Dossier collectif IA00049878 | Réalisé par
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

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    Grave (La)

HISTORIQUE

Lors d'une enquête entreprise en 1830 sur le département dont il avait la charge, le préfet Ladoucette constatait que dans les villages de La Grave et du Villar "par l'appréhension du feu et par suite d'un usage des hautes contrées de la Savoie, chaque propriétaire y possède, à part du logis principal, une cabane en bois qui renferme le linge, les vêtements et les grains de la famille" 1. Ces cabanes en bois, appelées greniers, n'existent plus aujourd'hui qu'au Chazelet, mais dans tous les villages de la vallée, qu'ils soient habités de façon permanente ou saisonnière, on peut voir, disséminées parmi les maisons, des petites constructions en maçonnerie qui ont la même fonction et qui sont appelées chambres.

L'usage de conserver tout ce que la famille possède de précieux dans un bâtiment indépendant de la maison est attesté en Savoie où le grenier est appelé de façon significative le trésor 2. Mais il n'est pas, à notre connaissance, répandu en Dauphiné. Dans les vallées haut-alpines limitrophes de l'Oisans, les pièces à provisions sont intégrées à la demeure. Ainsi dans la vallée de Vallouise, jambons, fromages, farine, sel et autres denrées sont conservés dans une pièce froide, la chambre ménagère, ou dans le chambron construit en pan-de-bois sur l'un des balcons ou la passée de grange ; les légumes et les tonneaux de vin sont entreposés dans des caves voûtées situées au rez-de-chaussée ou en sous-sol ; le grain est stocké dans des coffres arches rangés de part et d'autre de l'aire à battre ; les miches de pain sont disposées sur le tortier suspendu dans la grange. Les multiples galeries qui courent sur les façades vallouisiennes ont elles aussi une fonction de conservation et de rangement. Les habitants y font sécher les gerbes de seigle ou de vesces, les fromages et les fagots, et y rangent du petit matériel, tel que paniers et tonneaux.

Les fonctions de ces différents espaces, répartis en Vallouise, dans le Briançonnais ou le Queyras dans l'ensemble de la maison, sont dans le haut-Oisans rassemblés dans un seul lieu, indépendant du bâtiment principal, la chambre 3.

DESCRIPTION

A. Les chambres

1. L'appréhension du feu

"L'appréhension du feu", pour employer l'expression de Ladoucette, est dans les textes du XIXe siècle comme dans le discours des habitants actuels le seul argument avancé pour expliquer la fonction de ces petits bâtiments isolés. Certes, la plupart des chambres sont indépendantes de la demeure à laquelle elles appartiennent. Les deux constructions sont généralement situées l'une en face de l'autre, à une distance de cinq à dix mètres, les deux portes d'entrée en vis-à-vis. Pour accéder à la chambre, il faut traverser la cour ou le chemin qui la sépare de la maison. Mais certaines chambres, au Villar en particulier, sont mitoyennes du bâtiment principal. Elles sont alors construites en appentis, lorsqu'elles sont de taille réduite, ou forment un corps de bâtiment perpendiculaire à la maison d'habitation lorsqu'elles sont plus importantes. Dans tous les cas elles en sont séparées par un mur très épais et comportent une entrée distincte.

Les chambres sont donc relativement isolées de la construction où se trouve la grange, principal foyer d'incendie, mais en cas de feu très violent ne semblent pas à l'abri de la catastrophe. Les archives conservent le souvenir d'incendies qui ont ravagé des villages entiers. L'"appréhension du feu" n'est sans doute pas le seul mobile qui ait poussé les habitants de la vallée de la haute-Romanche à conserver leurs biens les plus précieux dans un bâtiment indépendant de la maison.

2. Une distribution stéréotypée

La taille des chambres varie en fonction de l'importance que la maison dont elles dépendaient avait à la fin du XIXe siècle. Mais elles sont toutes conçues sur le même modèle. Les chambres sont construites en maçonnerie, selon la même technique que les maisons d'habitation, et sont couvertes d'ardoises. Au sous-sol se trouve une cave voûtée en berceau où légumes et pommes de terre étaient conservés l'hiver, au frais mais à l'abri du gel. Le rez-de-chaussée est une pièce plafonnée remplie de meubles. Le long des murs sont alignées de grandes armoires qui renferment le linge, les draps, les vêtements du dimanche et les bourras (4) avec lesquels on fait les trousses(4) de foin. Les arches ou coffres sont remplis de sel, de farine et de semences. Dans les garde-manger grillagés sèchent les fromages. Au plafond sont suspendus jambons et saucisses. C'est cette première pièce qui porte plus particulièrement le nom de chambre.

Au-dessus se trouve le grenier, ouvert sur le comble, auquel on accède de l'intérieur par une échelle et parfois de plain-pied par l'extérieur lorsque la pente le permet. Cette deuxième pièce contient les coffres à grains et les grandes claies sur lesquelles les tourtes de pain bouilli se conservent pendant tout l'hiver. Dans les villages saisonniers, chambre et grenier sont souvent confondus et occupent le comble.

La chambre contient donc tout ce qui est nécessaire à la survie de la famille, tout ce qui, en cas de catastrophe, lui permettra d'attendre le printemps pour recommencer à produire. L'importance de son contenu est symbolisé par le soin accordé à la porte.

3. Les portes

L'encadrement0 des portes de chambres est toujours plus soigné et de forme plus savante que celui des portes du logis. Les chambranles sont fréquemment en pierre de taille, couvert par un arc en tuf0 ou un linteau monolithe sur coussinets. La menuiserie est extrêmement solide : formée de deux épaisseurs de grosses planches réunies par un cloutage serré, elle est parfois recouverte d'une feuille de tôle qui la protège du feu. On dit alors qu'elle est blindée ? Les propriétaires des chambres craignaient le feu mais aussi les voleurs. La porte est solidement fermée par le grand loquet traditionnel en fer forgé, le farouille, et une ou deux grosses serrures. C'était autrefois l'une des rares pièces fermées à clé.

