Dossier d’œuvre architecture IA06001403 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort du Mont-Alban, de la place forte de Nice
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Nice
  • Lieu-dit Mont-Alban
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort du Mont-Alban
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Historique

En 1550, Charles Quint envoyait son ingénieur en chef de Milan, Gian Maria Olgiati, en tournée d’inspection d’un mois dans le comté de Nice, pour préparer un premier projet de front de fortifications sur le littoral ayant pour point focal le port de Villefranche1.

Emmanuel-Philibert de Savoie, commandant de l’armée impériale de Charles Quint en Flandres, hérite en 1553 du territoire très amoindri du duché de Savoie. Il envoie son homme de confiance Andrea Provana di Leyni en tournée d’inspection dans ces terres et particulièrement dans le comté de Nice. Provana s’installe durablement à Nice, comme gouverneur militaire par intérim, et pour organiser la mise en œuvre d’un programme de défenses côtières appuyées sur des forts. Ce programme, réalisé entre 1555 et 1560, comporte la modernisation défensive du château de Nice, la fortification du port de Villefranche avec la citadelle Saint-Elme, le fort du Mont-Alban, celui de Saint Hospice, et les tours isolées du Mont-Boron et de Boso.

Andrea Provana sollicita l’ingénieur Gian Maria Olgiati, auteur du premier projet de Villefranche en 1550, pour le seconder dans la conception et la réalisation du programme.

Le 5 avril 1557 (année de la mort d’Olgiati), le chef de chantier niçois Giaume delli Banchi procède à la pose de la première pierre du fort du Mont-Alban.

Le projet initial est inconnu, mais il fut renouvelé en février 1559, date à laquelle Emmanuel-Philibert de Savoie transmit à Provana un nouveau plan dû à un ingénieur issu d’Urbino, probablement Francesco Paciotto, futur concepteur de la citadelle de Milan, alors au service des Farnèse. Ce nouveau plan était incompatible avec les constructions alors commencées à grand frais, (du fait des difficultés d’acheminement des matériaux sur le site). Sollicité pour résoudre les problèmes logistique, le maître de camp espagnol Cesare Maggi vint avec un ingénieur militaire non nommé dans les sources contemporaines, pour proposer un plan plus simple, plus réduit, donc plus économique à réaliser, qui fut adopté et mis en œuvre par l’entrepreneur Giaume delli Banchi.

On sait par un document postérieur à l’achèvement du fort, soit : une concession de noblesse héréditaire accordée le 18 février 1561 par le duc de Savoie à son architecte Dominico Ponsello, que ce dernier fut le concepteur et l’architecte d’exécution du fort du Mont-Alban et du fort Saint-Elme de Villefranche 2.

Un plan d’archive non daté du XVIe siècle (Archives militaires de Suède) qui semble correspondre au projet du fort du Mont-Alban indique les fondations d’une enceinte bastionnée irrégulière entourant une chapelle Saint-Alban apparemment préexistante, et en surcharge pointillée le plan mal superposé d’un fort bastionné carré conforme à l’état réalisé.

Peu après son achèvement, le fort du Mont-Alban est reconnu comme de trop petite capacité pour héberger le corps de troupes nécessaire pour assurer complètement la mission qui lui était attribuée, soit la couverture arrière du dispositif fortifié d’ensemble de Nice, Villefranche et Saint-Hospice.

Un premier projet d’agrandissement du fort fut proposé en 1656 par l’ingénieur militaire et officier d’artillerie Carlo Morello, à l’issue d’une tournée d’inspection pour le duc Charles-Emmanuel de Savoie 3.

Les trois points forts de Villefranche, Mont-Alban et Saint-Hospice, assiégées à partir du 21 mars 1691 par les troupes françaises du Maréchal de Catinat, négocièrent leur reddition au bout de trois jours. Entre cette date et 1696, date de leur restitution éphémère au duc de Savoie par traité secret, ces fortifications furent réunies à la France et firent l’objet de projets d’amélioration.

Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence et de Languedoc, rédigea un projet général d’amélioration des fortifications de Nice et du fort du Mont-Alban dès le 26 septembre 16914 .

