Situation
Au lieu-dit Pierrefeu (proche de la Molière) ; au col de la Molière, à 1 kilomètre environ à l’est du village abandonné de Ville ; en contre-haut de la piste des pompiers.
Bâtiment isolé, construit sur une déclivité marquée, au milieu d’anciennes cultures en terrasses aujourd’hui en friche.
Composition d’ensemble
Six corps de bâtiments accolés les uns aux autres.
Bâtiment A : Corps de bâtiment rectangulaire, adossé à la pente ; accessible au nord par un large dégagement et au sud par une cour ceinte d’un muret en pierre sèche.
Bâtiment B : Corps de bâtiment rectangulaire, adossé à la pente et collé à l’ouest du bâtiment A ; accessible au sud par une cour ceinte d’un muret en pierre sèche.
Bâtiment C : Corps de bâtiment rectangulaire, collé au sud du bâtiment B ; accessible à l’est par une cour ceinte d’un muret en pierre sèche.
Bâtiment D : Corps de bâtiment rectangulaire sur piliers, collé au nord des bâtiments A et B ; accessible au nord par un large dégagement.
Bâtiment E : Petit corps de bâtiment rectangulaire, adossé à la pente et collé à l’est du bâtiment A ; accessible au sud par un dégagement protégé à l’est par un muret en pierre sèche.
Bâtiment F : Petit corps de bâtiment rectangulaire, collé au sud-ouest du bâtiment C ; accessible à l’ouest par un large dégagement.
Matériaux
Bâtiments A, B, C, D et E : blocage de en moellons bruts calcaires de taille très variable, liés au mortier de chaux. Lambeaux d’enduit sable et chaux de couleur sable. Gros moellons équarris pour les chaînes d’angle. Pierre de taille calcaire et tuf d’extraction locale pour la plupart des portes ; moellons et linteau en bois pour les fenêtres. Planchers intérieurs. Toit de tuiles creuses.
Bâtiment F : Pierre sèche. Très grosses pierres pour les chaînes d’angle.
Structure
Bâtiment A : Plan rectangulaire sur trois étages : deux étages de soubassement et un étage de comble en surcroît. Le soubassement 1 est composé d’une seule pièce (Aa) couverte par un plancher, accessible au sud par une porte piétonne ; escalier intérieur tournant à l’angle sud-ouest. Le soubassement 2 est constitué d’une cage d’escalier à l’ouest et d’une pièce à l’est couverte par un plancher (Ab). Le comble est constitué d’une cage d’escalier à l’ouest accessible au nord par une porte piétonne précédée d’un degré à marches, d’une pièce au nord couverte par un plancher (Ac) et d’une pièce au sud couverte par la charpente de couverture (Ad).
Bâtiment B : Plan rectangulaire conservé sur un étage de soubassement. Le soubassement est constitué d’un seul volume à l’origine couvert par un plancher ( ?) ; accessible au sud par une porte bâtarde et une porte piétonne. Accès extérieurs par deux portes à l’étage de soubassement.
Bâtiment C : Plan rectangulaire sur deux étages : un rez-de-chaussée et un comble (ruiné). Le rez-de-chaussée est constitué d’un seul volume couvert par un plancher ; accessible à l’est par une porte bâtarde. Le comble est constitué d’un seul volume couvert par la charpente de couverture ; accès inconnu.
Bâtiment D : Plan rectangulaire sur un étage de rez-de-chaussée avec quatre piliers maçonnés, couvert par la charpente de toiture ; accessible sur tout le côté nord et est.
Bâtiment E : Plan rectangulaire sur deux étages : soubassement et comble. Le soubassement est constitué d’un seul volume couvert par une voûte en berceau ; accessible au sud par une porte piétonne. Le comble est constitué d’un volume voûté en coupole ; accessible au sud par la bouche du four.
Bâtiment F : Plan rectangulaire sur un étage de rez-de-chaussée constitué d’un seul volume, couvert par la charpente de couverture ; accessible à l’ouest par une porte bâtarde.
