Chaque village habité en permanence du canton de La Grave possède un four à pain, situé au centre de l'agglomération, parmi les maisons. Ce four dit "banal" est la propriété de la communauté des habitants de chaque village.
Depuis le XVIe siècle au moins, comme en témoigne les récits des voyageurs, le haut Oisans est célèbre pour sa façon particulière de cuire le pain selon une technique que les habitants appellent le pain bouilli.
Les cuites de pain avaient lieu une fois l'an, à la fin de l'automne, dans chaque hameau. La préparation de la pâte n'était pas familiale, comme dans le Champsaur par exemple, mais collective. Tous les hommes se réunissaient dans une pièce contigüe au four banal, où étaient entreposés les pétrins et pétrissaient la pâte ensemble.
Le pain bouilli est fabriqué avec de la farine de seigle pure pétrie avec de l'eau chaude sans sel. Les tourtes de 4 à 5 kg cuisent 7 heures, ce qui donne un pain à la croûte noire dont la mie couleur de pain d'épice a une saveur sucrée. Le pain bouilli reste frais un mois ou deux. Il devient ensuite si dur qu'il faut le casser avec un couteau fixé sur une planche (le tchaplapo) et le faire tremper pour le manger.
Sur le déroulement des étapes de la fabrication du pain bouilli cf. M. Maget ou J. Rivière-Sestier.
Les fours à pain du canton de La Grave sont d'importance différente, mais tous construits sur le même plan. La pièce où se trouvent les pétrins ou archans s'appelle l'arche. Celle où se trouve le four s'appelle l'enfer tellement il y fait chaud. Par opposition le comble du bâtiment, où l'on met les pains cuits à refroidir, s'appelle le paradis. Le lendemain de la cuite chaque famille remporte ses tourtes et les dispose sur les grands clayonnages qui occupent le comble des chambres ménagères.
Tous les habitants du canton de La Grave achètent maintenant leur pain chez le boulanger. Mais beaucoup ont gardé la nostalgie du pain bouilli de leur enfance. Mais la pratique des grandes cuites d'automne a perduré au Chazelet et au Villar-d'Arène sous la forme d'une fête très prisée des habitants.
La cuisson annuelle et collective du pain a duré jusqu'aux années 1950 (information orale). Mais dans la deuxième moitié du XIXe siècle certaines familles aisées des bourgs de La Grave et du Villar semblent s'être dérobées à cette règle. Nous avons recensé des pétrins individuels dans les maisons des "notables" enrichis par le trafic routier. De la même façon qu'elles ont transformé leur intérieur en fonction de nouvelles modes ou de nouvelles aspirations, ces familles se sont sans doute mises à consommer du pain plus blanc et plus frais. Une maison du Villar comporte même un four privé intérieur. C'est le seul recensé dans le canton de La Grave.
Tous les fours à pain du canton sont en état de marche. Ceux du bourg de La Grave et des Terrasses ont été vendus par la commune à des particuliers.
Tableau récapitulatif des inscriptions et chronogrammes relevés sur les fours à pain du canton de La Grave.
Commune | Lieu-dit | Inscription | Localisation |
La Grave | Le Chazelet | 1899 ou 1822 | Près de la bouche |
Les Hyères | 1628 M. L. | Gravé sur une pierre du mur | |
Le Villar | Chef-lieu | 1882 | Gravé près de la bouche |
Lieu-dit Inscription LocalisationLe Chazelet 1899 ou 1822 Près de la boucheLes Hyères 1628 Gravé sur une pierre du murM.L.Chef-lieu 1882 Gravé près de la bouche
Photographe au service régional de l'Inventaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1968 à 2005.