Ce rapport pointe les défauts de ce dernier fort, avantageux à tenir pour sa position topographique : « Le principal est sa petitesse ; Il n’y a de logements que les vuides des bastions et la voûte de l’entrée qui sert de corps de garde ; le reste du quarré compris entre les quatre courtines est plein en sorte que l’on peut à grand peine loger une compagnie. Il n’y a de défense par le haut que les courtines, les bastions étant occupés par les toits dont les pentes se terminent au chemin des rondes qui n’a que 2 pieds de large et le parapet 1 ½ d’espais. Outre cela il y a aux flancs deux embrasures ou plustot deux petites fenestres une à chaque estage. Comme ce fort occupe presque toute la largeur du haut de la montagne, il n’y a pas de fossés par les costés, aux deux fasses son fossé n’a pas esté achevé non plus que le chemin couvert… »

Au chapitre des réparations et augmentations à faire pour rendre ce fort aussi capable qu’il le peut estre. Niquet propose de démolir tout l’intérieur du fort entre les quatre courtines : y compris la chapelle bâtie sur la plate-forme haute, de vider les terres des deux remparts latéraux des courtines en démolissant les contreforts intérieurs.

Il propose aussi de supprimer l’étage sous toit des bastions et de raser les parapets jusqu’au cordon, pour les reconstruire différemment. Le volume intérieur ainsi décloisonné, serait à creuser pour établir une citerne, au dessus de laquelle seraient bâtis trois étages de logements voûtés de part et d’autre d’une cour centrale. Ce projet est estimé à 37 898 livres

Les transformations ainsi proposées feraient, selon Niquet, une très belle tour bastionnée, avec magasins dans les bastions, logements dans les locaux, suffisants pour quatre compagnies de soldats, 4 lieutenants et l’aumônier. Mais à ce projet manquent la chapelle, le logement d’un gouverneur, du major, de 4 capitaines, de sergents, la boulangerie, les magasin à armes et mèches : pour ceci sont proposés de nouveaux logement à appliquer à une courtine d’enceinte extérieure à faire du côté de Nice, et deux petits logis à appliquer aux courtines vieilles. Une enceinte extérieure avec dehors est proposée, « car il est indispensable de mieux flanquer les deux testes du fort, soit les deux fronts qui regardent la montagne, ce qui ne se peut que par des pièces détachées (type demi-lunes) et des caponnières entre elles et les courtines ». Niquet propose enfin la construction de deux redoute satellites voûtées à l’épreuve, dont une en forme de tour à la place d’un moulin à vent existant.

Ce projet ambitieux n’est pas retenu faute de financement, bien qu’ayant été représenté à l’identique sous la signature de Vauban le 17 juin 16925 . Au contraire, la démolition du fort est même envisagée quelques mois plus tard et fait l’objet d’un plan daté du 28 octobre 1692 indiquant l’emplacement des 12 fourneaux de mine à mettre en place dans chaque courtine et chaque face de bastion pour procéder à cette démolition à l’explosif6 . L’officier du génie La Berrie, signataire de ce plan, en produit un autre le 24 janvier 16957 , donnant l’état des lieux et illustrant un projet d’amélioration limitée. Il s’agissait de compléter les amorces d’enceinte extérieure construites avant 1691 devant les seules faces nord et sud du fort , formées de murailles en deux pans rentrants, implantées comme un revêtement de contrescarpe.

Le projet consistait à ajouter des épis flanquants dans les rentrants, à construire le front est à l’identique des deux autres, et à terminer le front d’entrée ouest à l’économie par une fermeture joignant les deux bastions du fort. Le redan enveloppant le bastion sud-est devait former protection avancée de l’accès à l’escalier. Le souci était de limiter autant que possible la dépense pour le fort au sens strict, sur lequel Niquet porte un jugement expéditif dans le mémoire joint au plan: « Le fort de Montalban n’estant qu’un colifichet en très mauvais estat tout ce qu’on pourrait faire en six mois pour l’améliorer ne tarderait pas de beaucoup sa prise si on ne prépose à sa défense que la garnison qu’il peut contenir » En conséquence, l’ingénieur ne propose qu’un retranchement périphérique formant chemin couvert en pierres sèches, estimé à 4600 livres. On ignore ce qui put être fait avant 1696.