Elévations
Bâtiment A
Elévation sud
Composée de 3 niveaux. Lambeaux d’enduit sur toute la hauteur de la partie centrale de l’élévation. Couronnement en avant-toit débordant sur chevrons.
Niveau 1 : A l’extrémité ouest, jour en fente avec piédroits, appui et linteau en moellons, muré en moellons et mortier ; au centre, porte piétonne avec piédroits et arc en plein cintre en pierre de taille calcaire à claveaux extradossés (en remploi ?), seuil en pierre de taille ; au premier tiers est, jour en fente avec piédroits, appui et linteau composés de quatre gros moellons équarris.
Niveau 2 : Au centre, fenêtre rectangulaire avec encadrement façonné au mortier, garde-corps avec barre d’appui et barreaux en bois, menuiserie et volets rustiques en bois ; de part et d’autre de l’appui de la fenêtre, deux trous d’arrachement de corbeaux en bois.
Niveau 3 : Au premier tiers ouest, jour rectangulaire avec encadrement façonné au mortier, larmier en lauze brisé, muré en blocage grossier ; au centre, fenêtre rectangulaire avec encadrement façonné au mortier et linteau en bois, menuiserie rustique en bois ; de part et d’autre : au premier quart est, jour rectangulaire encadrement façonné au mortier, larmier en lauzes, muré en blocage grossier.
Elévation ouest
Composée de trois niveaux. Couronnement en appentis avec un larmier en débord de toit, incliné selon la pente du toit.
Niveau 1 : A l’extrémité sud, fenêtre rectangulaire avec piédroits et appui en moellons et linteau en bois, murée.
Niveaux 2 et 3 : Aveugles ; marques du toit en appentis (ruiné) du bâtiment B, incisées dans la maçonnerie.
Elévation nord
Composée d’un niveau. Chaînes d’angle en moellons équarris de très belle facture ; la chaîne ouest présente des pierres d’arrachement du bâtiment B. Couronné par un larmier en débord de toit. A l’ouest, degré à cinq marches en pierre de taille donnant accès à une porte piétonne avec piédroits en tuf, plate-bande lisse avec trois claveaux en tuf, seuil en pierre de taille ; sous le faîtage, à ras des chaînes d’angles, trous d’arrachements de la charpente du bâtiment D.
Elévation est
Composée de deux niveaux. Couronnement en appentis avec un larmier en débord de toit, incliné selon la pente du toit.
Niveau 1 : aveugle.
Niveau 2 : au ras de la chaîne nord, petite fenêtre carrée avec piédroits en moellons, linteau et appui en bois.
Bâtiment B
Elévation sud
Composée d’un niveau. Au centre, porte piétonne (donnant actuellement dans le bâtiment C) avec piédroits et seuil en pierre de taille (Fig. 16) ; à l’extrême est, porte cochère avec piédroits en moellons, seuil en pierre de taille et linteau (disparu) en bois (Fig. 17).
Elévation ouest
Composée d’un niveau aveugle.
Elévation nord
Composée d’un niveau effondré. La chaîne d’angle est présente un arrachement de quelques beaux moellons équarris.
Bâtiment C
Elévation sud
Composée d’un niveau Au premier tiers ouest, jour en fente avec piédroits, appui et linteau en moellons.
Elévation ouest
Composée d’un niveau aveugle.
Elévation est
Composée d’un niveau. Au nord, porte bâtarde avec piédroits en gros moellons (dont un fait saillie côté sud), linteau en bois sous un arc de décharge, seuil en pierre de taille.
Bâtiment D
Elévation ouest : Composée d’un niveau aveugle.
Bâtiment E
Elévation sud
Composée de deux niveaux.
Niveau 1 : Au centre, porte piétonne avec piédroits en très gros moellons équarris et linteau droit monolithe.
Niveau 2 : Au centre, bouche de four triangulaire, jambages faits de deux monolithes équarris, fermeture par plaque en fonte sur gond unique (Fig. 27).
Elévation est : Aveugle. Composée d’un niveau aveugle.
Elévation nord : Composé d’un niveau aveugle.
