Dossier d’œuvre architecture IA06001397 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
redoute dite Le Bastion
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Menton
  • Dénominations
    redoute
  • Appellations
    Le Bastion
  • Destinations
    musée

Histoire

La petite agglomération de Menton, issue du «déperchement » du village antérieur de Puypin, dépendance du comté de Vintimille, apparaît dans les textes à partir de 1251. Elle est reconnue par la convention d’Aix de 1262 comme une possession féodale de Guillaume Vento, membre d’une importante famille aristocratique génoise.

En 1290, Manuel Vento donne à la petite ville sa charte de commune. En 1346, les Vento vendent la seigneurie de Menton pour seize mille florins à Charles I Grimaldi, premier de cette lignée à s’intituler seigneur de Monaco, qui, cherchant à étendre son assise territoriale, acheta aussi en 1355 le fief de Roquebrune (dont Castillon ) aux comtes de Vintimille. La seigneurie ainsi constituée, défendue par les fortifications du rocher de Monaco, fut réunie à la République de Gênes entre 1357 et 1417, avant de revenir aux Grimaldi.

En 1525, Augustin Grimaldi, seigneur de Monaco, désavoue l’allégeance française observée par son prédécesseur en 1512 et se place sous le protectorat de Charles-Quint. La tutelle de l’Empire sur le domaine seigneurial des Grimaldi dura jusqu’à Honoré II, seigneur de Monaco à partir de 1604, sans qu’aucun ouvrage de fortification moderne ne soit entrepris ailleurs que sur le rocher de Monaco, Menton n’ayant qu’une enceinte villageoise de type organique et d’origine médiévale.

Honoré II, qui à sa majorité en 1612 prend le titre de Prince de Monaco (reconnu par la chancellerie d’Espagne en 1633), entreprend de faire renforcer la défense de ses possessions du côté de Vintimille par un avant-poste côtier à Menton.

Le texte de l’acte de fondation de cet avant-poste, daté de 1616 ou 1618, est reproduit (et adapté) par une inscription commémorative récente scellée sur la tour côtière alors réalisée : « Moi, prince de Monaco, désire que sur le roc isolé marquant la pointe de l’éperon portant la ville fortifiée de Menton soit édifié un bastion qui avance dans la mer et devienne la tête armée de la Cité, Honoré II, MDCXVIII ».

Le terme de bastion est impropre pour désigner l’ouvrage réalisé, simple tour côtière fondé sur un îlot rocheux, manifestement inspirée d’un modèle largement diffusé à partir du second tiers du XVIe siècle par la République de Gênes dans son empire colonial (en Corse notamment) pour surveiller les côtes menacées par les piratages barbaresques.

Sa fonction semble avoir été de servir de réduit d’appoint capable d’héberger une petite garnison permanente et portant une batterie d’artillerie.

En 1624, cet ouvrage fortifié est en état de résister à un coup de main, mais son achèvement officiel ne daterait que de 1636 ou 1639, ce qui parait long pour un fortin de dimensions aussi réduites, et tardif pour un tel parti architectural.

En 1641, le Traité de Péronne gratifie Honoré II Grimaldi des titres de Pair de France, Duc de Valentinois, Marquis des Baux, Comte de Carladès, en l’échange de la reconnaissance de la souveraineté de Louis XIII et du royaume de France sur sa principauté. Des travaux de fortifications d’intérêt national furent entrepris à Monaco sous la direction d’ingénieurs militaires français entre 1706 et 1714.

En 1793, la Convention nationale décida de réunir à la France la principauté de Monaco comme domaine national, en dépossédant et en faisant arrêter le prince Honoré III.

Entre 1793 et 1814, Menton eut le statut de poste fortifié français, complémentaire de la place forte de Monaco et les ingénieurs du génie furent chargés d’approprier la tour côtière de Menton à un usage militaire public et d’améliorer son accès .

Le 10 janvier 1796 (20 nivôse an 4) est présenté un projet de réfection des passerelles de charpente reliant la tour de Menton à la ville de rocher en rocher.