Vue rapprochée du fort depuis le nord-est.Vue rapprochée du fort depuis le nord-est.En juin 1705, les troupes françaises du duc de La Feuillade ayant repris le Mont-Alban après la prise de Nice, les officiers du duc de Berwick, sur ordre du roi, entreprirent des travaux d’urgence aux fortifications côtières : c’est alors seulement que la face ouest de l’enceinte extérieure du fort fut complétée8 pour former un circuit complet.

Le plan du fort dressé par Antoine Niquet le 4 octobre 1706 prouve que cette enceinte avait été reconstruite à neuf sur un plan géométriquement régulier, en étoile à quatre branches principales enveloppant les bastions et quatre branches mineures formées par les épis d’angle rentrant9 . Une petite tenaille projetée en 1695 entre les bastions du front ouest semble réalisée, de même qu’une autre au nord. L’entrée se fait par une simple percée dans la branche sud-est de l’étoile, et une écurie est projetée dans l’épi est. Niquet reformule son projet de déblayer les terres des remparts intérieurs des courtines nord et sud pour dégager de la place dans le fort et y établir citerne et logements. Il propose l’aménagement d’une chambre pour le gouverneur dans le volume de la chapelle existant sur la terrasse haute, en déplaçant la fonction liturgique dans une travée attenante plus petite. Les toitures sur les bastions existent encore alors.

Ayant échappé par miracle à la destruction par décret royal qui frappa cette même année 1706 le château de Nice et le fort de Saint-Hospice, le fort du Mont-Alban ne vit toujours pas pour autant réaliser le projet d’amélioration deux fois proposé par Niquet.

Après avoir visité le fort en 1744, Jean Baptiste François Desmaretz, marquis de Maillebois, Maréchal de France écrit au comte d’Argenson, secrétaire d’Etat à la Guerre, qu’on n’y peut loger que 130 hommes de garnison à l’étroit.

Au cours du XVIIIe siècle sont apportées diverses modifications de détail et adjonctions, les principales ayant eu pour objet d’accroître la capacité locative décidément très restreintes du fort. Un plan d’état des lieux dressé le 10 janvier 1793 (an II) par le capitaine adjoint du génie Cherrier10 permet d’en dresser le bilan :

- L’enceinte extérieure en étoile ne prend plus la forme d’un mur mais d’un parapet avec rempart, glacis et chemin couvert sommairement aménagés par recharge du terrain ; les épis nord et sud sont aménagés pour porter le canon.

- Les petites tenailles entre bastions ouest et sud apparaissent comme des parapets d’infanterie crénelés en pied de mur, et un autre mur semblable, rectiligne celui-la, est ajouté au pied de la courtine sud.

- L’intérieur des bastions est aménagé en locaux logistiques (magasin à poudres, à vivres, cachot) au niveau 1, des logements de soldats (et une cuisine) sont aménagés dans les volumes disponibles (bastions, volume central) du niveau 2.

- Le niveau 3, soit celui de la terrasse, a été entièrement réaménagé depuis 1706 : les parapets des bastions (après suppression des toits) ont été épaissis à l’identique de ceux des courtines.

- La chapelle existant avant 1691, détruite, est remplacée par une autre plus petite, au même emplacement (face nord), mais dans un axe perpendiculaire.

- Un ensemble de locaux résidentiel est construit sur un niveau du côté sud, contre le parapet et sur le bastion sud-ouest, dont tout le volume est occupé : il s’agit des chambres du commandant, des officiers, avec leur cuisine et latrines, et de trois chambres pour les canonniers. Dans le bastion nord-est est construit (mais pas sur toute l’emprise) un corps de garde avec latrines pour les soldats.

A l’époque de cet état des lieux la construction d’un vaste retranchement étendu au nord et au sud du fort était en cours. Il s’agissait d’un simple mur de clôture sans doute crénelé suivant les irrégularités du rocher en formant divers redans, épis, et un front à cornes au sud. Un plan général dressé par le capitaine adjoint Cherrier et visé par le capitaine Hanry exprime ces « nouveaux retranchements »11 .

