« [...] un grand portail avec grille en fer-forgé et repoussé, style louis XV, reliant deux élégants pavillons, et derrière lequel on aperçoit un perron adossé aux escarpements, annonce le château de Sir Malet, ancien ambassadeur d'Angleterre à Berlin, situé tout prés de là sur une éminence, au-dessus d'un ressaut rocheux de la Tête de Chien. Il est construit dans le style Louis XV dit Rococo, et a été achevé en 1895. Des motifs tirés des palais de Postdam, Berlin, Dresde, Munich, Brüchsal et Würtzbourg y ont trouvé place. L'architecture des colonnes et des pilastres n'est autre que celle du palais Zwinger à Dresde; les chapiteaux d'ordre ionique sont agrémentés de feuillages. Toutes les fenêtres sont en plein-cintre. La façade sud, tournée vers la mer se compose de deux parties en avant-corps et d'une partie centrale en retrait avec colonnade. L'entablement du premier étage est surmonté d'une terrasse encadrée par une balustrade sur laquelle reposent un grand nombre de statues ayant appartenu au palais Canossa à Vérone; d'autres statues ayant la même origine sont placées dans les niches au premier étage. Une tour avec lanterne à double galerie s'élève au-dessus de la partie sud-est de l'édifice; elle présente la combinaison de motifs empruntés à deux monuments de Postdam: l'église des Invalides où se trouve le tombeau de Frédéric le Grand et l'école militaire. Une magnifique terrasse, plantée de palmiers dactylifera, s'étend en avant de la face ouest. En avril 1897, Sir Malet a reçu dans son château, la visite de la reine d'Angleterre accompagnée de la princesse Béatrice. Le visiting-book contient avec le nom de la reine Victoria, ceux de Léopold, roi des Belges, de l'impératrice douairière de Russie, de la princesse Clémentine de Belgique, du roi de Saxe, du prince de Galles, de l'impératrice Eugénie, du grand-duc et de la grande-duchesse de Mecklembourg-Schwerin, de la princesse Maud, etc......On accède dans cette somptueuse demeure par un hall immense (16m de longueur sur 13 ou 14m de hauteur et 10 de largeur) avec coupole et galerie au premier étage. A la base des colonnes de cette galerie, on remarque des écussons contenant les armes des différentes branches de l'antique famille Malet. Les peintures de la voûte sont l'oeuvre de Florence, de Menton, et représentent les heures de la nuit chassant celles du jour. Le char de Phoebus, attelé de quatre chevaux et entouré des douze heures du jour, est précédé par l'Aurore qui répand des fleurs et se perd dans les brumes roses du matin; le crépuscule suit le soleil dans les nuages d'or; plus bas Diane est figurée avec les douze heures de la nuit, éclairées par des lueurs lunaires. Pour cette composition, où la couleur est très habilement distribuée, l'artiste s'est inspiré, sans cessé d'être original, de certaines données décoratives recueillies dans le palais de Würtzbourg. La hall renferme un remarquable portrait de Sir Malet peint, en 1 895 par Wlady Sichelkov, artiste danois et entre autres oeuvres d'art et objets précieux, un poignard de Napoléon Ier, gravé à ses armes, un buste du même en marbre par Canova, réplique non terminée du buste bien connu, une horloge Louis XVI provenant d'une des résidences de Frédéric le Grand, une superbe cheminée en marbre qui a reçu les armes de l'ambassadeur et de madame Malet, et une statue colossale de Saint-Georges, du professeur Hebling de Munich. Le buste de l'Empereur vient de Parme et a probablement appartenu à Marie-Louise, qui régnait dans le duché après 1815, et visitait quelquefois Canova dans son atelier. Le grand salon du château est décoré avec un goût exquis dans le style Louis XV; le plafond divisé par des soffites est en forme de coupole ellipsoïdale aplatie; il est supporté par quatre colonnes dont les chapiteaux représentent des flammes; les fûts sont imitation lapis, les bases en marbre noir. On voit dans ce salon un beau portrait de l'ambassadrice par Sichelkov. Le salon de musique est garni de boiseries blanc et or, style régence, des portes de l'antichambre de la loge royale au théâtre de l'Opéra, démoli en 1820 sur la place Louvois à la suite de l'assassinat du Duc de Berry. Dans la salle à manger, on remarque une peinture attribuée au Tintoret, une cheminée en marbre gris provenant du palais Farnèse à Parme, et des portraits de Louis XV, de Philippe IV roi d'Espagne, de Marie-Thérèse sa fille, et de Marie-Antoinette, fille de l'Empereur d'Autriche Ferdinand III, qui paraissent être des originaux remontant à l'époque du mariage de Louis XIV. On trouve dans le cabinet de travail de Sir Malet, une curieuse statuette de Tanagra. De gracieux panneaux, genre Watteau, peints par Florence décorent le boudoir de l'ambassadrice. [...] »

« Dans les années soixante, je dus faire un autre jardin, tout prés de Monte-Carlo, pour une maison neuve assez petite, construite à la place d'une immense villa victorienne dont seul demeurait le hall d'entrée, d'une vingtaine mètres de long sur une dizaine de haut, et du pire style rococo. Le site comprenait quelques treize hectares d'une colline abrupte et rocheuse, couverte de pins d'Alep. Seule une petite surface prés de la maison était à peu prés nivelée, laissant la place sur un côté à une vaste cour d'entrée, et de l'autre à une pelouse assez petite, bordée d'un superbe bosquet de pins. A cet endroit s 'élevait, vers le nord et la moyenne corniche, des barres rocheuses escarpées qui évoquaient une falaise en ruine et descendaient, en direction du sud, vers la basse corniche et la mer. Je disposais une piscine incurvée au bas de rochers d'une dizaine de mètres de haut, d'où tombait pour l'alimenter une cascade artificielle. La plantation est des plus simples. Dans un jardin à l'abandon, nous trouvâmes un beau vieux sagoutier Cycas revoluta, qui nous incita à en rechercher d'autres dans un rayon de plusieurs kilomètres. Enfin nous nous procurâmes sept superbes spécimens, presque tous à deux ou plusieurs tiges, que nous plantâmes dans la pelouse, étudiant très soigneusement leur forme, leur volume et, surtout, leur espacement. L 'opération rappelait le placement d'une sculpture et, je dois l'avouer, je m 'inspirai du jardin de sable de Ryoangi, à Kyoto. Les admirables espaces entre les pierres qui s 'y dressent m 'apprirent à disposer les volumes de ces sagoutiers - et leurs ombres - de façon à accentuer la distance entre la maison et la pièce d'eau prolongée par une pente plus douce sous les troncs rougeâtres des pins aux formes pittoresques. Ma première idée fut de leur donner un sous-bois d'agapanthes bleues, mais mon client, dont j'admirais le goût depuis des années, décida qu 'il n 'aimait pas les agapanthes et suggéra des pélargoniums roses à feuilles de lierre, que j'avais toujours détesté. C 'était son jardin; aussi avons-nous cultivé des milliers de boutures. Sous les pins et dans toutes les poches de terre disponibles des falaises, nous avons donc planté les géraniums roses. Dans le soleil tamisé par les arbres, ils perdirent toute leur vulgarité de fleurs de balcon et parachevèrent un jardin sans pareil, qui gagne encore en magie, la nuit, lorsque, commandés de la maison, des éclairages discrets et changeants illuminent la chute d'eau, les arbres et les falaises ».