Le château des archevêques
Le château de Guillestre est mentionné dès 1299 (P. Vaillant, p. 458 cité dans Humbert, 1972, p. 142). Il comprenait une enceinte flanquée de 5 ou 6 tours (photo aérienne de 1954), une tour maîtresse et plusieurs portes dont une à pont-levis, ainsi qu'une bassecour (Nicolas, 1999, p. 4). En 1373, à la suite d'un différend entre l'archevêque et le dauphin, relativement à leur juridiction respective dans l'Embrunais, le bailli s'empare de la ville et du château de Guillestre. Par le traité du 15 avril 1374, le roi restitue Guillestre à l'archevêque. La restitution ne se fera cependant que quelques années plus tard, entre février 1381 et avril 1383 (Humbert, p. 182, 188, 189).
Les fortifications
Le 12 décembre 1390, les habitants de Guillestre envoient leurs représentants auprès de leur seigneur temporel Michel de Pérellos, archevêque d'Embrun. Ils s'en remettent à lui pour fixer l'emplacement et le tracé de l'enceinte de leur ville menacée par les troupes des gens armés qui arrivent d'au-delà du Rhône (A.D. 05 : BE. 3). Un an plus tard, le 5 décembre 1391, celui-ci promet de faire connaître sa décision au sujet du tracé, avant le 9 janvier suivant, promesse qu'il renouvelle le 31 mai pour le 1" juin 1392 (Ibid.). Ce même jour, les habitants de Guillestre nomment quatre commissaires pour déterminer, avec le député désigné par l'archevêque, l'étendue des murailles, la part pour laquelle chacun des habitants devra contribuer aux fortifications et pour désigner les maisons à démolir. 11 fut également décidé le 5 décembre 1391 que les habitants qui possédaient plusieurs maisons seraient contraints d'en céder aux habitants des environs qui voudraient s'installer dans le bourg. L'assemblée se déroule à «Guillestre in domo claustre ». Au vue du tracé, tel qu'il apparaît encore aujourd'hui, Michel de Pérellos prend le parti d'intégrer la partie ancienne de la ville, qui se développe au pied du château, à l'emprise des fortifications et de la réunir à la ville neuve qui s'étend autour de la place principale ou « platea publica ». Les travaux commencent à une date inconnue, sans doute peu après le 31 mai 1392. Ils sont en cours en 1397, année durant laquelle une sentence arbitrale est prononcée par les consuls de Guillestre à l'encontre d'Agnel Dalmas et Albert Réotier, tous deux habitants de Guillestre et chargés de la construction de la tour d'Eygliers, qui par leur faute et celle de Raymond Martin leur collègue s'était écroulée (Ibid.). L'acte passé devant le notaire Antoine Argence le 7 décembre nous renseigne sur les conditions de la construction des fortifications de Guillestre (cf. Annexe A). Tout d'abord on apprend que le chantier de la tour était partagé entre les deux maîtres maçons dont l'un des deux a sous-traité sa part au second. D'autre part les consuls reprochent aux deux maçons et à leur collaborateur Raymond Martin d'avoir mélangé de la terre au mortier, au lieu d'utiliser de la chaux et du sable de bonne qualité et d'avoir employé des ouvriers incompétents. Enfin, ce texte nous apprend que des ouvriers milanais travaillaient sur le chantier des fortifications de Guillestre.
On ignore cependant la date exacte d'achèvement des travaux, qui intervient probablement peu après] 397. Ils sont quoiqu'il en soit finis en 1408, date à laquelle une procédure est lancée entre le procureur fiscal de l'archevêque d'Embrun et Je consul de Guillestre, au sujet de « la garde des murailles et des tours de la ville », à cause du passage fréquent des gens de guerre. On apprend à cette occasion qu'avant la construction des fortifications de Guillestre, en cas d'attaque, les habitants se réfugiaient dans le château et montaient la garde eux-mêmes (Ibid. : FF 5). A partir du XVe siècle, de nombreux textes nous renseignent sur l'état et l'entretien des fortifications. Dès cette époque des constructions privées, maisons ou boutiques, sont accolées aux murs du «barri ». Dans un acte passé devant le notaire Pierre Isnel le 26 mars 1545, Esprit et Claude Girard, frères, déclarent posséder un cellier « dans la ville devers Messire Michel Girard confrontant le cellier dudit Michel devers le barri (sic) » (A.D. 05 : E 666, Rép. num. 1 E 2233). Le 13 mars 1547, Mathieu de Guras achète une cave « dans le fort de Guillestre, confrontant le barri au levant» (Ibid. : Rép, num. 1 E 2235). Le 30 décembre 1551, Barthélémy Hélis reçoit en échange une boutique « dans le fort près la porte de Queiras (sic), tenant au barri» (Ibid. : Rép. nurn. 1 E 2237).