Un mémoire rédigé le 13 février 1814 par le capitaine du génie Clerget Saint Léger12 précise que le fort a été rangé au nombre des batteries de côte et que sa valeur défensive est devenue « presque nulle depuis l’établissement de la nouvelle route de Gênes qui permet d’amener facilement du canon sur la hauteurs qui le dominent. » Il donne quelques détails sur la consistance du chemin couvert qui enveloppe le fort : « Il n’est défendu que par un simple glacis qui ne couvre nullement l’escarpe. Le chemin couvert ou fausse braye étant palissadé est nécessaire à la garde du fort » Les retranchements de 1793 ont été apparemment laissés sans entretien : « Les retranchements en pierres sèches construits sur cette hauteur sont en mauvais état, mais il est très facile de les réparer au moment de son service ».

Aucune modification n’est projetée jusqu’en 1861, date à laquelle Villefranche et Le Mont-Alban sont classés dans la liste des places de guerre.

En 1864, le lieutenant-colonel Séré de Rivières est chef du génie à la chefferie de Nice. L’année suivante, il signe un projet d’agrandissement du fort du Mont-Alban13 , qui aurait profondément transformé le fort du XVIe siècle, amputé de trois de ses bastions, et converti en réduit d’une enceinte basse fossoyée plus étendue à cinq bastions.

En 1869, l’officier de Coatpont formule un nouveau projet de renforcement du fort du Mont-Alban14, chiffré à 160.000 francs, beaucoup moins destructeur que celui de Séré de Rivières : il s’agit simplement d’inclure le fort existant inchangé à l’intérieur d’une redoute défilée de plan trapézoïdal.

Ces projets ayant été classés sans suite, le fort était encore au début du XXe siècle à peu près dans le même état qu’en 1793. L’architecte en chef des Monuments Historiques Jean-Camille Formigé le dessina en 1907 avec ses superstructures résidentielles (visibles aussi sur les photographies de l’époque), en vue d’un classement qui aboutit par arrêté du 20 février 1909. Cet arrêté de classement Monument Historique a fait l’objet de deux extensions de protection aux abords, l’une le 20 août 1913, l’autre le 23 février 1923. Les derniers bâtiments en superstructure, soufflés par les bombardements de 1944, furent complètement supprimés lors d’une campagne de restauration en 1948. Département des Alpes-Maritimes. Fort de Mont Alban côté ouest. [élévation en perspective et plan masse]. 1907Département des Alpes-Maritimes. Fort de Mont Alban côté ouest. [élévation en perspective et plan masse]. 1907

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Le fort est complètement isolé sur une arête rocheuse d’axe nord-sud dominant la rade de Villefranche à l’est (Fig. 1, 2 et 3) et la ville de Nice à l’ouest, à 222m d’altitude. Les pentes escarpées de l’éperon s’amorcent donc au pied même des faces est et ouest, rendues peu attaquables de ce fait. L’accès traditionnel se fait par un chemin venant du nord en léger contrebas ouest de la ligne de crête. Ce chemin contourne le fort par l’ouest et par le sud pour aborder le front d’entrée, tourné vers l’est. La route actuelle venant du sud, raccordée à une route forestière préexistante, a été créée sur un projet de 1875 et a été prolongée jusqu’à la batterie côtière du Mont-Boron lors de la construction de cette batterie en 1886-1887.

Plan , distribution spatiale, circulations et issues

Vue aérienne prise du sud-est.Vue aérienne prise du sud-est.Le plan du fort du Mont-Alban, très compact, est des plus simple : il se compose d’un corps central à peu près carré (23 à 24 m de côté hors œuvre) cantonné aux angles de petits bastions dont les flancs sans orillons ont un retour d’angle de moins de 90° et sont en assez forte saillie sur les courtines. Les faces de ces bastions forment à la base un angle très aigu dont la pointe s’amortit en arrondi à 2m d’élévation. Un fruit qui affecte l’ensemble du revêtement du fort jusqu’au niveau du cordon courant, est plus prononcé toutefois sur ces faces des bastions que sur le corps central. L’ensemble, jusqu’à la pointe des bastions, s’inscrit en plan dans un rectangle de 43 m sur 45 m, les fronts est et ouest étant un peu plus larges que ceux du nord et du sud. L’angle arrondi en capitale de chaque bastion donne naissance à une guérite cylindrique ou échauguette de même rayon, émergeant verticalement du parapet mais sans aucune saillie en encorbellement hors œuvre.

