté des lieux, la saleté, les eaux d'infiltration rendent les observations particulièrement pénibles.
Le remplissage du chantier est constitué de chaos de blocs issus du toit effondré et de matériaux fins issus de l'exploitation. Ces derniers renferment en abondance des débris de bois et aussi des pieux de grande dimension qui pourraient correspondre à des planchers de bois qui retenaient des empilements de stériles et de déchets. Le remblaiement par du stérile doit être important dans la branche orientale, ce qui expliquerait la discrétion de son affleurement. Outre l'économie de transport, cette pratique a aussi l'avantage de préserver les chantiers d'un effondrement du toit.
Organisation de l'exploitation ancienne
On reconnaît donc deux grandes colonnes de travaux anciens ; la colonne occidentale, étendue d'environ 40 m, entre +70 et +33, et s'enfonçant à plus de 15 m sous la surface ; la colonne orientale, étendue sur au moins 60 m, entre +50 et +30, et s'enfonçant à près de 40 m sous la surface. Une troisième colonne intermédiaire est visible au niveau du TB 2. C'est donc environ 2000 m2 de minéralisation qui aurait été dépilés par les anciens ; une exploitation qui aurait produit plus de 1000 tonnes de cuivre métal !
Des datations C14 ont donné des âges de 3100 et 3500 BP (base de travaux de la colonne orientale, 1880 BP (travaux au niveau du TB2), 2320 et 2900 BP (Tranchée des Anciens).
On peut supposer que le chantier était en partie remblayé par des déblais qui reposaient sur des piliers de roche et des boisages. Compte tenu du pendage du filon, le fond des travaux de la colonne orientale nécessitait un trajet souterrain d'environ 60 m de longueur minimum. La circulation verticale pouvait se pratiquer à l'aide de poutres encochées (kletterbaum).
Cette activité saisonnière (1 à 2 m de neige en hiver), étalée sur plusieurs siècles sans doute, a été confrontée au problème de l'exhaure ; en effet les infiltrations d'eau sont très abondantes, surtout pendant la belle saison. A chaque campagne les mineurs auraient été dans l'obligation de vider un volume considérable d'eau accumulée puis d'entretenir un assèchement des chantiers profonds. Il serait plus commode d'envisager une exhaure par gravité, au moins partielle, mais l'exploration de la partie sud des travaux anciens n'a pas permis de déceler la présence d'un ouvrage de drainage. Il nous faut donc reconnaitre que les anciens ont réussi le tour de force d'assécher sur plus de 30 m de dénivellation une vaste exploitation à ciel ouvert soumise à une météorologie rude. Ce problème fut sans doute en partie résolu par des travaux de surface qui devaient drainer les écoulements superficiels en amont de l'exploitation.
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