Bâtiment F
Elévation sud : Composée d’un niveau aveugle. Enormes blocs de pierre sèche à la chaîne d’angle ouest
Elévation ouest : Composée d’un niveau. Au nord, porte bâtarde large et basse avec piédroits en pierre sèche et linteau en bois.
Elévation nord : Composée d’un niveau aveugle.
Couverture
Bâtiment A
Toit en appentis incliné vers le sud. Charpente simple : solives et chevrons. Couverture en tuiles creuses scellées au mortier sur les rives et le faîtage et maintenues avec de nombreuses pierres.
Bâtiment B
Toit en appentis incliné vers le sud, détruit.
Bâtiment C
Toit en appentis incliné vers le sud, détruit.
Bâtiment D
Toit en appentis incliné vers le nord, détruit. Charpente : pannes sur piliers, solives et chevrons ( ?).
Bâtiments E et F
Toits et charpentes disparus.
Distribution intérieure
Bâtiment A
Soubassement 1
Pièce Aa – bergerie
Couvrement : cinq poutres supportant des planches ; côté est, étai sur la poutre du milieu qui est interrompue par encorbellement en planches et mortier. Sol : dallage en lauzes calcaires grossières ; à l’angle nord-est, reste d’un plancher reposant sur des poutres placées à même la terre. Mur est : affleurement rocheux sur la moitié nord. Mur sud : à l’est, jour à embrasure en fente façonnée au mortier ; au centre, porte à embrasure en anse de panier ébrasée, façonnée au mortier blanc grossier, graffitis sur piédroit ouest . Mur ouest : côté sud, encorbellement incliné en planches et plâtre de la deuxième volée de l’escalier. Escalier un quart tournant avec deux volées de cinq marches maçonnées avec girons en lauzes, marche palière dans l’angle sud-ouest, plafond incliné planches et plâtre, cloison d’échiffre enduite au mortier blanc, graffitis.
Soubassement 2
Pièce Ab – cuisine, chambre. Composé de la cage d’escalier et d’une pièce, séparées par une cloison en pans de bois et mortier. Couvrement : quatre poutres dont une beaucoup plus mince et courte au centre portant à l’est sur une petite solive placée en avant du manteau de la cheminée. Sol : dallage en lauzes calcaires grossières ; partie nord avec plancher. Murs : lambeaux de trois couches d’enduits distincts. Mur nord : recouvert de lambris brut en bois blanc industriel. Mur est : au centre, restes d’une cheminée détruite, corbeaux en bois et lambeaux du manteau en plâtre, fragments de la hotte en plâtre, canon demi-engagé ; au sud, placard à embrasure rectangulaire droite, avec tasseaux en plâtre et porte en planches. Mur sud : à l’est, placard à embrasure rectangulaire droite peu profonde ; au centre, fenêtre à embrasure rectangulaire ébrasée façonnée au mortier, plafond incliné, menuiserie à trois carreaux et espagnolette ; à l’ouest, plan incliné couvrant la montée d’escalier ; au dessus de ce plan incliné, garde-manger à claire-voie avec sur poteaux en bois. Cloison ouest : au centre, porte de communication rectangulaire avec encadrement en bois ouvrant sur le palier, menuiserie à trois panneaux creux ; côté nord, encorbellement incliné en planches et plâtre de la montée d’escalier ; dans l’angle nord, sous cet encorbellement, lit à châlit. Escalier : troisième volée de neuf marches très hautes en mortier avec nez en bois. Comble composé d’une montée d’escalier et de deux pièces séparées par des cloisons en planches dressées sur des poteaux en bois. Cage d’escalier Palier carrelé sur plancher. Mur nord : côté ouest, porte piétonne à embrasure rectangulaire ébrasée, façonnée au mortier.
Pièce Ac – fenil (ancienne chambre). Couvrement : planches. Sol : carreaux (0,17 x 0, 17 m.) sur plancher. Murs et cloisons enduits de plâtre. Mur est : à l’extrémité nord, petite fenêtre à embrasure carrée façonnée au mortier, cadre en bois. Cloison ouest : côté nord, porte de communication avec encadrement en bois ouvrant sur le palier, menuiserie à trois panneaux creux.