Compte tenu de la hauteur des revêtements, qui atteint 15 m jusqu’à la crête du parapet, dont un tiers au-dessus du cordon courant, les bastions sont assimilables, avec leurs deux étages voûtés, à des tours de flanquement de plan losangique. Le corps central lui-même, dont les angles pénètrent dans les volumes intérieurs des bastions ou tours, est plus compact encore que celui du château d’If construit au large de Marseille sur ordre de François Ier entre 1529 et 1531. De fait, le parti du fort du Mont-Alban est en quelque sorte une variante modernisée (tours rondes remplacées par des bastions) et perfectionnée du parti du château d’If.

Les aménagements internes, en revanche, diffèrent beaucoup.

Le fort vu du sud-est, façade d'entrée.Le fort vu du sud-est, façade d'entrée.La porte d’entrée du fort, à pont-levis, desservie par un escalier coudé longeant face et flanc du bastion sud-est, est percée au milieu de la courtine est. Elle donne accès dans l’axe, après un vestibule traversant l’épaisseur de la courtine, à un volume de distribution central large de 5,50m, long de 15m, haut couvert d’une voûte en berceau sur les reins de laquelle s’étend la plate-forme sommitale.

Il est possible que dans le projet initial du fort, voire dans un premier état réalisé, ce volume central ait été une cour à ciel ouvert.

La distribution des deux étages voûtés ou casemates des bastions est assurée par deux étages de galeries d’escarpe voûtées ou gaines circulant dans l’épaisseur des courtines est et ouest. Ces galeries s’incurvent à leur extrémité pour déboucher dans les casemates, entièrement hors œuvre du corps central du fort.

Les galeries du niveau 1 sont accessibles directement depuis les deux bouts du volume de distribution central, les deux branches de celle de l’ouest partent directement de part et d’autre du vestibule d’entrée, celle de l’est est desservie au milieu par une porte d’axe au bout du volume central. Du côté nord de ce volume central, deux volées droites d’escalier divergentes montent en passant en pénétration sous la voûte du volume central jusqu’aux galeries ou gaines qui desservent le second niveau voûté des bastions.

La volée d’escalier montant vers l’est, un peu plus large que sa symétrique, dessert à droite, juste avant d’entrer dans la galerie murale, une volée en retour, parallèle à cette galerie, qui monte jusqu’à la terrasse sommitale où elle débouche à l’abri d’une superstructure maçonnée en appentis.

L’ensemble de ce système distributif était compatible avec le non voutement du volume central, et avec la présence éventuelle de locaux habitables sur les côtés nord et sud. Dans l’état actuel, la masse pleine qui sépare le volume de distribution central du nu extérieur des courtines atteint 9 m au nord et 8, 50 m au sud. En décomptant l’épaisseur normale d’une courtine pleine (sans galerie murale) et celle d’un mur de séparation avec le volume central, une salle de même surface au sol que ce volume central pouvait tenir de chaque côté nord et sud. Niquet avait fait ce calcul de capacité en 1691, et on peut admettre comme une hypothèse plausible que le comblement massif de ces deux côtés du fort ne correspond pas à l’état d’origine, mais à un remblaiement opéré a posteriori, vers la fin du XVIe ou le début du XVIIe siècle, pour donner à ces faces du corps central plus exposées aux tirs au canon de moyenne portée une meilleure résistance à l’impact balistique. Dans cette hypothèse, le voûtement du volume central appartiendrait à la même campagne. En l’état, le fort du Mont-Alban se réduit à peu près à une batterie d’artillerie cantonnée de tours bastionnaires, et cette incapacité locative semble peu conforme tant au programme initial qu’aux usages du milieu du XVIe siècle.

Intérieur de la casemate du niveau 1 du bastion sud-ouest.Intérieur de la casemate du niveau 1 du bastion sud-ouest.Les casemates logées dans les tours ou bastions, sont couvertes d’une voûte adaptée au plan complexe du volume, constituée de deux berceaux évasés se croisant en retour d’équerre, avec pénétration pour la porte d’entrée percés dans une face de l’angle saillant du corps central. Les embrasures à canon ou fenêtres de tir (remaniées) évasées au-dehors sont ménagées dans chaque flanc. Le niveau de sol dans les casemates du bas est généralement un peu en dessous de celui du vestibule du fort, les branches de galeries étant en légère descente ou comportant des marches.