Le 1er juin 1556, Guillaume Servent vend une partie de maison "près de la porte de Queiras [porte Sainte-Catherine), la chambre plus aulte, avec sa part de la tour" (Ibid. : E 671, Rép num. 1 E 2238). Guillestre se trouvant sur le passage de l'Italie et au carrefour des grandes voies stratégiques des Alpes, les habitants ont a cœur d'entretenir les murailles de leur ville et de monter «la garde sous forme de garde bourgeoise» (Ibid. : CC Il). Face à la crainte d'une incursion des Vaudois depuis les vallées piémontaises, le 8 août 1621 les consuls décident qu' «il est nécessaire de faire faire une garite (sic) au-dessus la muraille de la ville, à la masion (sic) de la cure, ". un plane et un couvert à la tour de l'Arc plus hault et encore." trois planez et couvert à Tourre Reytierro, pour la conservation de la ville… attendu le trouble qui est présent » (Ibid. : BB 19). La même année, le vicaire général donne aux habitants de Guillestre l'autorisation de "fère travailler pour la fortification de ladite ville, soit des murailles d'icelle ou autrement, les jours de fêtes commandées par l'Eglise, advouant tout ce que peuh avoir esté faict… lesd. jours de festes pour lesdites réparations et fortifications depuis le commenssement de ses troubles ou bruits de guerre" (Ibid. CC 11). En 1692, en plein contexte des guerres d'Italie, les troupes du duc de Savoie et de ses alliés de la Ligue d'Augsbourg causent de nombreux dommages aux fortifications et au château de Guillestre, pour lesquels le roi ordonne des réparations (Ibid. : CC 128). Cependant, à partir de 1693 et de l'établissement du fort de Mont-Dauphin, le roi ne permet plus aux archevêques d'Embrun de réparer ni le château, ni les fortifications de Guillestre (Ibid: CC 128). Une période relative de calme étant revenue, de nombreuses brèches sont ouvertes dans les murs de l'enceinte. En 1712, une partie des murailles est détruite pour permettre la construction de la nouvelle sacristie de l'église paroissiale (Ibid. : CC 88). Cependant, le 12 septembre 1745, les consuls décident qu'il est "nécessaire de faire incessamment réparer les brèches que plusieurs particuliers, attenant aux remparts du bourg, y ont fait pendant le temps de paix, attendu que telles fenêtres et brèches, qui sont au raz-de-chaussée [sic) peuvent donner la facilité et l'entrée du bourg aux ennemis de l'Etat ; les réparations qui regardent en propre la présente communauté, comme la brèche du château et les deux c1édarts ayant été réparées à la diligence desdits consuls. Ordre de boucher lesdites brèches... » (Ibid. : BB 12). Le 24 septembre suivant, le maçon Jean Baptiste fournit une quittance de 13 livres pour onze journées employées à réparer « les bastions du bourg» (Ibid. CC 115). Ces travaux ne suffisent pourtant pas, car le 18 novembre 1753, le consul Deville demande "l'avouation des réparations de plusieurs brèches du bourg ou des brèches du château" (Ibid. : BB 13). A la fin du XVIIIe siècle, les remparts ne semblent plus protéger les guillestrins que des voleurs. En 1779, dans une correspondance relative aux remparts, on trouve une requête des consuls pour faire fermer les ouvertures faites aux bastions et aux murs de Guillestre, afin de prévenir les vols de fruits qui se commettent pendant la nuit: "le bourg de Guillestre fermé par les bastions et remparts, à quatre portes, a été très longtemps le passage des troupes, un lieu de cantonnement et des campements ... Ces bastions étoient très utiles, tant pour la conservation des magazins y établis que pour la sûreté des fruits de la campagne" (Ibid. CC 150). Cette ordonnance semble avoir du mal à être appliquée, d'autant que l'ingénieur de Mont-Dauphin chargé d'une mission d'inspection estime que : « les remparts sont inutiles à l'Etat et que, par conséquent, les portes nouvellement pratiquées ne peuvent préjudicier en rien à la communauté» (Ibid.). En 1801, une somme est allouée "au maçon Faletti qui a démoli les avancées autour des remparts et les degrés dans les rues" (Ibid. : CC 180). Un an plus tard, une délibération municipale interdit aux guillestrins d'agrandir leur maison au-delà de l'enceinte (AD 05 : 3 E 3439; cf. Annexe B).