Pièce Ad – fenil (ancienne chambre). Couvrement : incliné, charpente de couverture. Sol : plancher. Murs et cloisons enduits de plâtre. Mur sud : à l’est, jour rectangulaire à embrasure droite murée ; au centre, fenêtre à embrasure rectangulaire ébrasée ; à l’ouest, jour à embrasure rectangulaire murée. Cloison nord : à l’ouest, porte de communication avec cadre en bois ouvrant sur le palier, menuiserie à trois panneaux creux.
Bâtiment B
Composé d’un seul grand volume. Couvrement disparu. Mur sud : au centre, porte piétonne à embrasure rectangulaire ébrasée ; à l’extrémité est, porte bâtarde à embrasure rectangulaire ébrasée façonnée au mortier (Fig. 18).
Bâtiment C
Rez-de-chaussée : Composée d’un seul grand volume. Couvrement : cinq poutres (quatre restantes) qui devaient supporter des planches (Fig. 21). Mur sud : au premier tiers ouest, jour à embrasure en fente ébrasée. Mur est : au nord, porte bâtarde à embrasure rectangulaire droite. Comble : Composé d’un seul grand volume. Couvrement : charpente de couverture (détruite)
Bâtiment D
Composé d’un seul grand volume. Couvrement disparu. Quatre piliers maçonnés côté nord.
Bâtiment E
Soubassement : Cave. Couvrement : voûte en berceau en plein cintre en blocage de moellons liés au mortier. Murs non enduits. Pièce comblée sur plus d’un mètre, reste 0,80 m de hauteur sous la voûte. Mur sud : au centre, porte piétonne à embrasure rectangulaire ébrasée.
Comble : Four à pain. Couvrement : voûte en briques réfractaires. Sole en lauzes calcaires. Mur sud : au centre, bouche du four à embrasure triangulaire droite.
Bâtiment F
Composé d’un seul volume. Couvrement disparu Mur ouest : au nord, porte bâtarde à embrasure rectangulaire droite.
Conclusion
La ferme de Pierrefeu est caractéristique des fermes isolées du massif du Teillon. Il s’agit d’un bâtiment rectangulaire réparti sur trois niveaux, ayant chacun une fonction bien définie : étable au soubassement 1 (pièce Aa), cuisine au soubassement 2 (pièce Ab), chambres à l’étage de comble (pièces Ac et Ad). Immédiatement accolés se trouvent deux éléments indispensables de la vie agricole en autarcie : la cave et le four à pain. L’accès à l’eau se faisait au ruisseau qui passe à 50 mètres au nord-ouest.
Autour de cette ferme se trouvent trois bâtiments aux fonctions très précises : deux bergeries avec fenil et un hangar. Des deux bergeries, le bâtiment B semble être le plus ancien. Le bâtiment C a été construit ultérieurement, pour accroître la capacité d’accueil des ovins. Cette recherche de volumes plus importants pour abriter les troupeaux indique une évolution des orientations agricoles au cours du 19ème siècle.
La ferme originelle cultivait les nombreuses terrasses situées aux alentours, situées à des altitudes pourtant élevées, preuves d’une pression humaine et agricole forte. Avec l’exode rural, cette pression est allée en diminuant. Les cultures situées trop loin ou trop haut ont été progressivement abandonnées et les terrasses anciennement cultivées ont alors été utilisées par les bergers pour faire paître les troupeaux.
Il y a donc eu une transformation de l’économie agricole. Auparavant basé sur une polyculture vivrière associée à un élevage familial modeste, le système s’est orienté vers un pastoralisme dominant. Ce phénomène s’est traduit par une augmentation du nombre de troupeaux et de bêtes dans les troupeaux. Ce qui a nécessité la construction de nouvelles bergeries autour d’unités agricoles déjà existantes. Le cas de la ferme de Pierrefeu montre bien ce phénomène.
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.