Le soubassement du bastion nord-est abrite une citerne voûtée accessible par une ouverture circulaire au sol. Les étages communiquent verticalement par un oculus percé dans la voûte de la plupart des casemates. Un orifice zénithal semblable, mais plus large, est percé dans la voûte du volume central pour communiquer avec la terrasse sommitale.

Sur la terrasse, le parapet du côté nord du fort se différencie des autres par sa plus grande hauteur, dans laquelle les embrasures à canon évasées au-dehors ne sont pas percées comme des créneaux ouverts, mais couverts. C’est à ce parapet que s’adossaient les bâtiments –dont la chapelle- existant avant 1691. Le parapet d'artillerie nord du fort et ses embrasures couvertes, vus de la plate-forme.Le parapet d'artillerie nord du fort et ses embrasures couvertes, vus de la plate-forme.

Il ne reste aujourd’hui que des vestiges très diminués (portions de murs ou d’épis plus ou moins dérasés ou formant terrassements) de l’enceinte extérieure ou chemin couvert au plan étoilé de 1705, encore bien lisible cependant sur les photographies aériennes.

Structure et aménagements.

Les maçonneries du fort sont réalisées sans luxe en blocage de petits moellons de tout venant remarquablement dressés sans déformation de planéité des parements. Les marches de l’escalier d’accès à la porte sont montées sur une voûte arc-boutée contre une pile-culée en brique au ras du jambage droit de la porte.Détail de la courtine d'entrée et de la porte à pont-levis.Détail de la courtine d'entrée et de la porte à pont-levis.

Celle-ci, couverte d’un linteau sans décor (remplacé), est inscrite dans un tableau vertical en retrait du parement taluté de l’escarpe dans lequel elle est percée. Ce tableau plus haut d’1 m que le linteau (espace mis à profit pour la plaque gravée portant le nom du fort), recevait le tablier du pont-levis en position relevée.

C’est un pont-levis à flèche unique à chaîne portant potence en fer et contrepoids intérieur en charpente, l’état actuel étant sans doute renouvelé au XIXe siècle.La porte, son vestibule et le contrepoids du pont-levis vus de la salle de distribution centrale, avec mur séparatif ajouté.La porte, son vestibule et le contrepoids du pont-levis vus de la salle de distribution centrale, avec mur séparatif ajouté.

La saignée verticale de la flèche monte jusqu’à l’amortissement en glacis du parapet d’artillerie couronnant la courtine. En ce point de la façade d’entrée, deux corbeaux en quart de rond témoignent d’une ancienne bretèche au-dessus de la porte, qui cohabitait avec un état antérieur du parapet ; cette bretèche est encore exprimée sur le plan de Niquet daté 1691, associée à un parapet d’artillerie moins épais que l’actuel.

Le parapet actuel, profilé en glacis avec embrasures à canon évasées au-dehors, n’existait alors sur cette épaisseur qu’aux faces nord et sud.

Au pied de la courtine est, un mur maigre de faible hauteur isole un espace étroit sous l’escalier, d’un flanc de bastion à l’autre. Ce dispositif d’isolement des pieds de courtine, qui a disparu sur les autres faces, n’est pas antérieur au XVIIIe siècle. Ce mur maigre au pied de la façade d’entrée, porté sur le plan de 1793, a été aménagé plus tard pour recevoir une seconde volée d’escalier symétrique à la première, en bois et couverte, qui est détruite.

La disposition latérale de l’escalier en pierre actuel, documentée depuis 1691, parait peu en accord avec le pont-levis, dont la tête repose sur deux piles de brique isolées peu anciennes, d’autant que la longueur du tablier excède nettement la largeur de l’escalier. On peut supposer que dans l’état d’origine, une pile culée unique recevait la tête du tablier, et était le point d’aboutissement, frontal ou latéral, d’un premier état d’escalier ou de rampe.

Le débouché du vestibule d’entrée dans le volume central est rétréci latéralement en porte piétonne depuis le XVIIIe siècle, époque à laquelle ce volume central a été recoupé en hauteur par un plancher intermédiaire (poutraison en place) : le niveau bas était utilisé comme corps de garde (avec four au fond à gauche, remplacé par un dépôt des bouchons à canon au XVIIIe s).

