I. Contexte de l'enquête
Le repérage
Ce dossier concerne les entrepôts agricoles de la commune d'Entrevaux (canton d'Entrevaux, Pays Asses-Verdon-Vaïre-Var, département des Alpes-de-Haute-Provence).
Le terme "entrepôt agricole" correspond aux édifices destinés à stocker des denrées agricoles (foin notamment) ou de l'outillage (remise). Souvent, ils comprennent également une partie destinée au bétail (étable, bergerie, écurie…) ou à l'homme (logis saisonnier).
Ne sont pas concernées ici les dépendances des fermes (voir dossier collectif fermes).
Les conditions de l'enquête
Le repérage des entrepôts agricoles a été effectué de juillet à octobre 2010. Le recensement s'est fait à partir du cadastre, édition mise à jour pour 1977 et 1980. Le plan cadastral dit "napoléonien" (levé en 1816 pour la commune d'Entrevaux, en 1817 pour l'éphémère commune du Plan-du-Puget), a servi de point de repère et de comparaison pour les bâtiments antérieurs à cette date ; l'ensemble des états de section de ce cadastre a été consulté.
Toutes les constructions portées sur le cadastre actuel ont été vues, au moins de l'extérieur, sauf au quartier de Sumaure qui n'a pas été visité.
Le repérage a été effectué à l'aide d'une grille de description morphologique propre aux entrepôts agricoles et décrivant :
- la ou les fonction(s) visible(s) du bâtiment, niveaux par niveaux,
- la mitoyenneté,
- les accès,
- les matériaux principaux et secondaires et leur mise en œuvre,
- la forme du toit, la nature de la charpente, de la couverture et de l'avant-toit,
- le nombre d'étages visibles,
- la description des élévations et des baies,
- les aménagements intérieurs (cloisons notamment…)
- les inscriptions historiques : dates portées, inscriptions.
Cette grille de repérage a donné lieu à l'alimentation d'une base de données destinée à faire un traitement statistique et cartographique.
Le repérage est toujours confronté à la question de l'état du bâti. Ainsi, ont été repérés les bâtiments ayant subi quelques modifications de détail n'affectant pas leur lecture architecturale. Les bâtiments ruinés mais dont le parti pris architectural d'origine restait lisible ont également été repérés. En revanche, les bâtiments ayant subi des transformations majeures rendant illisibles leurs caractères architecturaux n'ont pas été retenus. Les bâtiments non retenus sont principalement ceux qui ont été très remaniés à une période récente, selon des normes de construction, des matériaux et un vocabulaire architectural très éloignés de ceux de l'architecture locale : élévations entièrement repercées de grandes ouvertures rectangulaires masquant les baies anciennes, utilisation de matériaux récents rendant illisible le parti d'origine, restructuration intérieure totale ou profonde.
II. Caractères morphologiques
Hors de la ville, 145 entrepôts agricoles ont été repérés ; 41 d'entre eux ont été sélectionnés (29 % du corpus). Seuls huit bâtiments portent une date, comprise entre la seconde moitié du 18e siècle et la seconde moitié du 20e siècle : 1761, 1832, 1864, 1875, 1881, 1900, 1909 et 1934. Quelques bâtiments remontent sans doute à la fin du 17e siècle ; la majorité des entrepôts agricoles datent du 18e siècle et du 19e siècle ; une dizaine date du début du 20e siècle. Il faut cependant préciser qu'un grand nombre de ces entrepôts agricoles ont été remaniés au moins une fois (surélévations, agrandissements, reprise...)
Implantation et composition d'ensemble
La Parc, parcelle 1980 C1 188. Vue d'ensemble d'un entrepôt agricole au quartier de la Pigière.Il existe deux types d'emplacement pour les entrepôts agricoles : associés à d'autres constructions, ou isolés dans les zones de culture ou de pacage. Les entrepôts situés dans les écarts (Bay, Les Lacs, Saint-Pierre Le Brec, Le Plan, La Colle, Les Clauvers, Valbonnette, Les Bouérys, Haut-Agnerc) représentent environ 20 % du corpus. Les entrepôts agricoles sont donc majoritairement isolés et dispersés sur le territoire. Quelques quartiers ruraux possède une grande densité de ces bâtiments, liée aux types de cultures agricoles : vigne, oliviers, blé, jardins... : Bayon, Le Brec et La Grossière, Le Plan, Fouent de Castel.
D'une manière générale sur le territoire de l'aire d'étude, on trouve souvent un quartier d'entrepôts agricoles regroupés en îlots à l'entrée des villages et des écarts. Sur la commune d'Entrevaux, les écarts étant principalement constitués de fermes agglomérées et de quelques bâtiments indépendants, cette disposition n'est pas nettement identifiable sauf au Haut-Agnerc et aux Lacs.