Les portes
Les fortifications comprenaient quatre portes principales que l'on fermait chaque soir. Un habitant était chargé de cet office pendant un an, service pour lequel il était rémunéré par les consuls (Ibid. : BB 19 ; CC 30). Les jours de foire quatre hommes étaient placés aux portes de Guillestre « pour la garde de la santé » (Ibid. BB 20). Les portes de Saint-Sébastien et de Fontloube sont réparées en 1698 (Ibid. : CC 66), puis de nouveau en 1722, l'année où l'on répare aussi celle de Sainte-Catherine (Ibid. CC 90). Les portes de Saint-Sébastien et Fontloube subissent d'autres réparations en 1776 (Ibid. : CC 148). L'année suivante, il semble que les consuls projettent de reconstruire la porte de Saint-Sébastien en avant de l'ancienne. En effet, le 21 mars, ces derniers font savoir à Jean-Roch Audouy, commis à la voirie, qu'ils s'opposent « au projet qu'il avait formé de construire des cabinets près la nouvelle porte de Saint-Sébastien, attenante à la maison dudit sieur Audouy et à celle du sieur Albert, ancien châtelain », de même que « la seconde porte placée en retraite et en arrière de la première, il avait été convenu que la 1ère seroit démolie et les cadres en pierre taillée serviraient à refaire la 2ème et nouvelle porte ». (CC 149). Il est probable que ce projet n'ait jamais été réalisé. Quelques années plus tard cette porte, et sans doute les autres, cessent d'être entretenues. En effet, en novembre 1794, l'état des biens appartenant à la commune de Guillestre mentionne: « 4 pentutes (sic) en fer provenant de l'ancienne porte de Saint-Sébastien, 3 gons en fer de ladite porte » (Ibid. : CC 176). La porte Sainte-Catherine quant à elle a été démolie en 1923, lors de l'agrandissement de la rue principale (Feuillassier, p. 77).
Des poternes étaient également ouvertes dans les remparts. Le cadastre de 1469 en mentionne une au sud de la ville, sur les rives du Rif-Bel qui donne accès à une passerelle en bois enjambant le ruisseau sur le chemin du château. En effet, à cette date, la cure de Guillestre déclare posséder un jardin « in portillola juxta barrium et vallatum et juxta viam de castri sive planchiarum in capite et rivum bellurn » (AD. 05 : CC 186). D'autres portes, sans doute ouvertes plus tardivement, sont encore visibles aujourd'hui. L'une d'elles s'ouvrait sur la place Sainte-Catherine, à droite de la porte du Queyras. La porte Saint-Louis ouvre sur le barri depuis la rue qui conduit à la place principale.
Les tours
Le plan de 1692 fait apparaître la présence de dix tours d'enceinte (non comprises celles du château au nombre de cinq). Six d'entre elles se concentraient à l'extrémité nord des fortifications, dont la tour d'Eygliers au nord-ouest, la mieux conservée de toutes. Celle qui marquait l'infléchissement de la muraille à l'extrémité nord était de plan polygonal à quatre côtés inégaux. En partie détruite lors du siège de 1692, elle est toujours visible aujourd'hui bien que d'élévation moderne. Les cinq autres tours étaient de plan circulaire et de taille sensiblement différente. La plus grosse, qui s'élevait au nord de la porte Sainte-Catherine, semble avoir été rasée après le siège des troupes savoyardes puisqu'aucune trace n'en subsiste. Au nord de cette tour s'élevait celle dans laquelle le SIVOM du pays de Guillestre a installé ses bureaux. Représentée comme « ruinée » sur le plan dressé après le siège de 1692 elle conserve encore une partie de son élévation.
A l'extrémité sud-ouest de la ville se dressait la tour dite du Saint-Esprit. Elle a été abattue en 1692, sur ordre du consul Bonardel, à la suite de la prise de la ville par les troupes du duc de Savoie (CC 60). Trois autres tours situées en dessous du château, l'une du côté de Ville-Vieille, les deux autres à l'est, ont disparu. Deux d'entre elles ont été détruites lors du siège de 1692, la dernière a sans doute disparu en même temps que le château, au cours du XVIIIe siècle.
Les fossés
Plusieurs textes indiquent que certaines parties du rempart étaient doublées d'un fossé ou « vallatum ». En 1469, la cure de Guillestre possède un jardin « juxta barrium et vallatum » (A.D. 05 : CC 186). Le 9 janvier 1756, permission est donnée au consul Jean Callandre de jeter, de chaque côté « du revelin de la porte de Sainte-Catherine,… un toit pour servir au temps des foires à ceux qui voudront le louer, dont le louage lui appartiendra, aussi bien que les regailles », à condition de se charger « de l'entretien des murs du ravelin entre les deux portes » (Ibid. : BB 13). Le 30 avril 1790, Pierre Gendre, procureur de la commune, demande le déplacement, « hors du valla du bourg », d'un cloaque qui est "près des bastions, appelé gourp du Saint-Esprit, au-dessous de la porte de Saint-Sébastien, où les eaux pluviales et celles des fontaines déposent des engrais" (Ibid. : BB 17).
Photographe au service régional de l'Inventaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1970 à 2006.