Le niveau haut était divisé en trois chambres inégales pour loger les soldats : les parois minces montées sur le garde-corps rampant des escaliers résultent de ce cloisonnement tardif du volume, cloisonnement aujourd’hui en grande partie supprimé. L’enduit blanc lissé qui couvre toutes les parois, voûte comprise, de ce volume central, est aussi du XVIIIe siècle et masque peut-être d’anciennes baies condamnées dans les murs latéraux. Il est aujourd’hui dégradé et surchargé par les graffitis aléatoires mais littéraires de l’artiste niçois Ben.

Intérieur de la casemate du niveau 2 du bastion nord-est, vers la pointe.Intérieur de la casemate du niveau 2 du bastion nord-est, vers la pointe.Les voûtes des casemates internes des tours sont, au moins en partie (niveau 2) construites en briques, revêtues d’un enduit qui a été entièrement décapé dans l’une d’elles, refait à la chaux grise dans une autre.

Certaines de ces casemates conservent des traces de cloisonnements et d’aménagements rapportés au XVIIIe siècle, comme la cuisine à l’étage haut de la tour bastion nord-ouest.

Les canonnières percées dans les flancs des bastions, en forme de fenêtre carrée (avec grille de fer) à ébrasement extérieur couvert en arc surbaissé, sont encadrées en briques au second niveau, tout comme celles du parapet nord de la terrasse haute.

Cette terrasse cantonnée d’échauguettes offre des vues dégagées tant sur Nice et son château, que sur Villefranche.

Guérite ou échauguette du bastion sud-ouest vue de sa plate-forme.Guérite ou échauguette du bastion sud-ouest vue de sa plate-forme.Elle est pavée de briques posées de chant, excepté dans les parties de son sol qui étaient couvertes par des bâtiments aujourd’hui disparus, où l’on trouve un dallage en pierre, comme du côté nord, ou se trouvait la chapelle (traces du solin de son toit dans le parapet). Les cabinets de latrines en encorbellement annexés à ces bâtiments de la terrasse ont laissé au mieux des arrachements (près de l’échauguette du bastion nord-est) au pire des traces rebouchées dans le parapet (au flanc du bastion sud-ouest).

Les échauguettes sont couvertes d’une calotte ou coupole maçonnée directement revêtue de tuiles-écailles vernissées polychromes posées à bain de mortier. Le parement extérieur de ces échauguettes est revêtu d’un enduit avec décor de faux appareil incisé au fer.

1Mara de Candido, p. 26.2Mara de Candido, p. 33.3Mara de Candido, p. 35.4S.H.D, Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 45S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 56S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 87S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 128Mara de Candido, p. 36.9S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 1510S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 33 (2)11S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 2312S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 2, n° 3913S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 4, projets 1865-186614S.H.D., Nice, Article 8, section 1, carton 5, projets 1869-1870

Les travaux de construction du fort commencent en 1557, sur un projet de l'ingénieur Gian Maria Olgiati, auteur du premier projet de la citadelle de Villefranche-sur-Mer. Un changement de parti intervient en 1559, avec un deuxième projet du à l'ingénieur Francesco Paciotto. Mais ce projet s'avérant incompatible avec les constructions déjà réalisées, un troisième projet est dressé par Domenico Ponsello, ingénieur militaire et architecte du duc de Savoie Emmanuel-Philibert. Il est mis en oeuvre par l'entrepreneur Giaume delli Banchi. En 1561, le fort est achevé. Rapidement reconnu comme de trop petite capacité pour héberger le corps de troupes nécessaire, le fort fait l'objet d'un premier projet d'agrandissement par l'ingénieur militaire Carlo Morello. En 1691, tombé aux mains de la France après le siège de Nice par Catinat, le fort fait de nouveau l'objet de projets d'amélioration, d'abord par Antoine Niquet, puis par Vauban, sans qu'on sache quels travaux ont été mis en oeuvre avant 1696, date de sa restitution au duché de Savoie. En 1705, Nice est repris par la France, des travaux d'urgence sont réalisés au fort, la face ouest de l'enceinte extérieure est complétée pour former un circuit complet. Puis, en 1706, Niquet redépose un nouveau projet d'amélioration, toujours sans effet. Le 18e siècle ne voit que quelques travaux de détail. En 1793, on construit un retranchement au nord et au sud. En 1814, le fort est rangé au nombre des batteries de côte, sa valeur défensive est devenue presque nulle. Au début du 20e siècle, il est dans le même état qu'en 1793. Il est classé en 1909. Les bâtiments de superstructure qui avaient subsisté sont soufflés par une bombe en 1944, puis définitivement démolis lors de la campagne de restauration de 1948.