B. Les greniers

Le village du Chazelet compte un grand nombre de chambres en maçonnerie. Mais on y trouve aussi un type de construction très particulier. connu par ailleurs en Haute-Savoie ; le grenier en bois isolé. La douzaine de greniers qui subsistent au Chazelet ont absolument la même fonction que les chambres ; leur localisation est similaire ; mais la particularité de ces constructions est qu'elles sont en bois, alors que tous les autres bâtiments du village, maisons, chambres, four et chapelle sont en pierres.

La technique de construction des greniers du Chazelet est très homogène et très particulière. Tous sont construits de la même façon, sur un modèle très proche de celui des greniers de Maurienne, et selon une technique qui rappelle celle des nombreux écuries ou coffres, recensés dans le canton de La Grave. Les greniers du Chazelet sont de petite taille par comparaison avec la plupart des chambres en maçonnerie du hameau et des autres villages. La partie en bois mesure entre 3 à 4 m de long sur 2, 50 m à 3 m de large pour une hauteur variant entre 3 et 4 m. Ils contiennent donc un mobilier beaucoup moins volumineux, constitué exclusivement de coffres.

Comme les greniers de Maurienne, ceux du Chazelet sont parfois construits sur un niveau de soubassement en pierre qui constitue la cave. On accède à celle-ci de l'extérieur par une ouverture sans menuiserie. La partie en bois ne semble pas, comme en Maurienne, posée sur des supports qui établiraient un vide entre la partie en bois et la partie en pierre. Au Chazelet, au contraire, le plancher du grenier sert de plafond à la cave. D'autres greniers qui ont pu être déplacés, sont posés directement sur le sol, sans soubassement en pierre.

Tous les greniers sont formés de six poteaux de section rectangulaire plantés dans le socle en pierre, à chaque angle et de part et d'autre de la porte. Dans ces poteaux sont embrevés les plateaux de mélèze qui forment les murs. Ils ont 7 à 8 cm d'épaisseur et sont assemblés entre eux à languette bâtarde. Les pièces de bois plus importantes, aux coins par exemple, sont assemblées de la même façon et se bloquent entre elles sans clous ni cheville. Les deux pignons sont en encorbellement. Le toit à deux pans est formé de deux épaisseurs de planches recouvertes d'ardoises qui ont parfois été remplacées par de la tôle ondulée. La porte qui protège les biens précieuses contenus dans le grenier est, comme celle des chambres, extrêmement solide. Elle est formée de deux épaisseurs de planches entre lesquelles passent les pentures des gonds. Elle est entièrement cloutée et fermée par une grosse serrure et un farouille.

Ces constructions en bois restent tout à fait étonnantes dans une région déboisée depuis si longtemps, où le bois est si peu utilisé dans la construction,et où les habitants se chauffent aujourd'hui avec des blettes de fumier de mouton. Faut-il considérer avec H. Raulin que l'on a affaire ici à la survivance d'une forme d'architecture très ancienne ? Les chambres, qui ont la même fonction que les greniers mais des dimensions plus importantes, portent fréquemment des dates des XVIIe et XVIIIe siècles. Ont-elles remplacé ces derniers, les deux formes ont-elles longtemps coexisté? L'inventaire après incendie de Villard-Aymond, en 1754, signale non seulement des greniers en bois mais sept chambres en maçonnerie. Au XVIIIe siècle, les deux formes coexistaient donc déjà.

1J.-C.-F. Ladoucette. Histoire, topographie, antiquités, dialectes des Hautes-Alpes. Paris, 1848.2H. Raulin. L'architecture rurale française, corpus des genres, des types et des variantes : la Savoie. Paris, 1977.3Nous avons depuis rencontré des chambres ménagères isolées de la maison d'habitation à La Roche-de-Rame et Saint-Martin-de-Queyrières.
  • Période(s)
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle

Dans le canton de La Grave, les provisions sont conservées dans un bâtiment indépendant de la maison appelé chambre lorsqu'il est en maçonnerie, grenier lorsqu'il est en bois.

  • Typologies
    types IIIACE et IIACE, IACE et IIACE des resserres à provisions
  • Toits
    ardoise
  • Murs
    • schiste
    • tuf
    • moellon sans chaîne en pierre de taille
  • Décompte des œuvres
    • étudiées 9
    • repérées 25

Bibliographie

  • BONNIN, B. Quelques éléments sur les maisons rurales en Dauphiné au XVIIIe siècle. Dans Mélanges Charles Joisten, Le Monde Alpin et Rhodanien, n° 1-4, 1982.

  • LADOUCETTE, Jean-Charles-François de. Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes. Paris : Fantin, Carilhan Goeury, Delaunay, Rey et Gravier, 1834, XVI-664 p.

  • RAULIN, Henri. L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Dauphiné. Paris : musée national des arts et traditions populaires, Berger-Levrault éditeur, 1977.

  • RAULIN, Henri. L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Savoie. Paris : Berger-Levrault, éditeur, 1977.

  • ROBERT, J. La maison permanente dans les Alpes françaises du nord. Tours : Ed. Album, 1939.

  • ROBERT, J. Le grenier isolé dans la zone intra-alpine du nord. Dans Revue de géographie alpine, tome XXI, 1933.

    P. 471-495.

Annexes

  • Liste des resserres sélectionnées pour étude :
Date d'enquête 1986 ; Date(s) de rédaction 1987
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général