Grossière (la), parcelle 1980 A2 647. Aire à battre.Les entrepôts agricoles sont des blocs en hauteur, qui comportent de un à quatre niveaux. Seuls ceux situés dans les écarts possèdent un ou plusieurs murs mitoyens. 5,5 % des entrepôts agricoles repérés sont adossés à un rocher. 9,5 % sont accompagnés d'un enclos ou d'une courette, parfois couvert. Une aire à battre mitoyenne, souvent dallée ou caladée, à été observées dans 16,5 % des cas. Un bassin d'arrosage (plus rarement un puits) est parfois associé au bâtiment agricole. Dans deux cas, la présence d'un pressoir et d'une cuve à vin a été notée.
La présence d'arbres à proximité immédiate a été relevée dans 13 % des cas (tilleul le plus souvent, mais aussi fruitiers, voire cyprès). Les vestiges de treilles de vigne ont également été notées pour une demi-douzaine de bâtiments.
Matériaux et mise en œuvre
Seuls deux entrepôts agricoles repérés sont des hangars construits sur piliers en maçonnerie ou en béton armé ; l'un compte 16 piliers, l'autre 2. Dans leur grande majorité, les entrepôts agricoles sont construits en maçonnerie de moellons calcaires (80 % du corpus), fréquemment complétés par des galets au bord du Var ainsi que dans les secteurs où le sous-sol correspond à des paléo-chenaux (La Pigière, Le Clot...). On note quelques cas où les moellons calcaires sont complétés avec des briques ou des parpaings artisanaux. La maçonnerie est traditionnellement liée au mortier de chaux et de sable. A Bay, des fragments de tegulae ont parfois été utilisés en remploi dans la maçonnerie. Ailleurs, la présence de fragments de tuile creuse en calage est fréquente.
Les chaînes d'angles sont généralement renforcées par des moellons calcaires plus gros et mieux équarris. Néanmoins, on note que 12 % des entrepôts agricoles possèdent tout de même une chaîne d'angle, ou une partie de chaîne d'angle, en pierre de taille calcaire et/ou de tuf.
Les enduits anciens sont conservés dans 84 % des cas. Ce sont principalement des enduits à pierres-vues (47,5 % du corpus), rustiques (23 %) ou lisse (6 %). Les enduits à inclusions de petits cailloux ne représentent que 2 % du corpus. On notera en outre que 6 % des entrepôts agricoles possèdent des élévations qui ne sont pas du tout enduites. Quelques bâtiments possèdent plusieurs types d'enduits selon les élévations.
Haut-Agnerc, parcelle 1980 A1 841. Baie fenière.Les encadrements des ouvertures (portes et fenêtres) sont soit bruts de maçonnerie (23,5 %), soit en maçonnerie lissée au mortier de gypse et portant feuillure (51 %). Les linteaux sont en bois (quelques cas de linteaux en moellons clavés ont néanmoins été notés). Dans 14,5 % des cas les encadrements repérés sont hétérogènes, ce qui signifie que le traitement des différentes ouvertures fait appel à divers matériaux : brique, parpaing artisanal, ou surtout pierre de taille. Ainsi, 14,5 % des bâtiments du corpus possèdent des encadrements faisant appel à la pierre de taille (calcaire et/ou tuf), que se soit pour la porte de l'étable ou celle du logis saisonnier. La forme la plus fréquente est alors l'arc segmentaire, mais on note plusieurs exemple de linteaux monolithes ; l'association piédroits en pierre de taille et linteau monoxyle a également été rencontrées à plusieurs reprises.
Le premier étage, qui est souvent un étage de soubassement, est couvert par une voûte pour près de 35 % du corpus : voûte en berceau segmentaire très majoritairement, voûte en berceau plein-cintre ou voûtines. Cette disposition se traduit par le fait que, parfois, le sol du fenil est alors simplement constitué par l'extrados de cette voûte ; cette particularité a été observée dans 10 % des cas. Ailleurs, la séparation des étages se fait par un plancher rustique sur solives. Le sol du premier niveau est souvent en terre battue, mais l'on note quelques cas d'étables avec un sol dallé ou pavé.
Les murs intérieurs ne sont pas enduits, sauf dans quelques fenils où ils reçoivent un enduit rustique ; dans les logis saisonniers, les murs sont enduits. Lorsqu'il y a présence de cloisons intérieures (un quart des bâtiments sont concernés), celle-ci sont en maçonnerie légère à pans de bois, avec parfois un remplissage de gravats. L'aménagement de citernes de récupération des eaux de pluie a parfois impliqué la pose de corbeaux (en bois ou en pierre) sous l'avant-toit, pour servir de support aux chenaux de collectage.
Structure, élévation, distribution
Les entrepôts agricoles de la commune d'Entrevaux possèdent de un à quatre niveaux d'élévation. 9 % possèdent un niveau, 44 % possèdent deux niveaux, 45,5 % possèdent trois niveaux et 1,5 % possèdent quatre niveaux (deux cas). Du fait du relief marqué sur le territoire communal, la présence d'un ou deux étages de soubassement a été relevée dans 90,5 % des cas ; un cas avec trois étages de soubassement a été noté au quartier de la Fouent de Castel. 5,5 % des entrepôts agricoles sont directement adossés à la roche en place.
Le ou les étages de soubassement sont souvent accompagné d'au-moins un rez-de-chaussée surélevé. L'association « étage de soubassement + rez-de-chaussée surélevé + (et/ou) étage de comble » représente d'ailleurs à elle seule 58 % du corpus. L'autre occurrence principale est celle-ci : « deux étages de soubassement + (ou sans) étage de comble » (14 %).
Haut-Bayons, parcelle 1980 D2 564. Vue de volume d'une étable.Le premier étage de soubassement, ou le rez-de-chaussée en cas d'absence d'étage de soubassement, est principalement utilisé comme étable (81 % des cas) et/ou comme remise agricole (27 % des cas). Les mangeoires situées dans les étables sont constituées d'une banquette maçonnée, dont la crèche est fermée par une planche scellée sur chant et retenue au mur par des tirants en bois ou en métal. Cette planche est souvent percée de trous pour attacher le bétail. Un râtelier en bois vient compléter l'ensemble ; ce râtelier est alimenté en foin par le biais de trappes (ou "abat-foin"), aménagées dans le plancher ou percées dans la voûte, qui communiquent avec le fenil. Dans le cas où les trappes d'abat-foin sont aménagées à travers une voûte, elles sont parfois engagées dans la maçonnerie du mur. Dans 7 % des cas, le premier niveau est utilisé comme logis saisonnier. Parfois, c'est un cellier, une étable à cochon, voir un four à pain qui a été repéré.
La présence d'une citerne qui collecte les eaux de toiture a été notée dans 16,5 % des cas. Cette citerne est intégrée à la construction, accolée ou plus rarement disjointe. Elle est généralement couverte par une voûte, parfois par une dalle ou un plancher. Dans quelques cas, un robinet relié à cette citerne est directement installé dans l'étable.
Lorsqu'il y a un étage supérieur, celui-ci est majoritairement utilisé pour un fenil (57,5 % des cas). Les autres utilisations sont le logement saisonnier (45 % des cas), le séchoir (10 % des cas, parfois en loggia), la remise (5 %) ou le pigeonnier (1,5 % des cas). A noter deux cas d'étables installées sur voûte.
Fouent Fourane, parcelle 1980 B2 non cadastré (364). Cheminée dans un logis saisonnier.Lorsqu'il y a un second étage supérieur, celui-ci est très majoritairement utilisé pour un fenil (85,5 % des cas). Autres possibilités : un séchoir (26 % des cas, parfois en loggia), un logement saisonnier (3 % des cas) ou un pigeonnier (5,5 % des cas). Ces chiffres traduisent une mixité des fonctions dans les étages de certains bâtiments.
Dans le cas d'une porte d'accès unique (28 % du corpus), celle-ci est percée préférentiellement dans le mur gouttereau (68 % des cas) plutôt que dans le mur pignon (32 % des cas). Dans le cas d'entrepôts possédant plusieurs portes d'accès percées sur une même élévation (8 % du corpus), celles-ci sont indifféremment percées sur le mur gouttereau ou pignon. Dans le cas de bâtiments possédant plusieurs portes percées sur des élévations différentes (64 % du corpus), celles-ci aménagent un accès orthogonal (68 % des cas) ou sont affrontées en gouttereau (26 % des cas) ou en pignon (5 % des cas).
La présence de baies fenières concerne 61 % du corpus. Elles sont rarement aménagées sur la seule élévation principale (7 % des cas). Elles sont au contraire le plus souvent percées sur une autre l'élévation (89 % des cas), parfois sur l'élévation principale et sur une autre élévation (4 % des cas). Quelques cas d'escaliers de distribution extérieurs en maçonnerie ont été repérés.
Couverture
Haut-Agnerc, parcelle 1980 A1 146. Baie d'un séchoir.Sur la commune d'Entrevaux, 72,5 % des entrepôts agricoles possèdent un toit à un pan ; 25 % un toit à longs pans, qui est rarement asymétrique. On remarquera que, sur plusieurs bâtiments, une surélévation ancienne du bâtiment a entraîné la modification de la forme du toit, passant de un pan à longs pans.
Un bâtiment possède un toit à un pan et un toit à longs pans, deux sont couverts par des toits en demi-pavillon et un cas de couverture avec l'extrados d'une voûte à été repéré.
Dans presque tous les bâtiments, la charpente est à pannes (panne faîtière et pannes intermédiaires, pas de panne sablière). Un cas de charpente sur chevrons et trois cas de charpente à fermes ont été notés. Dans un cas, une pile de fond venant conforter la panne faîtière a été repérée.
Les avant-toits sont traités avec différentes techniques. Mais il faut avant tout préciser que 39,5 % des bâtiments possèdent un avant-toit non significatif du fait d'une modernisation de la toiture ou de sa ruine. Un avant-toit simple est présent sur 29 % des entrepôts agricoles : l'avant-toit est alors directement constitué du débord des tuiles de couverture ou du débord des chevrons de toiture qui portent les tuiles. 23,5 % des bâtiments possèdent un rang de génoise, 5 % deux rangs de génoises. Lorsqu'elle existe, la saillie de rive des pignons est constituée d'un rang de génoise (6 % du corpus) ; un cas de saillie de rive avec deux rangs de génoise a été repéré.
La couverture traditionnelle est la tuile creuse (67,5 % des bâtiments repérés), parfois remplacée par des matériaux modernes (plaques de fibro-ciment ou tôle ondulée). Les bâtiments de la fin du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle sont couverts en tuile plate mécanique, importées des tuileries de Nice, Marseille, Aix-en-Provence ou du Var.
Décors
Des décors de façade ont été repérés pour seulement 3,5 % du corpus : faux encadrements et/ou fausses chaînes d'angle, gravés ou peints. La présence de cadrans solaires a été notée dans quatre cas.
Typologie
1 – ENTREPOTS AGRICOLES UNIFONCTIONNELS
1.1 – Entrepôt agricole uni-fonctionnel : fenil (1 % du corpus) (1 repéré ; 1 sélectionné) un ou deux niveaux ; fonction unique de fenil sous-type hangar : structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
1.2 – Entrepôt agricole uni-fonctionnel : remise ou étable (5,5 % du corpus) (8 repérés ; 3 sélectionnés) un ou deux niveaux ; fonction unique de remise ou d'étable sous-type hangar : structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
2 – ENTREPOTS AGRICOLES MULTIFONCTIONNELS
2.1 – Entrepôt agricole multi-fonctionnel : fenil sur étable (31,5 % du corpus) (46 repérés ; 10 sélectionnés) deux niveaux ou plus ; fonction double : étable + fenil
2.2 – Entrepôt agricole multi-fonctionnel : polyvalent avec fenil (40,5 % du corpus) (59 repérés ; 16 sélectionnés) deux niveaux ou plus ; fonctions multiples + fenil sous-type hangar : possibilité d'un seul niveau ; structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
2.3 – Entrepôt agricole multi-fonctionnel : polyvalent sans fenil (21,5 % du corpus) (31 repérés ; 10 sélectionnés) un à plusieurs niveaux ; fonctions multiples + absence de fenil sous-type hangar : possibilité d'un seul niveau ; structure porteuse à piliers (éventuellement cloisonnée)
Interprétation de la classification
Fouent de Castel, parcelle 1980 B2 non cadastré (255). Porte d'un jardin.Les données statistiques sur la commune d'Entrevaux montrent que les bâtiments uni-fonctionnels sont rares, au profit des entrepôts agricoles multi-fonctionnels, avec ou sans fenil.
La catégorie la mieux représentée (40,5 % du corpus) est celle des entrepôts à fonctions multiples qui comprennent un fenil. De plus, 31,5 % des entrepôts comprennent uniquement une étable située sous un fenil. Cette disposition "fenil sur étable" facilite le nourrissage du bétail en stabulation pendant l'hiver par l'aménagement fréquent de trappes (ou "abat-foin") dans le plancher ou dans la voûte, entre le fenil et les râteliers de l'étable. A noter également, la présence d'un hangar à foin (type 1.1).
Au total, 73 % des entrepôts agricoles du corpus comportent un fenil. A contrario, les 27 % du corpus restant ne comprennent pas du tout de fenil. On trouve quelques bâtiments à fonction unique (5,5 %), destinés au remisage des outils et des machines. Mais ce qui est surtout remarquable, c'est l'importance des bâtiments à fonctions multiples qui ne comportent pas de fenil : 21,5 % de l'ensemble. Ces bâtiments sont généralement occupés par une étable et un séchoir ou un logis saisonnier. Cette dernière fonction est particulièrement représentée sur la commune.
Photographe de l'Inventaire, région Sud-Paca.