En 1807, l’ingénieur en chef territorial des Ponts et Chaussées donne un projet de digue embarcadère reliant la tour à la ville, qui est en cours d’exécution le 11 août. Le 9 octobre, le capitaine du génie Teulère demande la suspension des travaux en cours, jugés nuisibles à la défense, et propose, pour préserver l’isolement défensif de la tour, l’aménagement d’un fossé de coupure de 4 m de large au bout de l’embarcadère, au pied de l’escalier de la tour, franchi par une passerelle amovible. Le 3 novembre 1807, un projet de pont-levis ou de pont tournant est proposé pour cette passerelle.

En 1814, le poste militaire est abandonné et la tour est restituée au domaine de la principauté de Monaco.

En 1848, elle est utilisée comme grenier à sel, puis, après la réunion définitive de Menton à la France (1860), comme prison et comme support d’un sémaphore (1885). Après 1890, la tour est intégrée alors à la muraille de la jetée formant chemin de ronde jusqu’au môle du port doté d’un nouveau phare, ce mur délimitant la nouvelle emprise de l’urbanisation gagnée sur la mer. Ces aménagements ont mis fin à l’isolement de la tour et dénaturé sa façade d’entrée.

Rétrocédée à la ville de Menton en 1960 par l’administration des Domaines, la tour est restaurée et aménagée en musée en 1965.

Vue générale depuis l'ouest, avec terrasse-promenade fin XIXe siècle gagnée sur la mer.Vue générale depuis l'ouest, avec terrasse-promenade fin XIXe siècle gagnée sur la mer.

Description

Site et implantation générale

La tour est construite sur un îlot rocheux dans l’axe de la pointe extrême sud du site de la vieille ville ; cet îlot et la tour étaient jadis séparé des premières maisons de la ville par un bras de mer recoupé de plusieurs petits rochers intermédiaires sur lesquels avaient été disposées des passerelles. Devant la façade nord de la tour, vis-à-vis de la ville, avait été établie une terrasse qui portait l’escalier en maçonnerie desservant la porte de la tour.

Dans l’état actuel, la tour est précédée d’un rond-point, distribuée par le mur de la jetée qui porte un chemin de ronde sur arcades devant sa façade nord (Fig. 1), et son pied, îlot rocheux compris, est masqué par les aménagements de la jetée, dont l’enrochement artificiel brise-lame et une terrasse promenade (Fig. 2).

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Le plan de cette tour un peu plus large que haute est un carré de 14, 50 m hors œuvre à la base et de 13, 65m en partie supérieure. L’élévation, haute de 12 m, comporte en effet un soubassement taluté, soit : accusant un fruit régulier jusqu’à mi-hauteur. Un cordon continu marque la transition avec la partie supérieure, aux murs parfaitement verticaux.

Façade nord de la tour, porte d'origine à l'étage, portes du rez-de-chaussée à arcades XIXe siècle.Façade nord de la tour, porte d'origine à l'étage, portes du rez-de-chaussée à arcades XIXe siècle.Le volume intérieur abrite deux niveaux divisés en deux travées inégales par un mur de refend, la travée la plus étroite, vers l’ouest, étant elle-même subdivisée en deux cellules par un mur transversal.

Le premier niveau, à l’origine aveugle et dépourvu de tout aménagement, était affecté à des réserves ou silos ; jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’avait aucune issue de plain-pied, les portes actuelles ont été percée au nord, vers la ville, au plus tôt vers 1848, au plus tard en phase avec les aménagements de la jetée. Ce volume bas n’était accessible auparavant que par une trappe dans le plancher de l’étage. Ce plancher (refait en 1965) règne au niveau du cordon extérieur.

L’étage est entièrement couvert de voûtes dont les reins portent la plate-forme supérieure à ciel ouvert. La grande travée orientale forme une salle couverte d’une voûte en arc de cloître surbaissée de plan oblong (Fig. 3), tandis que celles des deux compartiments ou cellules de la petite travée ouest se rapprochent du plan carré et sont plus bombées. Ces cellules ou chambres communiquent avec la salle, mais pas entre elles. Intérieur de la salle principale de l'étage; à gauche, le débouché de la porte d'entrée.Intérieur de la salle principale de l'étage; à gauche, le débouché de la porte d'entrée.

La porte de la tour est percée à cet étage au milieu du mur nord, face à la ville (Fig. 4), et débouche de plain-pied dans la grande travée ouest, au ras du mur de refend, sous une arrière-voussure ou voûte couvrant l’embrasure beaucoup plus haut que le linteau de la porte, et imposant une pénétration dans la voûte de la salle (Fig. 3) ; cette embrasure dessert au passage à droite un étroit segment d’escalier rampant dans l’épaisseur du mur (1, 90 m) qui débouche sur la plate-forme supérieure près de l’angle sud-ouest. Cette porte est conçue pour être équipée d’un pont-levis à treuil (supprimé au XIXe siècle), et ce treuil était logé en hauteur sous la voûte de l’embrasure intérieure. A l’extérieur, l’encadrement rectangulaire de la porte proprement dite est ménagé en retrait d’épaisseur dans un encadrement un peu plus large qu’elle et plus haut de plus d’un tiers de sa hauteur. Sous le linteau de cet encadrement sont réservées latéralement deux petites ouvertures rectangulaires verticales dans lesquelles sont scellées les poulies qui recevaient les cordes ou les chaînes de levage du tablier du pont-levis, qui allaient ensuite s’enrouler autour de l’arbre du treuil (Fig. 5). Le tablier du pont s’encastrait en position levée dans l’encadrement extérieur de la porte, qui en donne les dimensions. La longueur estimée du tablier (c. 3,10 m) donne par contrecoup la distance qui séparait le seuil de cette porte de la culée de maçonnerie qui lui faisait face. Cette culée était le point haut d’un escalier en pierre à deux volées qui permettait d’atteindre la porte en montant depuis la terrasse aménagée sur le rocher au pied de la tour ; détruit au XIXe siècle, cet escalier est documenté par les relevés de 1796.

Les locaux d’étage sont percés de fenêtres étroites et très simples dont l’ébrasement intérieur sous voûte surbaissée est très ouvert. Il y a deux fenêtres par face, ménagées près des angles, une troisième s’intercalant du côté ouest (Fig. 6). Ces fenêtres ne sont probablement pas toutes d’origine, le relevé de 1796 n’indiquant pas celles de l’est. Seule, la cellule ou chambre sud-ouest offre des aménagements de confort : une cheminée ménagée dans le mur sud, qui la sépare de la cellule voisine, et un petit four dans l’épaisseur du gros mur ouest de la tour (Fig. 7). Cette chambre pouvait servir de cuisine et boulangerie du réduit fortifié, tandis que la salle devait être utilisée comme casernement.

Face ouest de la tour et échauguettes d'angle, vue sud-ouest depuis le chemin de ronde fin XIXe siècle..Face ouest de la tour et échauguettes d'angle, vue sud-ouest depuis le chemin de ronde fin XIXe siècle..

La plate-forme ou terrasse sommitale est bordée de gros parapets d’artillerie percés sur chaque face de deux embrasures à canons fortement ébrasées au-dehors (Fig. 1, 2, 4, 6) ; elle constitue ainsi une batterie pouvant accueillir 8 pièces tirant dans toutes les directions ; toutefois, là encore, les relevés de 1796 ne créditent que les embrasures de la face nord, côté ville, et indiquent sur les autres faces un parapet aveugle et un peu plus bas inutilisable pour l’artillerie. Il faut donc en conclure que les embrasures des autres faces remontent au plus tôt au début du XIXe siècle, et que dans l’état d’origine, l’artillerie en batterie sur la tour réduit, expression de la puissance publique des Grimaldi, était tournée contre la ville et ses possibles contre-pouvoirs, et non contre d’éventuels pirates au large.

Le cartouche héraldique des Grimaldi, incrusté dans le merlon central du parapet au-dessus de la porte de la tour (Fig. 5), pourrait être en place d’origine ; le relevé en élévation de 1796 ne l’indique pas mais à la différence d’autres détails plus structurels, cette absence peut être attribuée à une imprécision volontaire du dessin. En revanche le dessin n’indique qu’une seule échauguette ou guérite sur cul de lampe conique, à l’angle sud-ouest de la plate-forme, et cette échauguette est à ciel ouvert, à peu près sans commandement sur le parapet. La superstructure actuelle de cette échauguette, grêle fût cylindrique couvert d’un toit en coupole revêtu de tuiles vernissées, est une création de 1965, de même que les trois autres échauguettes qui reproduisent ce modèle à l’identique. Toutefois, les souches ou culs de lampe de ces échauguettes (Fig. 6) étaient bien en place avant cette restauration.

Structure et aménagements.

Les maçonneries du fort sont réalisées sans luxe en blocage de petits moellons de tout venant, et en briques pour diverses parties structurantes, particulièrement les voûtes des salles et cellules et embrasures de baies de l’étage. Tous les parements étaient revêtus d’un enduit couvrant , conservé en majeure partie à l’extérieur (ou il a été plusieurs fois rechargé, entre autres à la chaux grise) mais entièrement décapé à l’intérieur en 1965. Cet enduit ne laissait apparentes que les rares pierres de taille de calcaire dur employées dans la construction, pour le cordon, les chaînes d’angle de la tour et les souches d’échauguettes qui les couronnent, et pour l’encadrement de la porte à pont-levis. Cet encadrement (Fig. 5) se distingue par l’emploi de longues pierres posées de chant pour les jambages, et par la précision de l’assemblage des blocs, notamment ceux qui forment le linteau et les jambages de la porte proprement dite, assemblées à joints vifs comme dans l’architecture grecque antique. L’encadrement des portes percées au rez-de-chaussée vers 1848 imite la mise en œuvre de cette porte en blocs longs posés de chant, en moins soigné. Les arcades segmentaires et les parements en opus incertum du mur de la jetée plaqué vers 1890 rappellent l’architecture contemporaine des ponts et chaussées ou des forts Séré de Rivières.

Edifice construit sur ordre d'Honré II, prince de Monaco et seigneur de Menton à partir de 1616 ou 1618, achevé en 1636 ou 1639. Sa fonction semble avoir été de servir de réduit d’appoint capable d’héberger une petite garnison permanente et portant une batterie d’artillerie. Entre 1793 et 1814, Menton a le statut de poste fortifié français, et les ingénieurs du génie furent chargés d’approprier la tour côtière de Menton à un usage militaire public et d’améliorer son accès. Le 10 janvier 1796 est présenté un projet de réfection des passerelles de charpente reliant la tour de Menton à la ville de rocher en rocher. En 1807, l’ingénieur en chef territorial des Ponts et Chaussées donne un projet de digue embarcadère reliant la tour à la ville, mais les travaux sont interrompus rapidement au profit d'un autre projet de pont-levis ou de pont tournant. En 1814, le poste militaire est abandonné et la tour est restituée au domaine de la principauté de Monaco. En 1848, elle est utilisée comme grenier à sel, puis, après la réunion définitive de Menton à la France (1860), comme prison et comme support d’un sémaphore (1885). Après 1890, la tour est intégrée alors à la muraille de la jetée formant chemin de ronde jusqu’au môle du port doté d’un nouveau phare, ce mur délimitant la nouvelle emprise de l’urbanisation gagnée sur la mer. Ces aménagements ont mis fin à l’isolement de la tour et dénaturé sa façade d’entrée. Rétrocédée à la ville de Menton en 1960 par l’administration des Domaines, la tour est restaurée et aménagée en musée en 1965.

  • Période(s)
    • Principale : 1ère moitié 17e siècle

Tour de plan carré, avec premier niveau taluté. L'étage de soubassement, aveugle à l'origine et dépourvu de tout aménagement, était affecté à des réserves ou silos. Il était accessible par une trappe dans le plancher de l’étage. L’étage est entièrement couvert de voûtes dont les reins portent la plate-forme supérieure à ciel ouvert. La porte de la tour est percée à cet étage au milieu du mur nord et débouche de plain-pied dans une grande salle. A droite de la porte, un étroit segment d’escalier rampant dans l’épaisseur du mur débouche sur la plate-forme supérieure. L'intérieur est divisé en deux travées inégales par un mur de refend, la travée la plus étroite, vers l’ouest, étant elle-même subdivisée en deux cellules par un mur transversal. La cellule sud-ouest possède une cheminée ménagée dans le mur sud, qui la sépare de la cellule voisine, et un petit four dans l’épaisseur du gros mur ouest de la tour. Cette chambre pouvait servir de cuisine et boulangerie du réduit fortifié, tandis que la grande salle devait être utilisée comme casernement.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • brique
  • Étages
    étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé
  • Couvrements
    • voûte en arc-de-cloître, en brique
    • voûte d'arêtes, en brique
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Tour de Menton. Elévation sur AB. [Plan]. / Dessin à la plume, échelle en toises, 20 nivôse an IV (1796). Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Place de Menton, Tour, Art. 8, Places abandonnées.

Date d'enquête 2005 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général