  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Protections
    classé MH, 1909/02/20, 1913/08/20, 1923/02/23
  • Précisions sur la protection

    L'enceinte du fort : classement par arrêté du 20 février 1909 - Les murs d'enceinte et fossés subsistants aux fronts nord, ouest et sud : classement par arrêté du 20 août 1913 - Une zone de 250 mètres (y compris le polygone exceptionnel) entourant le fort, telle qu'elle est délimitée par le liseré rose sur le plan annexé à l'arrêté : classement par arrêté du 23 février 1923

  • Référence MH

Documents d'archives

  • [Dossier relatif au fort du Mont-Alban]. 1692-1870. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Nice, Article 8, section 1, carton 1 (n° 4, 5), carton 2 (n° 39), carton 4 (projets 1865-1866), carton 5 (projets 1869-1870).

Bibliographie

  • CANDIDO, Mara de. La défense sur la Méditerranée de l’Etat de Savoie, les fortifications côtières du comté de Nice et le port de Villefranche-sur-Mer. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes. Paris : Association Vauban, 2004, p. 19-43.

  • GARIGLIO, Dario, MINOLA, Mauro. Le fortezze delle Alpi occidentali [Les forteresses des Alpes occidentales]. Cuneo : L'Arcière, 1995.

    vol. II, Dal Monginevro al Mare, p. 289-291
  • LETTRE, B. Le fort du Mont-Alban. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes. Paris : Association Vauban, 2004, p. 153-155.

Documents figurés

  • Saint Albans Skantz 12. / Dessin à la plume et lavis (?), sd [vers 1559, par Ponsello ?]. Archives militaires de Suède, Stockholm : plans de villes et forteresses étrangères, Italie, St Alban 0406:15:083;001.

  • [Plan de démolition du fort du Mont Saint-Alban]. / Dessin, 1692, par La Berrie. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Nice, Article 8, section 1, carton 1, n°8.

  • Fort de Montalban [plan]. / Dessin à la plume, 24 janvier 1695, par La Berrie officier du Génie. Service historique de la Défense, Vincennes : Nice, Article 8, section 1 : carton 1, n° 12.

  • [Plan du fort de Mont-Alban avec détail du 3e étage]. / Dessin encre, sans échelle, par Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence et de Languedoc, 4 octobre 1706. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Nice, Article 8, section 1, carton 1, n°15.

  • [Plan du fort de Mont-Alban, étages.]. / Dessin à la plume, 10 janvier 1793, par Cherrier (capitaine adjoint du Génie). Service historique de la Défense, Vincennes : Nice, Article 8, section 1 : carton 1, n° 33 (2).

  • [Plan du fort de Mont-Alban, rez-de-chaussée]. / Dessin à la plume, échelle en toises, par Cherrier, capitaine adjoint du Génie, 10 janvier 1793. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Nice, Article 8, section 1, carton 1, n°33 (1).

  • [Fort du Mont-Alban. Plan des retranchements de 1793.] / Dessin, 1793. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Nice, Article 8, section 1, carton 1, n° 23.

  • Plan du château de Montalban et de son enceinte extérieure. An VII. / Dessin encre, an VII [1798-1799], par JF Girard, capitaine du Génie. Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, Charenton-le-Pont : Archives des Monuments Historiques, planothèque/photothèque.

  • Département des Alpes-Maritimes. Fort de Mont Alban côté ouest [élévation en perspective et plan masse]. / Dessin, lavis, par Formigé, architecte en chef des Monuments Historiques, 1907. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Charenton-le-Pont : Archives des Monuments Historiques, planothèque/photothèque.

Date d'enquête 2006 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble